Après avoir soufflé un peu puis repris nos occupations parisiennes, revenons sur la belle semaine de juin que nous avons passée aux Cannes Lions 2012. Voici quelques observations et pensées que nous voulions partager avec vous depuis la fin de cette fête internationale de la créativité.
Quoi de neuf Cannes ?
Cette année a vu apparaître deux nouvelles catégories : Branded Content & Entertainment et Mobile.
La catégorie Branded Content & Entertainment récompensait les actions marketing engageant le consommateur grâce à un contenu s’affranchissant des formats publicitaires habituels (spot TV de 30 sec, affiches, achat média prépondérant). Du brand content, en somme. Quant à la catégorie mobile, elle célébrait les dispositifs… mobiles… enfin affranchis de la catégorie Cyber.
Ces nouveautés et l’air du temps questionnent la pertinence d’autres catégories. Par exemple, la catégorie Press récompense les prints. La catégorie Outdoor récompenses aussi bien les actions de street marketing que des prints. un Grand Prix Outdoor Print qui aurait très bien pu se retrouver avec les créations de la catégorie Press. Les campagnes prints sont souvent les mêmes, que le support soit un magazine ou une affiche d’un abribus.
Les tendances
Au-delà du message publicitaire et de l’impact sur le public, les jurys ont décerné la plupart des Grands Prix à des créations parvenant à dépasser leur support :
- Grand Prix Titanium et Cyber pour le Nike+ Fuelband
- Grand Prix Outdoor pour la voiture invisible de Mercedes-Benz
- Grand Prix Radio pour l’émission anti-moustique
- Grand Prix Design pour le rapport annuel solaire
- Grand Prix Direct et Promo & Activation pour American Express
- Grand Prix Cyber pour Curators of Sweden
- À noter également un Lion d’or remarqué en Promo & Activation pour les recettes sur ticket de caisse de Hellmann’s
Sans oublier le Grand Prix Mobile remporté par [tag]Google[/tag] pour [tag]Coca-Cola[/tag] dans le cadre du projet Re: Brief. Une création multi-canal permettant d’appliquer au pied de la lettre le slogan de Coca-Cola : offrir du bonheur, à n’importe qui et à travers le monde.
Ce qui nous amène à une autre tendance, a priori opposée. Le retour à plus de simplicité, plus de naturel. À une époque où l’humain semble retourner vers la Terre – et vers une prise en compte globale de l’humanité, la publicité en fait autant. La campagne Chipotle – Back to the start en est le parfait exemple ayant obtenu à la surprise générale le Grand Prix Film et le Grand Prix Branded Content.
En définitive, les décisions des jurys reflètent un tiraillement tout à fait contemporain. Utiliser la technologie et la créativité pour renverser l’ordre établi (ici les standards publicitaires), tout en revenant à un mode de pensée plus global et plus respectueux de l’Homme et de la planète.
À noter que l’on ne retrouve quasiment aucun concours primé à Cannes. Ce qui tranche avec le réflexe quelque peu basique de nombre d’annonceurs français, en quête de résultats chiffrés… et de fans. Exception notable : le très beau The Beauty of a Second de Mont-Blanc qui fut primé en Branded Content, Direct, Cyber et PR.
Une année ni bonne ni mauvaise pour les agences françaises
Proposer ses œuvres aux Cannes Lions représente un investissement non négligeable pour les agences : chaque soumission d’une même création dans des catégories différentes est payante. Mais un Lion garantit de la notoriété, des parutions et de la reconnaissance. Voilà ce qu’espèrent les agences (et parfois les annonceurs) en partant à la chasse aux Lions. Chacun jouant ainsi pour son propre compte.
Ce qui n’empêche pas à la presse de couvrir les Lions à la manière des Jeux Olympiques : on y compte pour chaque pays l’Or, l’Argent, le Bronze et les Grands Prix obtenus.
Sur place, cette approche nous a amusés, car elle était éloignée de notre préoccupation : découvrir d’excellentes créations (nous avons été servis). Notre sourire s’est estompé quand il se murmurait que le bilan français était catastrophique. Pas d’investissement de la part des agences. Frilosité créative de la part des annonceurs. La crise allait nous engluer pour de bon. Les Asiatiques ou Sud Américains se tenant prêts pour ne faire qu’une bouchée des créations françaises. Façon bibimbap ou asado.
Regardons les chiffres de plus près, et notamment le nombre de Lions obtenus par des agences françaises :
Vous avez peut être vu sur d’autres sites que « la France » avait remporté moins de 45 Lions cette année (soit le nombre que nous avons retenu). Pas de panique, on vous explique. Nous avons compté un prix par œuvre gagnante, même si celle-ci faisait partie d’une campagne. Par exemple, la campagne « Ray-Ban Legends Collection » par [tag]Marcel[/tag] comporte 7 prints. Ces 7 prints ont été soumis dans trois sous-catégories de la catégorie Press. Trois de ces prints ont remporté chacun un Lion d’Or dans une sous-catégorie. Ces 3 mêmes prints (plus un autre) ont remporté chacun un Lion d’Or. Le compte est bon. Lorsque certains de nos confrères comptent compte un ou deux prix (soit un unique pour la campagne, ou un pour chaque sous catégorie), nous en comptons 7. Ce qui peut expliquer les écarts.
Mais s’il y a plus de prix cette année pour les agences françaises, c’est peut-être parce qu’elles ont proposés plus d’œuvres publicitaires ? Et bien non.
On pourrait s’inquiéter que le nombre de créations proposées ait nettement baissé malgré l’apparition de 2 nouvelles catégories cette année. À confirmer en 2013.
Voyons maintenant le taux de réussite des œuvres françaises parmi toutes celles qui ont été proposées de 2008 à 2012 :
Soit un taux de réussite légèrement au dessus de la moyenne de ces 5 dernières années. Ce qui place la France dans le top 5 en terme d’efficacité, en compagnie du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Etats-Unis (grand gagnant au nombre total) et du Brésil. À voir bien entendu si la France n’obtenait pas davantage de prix il y a 10 ans voire avant…
Le bilan statistique est donc loin d’être catastrophique pour les agences françaises. En revanche, il est vrai que l’on a peu parlé de créations françaises lors du festival. L’unique Grand Prix français a été obtenu dans la catégorie Film Kraft, récompensant la qualité technique de l’ours de Canal+ et non son idée créative. Malgré tout le bien que l’on peut penser de cette publicité conçue par [tag]BETC Paris[/tag].
Plus préoccupant, les œuvres françaises ont très peu été honorées dans les catégories récompensant la créativité et l’engagement. Aucun Lion en Titanium & Integrated (les dispositifs les plus innovants) et en Mobile. Une quasi absence en Promo & Activation (hormis Ford Pinball), Direct (Mini Maps) et en Cyber (Tippexerience 2 et Aides Sexy Fingers). Le mal français est probablement là.
Le grand gagnant est…
Avec 41 Lions – dont 2 Grands Prix – [tag]Google[/tag] est pour nous le grand gagnant de cette année. Le géant de Mountain View a été récompensé dans 12 catégories sur 15, en proposant une diversité impressionnante de créations.
On retiendra le passionnant projet « Re: Brief », All Is Not Lost avec OK Go, le très beau Memories of the future offert à un Japon post-tsunami, l’imparable Dear Sophie, ou l’engagé It Gets Better.
Etonnant pour un annonceur qui communiquait très peu avant les campagnes visant à populariser Chrome courant 2009. Un géant qui a longtemps déprimé le monde publicitaire avec Adwords, sa principale source de revenus : absence de création graphique, contraintes de texte fortes et l’impossibilité de créer le désir en amont. Adwords ne permet en effet d’annoncer que si l’internaute a communiqué ce qu’il souhaite déjà. Et ce n’est peut-être pas votre produit.
Conquête du grand public grâce aux possibilités d’expression offertes par Chrome et les services Google, et séduction du milieu publicitaire avec Project Re: Brief, voilà les intentions publicitaires de Google primées à Cannes pour leur créativité.