Le bouche à oreille comme principal levier d'acquisition.
Lancée en 2014, Back Market est aujourd’hui la licorne française la plus valorisée après une dernière levée de fonds qui l’a porté à + de 5 milliards d’euros. Suffisant pour affirmer que le reconditionné et l’économie circulaire sont désormais un réflexe massif des consommateurs ? Si les chiffres sont encourageants et semblent avoir franchi une étape significative, des freins perdurent et des millions d’appareils végètent dans nos tiroirs attendant d’être réparés.
Pour ancrer sa démarche, Back Market est devenue société à mission en mai dernier. Vianney Vaute, cofondateur et CCO de Back Market, évoque les principaux défis qui attendent la marque dans ce nouveau Parole d’annonceur.
Quel est le plus grand défi de Back Market aujourd’hui en tant que marque ?
Vianney Vaute : Le même qu’il y a 8 ans : continuer d’être considéré comme une alternative crédible face à l’achat de produits neufs. Nous avons grandi en 8 ans, mais les équilibres économiques du marché sont encore très favorables au neuf aujourd’hui, ce sera le défi de notre entreprise. Si on regarde en termes de taille de marché, le reconditionné c’est 80 milliards d’euros dans le monde vs 1,3 billion d’euros pour le neuf, ce défi va donc durer.
Licorne en 2021 quelques années après son lancement (2014), des levées de fonds dont la dernière – 450 millions d’euros- fait de Back Market la licorne la plus valorisée devant toutes les autres startups françaises (+5 milliards d’euros), une société présente dans 16 pays, le service Buy Back lancé aux Etats-Unis après la France et l’Allemagne… beau palmarès. Quelle est la prochaine étape ?
V.V. : Encore une fois, nous sommes dans une vraie logique de continuité. Lorsque l’on prend tous ces chiffres là à brut, cela donne l’impression d’être passé de 0 à 1 alors que tout cela s’est fait de manière très progressive, avec des objectifs qui sont restés les mêmes, notamment celui autour de nos trois axes : qualité et la manière de la mettre à l’échelle, l’internationalisation du modèle avec l’ouverture de nouveaux pays et la question de la mise à échelle du Buy Back, le service de reprise des anciens appareils électriques et électroniques.
Ces trois axes structurant de développement, nous les avons posés très tôt dans le projet, ce qui nous a permis d’atteindre ces grandes étapes. Ils vont continuer de cadrer le développement de l’ entreprise dans le futur. Il n’y aura pas de grandes révolutions ou d’innovations totales. On ne va pas se mettre à vendre du neuf ou produire nos propres appareils (rires).
Le 10 mai dernier, l’entreprise est devenue société à mission. La réparabilité, la circularité et le reconditionnement faisant déjà partie de votre cœur de métier, qu’est-ce que cela induit concrètement ?
V.V. : La mission de Back Market est de donner à tous les humains le pouvoir de faire durer les machines par la circularité et la réparation. C’est une feuille de route ambitieuse. Nous voulons mettre les moyens du reconditionneur dans les mains de nos clients en leur donnant notamment la possibilité de réparer eux-même leurs appareils. C’est la prochaine frontière pour atteindre cette mission.
Nous devons dans le même temps boucler la boucle avec notre système de reprise qui, même si nous en sommes satisfaits, est plus petit en termes de volume versus ceux de la vente : nous étions très enthousiastes l’année dernière, car nous avons réalisé 250 000 reprises d’appareils en France, mais nous devons en récupérer encore plus pour que la circularité fasse un vrai passage à l’échelle. De mémoire, il y a 110 millions de téléphones qui dorment dans des tiroirs et qui pourraient être réparés.
Vous avez réalisé une opération spéciale pour la Journée de la Terre le 22 avril dernier en hackant des Apple Stores. Avez-vous des résultats à nous communiquer sur cette campagne ?
V.V : L’activation a été extrêmement bien reçue, c’est de loin notre activation en social media la plus efficace. Elle a généré plus de 5,4 millions de vues sur notre chaîne YouTube.
Le réflexe du reconditionné vs le neuf a-t-il franchi un pas ces dernières années ? Quels sont les derniers freins restants ? Comment voyez-vous le secteur du reconditionné évoluer dans les prochaines années ?
V.V. : Le pas franchi est très net, notamment en Europe, et particulièrement lorsque l’on regarde les études françaises puisque l’immense majorité des Français savent désormais ce qu’est qu’un appareil reconditionné et pourrait potentiellement en acheter un.
Le frein qu’il reste à lever est le même qu’il y a 8 ans, celui de la confiance. Un appareil reconditionné ne sort pas directement neuf de l’usine, le consommateur se demande donc s’il peut faire confiance dans la durée de la batterie, la qualité de l’écran, les données sont-elles effacées, etc. ? C’est notre axe de développement et notre raison d’être en tant que tiers de confiance entre les reconditionneurs et les consommateurs. On y travaille depuis 8 ans, mais ça reste encore le principal frein pour que tout le monde adhère massivement au reconditionné.
Comment lever ce frein, avec plus de pédagogie, l’obtention de labels, des campagnes grand public ?
V.V. : Tout cela y participera, toutefois c’est une logique à mettre en place qui ne suffira pas. Regarder le consommateur dans les yeux en lui disant “Voici toutes les raisons pour lesquelles vous devriez avoir confiance en moi.”
Aujourd’hui, nous avons passé la barre des 6 millions de consommateurs depuis le lancement de Back Market. Tout le sujet est de faire qu’ils aient une expérience du reconditionné telle qu’ils deviennent eux-même les ambassadeurs de ce mode de consommation. C’est ce que l’on observe depuis nos débuts, le bouche à oreille est sans doute le levier d’acquisition le plus efficace, car c’est lui qui lève cette barrière de la confiance : le niveau de confiance des gens est limité sur l’action d’un label ou d’une campagne publicitaire. Rien ne vaut la parole d’un ami ou d’un collègue.
Concernant l’évolution du secteur en lui-même, il est voué poursuivre sa croissance, pour des tas de raisons.
Sur le moyen-long terme, nous avons eu une anticipation de ce phénomène avec le Covid et la rétractation du marché et des flux logistiques. On s’est rendu compte que les cartes mère étaient compliquées à obtenir, comme des terres rares auxquelles nous n’avions plus forcément accès, une production électronique qui pouvait être grippée… ces ressources là se raréfient en même temps que l’appétit des consommateurs pour ces produits augmente. Nous n’aurons d’autres choix que de trouver des solutions du côté de l’économie circulaire pour faire durer les produits déjà fabriqués et sortir d’un modèle ultra linéaire très gourmand en matière première. À un point qui ne permettra pas de satisfaire les appétits grandissants des consommateurs.
Même si on exclut la dynamique du reconditionné, l’intérêt des constructeurs pour ce marché qui est en train d’émerger, pour des pures raisons structurelles et industrielles, le marché circularité est voué à s’imposer dans les prochaines années.