Les 9 tendances du marketing d’influence en 2024

Par Élodie C. le 26/02/2024

Temps de lecture : 20 min

Authenticité, créativité et relation durable.

Qu’il semble loin le temps où l’on se demandait si l’influence allait survivre à la pandémie. Non seulement il s’est renforcé, mais le secteur, aujourd’hui incontournable dans les stratégies de communication des marques, est – toujours – en pleine croissance : les dépenses média devraient approcher les 6 milliards de dollars en 2024 dans le monde (étude de Snapchat et MAGNA Media Trials).  

Face à tant d’évolution et d’enjeux, la France est devenu le premier pays européen à lui donner un cadre juridique. Une étape essentielle pour professionnaliser et responsabiliser ses acteurs, mais aussi rassurer l’industrie. L’influence marketing n’en est pas moins à un carrefour où se croisent autant de défis que d’opportunités : authenticité, pertinence, intelligence artificielle, créativité, confiance, efficacité et transparence.

Quelles tendances vont marquer l’année 2024 ? Un panel d’acteurs, agences, plateformes, régulateur, interprofession, font leurs prédictions.

1. Young adult

L’adoubement légal du secteur traduit une maturité acquise au fil des années, de l’adolescence excessive des débuts, le secteur de l’influence gagne en maturité, que ce soit les influenceurs et les annonceurs. Mais la réglementation est amenée à évoluer puisque le gouvernement a été contraint de revoir sa copie par l’Union européenne

ARPP et SCRP s’accordent à dire que la transparence sera nécessaire pour “éclairer les followers sur le type de contenu qu’ils suivent ou auquel ils sont exposés”. Le contenu natif et la collaboration commerciale doivent être parfaitement différenciés, pointe ainsi Stéphane Martin, directeur général de l’ARPP. Celui-ci note une très forte évolution avant/après la loi de 2023, qui devrait transparaitre dans le prochain Observatoire de l’influence responsable en septembre prochain. 

En attendant, la tendance est confirmée par Reech, membre de l’ARPP et fondateur de l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenus) : 75% des influenceurs connaissent l’existence de cette loi selon une étude maison. Mieux, “au lendemain de la loi, le hashtag collaboration commerciale avait explosé, rappelle Yannick Pons, creative & business development director de la plateforme. En scindant l’année en deux, entre le 1er janvier et le 8 juin, soit la veille de la loi, puis entre le 9 juin et le 31 décembre, on note 42 fois plus d’utilisation du hashtag collaboration commerciale après la loi.

L’influence semble donc se responsabiliser : à ce jour, 1 350 créateurs de contenu/influenceurs sont certifiés influence responsable par L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, et réunis dans des clubs de créateurs certifiés où ils peuvent échanger entre eux sur différents sujets. “Comme le dernier en date sur la santé mentale des créateurs de contenu ou le prochain qui portera sur la vigilance face à la contrefaçon et aux “dupes” (des produits très inspirés de produits existants, sans que ce soit une pure contrefaçon) promus sur les réseaux sociaux par exemple”, précise Stéphane Martin.

Toutefois, si la réglementation était nécessaire pour préserver la confiance et l’intégrité dans les relations entre marques, influenceurs et consommateurs, Pascale Azria, pilote de la commission Influence du SCRP et directrice générale associée de l’agence Kingcom, estime qu’il faudra également mener “un combat nécessaire contre la facilité de vouloir qualifier tous les contenus de publicitaires”. Elle rappelle les chiffres du dernier Observatoire de l’influence responsable publiés par l’ARPP : “94% des contenus des influenceurs ne sont pas publicitaires. Et ce sont bien ces contenus qui donnent une légitimité à un influenceur, qui définissent sa ligne éditoriale, ses sujets d’intérêt, qui engagent sa communauté… et qui lui permettent de bien vendre sa collaboration commerciale ! Ainsi, OUI à la transparence, NON à la qualification du tout publicitaire”.

Si la loi a connu une adhésion immédiate de la part des influenceurs, une partie d’entre eux questionnent l’impact de la loi sur leur travail : “47% des influenceurs considèrent que l’obligation de déclarer fiscalement les cadeaux reçus vont impacter fortement leur activité, notamment des influenceurs qui recevaient des cadeaux des marques pour des projets rémunérés. Presque un tiers des créateurs trouvent cette loi peu ou pas claire. L’avenir de cette loi, c’est la clarification nécessaire auprès des influenceurs”, ponctue Yannick Pons.

2. Élite

Pour Constance Godeau, directrice du pôle digital influence de Zmirov Communication, la loi du 9 juin 2023 accentuera la hiérarchisation des influenceurs déjà à l’œuvre :

– au sommet, “un nombre grandissant d’influenceurs « stars » qui comptent leur communauté en millions et sortent du schéma de l’influenceur traditionnel tel que l’on le sous-entend. Ils créent leur contenu en cherchant des financements ou en proposant des projets clefs en main aux marques”. Certains d’entre eux se voient ainsi “consacrés” par d’autres industries, la mode pour Lena Situation, ou Amazon Prime Video avec la diffusion du documentaire de Squeezie. “2024 sera pour eux une suite logique avec une montée de puissance et une multiplication des profils de ce type”.

–  l’entre deux se professionnalise de plus en plus : “La loi sur l’influence responsable les a fait trembler en 2023, en attente de clarifications en 2024 ils feront d’autant plus attention à être en conformité avec les grandes tendances de la loi : de la transparence, et la fin de l’ultra-abondance.” Elle relève ainsi un flight-shaming sur certains profils, “exit les AR à NY pour 36h pour le lancement d’une marque ou d’un produit”, et “une demande grandissante de cross-post et de droits de médiatisation sur les contenus créés en paid. C’est toute l’industrie qui prend la mesure de l’impact de ces profils et qui décide d’exploiter les contenus créés au maximum”, observe Constance Godeau.

– au pied de la pyramide, les micro/nano influenceurs sont “les grands perdants de la réforme actuelle de l’influence : le gifting ayant un statut plus qu’incertain avec l’obligation de déclarer les cadeaux reçus fiscalement, c’est un pan tout entier de l’écosystème qui ne pourra plus être activé comme il l’était auparavant”. Pour se démarquer, les micro-influenceurs devront s’appuyer sur leurs propres ressources pour créer du contenu original de bout en bout sans le soutien des marques qui fournissaient jusqu’ici produits ou expériences pour enrichir leur contenu, prédit-elle encore. Une autonomie essentielle pour captiver leur audience et, in fine, accroître leur communauté.

3. Brand yourself : des marques à part entière

Aujourd’hui, les marques ne cherchent plus seulement à s’acoquiner avec un.e créateur.rice de contenu qui pèse des milliers de followers, mais avec une marque à part entière, un média qui vit indépendamment des sollicitations qu’il/elle reçoit. “Ce que veulent les marques aujourd’hui, c’est avoir un impact culturel local fort, explique Evan Nataf, fondateur et directeur stratégie de l’agence Beastly qui commercialise notamment les activations des partenariats pour Hôtel Mahfouf ou le podcast de Léna Situations sur Spotify, Canapé 6 places. Et pour ça, elles se positionnent sur des opportunités culturelles, et les influenceurs étant eux-mêmes des créateurs, des entrepreneurs, des investisseurs et des médias, ils créent tout un écosystème de marques et d’œuvres qui deviennent autant d’opportunités pour les annonceurs.” 

Lire aussi : Ce qui se cache derrière l’appel à recrutement de Lena Situations pour Camaïeu

2024 devrait donc voir apparaitre des marques culturelles fortes qui auront une résonance au-delà des réseaux sociaux des influenceurs : des lieux et points de vente, des commerces – comme avec Natoo en début d’année qui a ouvert Mousse, un café-salon de coiffure à Paris, des marques, des commerces, des livres, des podcasts, des nouveaux formats, des émissions, des programmes, énumère Evan Nataf.  

Le futur de l’influence ressemblera à ça dans les deux prochaines années, parie-t-il. Lorsque l’on ouvre l’Hôtel Mafouf en décembre dernier, toutes les marques cherchent à se positionner sur l’événement. Des agences en appel d’offres nous contactent aussi dans cette optique-là. Les marques cherchent un moyen d’entrer en contact avec la Gen Z, être là où les conversations se passent. Plutôt que de créer les conversations ou d’attirer les communautés vers leur plateforme, elles doivent se positionner là où elles se divertissent.

4. Collaborations créatives

Comme le relevait Constance Godeau (Zmirov Communication), certaines notions, comme le gifting, restent floues, incitant influenceurs et annonceurs à peaufiner leur collaboration :  “La simple notion de placement de produit évolue et pose questions, y compris sur sa fiscalisation. Et les créateurs de contenu passent à une nouvelle étape dans leurs partenariats avec les marques, note également Stéphane Martin de l’ARPP. La confiance s’installe entre eux et mène à une co-élaboration, ce qui donne des créations de contenus plus fouillées, innovantes, avec des formats tout à fait différents. Toute la palette est utilisée puisque le socle déontologique est acquis. On observe ainsi un perfectionnement dans le contenu, notamment pour ceux qui ont fait l’effort de passer le certificat (d’influence responsable, NDLR), les marques et les agences sont de plus en plus demandeuses.

Ce qui fait dire à Myriam Cheikh, directrice générale de Little Stories (groupe Australie.GAD), l’influence créative sera la nouvelle donne de 2024 : “Oubliée l’époque des « hommes-sandwichs » numériques, les influenceurs de demain devront se démarquer par leur créativité, leur authenticité et leur engagement profond envers les marques qu’ils représentent”. En effet, à l’instar d’Adrien Corbeau, chef de groupe social media et influence et responsable Influence de l’agence Notchup, elle observe une certaine lassitude du public pour les placements produits “flagrants et artificiels”. 

Dans un paysage saturé d’influenceurs, la créativité devient un atout crucial pour se différencier. Les influenceurs qui sauront proposer des contenus originaux, surprenants et captivants attireront l’attention des audiences et gagneront leur confiance.

Créativité donc et affinité avec la marque et ses valeurs pour que la collaboration soit la plus naturelle possible : “L’idée n’est pas de dénaturer la création, mais de s’implémenter dedans, précise pour sa part Adrien Corbeau. En identifiant les bons insights, les bons enjeux pour le client et les axes créatifs pour les exploiter en influence”. C’est ce qui a donné la collaboration remarquée avec le duo Villebrequin : “Un concept réfléchi et pensé par ces influenceurs qui venait répondre à une problématique de la marque de Del Arte – la livraison auprès des jeunes.

5. L’authenticité

Dans la continuité de la tendance précédente qui voit le public plébisciter les contenus créatifs et se lasser des contenus purement commerciaux sans originalité, Myriam Cheikh mise sur l’authenticité. “Ce sera un élément clé. Les influenceurs qui se montrent transparents et sincères dans leurs communications créent un lien plus fort avec leurs abonnés, qui les perçoivent comme des personnes fiables et recommandables.

À cela, Sandrine Cormary, directrice générale d’Omnicom PR Group et présidente du SCRP, lui ajoute la diversité pour en faire le “tandem gagnant de 2024” : “72 % des Français considèrent qu’il est important, voire très important, que la publicité adopte une approche inclusive (Premier baromètre ‘Inclusion et Diversité’ réalisé par Kantar Insights et The Good Company – mars 2022), rappelle-t-elle en préambule. À l’heure où les citoyens-consommateurs accordent une importance croissante à une communication responsable et éthique, la diversité et l’inclusion devraient prendre encore plus d’ampleur cette année, notamment dans les stratégies d’influence des marques.” Afin de préserver une relation de confiance avec leurs parties prenantes, les marques doivent accentuer leur engagement RSE, nouer des collaborations avec des influenceurs qui incarnent cette diversité et fournir des preuves concrètes de leurs engagements inclusifs.

En matière de communication responsable, l’authenticité du contenu est primordiale, d’autant que plus de trois quarts des Français estiment que les marques ont perdu en authenticité, s’engageant sur ce sujet soit par opportunisme, soit pour simplement être politiquement correctes”, conclue Sandrine Cormary.

Même observation du côté de l’agence Marie-Antoinette qui voit le “marketing d’influence s’orienter vers plus de responsabilité, d’authenticité et d’adaptabilité face aux innovations technologiques et aux évolutions des plateformes”. “Les marques et les influenceurs devront travailler ensemble de manière transparente et alignée sur des valeurs communes pour engager efficacement leurs audiences, conseille Guénadi Hochart, expert influence et responsable du Lab’ Influence de Marie-Antoinette.

Dans une même démarche d’authenticité et d’éthique, certains créateurs de contenu changent de position : “Au lieu de ne montrer que les highlights de leur vie, ils se mettent un peu à nu en parlant de leurs traumatismes, des moments plus difficiles, observe Maud Lejeune, fondatrice et directrice générale d’Ad Crew. C’est une tendance majeure, dans le même mouvement de libération de la parole, que ce soit sur des sujets de santé mentale, familiaux, d’identité, etc.

Je crois dans le brand entertainment, dans une époque où les entreprises doivent défendre des valeurs, trouver le bon ton pour les soutenir, et le bon « véhicule ». Créer des vrais formats, portés par des talents sincères et crédibles, sera une tendance 2024, soutenue notamment par l’ambiance JO (excellence, partage, esprit d’équipe…), estime pour sa part Claire Dabrowski, directrice générale associée de Starting Blok (SBK). On sera plus à la recherche d’authenticité que de reach pur.

L’agence “de management de talents urbains” lancée en novembre dernier avec Booba et Anne Cibron, manageuse du rappeur, fait d’ailleurs de l’authenticité sa valeur ajoutée : Les influenceurs signés en exclusivité par Starting Blok sont “populaires, car ils partagent avec leurs publics des passions communes en s’ancrant dans le réel. Les marques, institutions et médias pourront nouer des partenariats avec nos talents afin de créer des conversations authentiques, notamment sur les réseaux sociaux, en adéquation avec les attentes empreintes d’exigence d’un public jeune adulte”, déclarait ainsi Claire Dabrowski dans le communiqué de presse.

De nouvelles plateformes se font le chantre de l’authenticité et permettent aux marques d’accroître leur notoriété, en particulier auprès des Millennials et de la Gen Z. “Cette même audience s’oriente également vers les diffusions en direct sur Twitch – future tendance majeure dans le marketing d’influence – offrant une manière plus naturelle et spontanée de communiquer, poursuit Guénadi Hochart. Cette diffusion se pose désormais en véritable concurrente de la télévision traditionnelle, notamment avec des concepts comme le Talk Show Popcorn (du créateur Domingo), la visite du Louvre d’Etoiles avec Léna Situations ou encore des lives IRL avec Papesan.

6. De nouveaux réseaux 

Les nouveaux modes de consommation vidéo, le désir d’authenticité et de contenus plus spontanés propulsent de nouveaux réseaux sociaux sur le devant de la scène. Plus encore aujourd’hui, maintenant que leur efficacité a été testée et approuvée.

Le réseau qui a – toujours plus – le vent en poupe ? “TikTok, plus que jamais TikTok”, clame Julie Lucas, head of influence de l’agence Monet (anciennement Monet + Associés) : “La cible est en train de vieillir, TikTok est de plus en plus activé sur toutes les campagnes. À une époque où il n’y avait que des ados et de jeunes adultes, les cibles dépassent de temps à autre les 25-34 ans. Auparavant, les investissements des annonceurs étaient à 80% sur Instagram et sur YouTube et 20%, voire  10% étaient conservés pour tester TikTok. Aujourd’hui, la tendance commence à s’inverser.”

Signe que le réseau s’impose comme un levier à part entière ? Certains annonceurs demandent à ne prendre la parole que sur la plateforme, “et on leur recommande, car ce sont des contenus très engageants, Le format court surperforme – 15-20 secondes, pas plus.” 

L’autre réseau qui s’impose, sans bruit, c’est Snapchat. Longtemps sous-estimé, c’est pourtant le réseau social le plus utilisé par la jeune génération (alors que Facebook est devenu celui des boomers) et “le moins exploité actuellement malgré ses formats super créatifs, et un nombre de créateurs conséquent s’adressant à une audience de plus de 20M d’utilisateurs quotidiens en France”, souligne Quentin Bordage, PDG et fondateur de Kolsquare.

Ce qui a longtemps freiné Snap dans la pénétration sur l’influence marketing, c’est l’absence d’accès aux datas. Mais depuis le lancement de son API, il est désormais possible d’identifier les Snap Stars adaptées à sa campagne, avec une approche rationnelle basée sur le contenu ou l’audience, au même titre qu’on le faisait jusqu’à présent sur Instagram ou TikTok. C’est une véritable révolution !” Et il se risque à prendre le pari que d’ici fin 2024 beaucoup plus de marques auront déployé leur stratégie d’influence sur Snapchat, au moins partiellement, et ce, avec succès.

La nouvelle étude de Snapchat et MAGNA Media Trials semble lui donner raison et valider les stratégies basées sur l’authenticité, plutôt que les likes : 

– 53% des utilisateurs déclarent utiliser la plateforme pour rester en contact avec les créateurs qui leur tiennent à cœur ;
– Après avoir visionné le contenu d’un créateur sur Snapchat, les utilisateurs le perçoivent comme authentique (67%) et le perçoivent comme un ami (45%) ;
– Le contenu est ainsi perçu comme authentique et digne de confiance, ce qui se traduit par des résultats positifs pour les marques figurant dans le contenu :

  • 48% des Snapchatters ont déclaré qu’ils seraient susceptibles d’effectuer des recherches sur un produit ;
  • 42% des Snapchatters ont déclaré qu’ils seraient susceptibles d’acheter un produit.

À côté de ces deux réseaux sociaux ultra-populaires, de nouveaux réseaux sociaux plus éthiques émergent, comme OKS, relève Maud Lejeune. Un réseau social sur abonnement, aux contenus exclusifs (une centaine de créateurs de contenu pour le moment comme le rappeur Koba LaD) diffusés auprès de la communauté des créateurs de contenus, donc plus proche de l’audience et sans haters. 

Le concept, c’est le réseau social qu’on voudrait que nos enfants utilisent”, résume Maud Lejeune. La plateforme est modérée dès l’inscription, les profils sont vérifiés et validés par les équipes. Chaque créateur présent sur la plateforme doit être affilié à l’une des associations “signées” par OKS et lui reverser 5% de son bénéfice mensuel.

Une étude pointait le vieillissement des donateurs dont l’âge est de 60 ans en moyenne. Les jeunes générations ne donnent pas, car la plupart n’ont pas de visibilité.

Aujourd’hui, on a besoin et envie de réseaux sociaux européens (dont soumis au droit européen), et plus encore Français, quand la majorité de ceux qu’on utilise sont Chinois et Américains. Cela pose une question de souveraineté, surtout quand on sait que l’algorithme de TikTok en Chine n’est pas du tout le même que celui en France ou ailleurs dans le monde. Ce contrôle sur l’algorithme, de recommandation notamment, sur la modération, est une nécessité et sera d’autant plus importants avec des réseaux sociaux locaux”, estime-t-elle.

7. UGC superstar

Le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content – UGC) joue un rôle crucial dans les stratégies marketing actuelles en raison de son authenticité et de sa capacité à créer un engagement durable. Il est souvent reçu comme plus authentique que le contenu de marque. L’enjeu réside dans la capacité des marques à encourager la création d’UGC authentique tout en maintenant une image de marque cohérente.

L’UGC est une pratique ultra-courante pour créer du contenu authentique à publier sur les réseaux des marques, il continuera de grandir permettant ainsi à de petits profils créatifs de se professionnaliser”, prédit Constance Godeau (Zmirov).

Et comme toute tendance, l’UGC évolue très fortement, relève Julie Lucas (Monet) qui compte au moins trois façons de s’adonner à l’UGC : 

– Par les influenceurs 
Cette pratique existe depuis longtemps – même si on ne la nommait pas encore ainsi – les influenceurs d’alors maîtrisaient parfaitement les codes de la vidéo, les codes des réseaux sociaux ou de la photo. Sur certaines stratégies sociales médias, on venait faire appel à des influenceurs en marque blanche, non pas pour leur audience ou leur communauté, mais parce qu’ils savaient manier les codes des plateformes.

– Par les créateurs de contenu
Ils ont bien compris qu’il fallait absolument sortir des collaborations pour pouvoir tout simplement rester authentique et crédible. Ils surfent donc sur les trends et testent un produit de leur propre initiative en choisissant de le mettre en avant. Cela a toujours existé, mais on le place désormais sous le nom UGC. N’importe qui, audience ou pas, peut émerger, notamment sur TikTok où certains créateurs de contenu avec 2-3 000 abonnés vont faire du simple au quadruple niveau audience avec une vidéo générée de manière naturelle, sur un sujet un peu tendance.

– Par les gens lambdas
La personne qui a un compte TikTok et veut montrer les bonnes affaires à faire chez Gifi, Normal ou Maxi Bazaar, comme on peut voir en ce moment sur les réseaux sociaux. Elle n’a pas forcément la casquette d’influenceur, mais elle peut générer du contenu de manière naturelle en mettant en avant une marque sans être rémunérée pour ça, juste parce que la marque a une petite hype à un instant T.” 

Cette dernière option fait dorénavant partie intégrante des stratégies d’influence de l’agence. “L’idée est de générer des “moldus” (ou des profanes pour les non familiers à la saga Harry Potter, NDLR) qui ont envie de créer du contenu pour nos clients. C’est clairement TikTok qui a drivé cette tendance : plus la vidéo est spontanée et naturelle, moins vous maîtrisez les effets un peu léchés et cadrés, plus ça fonctionne !”, affirme Julie Lucas.

8. L’intelligence artificielle  

Tendance de toutes les tendances, l’intelligence artificielle impacte logiquement le secteur de l’influence. Ces avancées sont telles, qu’en octobre dernier, nous nous demandions déjà si les influenceurs IA remplaceront bientôt les influenceurs mode. Mais cette question peut s’appliquer à de très nombreux domaines. De Lil Miquela, Kami à noonoouri (qui a signé chez Warner Music), les avatars virtuels existent depuis quelques années déjà, que ce soit au Japon et aux États-Unis. 

C’est un phénomène qui va se développer, car les gens auront la possibilité de construire leur avatar beaucoup plus facilement. D’autant que certaines personnes ne veulent pas se montrer”, relève Maud Lejeune (Ad Crew).

Dans une précédente interview, Stéphane Galienni, artiste numérique derrière l’Incognito influencer project et directeur associé de BLSTK voyait déjà une nouvelle génération d’avatar apparaitre interagissant “en temps réel, dans des events, du service client, de l’influenceur 3.0, ou même des clones de star qui feront du fan service”. 

D’autant qu’Alibaba a présenté un outil proposant d’associer des gestes corporels, comme danser, à une photo. “Demain, on peut très bien créer un influenceur virtuel qui sera répété d’un contenu à l’autre, comme un vrai personnage, avec une histoire, doué de parole grâce au text to speech, de mouvements… c’est peut-être ce qui manque encore aujourd’hui”, expliquait-il alors que l’influenceuse IA espagnole Aitana Lopez (créée par le dirigeant de l’agence The Clueless) faisait parler d’elle. “Elle n’a rien d’exceptionnel, elle fait du fitness et a de jolies formes, mais fait presque 300K de followers et les marques commencent à s’intéresser à elle à cause de son audience. Pour le storytelling des marques, c’est juste une super nouvelle idée de faire “vivre” un tel influenceur dans le temps, comme une personne lambda.

Pour Reech, l’IA pourrait permettre à certains créateurs de traduire leurs vidéos et briser les barrières de la langue afin d’atteindre un public international. Et ce, grâce à Aloud, un outil d’Area 120, l’incubateur interne de Google, auquel s’est associé YouTube. 

9. Les relations durables

Entre les influenceurs/créateurs de contenu et les marques, les coups d’un soir n’ont plus la cote. Les histoires s’écrivent sur la durée : “Les talents se voient confirmer dans des rôles d’ambassadeurs au lieu d’être utilisés pour une seule opération, vidéo ou campagne, explique Gregg Bywalski, directeur général de Webedia Creators. Les marques ont envie de s’engager plus longuement avec des talents qui portent et incarnent leurs propres valeurs. De l’autre côté, les talents souhaitent s’engager avec des marques véhiculant des messages à même d’être partagés auprès de leur communauté de façon parfaitement légitime.

Le meilleur exemple pour Gregg Bywalski, c’est le projet Everest réalisé avec Inoxtag sur lequel Webedia travaille depuis plusieurs mois. “Ces projets prennent énormément de temps, demandent beaucoup de préparation, mais les marques veulent y montent dès le départ (depuis le mois d’avril 2023 ici). En l’occurrence, des marques comme Nike ou AirUp qu’Inoxtag souhaite également porter dans cette aventure. Cet engagement bilatéral est vraiment amené à se développer, on le voit déjà dans nos projets. Un engagement sur une période donnée, ou dans la durée, qui fait qu’on parle plus d’ambassadora maintenant que d’incarnation événementielle.

Webedia préfère ainsi parler de créateurs de contenu plutôt que d’influenceurs. Des talents qui deviennent de véritables producteurs développant des concepts et des formats écrits tellement ambitieux qu’ils se rapprochent de la production audiovisuelle traditionnelle (les IP). “Les ambitions sont beaucoup plus importantes, les budgets de production aussi et les marques peuvent s’impliquer et se projeter dans un concept récurrent qui anime la communauté sur le long terme et non pas de manière événementielle en one shot. C’est Joyca par exemple avec l’IP Trouve le gâteau.

Une tendance également repérée chez Monet et Little Stories : “La recherche du volume à tout prix, c’est fini, la tendance est au less is more avec des profils plus qualitatifs, affirme Julie Lucas : “Les annonceurs sont aussi mieux formés et ont plus d’expérience et d’exigence, ils ne veulent pas simplement du placement de produits. Ça paraît tout bête, mais le métier est relativement récent, on a connu des phases très axées sur le volume et moins sur la qualité. Aujourd’hui, les marques optent pour des influenceurs avec plus d’épaisseur avec qui on peut travailler sur la durée. Les marques en sont généralement très satisfaites puisqu’il y a une présence à l’esprit qui peut générer du chiffre d’affaires.

Les annonceurs recherchent une connexion authentique avec les influenceurs et une réelle valeur ajoutée dans les contenus qu’ils diffusent. La collaboration étroite et durable entre les marques et les influenceurs devient alors essentielle pour créer des contenus engageants et pertinents qui correspondent à l’ADN de la marque tout en respectant l’identité de l’influenceur”, conclut Myriam Cheikh.

L’industrie du marketing d’influence a prouvé sa résilience et son expansion post-pandémie, et se trouve aujourd’hui à un tournant crucial, marqué par une croissance exponentielle et une législation en constante évolution. L’adoption d’un cadre juridique en France souligne l’importance de la transparence et de la responsabilité dans ce domaine, établissant ainsi un nouveau standard pour les collaborations entre marques et créateurs. Alors que le marché continue de mûrir, les acteurs du secteur sont confrontés à des défis tels que l’authenticité du contenu, l’impact environnemental et la nécessité d’adaptation aux innovations technologiques. Les tendances pour 2024 s’orientent vers des collaborations plus authentiques, des contenus responsables et une intégration plus poussée des valeurs sociétales, réaffirmant l’importance d’une communication engageante et sincère. La clé du succès réside dans la capacité des marques et des influenceurs à naviguer dans ce paysage en évolution, en privilégiant des partenariats durables et en valorisant l’éthique et la transparence au-delà de la simple promotion.

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