Allier pouvoir d’achat et conscience environnementale.
Emmaüs, Vinted, Vestiaire collective, Promod, Jacadi, ou Bash, dans le prêt à porter comme dans le luxe, la seconde main connait une floraison extraordinaire et pèse désormais plus de sept milliards d’euros en France.
Pour les jeunes générations, soucieuses d’éthique, de durabilité et de transparence, la seconde main ne représente pas tant une opportunité économique qu’une véritable démarche écoresponsable, un statement et un nouveau mode de consommation. La crise aidant, 1 Français sur 3 se dit prêt à renoncer à l’achat de vêtements neufs. La part grimpe 66 % pour les produits technologiques. Quant à la décoration et l’ameublement, Emmaüs, les vide-greniers et autres brocantes n’ont pas attendu la crise pour satisfaire les dénicheurs de pièces vintage ou d’objets de récup’, même si cette activité se digitalise également, notamment avec Selency ou Debongout.
Fort d’une transformation numérique couronnée de succès, La Redoute grimpe dans le train de l’économie circulaire avec La Reboucle, sa nouvelle plateforme de revente entre particuliers lancée le 14 février dernier avec Fred & Farid Paris. L’occasion de nous entretenir avec Amélie Poisson, directrice marketing, marque et relations client à La Redoute, dans ce nouveau Parole d’annonceur.
La Redoute a brillamment réussi sa transformation numérique et réinventé son modèle, quel est le principal défi de la marque La Redoute aujourd’hui et son ambition dans les années à venir ?
Amélie Poisson : Notre mission est très claire sur La Redoute : embellir la vie des familles. Et cet enjeu revêt plusieurs facettes :
– Le choix et la qualité des offres en tant que market place de référence. Cela signifie : 600 000 produits proposés versus des dizaines de millions sur les autres, grâce à une sélection des meilleurs vendeurs afin de répondre à cet enjeu ;
– Notre propre design de produits qui représente aujourd’hui 70 % de notre chiffre d’affaires. Embellir, c’est aussi promouvoir le design interne conçu à Roubaix sur la “Maison” et le prêt-à-porter au travers de nos trois marques, La Redoute Intérieurs, APPM et La Redoute Collection ;
– La RSE, autour du beau geste et de la planète, notamment avec l’objectif zéro plastique d’ici 2030 ou la neutralité carbone. Nous y plaçons beaucoup d’ambition et notre nouveau service La Reboucle s’inscrit dans cet objectif-là. Sur notre plateforme, l’enjeu de nos marques internes est de proposer des collections de plus en plus responsables : cette saison, nos collections en prêt-à-porter intègrent plus de 60 % de produits dits responsables. C’est-à-dire avec au moins un critère RSE : matière, production en proche import, en made in France ou à la demande, etc.
Pour les années à venir, nous nous sommes questionnés sur les attentes et besoins de nos clients, surtout en cette période de crise. Nous avons pensé notre nouveau service il y a un an, lors du premier confinement, en tentant de déterminer ce qui ferait sens en sortie de crise. Bon, malheureusement nous y sommes encore… mais nous réfléchissions à ce sujet C to C depuis un moment déjà. Plusieurs de nos études montraient que plus de la moitié de nos clients achetaient, vendaient ou faisaient les deux sur d’autres plateformes C to C existantes. Il s’agissait donc de mettre en exergue deux choses importantes : le pouvoir d’achat et la conscience environnementale. La Reboucle est la synthèse de ces deux enjeux clés, en particulier pour notre cible stratégique des jeunes familles.
Justement, depuis le 16 décembre dernier, les internautes et passionnés de seconde main ont pu découvrir la plateforme La Reboucle, sur quel constat s’est opéré la création d’un tel service ? Présentez-le-nous.
A.P. : Cette conscience environnementale était déjà préexistante à la crise du Covid, la pandémie a servi d’accélérateur de prise de conscience. Elle est de plus en plus vivace, notamment chez les jeunes, mais les gens ne veulent pas nécessairement payer plus cher les produits qu’ils consomment, comme les études le montrent. C’est à nous de trouver des solutions pour produire RSE tout en restant dans une même gamme de prix.
La seconde main est une autre façon de rentrer dans l’économie circulaire et de proposer du pouvoir d’achat. Lorsqu’une personne vend sur La Reboucle, deux choix se présentent à elle : le virement classique ou le versement sur une e-carte cadeau sur laquelle La Redoute abonde de 25 %. Par exemple, pour une robe vendue 10 euros, l’utilisateur/rice reçoit 12,5 euros. Nous redonnons du pouvoir d’achat sous forme de promotion en les remerciant de vendre sur notre plateforme : revendre certains articles dont on n’a pas l’usage pour financer d’autres projets d’achats est une démarche vertueuse.
La vie des familles est remplie de cycles de vie et de changements : décoration, arrivée d’un enfant, adolescent qui grandit ou le plus grand qui quitte le nid, les parents se trouvent face au défi du perpétuel changement. La Reboucle se situe dans la compréhension intime des besoins de la famille et leur fournit une solution pour revendre et racheter les besoins du moment.
Comment ont été conçus La Reboucle et sa campagne de lancement ?
A.P. : C’est une aventure collective pensée en interne. Pour designer l’expérience de cette plateforme externe, nous travaillons avec la startup Disruptual spécialisée dans les plateformes de seconde main, et PwC, cabinet d’expérience digitale afin de définir les produits vendus, les services proposés, etc. Il était très important de pouvoir proposer du prêt-à-porter, mais aussi de la “Maison”, du jouet et des objets. Sur la « Maison », le point fondamental, c’est la livraison : nous nous sommes donc rapprochés de Cocolis, notre partenaire de transport C to C.
Par la suite, nous avons travaillé avec Fred & Farid qui a trouvé le nom La Reboucle. C’est un vrai naming, impactant, avec un jeu de mots facilement compréhensible. Ensemble, nous avons travaillé sur un dispositif de communication avec le lancement de la campagne télé le 14 février (l’interview a été réalisée quelques jours avant, NDLR) autour de films très courts empreints de notre tonalité de marque (vie des familles, proximité et lien familial).
Le but de cette campagne est de créer de la notoriété autour de La Reboucle afin d’expliquer le service. C’est une communication plus pédagogique que branding.
Des chiffres à nous partager sur La Reboucle ?
A.P. : Oui ! Nous ne communiquons pas encore nos chiffres de vente pour des raisons logiques, celles-ci ayant ouvert il y a un mois seulement. L’enjeu premier résidait dans le nombre de produits publiés : à date, nous en comptons plus de 40 000, nous frôlons même les 45 000. Nous enregistrons plus de 35 000 membres et 400K visiteurs, sans avoir encore véritablement commencé l’offensive de communication puisqu’elle débute à la mi-février.
Comment avez-vous communiqué en amont de la campagne de lancement officielle ?
A.P. : Dans un premier temps, nous avons communiqué sur notre home media, sur La Redoute en particulier auprès de nos clients, ainsi que nos collaborateurs aux prémices afin de “remplir” la plateforme et éprouver le parcours d’achat. Nous avons « branché » Cocolis il y a quelques jours, nous sommes encore dans la phase MVP (Minimum Viable Product ou produit minimum viable), et cherchons à développer et améliorer le service pour que ce soit plus fluide et pertinent. Nous avons une très belle couverture corporate BtoB, l’aventure BtoC commence véritablement le 14 février.
Nous avons également travaillé avec des influenceuses autour d’une opération nommée « La jolie revente » : nous leur proposions de revendre leurs produits sur La Reboucle, les bénéfices étaient ensuite reversés à l’association Solfa. Elles ont attiré leur communauté sur la plateforme, car elles ont réalisé de très belles ventes. C’est le genre d’opération qui nous intéresse. L’enjeu étant d’avoir un service fidélisant en rendant service à nos clients et ainsi prendre le virage de l’économie circulaire. Faire connaître La Reboucle par du charity est très intéressant.
Nombre d’acteurs sont d’ores et déjà installés sur ce secteur devenu aussi concurrentiel que tendance, comment entendez-vous vous distinguer ?
A.P. : Via l’audience. Il ne sert à rien de se comparer avec ceux, déjà très installés, dont c’est le cœur de métier. En revanche, dans les marques qui font cette démarche, La Redoute a comme atout son audience avec 11 millions de visiteurs uniques par mois.
Ensuite, notre distinction s’opère sur l’ouverture du service à la “Maison” et non uniquement au prêt-à-porter avec l’offre Cocolis, l’abondement de 25 % ajoutés sur les e-cartes et les solutions de livraison simples et fiables. Nous verrons par la suite comment nous enrichissons cela.
Tout dépendra donc de l’audience et de la qualité des publications. À date, nous avons 25 % des produits vendus qui sont « maison », ça grimpe lentement, au commencement nous étions à 2 %. La Reboucle est la plateforme C to C des clients La Redoute en priorité.
Dernier point important sur ce marché, nous nous positionnons en tiers de confiance : si un problème survient entre particuliers, nous arbitrons en tant que médiateur. Nous assurons la relation client, ce qui est loin d’être le cas sur d’autres market place.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que ce type de services (Vinted en 1er lieu) incite finalement à consommer et donc acheter toujours plus sous couvert d’économie circulaire.
A.P. : Je ne savais pas du tout qu’ils étaient attaqués sur ce point. Après, cette activité existait auparavant sur ebay et ailleurs, ce n’est pas nouveau, c’est même vieux comme le monde : le troc, les brocantes existaient déjà. Donc je n’ai pas tellement d’avis sur cette question.
Nous sommes des e-commerçants, notre enjeu est de satisfaire nos clients et de les aider dans leur consommation. Ensuite, lorsque vous apprenez qu’un vêtement neuf est porté en moyenne 7 fois, voire moins selon les études, l’économie circulaire reste vertueuse. Nous avons tous un patrimoine, hors immobilier, à travers nos objets, nos vêtements, etc. À chacun de faire ses propres choix, certains donnent beaucoup, d’autres vendent ou font les deux, le principal est de faire ses choix.
Pour La Redoute, l’important est de proposer différentes solutions et travailler sur le recyclage, nous ferons également des tests sur le don. La Redoute n’a jamais détruit aucun stock, nous avons toujours donné nos produits, notamment à des associations.
On sent une volonté de répondre aux nouvelles attentes des Français, notamment sur leur empreinte carbone avec Cocolis, votre partenaire de livraison de particulier à particulier pour les produits volumineux…
A.P. : Effectivement, le principe de notre partenaire Cocolis est d’être le “Blabla car du transport”. Dans le transport et la mobilité de la place subsiste régulièrement. Leur idée est de remplir ce vide avec des solutions plus économiques, que ce soit dans les voitures de particuliers ou le transport professionnel, notamment lors de retour à vide après une course par exemple. C’est un peu la même logique que La Reboucle, à la fois sur l’aspect économique (alternative) et écologique. Si vous achetez un meuble 200 euros et que sa livraison vous coûte le même prix, voire plus, ça ne fonctionne pas. Cocolis propose une alternative. La notation est très bonne par ailleurs, ils se développent et l’application marche très bien. C’est leur premier partenariat avec une plateforme C to C.
Comment voyez-vous le secteur de la seconde main évoluer dans les années à venir ?
A.P. : Je ne suis pas magicienne, ça bouge tellement que ce serait présomptueux de donner une tendance. Je reste persuadée que la seconde main restera très importante dans la consommation. Elle l’est déjà. Dans le Top 15 des sites de e-commerce, leboncoin et Vinted y sont déjà, et avec une croissance fulgurante. Il y a un usage, un réflexe qui s’est installé. Tout le monde s’y met, mais pour les plus jeunes c’est devenu une évidence, un standard qui fait partie de leur vie et de leur façon d’acheter tout court. Certaines typologies de clients peuvent même se radicaliser en achetant uniquement du C to C, quand ce sera plus occasionnel pour d’autres.
On parle beaucoup de la seconde main car elle se digitalise. Mais si vous revenez quelque temps en arrière, il y avait déjà des phénomènes de déconsommation de neuf très forts sur l’univers de la puériculture et de l’enfant : les gens donnaient, achetaient dans les brocantes et les vide-greniers, c’est le sport national ! Avec la Covid évidemment, nous n’en faisons plus, mais cela fait des années que les Français adorent cette activité-là. Ce marché parallèle et physique était juste “caché”, dans le sens où il n’était pas mesuré et ne ressortait pas dans les études de marché. Aujourd’hui, cela passe par des plateformes, on observe donc leur part de marché tout en traçant cette activité. Ce qui est nouveau c’est qu’elle se digitalise, comme Emmaüs ou toutes ces organisations de vide dressing professionnelles.
Et pour finir, la question traditionnelle de notre rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?
A.P. : En premier lieu la confiance, même si cela peut paraître évident. Et le plaisir de travailler ensemble. Avec Fred & Farid nous entretenons une longue relation maintenant, nous sommes un vieux couple après 8 ou 9 ans de travail commun. L’agence a une compréhension très forte de la marque, nous nous connaissons très bien en tant qu’individus aussi, nous “matchons” bien, nous voyons les choses de la même façon, avec les mêmes valeurs et la même façon de travailler. Nous avons réalisé de super choses l’année dernière et cela ne fait que commencer. Nous avons beaucoup de projets en cours avec Fred & Farid.
Travailler sur la transformation de l’image de marque est très long. Cette fidélité est donc nécessaire, ce n’est pas en changeant d’agence tous les x mois qu’on peut créer cette relation : on transforme l’essai en travaillant ensemble dans la durée, surtout sur de la transformation de marque.