Des assistants efficaces plutôt que des Terminators.
C’est une révolution pour les uns, un cataclysme destructeur (d’emplois notamment) pour les autres. Les intelligences artificielles génératives sont promises à un bel avenir qui se dessine dès aujourd’hui.
Chez WNP Studio, cette révolution n’effraie pas, au contraire, elle est accueillie à bras ouverts. Pour la première fois en France, un studio de production de contenus digitaux propose une offre mêlant intelligence artificielle, storytelling et production. Un loup dans la bergerie ? Plutôt un facilitateur et un accélérateur de production / conception, un assistant boosté à l’intelligence artificielle pour des projets plus fluides, efficaces et économiques. Car s’il y a bien une chose que cette technologie ne pourra remplacer, ce sont les idées… et ceux qui les imaginent.
Benjamin Levy et Tanguy Dairaine, respectivement président / managing partner et directeur de production de WNP Studio, reviennent sur les ambitions et les coulisses de cette nouvelle aventure.
Pouvez-vous nous expliquer quelle est la vision globale de WNP Studio. Quels sont vos objectifs et votre mission principale ?
Benjamin Levy : Nous avons encapsulé notre mission en une phrase, c’est une promesse de performance : We make your content work harder. C’est différenciant et innovant par rapport à d’autres maisons / studios de production, puisque la promesse est non seulement de faire de beaux contenus, bien exécutés, qui respectent à la fois les codes de la marque, voire les transforme ou la fait avancer, et délivrent de la performance au niveau de l’image, du business et de l’intention d’achat.
Pour ce faire, notre offre s’appuie sur trois piliers :
1. Conception créative avec le storytelling : c’est la capacité de raconter des histoires dans nos contenus, quels qu’ils soient – publicitaire, brand content, influence, etc. – dynamique ou non, shooté ou pas. Des contenus qui influencent le comportement d’achat, changent la perception d’une marque dans l’esprit d’un consommateur et lui donnent envie de consommer la marque.
2. Technique de production : aujourd’hui, il faut chercher des leviers de rentabilité, mais aussi, pour les marques, de la qualité (visuellement engageant), de la vitesse (avec les réseaux sociaux, la multiplication des formats et des plateformes, il est nécessaire d’alimenter quotidiennement le plan éditorial des marques), de l’efficacité en termes économiques (produire moins cher) et ce, sans dégrader le niveau de qualité. Avec des solutions de production modernes, fluides, innovantes.
3. Data : pour répondre à cette ambition de performance et cette promesse. Nous avons trouvé un partenaire IA aux États-Unis qui nous permet de pré-tester toute une suite de contenus et de les mettre en situation, non pas face à un panel professionnel (ce que je reproche aux post tests), mais d’une IA qui réplique le comportement de l’être humain. C’est-à-dire qu’elle donne son appréciation sur un contenu. Son plus ? Elle absorbe les algorithmes des réseaux sociaux pour présager de la performance future de ces contenus sur ces plateformes.
Nous pouvons ainsi obtenir des résultats probants et fiables en moins de 24h ou comparer des versions entre elles pour savoir laquelle performe le mieux sur tel ou tel réseau social. Ce qui est intéressant pour les annonceurs dont la moitié du mix est digital et qui ne s’y retrouvent pas dans le quanti : taux de clic, de visionnage, coût par clic, par vue, etc.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la manière dont l’intelligence artificielle est utilisée au sein de WNP Studio (pour le processus de création ou pour optimiser les contenus des campagnes digitales) ? Comment cette utilisation de l’IA améliore-t-elle l’efficacité des contenus et maximise-t-elle leur impact ?
B.L : Il y a 2 niveaux :
– sur la conception de la campagne. Avec l’accès qui nous est donné sur ces intelligences artificielles, tout va plus vite. Cela participe à développer pour moins cher (ce qui est une demande des clients) et les IA nous permettent de délivrer des storyboards en deux heures, quand il fallait briefer un roughman auparavant ; de faire des aménagements/alternatives de rédaction en deux minutes ; de raccourcir des contenus de 30 secondes à 15, etc.
Il y a également tout ce qui est inspiration visuelle. Les créatifs à s’en nourrissent pour la réalisation de moodboards ou pour chercher des références photographiques sans passer des heures dans des banques d’images et des bases de données.
– l’analyse pré-test. Obtenir des résultats fiables à +95 % en amont d’une campagne, c’est un peu du jamais vu !
Nous avons deux façons d’analyser ça, avec du benchmark sectoriel (intégré dans cette technologie-là) et des versions entre elles pour aller chercher des points de performance là où l’on peut optimiser le storytelling ou le montage des différents films.
Comment WNP Studio parvient-il à créer des expériences narratives uniques en utilisant l’IA ? Quelles sont les possibilités offertes par cette combinaison pour raconter des histoires de manière innovante et captivante ?
B.L. : Nous sommes aujourd’hui à un stade où trouver une idée sur la base d’un brief ou un angle stratégique avec un besoin consommateur reste le travail des humains. Les belles grandes idées qui font la différence, ce sont nos créatifs qui les trouvent sur la base du travail en amont de nos stratèges. Cela ne changera pas, et nous en sommes convaincus.
En revanche, dans la conception, dans la façon de monter les maquettes, d’écrire les scripts, de découper les chapitres d’une campagne, etc., nous nous aiderons de technologies ou de solutions de rédaction. Mais les idées restent l’arme fatale des créatifs et il ne faut surtout pas changer ça !
Comment garantissez-vous que l’utilisation de l’IA ne compromet pas la créativité humaine dans la production de contenus ? Comment trouvez-vous le bon équilibre entre l’IA et les compétences des créatifs ?
B.L. : Pour WNP Studio, ce que nous avons à disposition en termes d’IA, ce sont des accélérateurs, des moyens de s’inspirer plus vite, de concevoir, de décliner, d’adapter plus rapidement avec un rendu qualitatif. Ce ne sont pas encore de purs concepteurs. On s’en est rendu compte en testant certaines choses : je ne peux pas transmettre le brief d’un planneur stratégique à une IA et m’attendre à ce que ce soit la campagne de l’année… et tant mieux.
Nous sommes fiers et contents, car le mix est très intéressant, il y a de la pédagogie faite en interne pour que les créatifs adoptent ces outils, et ils sont plutôt gourmands de la chose. Ils observent que certaines tâches hors conception vont plus vite, et bénéficient d’un petit assistant qu’ils n’avaient pas avant. C’est un vecteur d’accélération.
Tanguy, après avoir tant bossé avec des artistes, ça ne fait pas mal de faire bosser des robots ?
Tanguy Dairaine : Dans l’industrie musicale, nous travaillons avec des robots depuis très longtemps : le premier DX7 dans les années 80 a permis de recréer un orchestre symphonique avec un clavier Yamaha. Ce qui a effrayé les musiciens à cette époque-là est devenu la norme. Cela ne me fait pas peur.
Ce que dit Benjamin est juste : tant que la création reste au cœur de notre métier, nous sommes sauvés. Ce qui m’intéresse dans le produit ou les artistes, c’est le côté populaire de la chose. Cora (un client de l’agence, NDLR) veut remplir leurs linéaires de caddies et de clients satisfaits ; un artiste veut remplir des salles de concert. Pour cela, il leur faut des choses très qualitatives, mais aussi populaires dans le bon sens du terme. La jonction entre Benjamin et moi est là : quand la tech rencontre “l’extrême populaire” cela rend les choses intéressantes.
Je n’ai jamais travaillé pour un artiste afin de vendre 10 albums ou faire un clip seulement vu par trois happy fews à 3h du matin. On a pu me le reprocher, notamment lorsque je travaillais chez BETC, comble de la hype, mais ce qui m’intéresse ce sont les albums de platine, le million d’albums, des tournées dans 60 pays avec 500 000 tickets vendus, etc. Au fond, la publicité, c’est la même chose, les moyens pour s’y rendre sont identiques : des idées fortes évidemment, avec la technologie en appui.
Vous avez des exemples ?
T.D. : Les techniciens lumière pensaient que les premiers écrans sur scène allaient leur enlever leur art. Ce sont des gens comme moi qui ont rempli ces écrans, la lumière est passée au second plan, car nous délivrions le message chanté à l’image. Il y a 2-3 ans, chez BETC, nous avons commencé à créer en studio ce que nous créions avant à l’extérieur : ne plus aller à Cape Town, mais reproduire Cape Town en studio. C’est le premier pas vers une hyper techno qui sauve la société : on a longtemps emmené 8 personnes en business pour faire des films à 400K, aujourd’hui ce n’est plus possible, on nous jetterait des pierres.
J’ai écrit des chansons, je suis donc sensible au fait que les IA génératives puissent le faire à ma place. J’ai demandé à une IA d’écrire une chanson avec des thèmes spécifiques, deux couplets et un refrain, que cela rime au couplet mais pas au refrain, résultat j’ai quand même été obligé de m’y recoller 2-3h pour que ça tienne debout.
Dans quelques mois, on sera plus forts dans les prompts, cela va servir l’art, on sera plus précis, pointus et on pourra répondre de plus en plus aux attentes des gens. C’est le terrain de jeu qui est intéressant avec la technologie. Avec WNP Studio, j’ai une latitude et une liberté terrible pour explorer tous ces territoires. Par exemple, la figuration en 3D, la question très gênante du face replacement, notamment pour une marque qui voudrait s’étendre sur d’autres territoires, etc. Les outils ont presque toujours été développés pour la publicité, car il y a toujours eu l’argent nécessaire pour s’offrir ces jouets-là.
Comment envisagez-vous d’évangéliser et de convaincre les clients/annonceurs de l’importance de cette révolution technologique pour produire des contenus de meilleure qualité et plus efficaces ? À l’instar de ce qui s’est passé avec la publicité digitale, ne craignez-vous pas que les tarifs soient tirés vers le bas avec l’utilisation d’IA dans le processus de conception/production ?
B.L. : Le talent se paie. On ne peut pas brader le temps et le travail des talents qu’on propose à nos clients. En revanche, avoir des outils – à la manière d’une révolution industrielle – qui nous font produire plus vite crée de l’économie d’échelle, sans verser dans le taylorisme. Nous restons davantage à l’écoute des annonceurs/marques qui ont la capacité économique d’investir dans la transformation de leur marque. Nous ne sommes pas une agence low cost qui fait du snack content éphémère. Notre vocation est de créer de la valeur, c’est un investissement avec un coût certes négociable, mais pas négligeable.
Ensuite, on développe cette offre “technologique” en réaction au marché : les annonceurs opèrent des coupes de budget, l’inflation génère une baisse de consommation des ménages, les chiffres d’affaires des marques, en grande consommation ou retail, sont challengés, nous avons donc besoin de trouver des solutions qui les aident et nous aident à survivre dans cette période où les annonceurs ont de plus en plus d’oursins dans les poches. Le talent se paie, on ne se brade pas du fait de l’utilisation de l’IA, en revanche certains processus seront plus rapides, et donc moins chers.
Comment convaincre les annonceurs de nous suivre dans cette démarche ? C’est une demande de leur part, donc forcément en leur disant que ce sera moins cher, ça allume des lumières positives chez eux. D’un autre côté, certains clients ont la volonté d’aller tester des choses inédites, de mesurer différemment, etc. Il faut un peu de courage pour sortir des sentiers battus. Et d’ailleurs, c’est avec ces annonceurs-là qu’on s’éclate le plus lorsqu’on challenge l’ordre établi.
Pouvez-vous nous donner un aperçu des projets futurs de WNP Studio ?
B.L : Avec Tanguy, nous avons un projet R&D en développement qui nous semble être la solution pour accélérer de dix crans : c’est un assistant de production virtuel qui sera une sorte de répertoire / bibliothèque de toutes nos productions. Nous pourrons ainsi ressusciter nos rushes facilement, resolliciter des comédiens, des monteurs, etc. Tout cela sera enregistré, indexé et donc accessible via un moteur de recherche accéléré par IA. On pourra produire plus vite et sans erreur. Par exemple, à l’expiration de droits musicaux ou d’image d’un comédien, l’assistant nous alertera trois mois à l’avance de l’échéance de ces droits, on pourra les renégocier et poursuivre la diffusion. Cet outil ne supprime pas le travail de producteur, il le rend plus fiable et plus efficace, et lui permettra potentiellement de gérer plus de production en parallèle.
T.D. : Le métier en agence est encore rempli de process, de légal, de réunions, de tout un tas de choses chronophages. Tous les producteurs en agence de Paris vous le diront, ils n’ont pas le temps, car ils enchaînent les réunions, doivent relire les contrats, etc. Cet assistant d’intelligence artificielle développé avec Benjamin au sein de WNP Studio doit nous permettre de gagner du temps, de nous concentrer sur le métier. Les clients devraient également être intéressés par cette méthode prédictive qui permettra de gagner entre 30 et 35 % d’efficacité.
Avez-vous des exemples de campagnes ou de projets où l’utilisation de l’IA et du storytelling a eu un impact significatif ?
B.L. : Pour Cora, l’utilisation de l’intelligence artificielle nous a permis de concevoir la campagne plus vite. Nous la testons actuellement pour comparer des montages et voir ce que cette technologie a dans le ventre. On utilise fréquemment le text to image, notamment en ce moment avec Firefly d’Adobe pour Photoshop afin d’étendre une image ou remplacer un objet sur une photo de stock. Pour Payot, nous avons produit un film d’une minute pour les réseaux sociaux en 16/9. Grâce à l’IA, nous avons pu en faire 48 versions : 9/16, 1:1, 30 secondes et 15 secondes, dans trois langues différentes, et ce, en quelque jours versus une 10e de jours normalement. Mais il n’y a pas de projets qui réunissent toutes ces technologies-là pour le moment…
T.D. : Aussi parce que les annonceurs et nos annonceurs ne sont pas encore prêts à utiliser toute la technologie à leur disposition.
B.L. : Après, on a tous vu la campagne Undiz ou La laitière d’Ogilvy. Après, est-ce qu’on peut dire que c’est une révolution en termes de campagne, je ne pense pas. La révolution c’est d’utiliser une IA et de faire des prompts sur Midjourney au lieu d’embaucher un photographe et des mannequins…
Est-ce que le matériel de campagne est meilleur ? Est-ce qu’elle performe mieux ? Est-ce qu’elle transforme profondément la marque ? Je n’en suis pas convaincu. Effectivement, le film Coca-Cola conçu avec Stable Diffusion est intéressant, certes, mais lorsqu’on compare cette campagne avec la Happiness Factory, en tant que consommateur, je préfère mille fois regarder celle-là plutôt que la nouvelle.
Si on ne m’avait pas dit qu’elle avait été faite avec de l’IA, la campagne en elle-même est inintéressante.
Comment voyez-vous l’avenir du marché de la production de contenus digitaux évoluer ? Pensez-vous que l’intelligence artificielle aura un rôle toujours plus important dans les mois/années à venir ?
BL : La moitié des séries sur Disney+ et Prime Video font déjà preuve d’innovations énormes. Les budgets ne sont certes pas les mêmes. Les séries comme The Mandalorian, tournées avec des écrans LED ont un niveau technologique révolutionnaire. Du côté de la publicité, nous n’en sommes pas encore là.
L’IA et ce type d’outils vont continuer de se développer et de s’améliorer. Pour les professionnels de la communication, il va falloir distinguer deux choses :
– les outils technologiques à notre portée, comme autant d’accélérateurs, de facilitateurs et de sources d’inspiration ;
– les grandes avancées et innovations technologiques qui changent la perception du consommateur. Aujourd’hui, l’IA ne nous aide pas à faire de meilleures campagnes, avec de meilleurs résultats. Ce n’est pas un raz de marée qui fait dire aux consommateurs que quelque chose a changé. C’est aussi la magie de ces choses-là, faire illusion.
T.D. : La transformation majeure se déroule dans les cuisines, loin des yeux du consommateur : faster, better, cheaper pour les fabricants. La révolution est encore derrière le rideau et non sur le devant de la scène. Et tant mieux car nous sommes encore trop hésitants. Il faut attendre et se laisser porter par le courant. C’est beaucoup de réflexion et d’humain, il faut embrasser cette technologie, on vit une vraie révolution.