Une reprise disparate selon les médias concernés.
Sans surprise, 2020 s’annonce annus horribilis pour le marché de la communication avec des dépenses publicitaires en chute libre dans le sillage de la crise sanitaire. Au premier trimestre, le marché publicitaire français s’entamait de 12,6 % (avec 1,704 milliard d’euros de recettes), et la publicité en ligne, pourtant en croissance continue depuis de nombreuses années, affiche pour la première fois des résultats en baisse au premier semestre malgré une augmentation des usages observée lors du confinement.
Les autres pays subissent également les effets de la crise puisque les dépenses publicitaires mondiales devraient diminuer de 9,1 % en 2020, selon les Advertising Expenditure Forecasts* de Zenith publiées en début de semaine. Un chiffre à peine en deçà des 9,5 % de diminution des investissements publicitaires enregistrés pendant la récession de 2009.
2021 devrait toutefois renouer avec la croissance d’après Zenith, avec une reprise de 5,8 % stimulée par la reprogrammation des Jeux Olympiques d’été de Tokyo, au Japon (23 juillet-8 août 2021), et de l’UEFA Euro 2020 (du 11 juin au 11 juillet 2021).
Aux États-Unis, année électorale oblige, les investissements publicitaires ont résisté et n’enregistreront qu’une diminution de 7 %, idem en Asie Pacifique avec une baisse de 8 % contenue « grâce au succès de certains marchés qui ont réussi à garder le virus sous contrôle » pointe l’étude. Les annonceurs d’Europe occidentale ont quant à eux drastiquement réduit leurs dépenses au cours du deuxième trimestre, et la publicité devrait diminuer de 15 % dans cette région.
Le confinement a profondément et durablement transformé, si ce n’est renforcé, les habitudes d’achat des consommateurs. Ainsi, privés de sorties ou invités à limiter leurs déplacements, quand certains commerces n’étaient pas tout simplement fermés, les consommateurs se sont tournés vers les plateformes d’achats en ligne. Ce boom du e-commerce a « obligé les marques à accélérer leurs efforts de transformation numérique et à renforcer la nécessité de mettre en place une stratégie commerciale solide », analyse Zenith.
La croissance des usages numériques a consolidé l’importance des first party data (déjà mentionné dans les tendances de la communication digitale 2020) chez les marques, plaçant la mass personnalisation sur le devant de la scène. « La crise a également augmenté la valeur des first party data pour les marques, note l’étude. Les first party data donnent aux marques des indications précieuses sur le comportement de leurs clients et leur procurent un réel avantage concurrentiel. Elles permettront aux marques de mieux comprendre les changements de comportement et d’attitude des consommateurs au fur et à mesure de la crise et de déterminer les meilleurs moments d’investissements. »
Dans un monde sans cookies, post RGPD où les polémiques autour de la protection toute relative des données personnelles des internautes par les plateformes se multiplient, les « simples » data s’amenuisent en même temps que la data first party entame son règne. Ces données sont plus fiables et offrent une meilleure expérience des consommateurs.
La consommation des médias digitaux, ainsi que de la télévision, a atteint un pic dans les premières semaines de confinement. Les médias se sont mobilisés et ont adapté leur ligne éditoriale, aussi bien pour survivre à la crise sanitaire (et économique à venir) qu’apporter informations et distractions au monde des confinés, notamment en proposant certains de leurs contenus gratuitement.
Depuis, la télévision a « fortement baissé, mais continue d’être supérieure au niveau d’avant crise, souligne Zenith. L’essor du e-commerce et de l’exploitation des données a entraîné un glissement rapide des budgets des médias traditionnels vers les médias digitaux, accélérant ainsi la tendance qui se dessinait déjà. » En France, le digital booste déjà régulièrement le marché digital quand il ne ralentit pas sa chute (source BUMP)
La publicité digitale devrait représenter 51 % des dépenses publicitaires mondiales cette année, contre 49,5 % en décembre prévoit Zenith. « Les budgets publicitaires digitaux ont été rapidement réduits dans la première phase de la crise, du fait de l’absence de pénalité en cas de coupe. » Les régies membres du SNPTV ont ainsi décidé d’assouplir les règles d’annulation et de reports des campagnes. Un accord global entre toutes les régies a été conclu à cette fin, un ajout de période d’ouverture de planning a notamment été mis en place.
« Passé cette première période, les marques ont réinvesti sur les supports digitaux afin de profiter de leur flexibilité et de leur capacité à optimiser les performances, qualités particulièrement importantes en cette période d’incertitude, pointe l’étude. Selon les prévisions, la publicité numérique ne devrait diminuer que de 2 % sur l’ensemble de l’année 2020. » Toutefois, Zenith ne prévoit pas que cette part revienne aux médias traditionnels lorsque la crise s’atténuera, puisque la part de marché de la publicité digitale devrait atteindre 54,6 % en 2022.
Du côté des médias traditionnels, la reprise ne sera pas la même pour tout le monde : si la télévision et la radio ont le moins souffert, et devraient terminer l’année à peine en dessous du marché, avec des baisses respectives de 11 % et 12 %, « la crise a intensifié le déclin à long terme du print, avec une prévision d’investissements publicitaires dans la presse quotidienne et dans la presse magazine en baisse respectivement de 21 % et 20 % au niveau mondial**. » Ce ralentissement devrait se poursuivre en 2021 au niveau mondial. Reprise minime du côté de la télévision et la radio, avec une croissance prévue de respectivement 2 % et 1 % pour 2021.
Privés de « spectateurs », le cinéma et l’OOH ont logiquement le plus souffert du confinement. Selon les prévisions, l’OOH devrait diminuer de 25 % en 2020 et le cinéma de 51 %. « La croissance de l’OOH et du cinéma sera plus forte, car elle compensera en grande partie les importantes baisses de cette année : Zenith prévoit une croissance de 16 % pour l’affichage et de 65 % pour le cinéma ». Il faudra néanmoins attendre 2022 pour retrouver les niveaux d’investissements de 2019 prévient Zenith. Ce qui est logique puisque la chute de 2020 (-9,5 %) est nettement plus forte que la reprise attendue en 2021 (+5,8 %).
« La crise du coronavirus a forcé les marques à digitaliser leur communication et a rendu la transformation numérique des entreprises plus indispensable que jamais, estime Jonathan Barnard, responsable des prévisions chez Zenith. Cette année sera la première où la publicité numérique concentrera plus de la moitié des investissements publicitaires mondiaux, une étape que nous avions initialement prévue pour 2021 ».
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* Prévisions de dépenses publicitaires en VF.
** Les investissements digitaux dans les marques presse ne sont pas dans ce périmètre.