Alimentation, distribution, banque : moins consommer, mais mieux.
Encore tabou il y a quelques années, car considérée comme un concept politique et économique opposé à l’économie de marché, la décroissance semble aujourd’hui pourvue de nouveaux atours sociétaux impulsés par les consommateurs, désireux de consommer moins, mais mieux.
L’étude « Sustainability Trends 2022 » menée par Kantar Insights livre une analyse de 7,6 milliards de points de données relatifs au développement durable collectés grâce aux requêtes Google de consommateurs de plus de 90 pays sur 5 ans, et ce, dans trois secteurs : l’alimentation et la boisson, la distribution et les banques. Une démarche qui se retrouve partout dans l’industrie publicitaire porte voix de ces nouveaux comportements : en création publicitaire, dans l’événementiel, ou encore dans la production.
« Cette étude révèle deux insights-clé : d’une part, que les consommateurs sont de plus en plus enclins à consommer moins, mais mieux, et d’autre part, qu’ils abordent leur investissement et leur rapport à la finance en prenant de plus en plus en considération son impact sur la planète et la société », déclare Pierre Gomy, Head of Marketing, Central & Southern Europe, Kantar Insights.
1. S’engager le pied à l’étrier
Cette volonté de mieux consommer est bien présente dans les requêtes analysées, mais les consommateurs demandent encore des preuves, mais aussi du soutien pour permettre cette marche vers la décroissance et le mieux consommer.
Le sujet du développement durable à la cote puisque la surconsommation et le gaspillage ont fait l’objet de 246 millions de recherches sur Google en moyenne par mois lors des 5 dernières années, note l’étude. Des recherches logiquement en lien avec l’univers de la distribution, même s’il est observé « un intérêt croissant pour ces sujets dans le domaine de l’alimentation, preuve d’une transformation des comportements des consommateurs » : elles représentent 3 millions de recherches en moyenne mensuelle, soit +27 % sur les 2 dernières années.
2. Haro sur la surconsommation
Pas à un paradoxe près, les consommateurs s’interrogent de plus en plus sur la fast-fashion et ses représentants dans le monde — « le volume des recherches sur la fast-fashion a plus que doublé en 5 ans » : Zara, Shein, Cider, Gap ou H&M en font-ils partie ? Spoiler : Oui. Et pour Shein, la marque pulvérise le plafond de verre de la fast-fashion pour atteindre le palier ultime de l’ultra fast fashion. L’étude révèle également que les internautes se sont informés sur « le lien entre ces marques et les Ouïghours : les recherches autour des conditions de travail des Ouïghours ont en effet augmenté de 87 % sur les 2 dernières années. » Période durant laquelle les polémiques sont la façon dont le régime chinois — et indirectement certaines marques — exploitent cette population ont émergé.
« Symbole de cette surconsommation, la fast-fashion est montrée du doigt depuis quelques années, et il est donc naturel que les consommateurs cherchent à éviter les marques les moins responsables pour consommer en accord avec leurs valeurs », révèle Patricia Flores, Deputy Head, Brand Expertise, Kantar Insights France.
Pourtant, malgré des méthodes peu reluisantes, le géant chinois est le plus important détaillant dans son domaine aux États-Unis.
Autre sujet de préoccupation, la souffrance animale reste un thème essentiel pour l’alimentaire avec 155 millions de recherches en moyenne par mois. À ce titre, le véganisme et le flexitarisme gagnent du terrain, notamment dans la communication des marques : hier Danone et plus récemment Burger King par exemple.
3. Circulez, plein de choses sont à revoir
Ces différentes considérations ont incité les consommateurs a se tourner vers des plateformes prenant l’économie circulaire, comme Vinted. Face à son succès, de nombreuses marques/enseignes ont développé leur propre corner de seconde main (La Redoute, Camaïeu, Zalando, Aigle, Petit Bateau, Sandro, etc.) et prône désormais une mode plus durable, comme récemment Vestiaire Collective.
Les recherches autour de l’économie circulaire ont augmenté de +15 % en 2 ans. « Vinted bénéficie tout particulièrement de cet intérêt avec un volume de recherches en progression de 76 % depuis 2020, et 7 millions de recherches mensuelles », souligne l’étude.
4. Chaque chose en son temps
En écho à la tendance du retour au temps long prôné en création publicitaire pour cette année, « être plus responsable demande également de reconsidérer le temps ». La durabilité est recherchée versus l’éphémère et le jetable. Dans un monde où la productivité et l’optimisation du temps étaient jusqu’ici vantées, il convient de mettre sur pause plutôt que de vouloir gagner du temps à tout prix. Ainsi, les recherches autour de la durabilité ont augmenté de +31 % depuis 2020, celles autour du concept de slow-living de +52 % sur la même période et le fait de cuisiner en grande quantité — en une seule fois — pour toute la semaine (le retour du come-back des Tupperwares) suscitent également un fort intérêt, avec un volume de recherche sur le batch cooking en augmentation de +132 % depuis 2 ans. Autant de phénomènes qui booste d’autres verticales industrielles.
5. « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ».
Pour reprendre cette célèbre phrase du chimiste, philosophe et économiste français Antoine Laurent de Lavoisier, les consommateurs semblent désormais encore plus attentifs aux déchets qu’ils génèrent. Les chiffres régulièrement publiés donnent le vertige et interrogent nos modes de consommation. Plutôt que de tenter d’atteindre un objectif zero déchet qui peut sembler trop ambitieux, les consommateurs cherchent des alternatives pour limiter les emballages et donner une seconde vie aux déchets.
Ces deux dernières années, les recherches concernant le vrac sont en progression de (+59 %), tandis que les consommateurs s’informent toujours plus sur la manière d’utiliser leurs déchets : le terme compost connaît +38 % de recherches supplémentaires, le terme upcycling 22 % et le terme gestion des déchets +15 %. Quid des alternatives responsables aux pratiques actuelles ? Les distributeurs d’eau suscitent +13 % d’intérêt dans les recherches depuis 2 ans, alors que la question des emballages alternatifs (comme ceux à la cire d’abeille vs le fameux cellophane) — qui reste encore absconse — connaît une progression de 30 % sur cette même période.
Autre secteur qui suscite de fortes attentes dans le « mieux consommer » : la banque et la finance. Moins en termes de durabilité que de responsabilité.
6. Finance responsable ?
Au même titre quelles internautes demandent des comptes aux plateformes et marques dans la façon dont ils utilisent leurs données personnelles, « l’utilisation que les banques et les acteurs de la finance font de l’argent qui leur est confié est un sujet qui intéresse de plus en plus les consommateurs avec une croissance de +27 % pour le sujet de l’investissement en l’espace de 2 ans », relève l’étude « Sustainability Trends 2022 » de Kantar Insights.
« Même si les notions de rendement et la rentabilité restent fondamentales, les investissements verts et socialement responsables génèrent de plus en plus d’intérêt avec respectivement +79 % et +82 % de recherches depuis 2020 », constate Roman Ptaszynski, Deputy Head of Analytics, Central & Southern Europe, Kantar Insights.
En écho aux démarches de RSE mises en place par les entreprises, le sujet de la gouvernance sociale et environnementale remonte dans les requêtes entreprises ces dernières années : plus de 1,35 million de fois en moyenne par mois depuis 2017 et cela progresse vite avec une croissance de +260 % sur les 2 dernières années.
Pour Kantar Insights, ces recherches démontrent, parmi d’autres éléments clés, que « les consommateurs expriment de plus en plus le besoin de “trier les déchets des pépites” à la fois sur des considérations financières classiques, mais aussi sur la valeur de durabilité de leur investissement… »
*Méthodologie
L’étude « Sustainability Trends 2022 » de Kantar Insights livre une analyse des recherches sur Google relatives au développement durable sur une période de 5 ans (entre mars 2017 et mars 2022) dans le monde (à l’exception de la Chine). Elle révèle les réflexions à l’œuvre chez les consommateurs pour agir de manière plus durable dans leur quotidien. Ces résultats permettent ainsi de nourrir les acteurs des secteurs de l’alimentation, des boissons, de la distribution et de la banque.
Cette analyse repose sur 7,6 milliards de points de données collectées sur 5 ans, issus de l’évaluation de 12 963 tendances, regroupées en 360 thématiques.