Les 6 tendances de la création publicitaire en 2023

Par Élodie C. le 26/01/2023

Temps de lecture : 21 min

ChatGPT a failli à l'exercice.

Si l’on peut être sûr d’une chose dans la mode comme dans la publicité, c’est que rien ne dure et que tout est un éternel recommencement. Alors que les NFT et le metaverse étaient tout juste appréhendés, si ce n’est compris, voilà qu’une nouvelle révolution technologique emportait tout sur son passage… les intelligences artificielles. On se croirait revenu 10 ans en arrière et pourtant, leurs dernières avancées sont bluffantes et rebattent les cartes de la créativité. 

Au même titre que la pandémie en 2020, le contexte économique, climatique et géopolitique aura un impact sur nos vies et donc sur la communication des marques. 2023 s’avère bien incertaine, mais comme chaque année, directeurs.trices artistiques, planneurs strat et directrices et directeurs de (la) création jouent le jeu des prédictions pour déterminer les tendances de la création publicitaire en 2023.

1. Intelligences artificielles, le soulèvement des chatbots

Autant arracher le sparadrap rapidement plutôt que faire durer un suspense qui n’en est pas vraiment un. À l’instar du web3 l’année dernière avec le tsunami NFT et l’effervescence généré par le metaverse, le monde publicitaire s’enthousiasme aujourd’hui – autant qu’il s’inquiète – pour les intelligences artificielles, de ChatGPT, à Midjourney en passant par DALL-E, VALL-E et Stable Diffusion (Lensa). Il y a un an à peine, qui aurait pu parier qu’un chatbot allait devenir la tendance du moment, reléguant le metaverse et le web3 aux allées désespérément vides d’Horizon Worlds de Meta

Tout commence par une actualité qui aurait pu rester dans la rubrique insolite. À la toute fin de l’été, une intelligence artificielle défraye la chronique après avoir remporté un concours d’art. Le tableau, “Théâtre d’opéra spatial” a été réalisé par Jason M. Allen avec l’aide de Midjourney dans la catégorie art numérique. Une victoire qui n’est pas s’en rappeler, celle, aux enchères cette fois-ci, de Beeple avec son collage virtuel « Everyday : the First 5 000 days », vendu 69,3 millions de dollars et qui propulsa les NFT sur le devant de la scène mondiale.

Les créatifs et artistes numériques n’avaient pas encore fini de débattre sur les conséquences d’une telle victoire que Dall-E faisait parler d’elle, avant que ChatGPT ne vienne “souffler” l’industrie par sa puissance, se remémore Fabienne Fiorucci, nouvelle directrice de la création de Artefact 3000 (depuis juin dernier). Un souffle tellement puissant “que certains se demandaient même si notre job était en danger.” Non, tranche-t-elle, “cela va apporter de nouvelles perspectives c’est sûr, et nous pousser à être encore plus créatifs certainement. Car comme le disait Anselmo Ramos, fondateur et creative chairman à GUT, ChatGPT va être fort sur un truc : donner encore plus de valeurs aux très bons créatifs.

Pour Arnaud Le Bacquer, co-fondateur en charge de la création chez Glory Paris, l’IA permettra à l’industrie d’améliorer le ciblage et les campagnes publicitaires. “Elle permet d’anticiper le futur et les tendances.” Autre avantage et non des moindres : elle surprend par ses réponses, “ce que la publicité fait de moins en moins.” 

Justement, de l’imagination Tristan Daltroff et Louis Audard, directeurs de création chez Buzzman en ont. Plutôt, ils font appel à la vôtre : “Imaginez : avril 2023, Nike sort une nouvelle campagne d’affichage. Une série d’illustrations montrant Mbappé, Lebron James ou encore Nadal dans le corps d’animaux sauvages en pleine action. Tous portent évidemment des paires de Nike aux pieds. Le tout est flanqué de la tagline « Unleash the savage » juste à côté du petit swoosh. Les images sont saisissantes, ultra-détaillées, empruntant différentes techniques de dessins, d’illustrations, de 3D. On a l’impression que les auteurs de ces images ont passé des semaines à les peaufiner. Pas du tout. Elles ont été créées en 45 secondes par un bot sur Midjourney. 45 secondes, c’est moins de temps qu’il en a fallu au créatif de l’agence pour entrer les mots clés ayant permis à l’Intelligence Artificielle de générer ces visuels.” 

À (re)voir : Replay Masterclass / IA et Brand Content : l’heure du grand reset ?

Si la campagne est chimérique, les possibilités sont bien réelles : “C’est à la fois fascinant et angoissant”, concède les créatifs. “L’I.A est là. De plus en plus. Dans notre quotidien. Dans les objets de la maison, dans le cinéma, dans les transports, dans les services, partout… et donc forcément dans la publicité.” Il fait ainsi peu de doute que le secteur va en faire usage dans les mois et années à venir à mesure que la technologie va être peaufinée et nourrie. Les possibilités sont infinies et plusieurs marques en ont déjà fait usage. Tristan Daltroff et Louis Audard rappellent d’ailleurs que “Burger King se moquait déjà, non sans une certaine autodérision, du recours à l’I.A dans la publicité”. C’était en 2018 par l’agence David Miami.

On voit ici les limites de l’exercice mais ces limites sont très vite dépassées. L’enjeu pour les marques est de jouer avec juste ce qu’il faut de l’aide de l’I.A. D’en avoir recours quand c’est nécessaire, à la fois pour rester frais et à niveau, mais aussi pour se protéger et protéger les consommateurs. Les gens doivent pouvoir se dire, tiens cette campagne a été faite par une I.A. ou ce discours d’Obama est un deepfake fait par une I.A. Et si ce n’est plus le cas, (ce qui arrivera certainement) ça risque de devenir problématique.”

Alors pourquoi ne pas imaginer, à l’instar de ce qui se fait déjà sur les publicités de la presse magazine par exemple pour les photos retouchées, une mention obligatoire sur les contenus annonçant : contenu réalisé avec une IA. Si des outils existent déjà pour reconnaître des textes et vidéos conçus avec une intelligence artificielle, aucune loi n’impose la transparence de la part de leur créateur. Pour Philippe Boucheron, directeur général associé en charge de la création chez Australie.GAD, c’est un “vrai sujet de société” plus qu’une tendance, qui donnera peut-être des plus values à l’individu.

Un avis partagé par Céline Mornet-Landa, co-directrice de la création au sein de l’agence Sid Lee. “Tout le monde parle de Midjourney et autres, entre fascination et appréhension”, observe-t-elle. Pourtant, “une IA capable de créer un visuel sur mesure en quelques secondes, brief compris, est une super nouvelle pour tous ceux qui n’arrivent pas à se projeter, mais c’est aussi un concurrent imbattable pour une roughman ou un illustrateur.” De même pour les métiers de l’écrit puisque “des IA sont toutes proches d’être capables d’écrire des textes comme des scripts et des chansons”. Nick Cave tente encore de s’en remettre – “C’est de la m**** !” – quant à Michel Sardou il n’est pas convaincu, ChatGPT n’est même pas fichu de faire des rimes.

Pour Céline Mornet-Landa, il va donc y avoir naturellement 2 enjeux majeurs face à cette tendance : 
– faire en sorte qu’elle nous rende meilleur ;
– faire en sorte qu’elle ne soit pas meilleure que nous.

L’arme n°1 pour les créatifs sera la créativité et plus que jamais l’originalité. Car le seul moyen d’être sûr de dépasser une IA, c’est d’imaginer quelque chose qui n’existe dans aucune base de données.” Elémentaire.

La Réclame n’a évidemment pas résisté à la tentation de demander à ChatGPT (Open AI) quelles seraient, selon elle, les tendances de la création publicitaire. Bon, il y a de l’idée, mais plutôt celles de 2020, voire 2021. Même joueur joue encore.

2. Utilité et responsabilité des marques

Comme l’année dernière, les tendances ne peuvent faire abstraction du réel. Le contexte impacte logiquement la communication des marques.

D’année en année, les études le confirment, avec le pouvoir d’achat, les enjeux environnementaux font partie des principales préoccupations des Français. 65,5% d’entre eux se disent préoccupés par le changement climatique, et l’inquiétude grandit d’autant plus chez les 18-24 ans (source TGI Kantar media), rappelle Fabienne Fiorucci (Artefact 3000).

Lire : Interdire certaines publicités pour mieux consommer ? Les Français sont pour !

Dans ce contexte, les marques ont un rôle à jouer, les agences ont un rôle à jouer… et donc les créatifs et la création ont un rôle à jouer. Il faudra développer encore plus d’idées conscientes qui résonnent avec cette problématique, pour aider les marques en communication dans leur transition.

Un avis partagé par un grand nombre de créatifs puisque avec la crise énergétique, l’inflation et le contexte géopolitique, 2023 risque d’être marquée par les questions de sobriété, estime Alexandre Drouillard, executive creative director de l’agence .Becoming. L’utilité créative devrait donc être une tendance forte cette année : “En d’autres termes, l’idée est d’imaginer des actes créatifs qui rendent un service aux consommateurs pour leur permettre d’être plus sobres, plus économes, plus responsables. Et avec les consommateurs, toutes les parties prenantes d’une marque : collaborateurs, fournisseurs, partenaires, actionnaires…” 

Améliorer l’utilité des marques est aujourd’hui crucial selon lui. “Un exemple parfait serait d’inventer le packaging de demain pour limiter au maximum le gaspillage alimentaire. Comment ? En concevant un packaging d’une résistance inédite pour acheminer le produit jusqu’en magasin en limitant la casse, qui permet de consommer facilement le produit jusqu’à la dernière goutte, qui permet de garder le produit encore plus frais encore plus longtemps, un packaging augmenté qui offre au consommateur la possibilité de s’éduquer aux bons comportements…

En termes de sensibilisation, la publicité à son rôle à jouer, surtout quand elle est là où on ne l’attend pas. Arnaud Le Bacquer (Glory Paris) se souvient de la “merveilleuse” campagne de Greenpeace dans GTA San Andreas qui voyait une réplique de Los Angeles avec une augmentation de température +3°C : maisons et routes recouvertes par la mer, épuisement des réserves en eau, extinction des écosystèmes, réfugiés climatiques, smog… “La nouvelle génération est touchée là où elle est, dans un monde qu’elle connaît. Aujourd’hui, pour se démarquer, il faut être là où la publicité n’a pas l’habitude d’être.

Arnaud Le Bacquer (Glory Paris) estime ainsi que la communication peut servir “de guide et d‘exemple sur les comportements”. Les soldes ou les Black Friday n’incitent plus autant à la consommation qu’avant, les gens ne se sentent plus concernés par ces communications de masse. “La publicité va devoir inventer des moments de consommations et de promotions indépendants afin de toucher une cible plus précise et privilégiée.

Le responsabilité des marques occupe ainsi une place centrale pour Philippe Boucheron (Australie.GAD). Et quand bien même il peut être risqué pour une marque de s’aventurer sur les sujets sociétaux, “les publics grandissent avec une plus grande compréhension des questions comme l’identité et l’environnement. Les marques peuvent se démarquer et renforcer leur image de marque en exprimant des points de vue avec lesquels les clients sont d’accord. Ce que fait très bien Patagonia, référence en la matière avec ses actions et campagnes.

C’est aussi Burger King, avec “Commandez chez McDo” pendant la pandémie, une manière de montrer que “les marques pouvaient obtenir des félicitations et le respect de la part de leurs clients en agissant de manière émotionnellement intelligente.” Ou encore cette marque qui, lors du Black Friday aux Etats-Unis, incitait ses clients à aller se promener plutôt que de faire du shopping le lendemain de Thanksgiving. Mais aussi Bristish Airways avec la campagne “A british original”, soit 500 prints et 32 courts-métrages comme autant de raisons uniques et personnelles de quitter la Grande Bretagne, ou celle incitant à prendre ses vacances sérieusement et donc à ne pas répondre à ses mails professionnels.

Ici il n’est pas question de vous dicter ce que vous devriez acheter,mais de vous accompagner dans votre vie de tous les jours, explique Philippe Boucheron. C’est une vraie tendance. Il faut toutefois faire très attention à ne pas tomber dans le tout RSE et le greenwashing. C’est passionnant pour les créatifs et les marques car cela demande d’interagir avec la société.

Pour le DGA d’Australie.GAD, à l’instar de la pandémie, ce moment critique d’augmentation du coût de la vie est “un autre exemple d’événement mondial où les marques peuvent montrer quelles sont leurs priorités et comment elles peuvent faire partie de la solution et donc de la vie de leurs clients. Peut-être même en devançant ce que veulent faire les gouvernements.” La publicité ne doit pas être moraliste et donneuse de leçons, mais accompagner les marques pour s’inscrire au cœur des réalités des gens avec un discours sincère, voire humoristique. “C’est l’enjeu de la communication dans les 5 prochaines années”, parie Philippe Boucheron.

Étienne Renaux, co-directeur de la création de l’agence Herezie, poursuit sur le même tempo : pour accompagner les marques à aider les communautés là où les institutions ne peuvent pas – en raison d’un manque de ressources et de priorités, “les agences vont devoir créer des actes de communication communiants qui concourent à résoudre des problèmes du monde réel tout en générant de la notoriété et de la préférence.

Que ce soit des campagnes de recrutement dans des secteurs qui ne parviennent plus à recruter, ou des engagements et solutions concrètes répondant aux problèmes d’inflation, d’inclusion ou d’écologie, donne-t-il en exemple. “Ce type de problématique à résoudre deviendra de plus en plus répandu car les jeunes générations attendent un certain niveau de responsabilité de la part des marques.” Du côté des créatifs, c’est l’occasion d’accompagner les marques en produisant des campagnes “nerveuses” en réponse directe aux événements ou alors plus longues-termistes qui porteront leur fruit dans 1 an peut-être. “Cela implique encore plus de résilience et d’audace de la part des créatifs, ces derniers devant convaincre les clients de l’utilité de ces campagnes tout en suscitant la curiosité et la capacité d’agir malgré la peur.

De telles campagnes ont déjà vu le jour, elles sont “humaines et d’une justesse absolue” pour Étienne Renaux, comme celle de British Airways que nous évoquions précédemment, mais aussi :  

– Heetch x Twitch par We Are Social

– DDB Paris x Volkswagen “Inside Job”

Cannes Lions a créé la catégorie creative B2B, ce qui permet aussi de montrer aux jeunes créatifs que les briefs B2B ne sont pas que boring, que de très bonnes idées peuvent sortir de ce genre de brief. Par exemple en ce moment on note l’augmentation du nombre de briefs recrutement et des agences ont déjà su sortir leur épingle du jeu, comme cette campagne que j’ai eu le plaisir de juger à Eurobest.” 

– Sherwin Williams

Le B2B c’est aussi de l’innovation servicielle. Cette marque de peinture professionnel utilise avec une extrême justesse l’IA pour promouvoir ses couleurs.

Chez The Good Company, les actions parlent mieux que les longs discours : « Nous avons tous vu ces deux adolescentes en qui ont répandu de la soupe sur les tournesols de Van Gogh. Au-delà de sa responsabilité discutable, l’impact de ce “coup” devrait nous inspirer. Les marques aussi sont souvent mieux entendues quand elles communiquent par leurs actions concrètes plutôt que par leurs discours. Baissons nos émissions de CO2 et affichons le chiffre, ça vaudra toutes les accroches du monde, toutes les promesses de
marque
« , estime Philippe Pioli-Lesesvre, directeur de création de l’agence/

Il poursuit : « ‘Faire’ c’est plus fort que ‘dire’. Cette année, deux PDG nous l’ont prouvé. Yvon Chouinard qui a fait de la terre, le seul actionnaire de son entreprise, et Pascal Demurger qui a récemment annoncé consacrer 10% des bénéfices de la MAIF à la planète.« 

Du côté de Babel, cette tendance porte un nom, le “comcooning”. Comme nous l’explique Jean-Laurent Py, creative director de l’agence “2022 était dur. 2023 s’annonce pire. L’inflation générale, le coût de l’énergie, et le spectre du retour de la récession, ont/auront un impact très concret et immédiat dans la vie des gens. Les marques doivent se questionner sur leur rôle et sur ce qu’elles peuvent apporter aux consommateurs, comme aux citoyens, de façon toute aussi concrète et rapide.” Les discours “green” par exemple (“dont la réalité est parfois critiquable et critiquée, trop floue, trop faible, trop lente ou trop distante”), et tout ce qui est trop loin du quotidien, sont priés d’être mis de côté sauf à faire face à un trop-plein, voire un rejet. 

Il ne faut toutefois pas arrêter de faire pour autant (“surtout pas”) nuance-t-il, “mais arrêter de dire. Être moins sur l’humanité, et plus sur l’humain finalement.

Pour cela, les marques sont appelées à l’action à travers :  
– leurs produits : USP – unique selling proposition, baisse des prix, etc. ; 
– l’entreprise : protection des salariés, partenaires, fournisseurs, etc. ;
– la façon de le communiquer  : “créer une expérience positive : un truc utile, qui fait rire, un truc beau ou spectaculaire, pour que chaque seconde ‘prise’ au consommateur lui apporte quelque chose de direct, de concret. Faire du bien et donner du réconfort, quoi, tout simplement.”

D’autant que, comme le soulignent Tristan Daltroff et Louis Audard (Buzzman), il ne faut pas sous-estimer l’intelligence des consommateurs : “Les gens sont de plus en plus éduqués aux rhétoriques publicitaires et c’est une bonne chose. Cela incite les marques à se remettre en question, à ajuster leur discours et chercher les bons « insights » pour parler aux consommateurs. La publicité ne peut plus embellir ou mentir joliment sur un service, un produit. Le Greenwashing ça ne marche plus, surtout aujourd’hui. Et cette tendance à la publicité plus engagée, plus juste, portée sur de vraies valeurs RSE, on la doit peut-être à l’intelligence des consommateurs.” Comme le soulignait également Solène Madec, CEO et co-fondatrice de l’agence Belle dans notre dernière interview pour Moteurs de changement.

Les consommateurs exigent désormais des marques qu’ils aiment qu’elles les respectent et embrassent leurs valeurs, insistent les deux créatifs. “Les marques agissent et le font savoir en les mettant à l’honneur.Back Market valorise ainsi le reconditionné sans en faire un choix par défaut, notamment à travers ses récentes prises de paroles créatives. La marque  à forger les imaginaires en montrant le plus de sa proposition de valeur. Burger King de son côté se moque de son propre service et met à l’honneur les commentaires de consommateurs mécontents pour créer une campagne de recrutement avec autodérision. 

C’est risqué mais efficace. Et ça plaît aux gens, parce que les gens sont intelligents et que les marques les respectent. La publicité ne peut plus prendre les gens pour des c*** à moins d’inventer « l’in-intelligence artificielle. » 

3. La sobriété

Comme en 2021, après une année pandémique, la crise économique et énergétique actuelle pousse le secteur à s’adapter. Le gouvernement en a d’ores et déjà déjà dévoilé un plan de sobriété énergétique visant à une réduction de 10 % de la consommation d’énergie d’ici 2024. 2023 devrait donc logiquement être marquée par les questions de sobriété : “On va devoir éco-concevoir des campagnes où l’empreinte carbone sera un élément à prendre en compte, prévient Arnaud Le Bacquer de Glory Paris. De nouveaux formats devraient apparaître plus sobres, plus courts et plus impliquant pour le consommateur. 5 secondes sur YouTube par exemple. On va être dans une communication où l’on pointera les problèmes plutôt que de les minimiser.

Cela incitera le monde publicitaire à développer encore plus “d’idées conscientes” estime quant à elle Fabienne Fiorucci (Artefact 3000). “Des idées qui résonnent avec cette problématique, pour aider les marques en communication dans leur transition, mais être aussi nos propres garde-fous. Parfois ne pas communiquer c’est aussi mieux communiquer.” Concrètement, il s’agit de faire rimer communication responsable aussi bien sur le fond que dans la forme : “Privilégier les destinations de tournage en train depuis Paris ? par exemple, et surtout, surtout, garder en tête notre rôle de conseil en trouvant des idées qui résonnent avec ces préoccupations en toute humilité, pour ne jamais jouer le jeu du goodwashing, ou du prix publicitaire à tout prix justement.

C’est clé pour continuer à faire ce métier, conscients de ses limites et du désamour grandissant des personnes auxquelles on s’adresse tous les jours : ces fameux “vrais gens de la vraie vie”. C’est aussi ça être Future Friendly.”

4. L’espoir… des années 2000

Penser le futur, c’est aussi faire preuve d’espoir. “À ne pas confondre avec optimisme, tempère Arnaud Le Bacquer (Glory Paris), c’est d’ailleurs son contraire. L’espoir est cette chose qui naît après avoir subi la réalité éco-climatique, alors qu’on touche presque le fond. C’est elle qui nous pousse à réaliser des choses, des prises de paroles, à changer notre réalité, à réaliser nos désirs d’un monde meilleur, mais dans un délai assez proche, sans attendre, et avec une très grande réactivité.” 

Une démarche qui nécessite courage et honnêteté : “Il ne faut pas se mentir, sinon on retombe dans l’optimisme qui est l’apanage des rêves. L’espoir est réaliste, les rêves non. La communication sera dans l’incitation à l’action de tous et de chacun”, prédit-il encore.

Une tendance, qui en appelle une autre, sous-jacente, la nostalgie, notamment des années 2000. Une décennie porteuse d’espoir d’un avenir meilleur, où tous les possibles sont accessibles et l’innovation est en effervescence : “On fusionne plus le réel et l’irréel qui nous ramène aux années 2000. Couleurs vintages, montage vidéo et photos, nouveaux/anciens contenus, mode, fashion, beauté, musique, décoration, entertainment… presque tous les secteurs sont touchés. La nostalgie est une grande tendance et nous offre la possibilité d’être encore plus créatifs en reprenant les codes et en les ajustant aux besoins actuels et à l’époque. Par exemple : quid de comment l’adapter à l’époque climatique ?

Le co-fondateur de Glory paris veut croire que ces tendances et à l’évolution des mentalités, (re)donnera le goût à la jeunesse de faire ce “beau métier, qui consiste à trouver des idées porteuses d’espoir et de sens.

5. La gamification de l’interaction

Et c’est peut-être du côté de la gamification que le salut se trouvera, veut croire Philippe Boucheron (Australie.GAD). “De plus en plus de clients s’en emparent et même des plateformes comme Netflix qui, depuis 2019, s’inspire des jeux vidéo dans ses programmes comme Squid Game et intègre également des jeux basés sur ces titres (Stranger Things par exemple). Inclure du jeu à l’écran avec de l’interactivité a toujours existé pour capter l’auditoire et le garder le plus longtemps possible. C’est une grosse tendance, pourtant les gens et même nos clients ont une méconnaissance de cet univers-là et des communautés qui composent le gaming : l’âge moyen est de 30 ans et les gamers sont majoritairement des femmes. Les consommateurs sont de plus en plus sollicités pour être acteurs des contenus qu’ils visionnent. Ici avec un seul réseau social, c’est plus facile de toucher un maximum de personnes et surtout plus longtemps qu’avec la publicité où le laps de temps est plus court, voire infime.

6. De la saillance !

Oui, un peu d’anglicisme pour ponctuer ces tendances de la création publicitaire. Selon la définition Le Littré rapportée par Ondine Simon, directrice artistique chez DDB Paris, cela signifie “Qui saute. Qui avance, qui sort en dehors. Qui est en évidence, qui attire l’attention. Vif, brillant, remarquable.

De la saillance donc pour 2023 : “En regardant le paysage publicitaire, on voit bien que la quête du sens et de l’authenticité a été échangée contre la poursuite de la notoriété par tous les moyens. Cela ne durera surement pas éternellement, mais c’est clairement la tendance et l’opportunité actuelle”, observe-t-elle.

Nous vivons une époque où la visibilité et même le sursaut d’attention sont devenus des Graal. Amener la marque à l’esprit quand autant de voix crient en même temps est presque devenu un prodige, et tous les moyens sont bons pour émerger, faire partie de l’air du temps, impacter la pop culture et devenir culturellement prédominant.” Elle donne ainsi à voir le happening de Coperni lors de la Fashion Week parisienne d’octobre dernier qui voyait une Bella Hadid dévêtue être rhabillée d’une robe en spray. Le monde de la mode criant au génie et la sphère médiatique relayant le coup d’éclat jusqu’à plus soif.

Ces nouveaux impératifs donneront probablement lieu à des créations toujours plus inattendues et excitantes. On espère que cette année, les directeurs et directrices marketing feront davantage confiance aux agences et choisirons la liberté d’être bizarre, extraordinaire, inattendu, insolite, curieux, loufoque, fantaisiste…” Cette saillance espérée se voit dans les contenus “parfois incroyablement créatifs de TikTok aux collaborations entre grandes maisons, aux placement produits de plus en plus nombreux dans les séries en streaming. Il s’agira donc de trouver des moyens de marquer la culture populaire d’une manière apparemment organique.

En parlant de TikTok, Fanny Camus-Tournier, chief strategy officer chez Ogilvy imagine une année qui pourrait voir éclore “des teams composés d’un.e créatif.ve d’agence et d’un.e créateur.rice TikTok”, versus la structure classique d’une équipe créative composée d’un concepteur rédacteur et d’un directeur artistique. Elle y voit “l’opportunité de combiner la maîtrise du concept (des premier.e.s) et la maîtrise des codes (des second.e.s), la connaissance des marques (des premier.e.s) et la connaissance des abonnés (des second.e.s). Une façon peut-être aussi de rappeler et de démontrer aux marques qui passent en direct avec les créateurs, la force des idées.” 

Pour Philippe Pioli-Lesesvre (The Good Company), « les prix s’affolent. Ils inquiètent les consommateurs et nos clients. Pour permettre une communication non dispendieuse et tout aussi qualitative, il y a fort à parier que la solution viendra encore et toujours des idées. Un exemple parmi d’autres, « The Lost Class » : une campagne magnifique contre les violences par armes à feu qui utilise une image aussi
simple que puissante : des chaises vides.
« 

Et lorsqu’on parle d’idées, Guillaume Lartigue, co-président de Steve la voit se déployer dans des films de pub. Un grand retour annoncé pour 2023 : “D’un côté, le streaming fait partie du quotidien des consommateurs, mais ils font de plus en plus attention au prix pour cause d’inflation. De l’autre, les plateformes comme Netflix ou Disney+ ont pris conscience des coûts énormes nécessaires pour alimenter leurs bibliothèques de contenus. Résultat : la publicité va répondre à cela, en permettant de diversifier leurs revenus et en réduisant le coût de l’abonnement pour les utilisateurs. Adieu les petites pubs sur les petits écrans des portables. Les annonceurs vont devoir se mettre en scène sur des écrans télé dont la taille a doublé en 20 ans. La pertinence des spots dépendra tout de même de l’intelligence du targeting et de la qualité des spots eux-mêmes.” 

Ces deux conditions réunies formeront “une opportunité formidable pour les marques de s’exprimer en grand et de reprendre la main.

Dont acte 2023.

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La collab' du siècle : Burger King et KFC

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