Les 5 tendances de la communication RSE

Par Élodie C. le 17/03/2022 - Agence : The Good Company

Temps de lecture : 22 min

De la parole aux - vrais - actes.

Difficile d’échapper à cette tendance lourde, tant elle s’observe partout, des attentes des consommateurs et citoyens aux prises de parole des marques. Les entreprises prennent conscience de l’importance d’intégrer les sujets RSE à leur stratégie de communication. Pas une agence, une marque ou une entreprise qui n’a ce sujet dans sa feuille de route. 

11 % des investissements publicitaires bruts sont dédiés à la RSE en 2021 tous secteurs confondus et cela représente 46 % de la pression brute du secteur de l’automobile (source Kantar). Toutefois, les citoyens doutent encore de la sincérité des entreprises puisque 75 % des Français se disent méfiants à l’égard des engagements sociaux et environnementaux des entreprises et 42 % jugent l’engagement des entreprises « superficiel » (source Harris Interactive pour le mouvement Impact France – février 2022).

Gare, à trop vouloir (bien) faire, les potentielles sorties de route ne sont pas à exclure. C’est d’ailleurs ce qu’a voulu souligner l’ARPP, autorité de régulation professionnelle de la publicité, dans sa dernière campagne de sensibilisation aux risques de greenwashing à l’attention des marques et des agences. Comme le rappelle ainsi justement l’Autorité : « Dans un contexte d’exigences sociétales fortes sur la responsabilité des marques et la transparence de leurs engagements en matière environnementale, la publicité est au cœur de toutes les attentions (…) cette prise de parole vise à interpeller les annonceurs et les agences sur l’extrême sensibilité de ces enjeux et les risques associés. »

Alors que 2022 va accueillir les premières mises en application de la loi Climat et Résilience – affichage de l’impact environnemental des produits sur les publicités, mentions liées à encourager les mobilités douces, encadrement des allégations sur la neutralité carbone, sanctions en cas de greenwashing… – et que le dispositif Oui Pub (vs Stop pub) est testée dans 15 collectivités (pour 2,5 millions d’habitants) pendant trois ans, de nombreuses choses restent à entreprendre et à dire.

Après deux années de crise sanitaire et une présidentielle en approche, quelles tendances de la communication RSE se dégagent ? Comment communiquer et sur quels sujets prioritaires ?

Nous avons interrogé un panel d’experts issus d’agences, d’entreprises, de cabinets-conseils, d’association et de la société civile pour déterminer les tendances de la communication RSE en 2022.

1. RSE de la communication 

Et si, avant même de penser communication RSE, il fallait se questionner sur la RSE de la communication. Autrement dit : Comment promouvoir un message responsable si le contenu et sa production ne le sont pas ?

Considérant que la communication est un véhicule pour le sujet RSE, Assaël Adary, cofondateur et président du cabinet d’études Occurrence et co-auteur du Communicator 7, 8 et 9, observe une bascule s’opérer aujourd’hui : le changement du véhicule pour le rendre lui-même RSE.

« La communication doit se questionner, s’introspecter, sous la pression sociétale, légale, sous celle du marché, mais aussi celle, de plus en plus importante, de nos jeunes talents — pour l’attractivité de notre secteur et la rétention des talents. Tout cela converge vers un momentum pour que la communication change de logiciel pour choisir une communication responsable : la RSE appliquée aux métiers de la communication. Ce qui signifie qu’on peut être une entreprise ou déployer une communication RSE de manière tout sauf RSE. »

L’auteur de Communication et marketing responsables (sorti en janvier dernier chez Dunod) estime ainsi que porter une cause ne suffit pas si « vous ne respectez pas les sujets RGPD, si vous faites du greenwashing, ou faites appel à des influenceurs digitaux sans dire que vous les sponsorisez ». L’ARPP a d’ailleurs révélé en septembre dernier que 26,6 % des publications ne dévoilent pas leurs intentions commerciales.

« Tous ces enjeux d’éthique des contenus, des contenants, d’accessibilité de nos outils, et de communication responsable au sens large touchent tous les métiers et pas uniquement ceux de la publicité, souligne Assaël Adary. Tout comme il serait faux de ne pointer que la publicité, il ne faut pas se limiter au sujet climatique en oubliant ceux de la relation annonceur agence, des appels d’offres, et tous ceux autour du harcèlement. »

Un avis partagé par Julie Schwarz, fondatrice et directrice d’Econovia. L’agence de communication responsable « libre et engagée depuis 2009 » n’accompagne que des annonceurs à impact positif sur l’environnement (humain et social) et la planète : « La communication responsable n’est pas seulement dans le moyen de faire, mais dans la finalité », pointe Julie Schwarz.

Si l’agence travaille sur ces sujets depuis 13 ans, époque où l’on ne parlait pas encore de communication responsable, elle a observé un véritable mouvement s’opérer ces 3-4 dernières années. Un point d’inflexion faisant de la communication RSE un impératif pour les marques : « De nombreuses grandes marques nous ont contactés, mais nous avons refusé de collaborer avec elles, car les éléments de preuve en interne étaient inexistants », concède Julie Schwarz. « Nous ne faisons pas de concession dans les projets qu’on accompagne. (…) La condition sine qua non d’une communication responsable c’est que la société ait mis en marche une démarche RSE en interne ou au moins initié des actions concrètes. » 

À ce titre, la fondatrice de l’agence Econovia salue deux « annonceurs exemplaires », la Maif et Camif, deux acteurs alignés dans leur discours et leurs actes, en interne, dans leurs pratiques et valeurs défendues, ainsi que sur leur communication externe. Autant d’aspects qui se retrouvent dans la marque employeur responsable où l’éthique et l’humain sont primordiaux notamment dans la façon dont les directions de la communication et du marketing traitent leurs équipes et les accompagnent à grandir.

Un parcours d’obstacles

La communication RSE est un terrain miné. Comme il le dit lui-même à ses clients : « Avant tout ce que vous disiez pouvait être retenu contre vous, maintenant ce que vous ne dites pas pourra l’être aussi », résume Assaël Adary. « L’entreprise est très traversée par les sujets de société, le fait religieux, la cancel culture et wokisme, l’inclusion, etc. Les marques font face à une injonction à se prononcer, à formuler une opinion, à prendre position sur mille et un sujets de société. »

Comme Evian, filiale de Danone, au cœur d’une polémique avec un tweet jugé provocateur pendant le ramadan ou Decathlon qui s’est retrouvé sous le feu des projecteurs avec la commercialisation d’un hidjab de running. Les entreprises font face à de nouveaux sujets : est-ce que l’on a quelque chose à dire ? Est-ce que l’on doit dire ? Ne rien dire, c’est déjà dire ?

« Si on est cynique, on peut avancer qu’une partie du secteur viendra à la communication RSE, car c’est plus intéressant point de vue business ou en termes d’attractivité marque employeur, parie le co-fondateur d’Occurrence. L’idée est de ne plus esquiver le sujet, de le prendre totalement et de regarder ou l’on en est soi-même dans son secteur. »

Autre aspect délicat à gérer pour les marques : leurs prestataires. Comme l’explique Julie Schwarz, 90 % d’une campagne avec un objet à impact reste invisible : sa production, centrée autour d’achats responsables et ce, en faisant appel à des acteurs solidaires, en intégrant un enjeu de limitation de la marge brute (ne pas vendre 10 euros à un client ce que l’on achète 1 euro à un prestataire en cassant les prix) et plus généralement une notion de « commerce équitable ».  

Assaël Adary rappelle ainsi le cas récent de Camaïeu (prix de l’engagement GPCE 2022) qui, malgré une « belle campagne bien ficelée et exemplaire » sur les violences faites aux femmes, s’est notamment fait épingler… pour le choix de son agence. « En période de crise, l’annonceur devient responsable jusqu’au dernier des sous-traitants, le casier judiciaire moral de votre agence va être scruté.

2. Proof of Acts

Responsabilité et transparence : il ne s’agit plus seulement de parler « green », mais de prouver que le messager est aussi vert que le message. Du moins, qu’une démarche — sincère — est à l’œuvre. Avec une loi Climat et Résilience mise en application cette année, « la communication RSE axée sur le pilier environnemental, en tout cas en France, va être beaucoup plus surveillée », prévient Valérie Richard, responsable RSE de l’agence BETC.

« La conséquence positive de cela, c’est qu’elle va gagner en crédibilité et en authenticité et que les services marketing et RSE des annonceurs devront encore plus travailler ensemble pour apporter les preuves de l’amélioration de l’impact environnemental et sociétal de leurs produits et services. L’autre conséquence, c’est que cela va sans doute accentuer la montée du pilier sociétal de la communication RSE, notamment pour les sujets liés à la diversité et l’inclusion. Mais là aussi, il ne suffira plus de proclamer un engagement sociétal bien-pensant sans y apporter les preuves concrètes qui vont avec. »

Une pression salutaire puisque de nombreuses entreprises sont encore « dans le déni climatique », rappellent Lauren Boudard et Dan Geiselhart fondateurs des newsletters Climax et Tech Trash. « Pour la plupart, la RSE est devenue le nouveau vaisseau amiral du greenwashing. Ces dernières années ont marqué un virage vers des campagnes de verdissements totalement décomplexées, pointent-ils encore : on pense à McDonald’s au salon de l’agriculture, chantant haut et fort son appétit pour l’agriculture régénérative et l’agroforesterie alors même que l’entreprise est le chantre d’une production industrielle, standardisée et de masse. On pense aussi à l’opération “Fuel for the planet”, une station essence “neutre en carbone” qui propose de faire le “plein de sens” ou aux campagnes Easyjet promouvant l’aérien propre… Plus c’est gros, vous connaissez l’adage. »

À l’instar de Valérie Richard (BETC), le duo a des raisons de rester optimiste puisque « les écarts entre discours verts et pratiques brunes commencent à se remarquer. C’est le cas notamment d’Adidas, récemment épinglé par le jury de déontologie publicitaire pour ses baskets faussement recyclées (avec Levi’s, IKKS et Calzedonia, NDLR). La vigilance citoyenne vis-à-vis des allégations environnementales mensongères s’accroît, et c’est tant mieux. C’est aussi pour toutes ces raisons qu’un média tel que Climax existe… pour faire comprendre aux marques qu’on les a à l’œil, et qu’il faut arrêter de nous prendre pour des jambons ! »

C’est en cela que Nicolas Bordas, vice-Président International de TBWA\Worldwide et Chairman de TBWA\Corporate, pousse les marques à agir plutôt qu’apporter leur pierre à l’édifice du greenwashing : « Ne dites plus que ce que vous faites est bon pour la planète, prouvez-le ! Qu’il s’agisse de lutte contre le réchauffement climatique ou de contribution à la diversité et à l’inclusion, le temps n’est plus aux paroles, mais aux actions. Les entreprises se doivent de passer de la raison d’être à la raison d’agir. L’univers communicationnel est saturé par l’expression de bonnes intentions telles que “prendre soin de soi, des autres, et de la planète”, “pour préserver l’environnement”, “pour construire un monde meilleur”. Ces belles déclarations d’intention sont non seulement inefficaces, mais elles deviennent contre-productives, car elles donnent aux consommateurs citoyens l’impression que les entreprises cherchent à “noyer le poisson” dans un bouillon de “greenwashing”. »

Comment communiquer ? « Qu’il s’agisse de leurs initiatives commerciales au travers de leurs produits ou services à valeur sociétale ajoutée, ou de leurs initiatives “corporate”, souvent en lien avec des parties prenantes externes qui leur apportent leur légitimité, les entreprises ne seront entendues dans le brouhaha de bons sentiments, que si elles communiquent de manière concrète, spécifique, transparente et sincère sur les bénéfices mesurables de leurs actions. La confiance ne s’établira pas sans preuve de confiance. Pour la communication RSE, en 2022 plus que jamais, comme le disent les Anglo-saxons, “Actions speak louder than words(“Les actions parlent plus fort que les mots”, en VF). »

« Un discours RSE sincère est d’abord un discours qui s’astreint à s’appuyer sur des preuves solides, des actes, des faits tangibles et crédibles, confirme Isabelle Dona, directrice générale et associée LinkUp Factory. Mais c’est aussi un discours d’humilité, car il y a beaucoup à faire et de nombreuses solutions restent encore à inventer. Enfin, c’est un discours incarné, porté par les femmes et les hommes de l’entreprise ou de la marque. »

3. La contribution collective

Dans le flot des communications RSE, de nombreuses marques vantent la neutralité carbone de leurs activités, produits ou services grâce aux démarches de compensation. Dans son avis d’experts publié en février dernier destiné à tous les professionnels de la communication et du marketing, l’ADEME (l’Agence Nationale de l’Environnement et de la Maîtrise d’Énergie) tance l’argument — trompeur — de la neutralité carbone dans les communications des entreprises.

Mathieu Jahnich, consultant et chercheur en marketing, communication et transition écologique notamment auprès de l’Ademe tient à préciser ce « point de vigilance » sur la communication sur les engagements climatiques des entreprises : « Les arguments de neutralité carbone induisent souvent le public en erreur, freinent les changements de comportements, peuvent provoquer des effets rebond négatifs et exposent les entreprises à des risques de controverses et juridiques. Par conséquent, elles doivent cesser de focaliser leur communication sur la prétendue neutralité de leur activité ou de leurs produits ou services. Elles doivent communiquer de façon transparente, proportionnée et distincte sur les différents leviers de contribution à la neutralité carbone collective, en particulier la réduction massive de leur empreinte carbone et le financement de projets de compensation. C’est un changement majeur de posture, qui devra rapidement être effectué et perçu dans la communication dès cette année. »  

Pour Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet-conseil Utopies, la communication RSE est donc un terrain miné pour les marques, qui se retrouvent tiraillées. Il ne s’agit plus de se demander si les entreprises doivent intégrer les sujets climatiques dans leurs messages, mais comment elles doivent le faire.

Si les consommateurs sont inquiets et attendent des réponses, mais surtout qu’on leur facilite les choses et les accompagnent dans le changement de perspectives souhaité, les marques arpentent une piste glissante. Elles sont ballottées entre « la nécessité de ne pas sur simplifier les questions scientifiques tout en évitant de les rendre trop pointus. »

Un avis partagé par Mathieu Jahnich pour qui les entreprises doivent faire preuve de pédagogie dans leur communication RSE puisqu’elles s’appuient sur des outils ou des méthodologies très pointues comme le bilan carbone, le calcul de l’empreinte environnementale ou sociale, l’analyse du cycle de vie, une matrice de matérialité, etc. « Les données qui en découlent sont nombreuses et complexes. Il convient de les rendre accessibles, non seulement aux clients et consommateurs, mais également à toutes les parties prenantes internes, en particulier les équipes marketing, communication et publicité. »

Comme l’expliquent Stéphanie Moitié et Eric Duverger de la Convention des Entreprises pour le Climat, la contribution c’est le « minimum syndical » : « On ne parle pas de RSE mais de soutenabilité forte, parce que le défi pour les entreprises aujourd’hui, ça n’est plus d’être responsable, c’est insuffisant face aux enjeux de notre monde, mais d’être régénérative, ou a minima contributive. Si on veut une planète qui reste habitable pour l’humanité, les entreprises doivent se transformer radicalement et rapidement : rediriger leur modèle d’affaires pour devenir éco-compatibles. Cela signifie : faire écosystème avec leurs parties prenantes et leur territoire, innover et produire frugalement et dans le respect, voire l’inspiration, du vivant, et maintenir et régénérer le vivant. »

Pour Razorfish, une pédagogie est nécessaire pour éclairer et protéger les internautes (notion de consentement éclairé) et ôter cette défiance des consommateurs à l’égard des entreprises, notamment celles qui gèrent leurs données. L’impact environnemental du digital est invisible et « bénéficie » d’un vide réglementaire que l’agence tente de compenser, explique Charlotte Dollot, directrice générale de Razorfish France, notamment avec le lancement du Razoscan en partenariat avec GreenIT. « La RSE est autant du côté du client que de l’utilisateur à qui nous devons pédagogie et transparence pour le traitement de ses données. Nous sommes tenus d’aider les marques à trouver la juste balance entre protection des internautes et performance dans la façon dont ils ciblent les utilisateurs. »

Les recommandations de l’ADEME font entrer la communication des marques sur le climat dans une nouvelle dimension devant tenir compte de ces contraintes. L’experte de la responsabilité sociétale des entreprises, Elisabeth Laville, rappelle que le concept de neutralité climatique est défini par les Accords de Paris pour la planète ou à l’échelle d’un territoire. « Ce qui a du sens pour un puits de carbone naturel qui stocke autant de carbone qu’il en est émis pour un territoire donné n’en a pas pour une entreprise qui en émet et finance des puits de carbone à l’autre bout de la planète. Cela ne compense pas immédiatement les émissions résiduelles qu’elle émet puisque ces émissions auront un impact sur la planète dans 50 ans ».

Ce qui fait sens c’est de parler de contribution à la neutralité carbone de la planète. « Les marques vont devoir intégrer l’enjeu à leur modèle d’abord, leur offre ensuite, puis leur communication. Et le secteur de la communication a un rôle à jouer, notamment dans la communication des marques, c’est un changement culturel, pas que technologique. Et parfois, le changement culturel c’est de moins faire de technologies, de la low tech plutôt que des smart products/services. »

Un avis partagé par Isabelle Dona : « L’entreprise doit aller plus loin qu’un discours sur sa responsabilité et montrer en quoi elle est contributrice, en quoi, via sa capacité d’innovation, la transformation de sa chaîne de valeur ou de nouvelles coopérations, elle est porteuse de solutions concrètes en réponse aux défis environnementaux et sociaux de notre monde. Mais, et c’est un enjeu majeur, elle doit aussi faire de sa communication RSE un levier d’action collective : la communication RSE doit servir à engager toutes les parties prenantes de l’entreprise, en particulier ses collaborateurs, ses clients ou ses consommateurs. Il y a urgence à décloisonner la RSE qui ne doit plus être uniquement une affaire de spécialistes. C’est une attente forte des différents publics, comprendre comment chacun à son échelle peut agir, contribuer. La communication des entreprises et des marques est un levier fort de transformation des représentations et des comportements, elle peut devenir un véritable catalyseur de contribution. »

Un avis partagé par La Convention des Entreprises pour le Climat : « Pour nous pas de communication RSE, le concept est dépassé, mais une communication qui « raconte ce qui fera la différence »*, pour notre avenir commun. Les marques aussi doivent basculer dans l’éco-compatibilité, pour leur survie, pour notre survie à tous. Les consommateurs attendent, et le monde a besoin, d’une redirection forte et sincère. Qu’il s’agisse de parler des engagements de l’entreprise, d’incarner le rôle sociétal de la marque, ou de présenter un produit ou un service, ce qui compte avant tout, c’est de faciliter et accélérer la redirection écologique collective. »

L’humain doit donc être mis au centre de la matrice et des échanges puisqu’il est le seul à même de changer les choses. « La communication RSE nous permet de crédibiliser encore plus notre parole et de sensibiliser notre écosystème », estime Fanny Collinet, toute nouvelle responsable RSE de l’agence Marie-Antoinette.

« Plus qu’une tendance, nous avons la conviction que la communication RSE a le pouvoir de faire bouger les lignes, d’interpeller et d’éveiller la curiosité des marques, prestataires. Le tout en ayant un cran d’avance grâce à ce pas de côté qui nous définit tant. (…) Nous sommes sur une tendance d’une RSE avec une symétrie des attentions. Dans cette approche, nous intégrons naturellement les 4 volets de la RSE (environnement, économique, social et sociétal) comme étant interdépendants et d’égale importance. Au quotidien, nous relions tous les sujets, les problématiques autant que possible et évitons de les séparer. Ce que nous voulons c’est la durabilité, éveiller les consciences de nos collaborateurs et de nos clients grâce à différentes actions : retours clients, politique de fournisseurs locale et sourcée, collaborateurs de l’agence impliqués au travers d’actions éco-responsables (tri, achat local, mécénat de compétences, etc.).

4. Faire savoir

Du côté des marques et entreprises qui pratiquent la communication RSE, certaines portent le message dans leurs activités même. Greenweez a longtemps fait le choix de ne pas ou très peu communiquer sur ses engagements RSE. De l’aveu de son CEO et fondateur, Romain Roy, il s’agissait de ne pas passer pour « une entreprise qui dit “on fait ci ou ça », nous préférons agir plutôt qu’en parler. C’est bête, car de nombreuses entreprises vertueuses le font. »

Alors que Greenweez est une société à mission depuis juin 2021, l’entreprise a très peu communiqué dessus. Un « choix » explique le PDG, car c’est un mécanisme structurant, une démarche d’impact plutôt destinée à l’interne (clients compris) qu’à l’externe.

Greenweez fait ainsi face à deux enjeux parfois durs à faire cohabiter, ce que Romain Roy appelle « le dilemme fin du monde » vs « le dilemme de la fin du mois » : « Comment répondre à des enjeux planétaires (cf GIEC) au travers de nos contenus et des alternatives de consommation proposés à nos clients ? Nous avons décidé d’être un peu plus militants dans nos discours, sans culpabiliser : nous ne nous faisons pas passer pour des chevaliers blancs parfaits. Ensuite, la réalité quotidienne des Français, c’est le pouvoir d’achat. Dans ce contexte de crise (économique et ukrainienne), les prix de l’énergie montent et d’autres problèmes vont survenir dans les prochains mois. Comment faire en sorte que les gens poursuivent leurs engagements planétaires indispensables sans que cela devienne impossible pour eux de le faire ? »

Les tensions autour du pouvoir d’achat induisent généralement un rejet du bio. Le secteur du bio spécialisé et en magasin est en souffrance depuis quelque temps, explique Romain Roy. « Nous allons communiquer dessus, car nous estimons avoir entre nos mains un dispositif et la capacité de rogner sur nos marges pour proposer une alternative de consommation peu coûteuse. Cela répond à un enjeu planétaire et de pouvoir d’achat. Une démarche déjà présente dans nos offres avec des prix engagés sur 3 000 références ». 

Greenweez entend désormais faire savoir que ce l’entreprise accomplie et faire comprendre au plus grand nombre que consommer plus responsable ce n’est pas seulement acheter un produit responsable plus cher, mais une façon d’appréhender sa consommation.

5. De nouveaux imaginaires à construire

S’il est un rôle qu’on donne souvent à la publicité, c’est celle de permettre l’émergence de nouveaux imaginaires.

Pour Luc Wise, fondateur de l’agence The Good Company, « en 2022, le thème de la décroissance sera — enfin — pris au sérieux, car nous deviendrons de plus en plus conscients que la raréfaction des ressources naturelles limite — que nous le voulions ou pas — nos modèles de croissance actuels. » Il mise ainsi sur la possibilité de « découpler » la publicité et la croissance, en proposant une publicité qui fasse la promotion d’une décroissance désirable. « Si nous souhaitons réellement inventer un “nouveau capitalisme” (pour reprendre les termes utilisés par notre ministre de l’Économie) il faudra inventer la “nouvelle publicité” qui va avec. Cette “nouvelle publicité” ne sera pas au service d’une croissance effrénée, mais fera plutôt la promotion de modes de vie plus durables, plus soutenables. Des modes de vie qui répondent aux aspirations des êtres humains, tout en respectant les limites naturelles de la planète. »

Il poursuit : « Si tout cela peut paraître paradoxal ou abscons pour certains, dont la définition étriquée de la publicité se limite trop souvent à une technique “qui fait vendre plus”, je dirais que la publicité a toujours servi d’autres fonctions dans la cité ; sensibiliser, soutenir, mobiliser, prévenir, responsabiliser, fédérer, éduquer… »

Et si cela semble toujours très théorique à nos lecteurs, il donne quelques exemples de publicités « créatives, impactantes et efficaces qui n’ont pas pour objectif de “vendre”, mais au contraire de recycler, louer, réutiliser, réparer, préserver, conserver… »

Pour porter cette décroissance désirable, la publicité devra inventer de nouveaux récits. Ca tombe bien, en tant que communicant, Philippe Pioli-Lesesvre, directeur de la création et co-fondateur de The Good Company, aime à penser que le secteur est une industrie du récit : « Une vieille habitude humaine qui existe depuis l’époque où nous racontions nos chasses sur les murs d’une caverne. Vieille peut-être, mais c’est bien sûr elle que je parie pour l’avenir. Car le récit est performatif ! Il active ! Le récit n’est pas seulement là pour expliquer le monde dans lequel on vit, et ainsi l’ordonner, le rendre moins étrange. Il est aussi là pour le changer ! Pour rendre possible le futur que l’on souhaite. Au-delà du format, je crois au potentiel des créations qui reposent sur ces deux fonctions du récit. Raconter et faire advenir. »

Et de citer le 2030 calculator de Doconomy, et Salla 2032 de House of Lapland. Le premier est « une façon intelligente et élégante d’utiliser la data pour rendre compte de l’impact environnemental de notre consommation. Ce faisant, ils posent le problème de façon limpide et donnent les outils pour changer ce qui doit l’être. » Salla 2032 est dans le même registre « avec une tonalité plus provocante, presque ironique ! »

Il donne également l’exemple de Nobody is normal de Childline et The non Issue de L’Oréal. « En mettant en lumière sur papier glacé des femmes âgées, et en rappelant que ceci est tout sauf un sujet (Non-issue) on raconte un monde où la beauté n’a pas d’âge. À rebours d’un certain cynisme qui voit dans les prises de paroles des marques, des mots sans effet, ces créations rappellent qu’avant de faire le monde d’après, il faut d’abord l’imaginer ! »

En écho aux propos de The Good Company, Elisabeth Laville estime que la communication a un rôle à jouer, car elle doit contribuer au changement culturel en rendant désirable le monde d’après, celui vers lequel il faut aller plutôt que d’insister sur les sacrifices à consentir. Et ce, en faisant que les choix climatiquement favorables apparaissent comme normaux (avec un aspect de “nudge”, célèbre dans la Macronie), en définissant de nouvelles normes sociales apparaissant comme simples plutôt qu’un choix militant, voire radical. 

Par exemple en montrant les énergies renouvelables comme un standard et non comme une option. Idem sur la transition alimentaire, en incitant à se tourner vers les produits végétariens et flexitariens, bon pour la santé et la planète et pas comme des produits « alternatifs ». « Il faut trouver le subterfuge dans l’offre, le nudge, pour ringardiser l’ancien et ses comportements et présenter les nouveaux comme une banale ‘normalité’. »  

Pour la fondatrice d’Utopies, cette démarche bascule peut se faire par le biais de marques qui osent dire : ne consommez pas nos produits, comme la Loom et son slogan Moins, mais mieux ainsi que son manifeste pour une mode plus calme. Ou encore Asket et sa campagne Fuck fast fashion. Dans la communication RSE, « il est plus intéressant de dire qu’on n’est pas parfait et qu’on n’a de réponse pour tous les sujets », poursuit-elle.

Mathieu Jahnich appuie : « Les marques devront continuer à valoriser leurs réussites, mais davantage parler des limites de leur démarche, des difficultés rencontrées. Le déploiement d’une stratégie RSE est une démarche d’amélioration continue : il y a toujours des marges de progrès, des choses à améliorer et cela doit transparaître dans les éléments de communication RSE. C’est un élément indispensable pour regagner la confiance des publics. »

Pour Julie Schwarz, d’Econovia, tout l’enjeu, demain, se fera autour du principe de coopération et d’échange, du dialogue, afin de ne plus favoriser un monde d’opposition binaire « pour et contre », « producteurs et consommateurs ». « La vraie tendance sera de faire de la communication un outil au cœur de la stratégie des organisations, d’en faire un outil qui recréera une vision, du commun, fédérera les équipes (post-Covid), redonnera du sens et réinventera la vision des organisations. La communication est souvent vue comme le vernis, la cerise sur le gâteau, alors qu’il s’agit d’un outil véritablement transversal à tous les services, pour redonner du sens, une raison d’être et réinventer les imaginaires. »

* Cette communication qui « raconte ce qui fera la différence », est un des piliers du nouveau mix marketing, le mix marketing de l’adhésion écologique, que la Convention des Entreprises pour le Climat dévoile cette semaine à Marseille, et a baptisé les 6R :
• Repenser le rôle de la marque (marque)
• Respecter le vivant dans son ensemble (produit)
• Rémunérer chacun justement (prix)
• Raconter ce qui fera la différence (communication)
• Réduire les impacts négatifs (distribution)
• Rallier à de nouveaux modes de vie (consommateurs)
Imaginés par Stéphanie Moittié, bénévole CEC, fondatrice d’URVAD et administratrice de la plateforme pourunmarketingcontributif.fr , les 6R sont « un modèle à la fois inspirant et opérationnel, qui permet de rediriger ses pratiques marketing vers l’éco-compatibilité de façon profonde, structurée et progressive. Pour des marques qui contribuent positivement à la société. »

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