De la fusion TF1-M6, à Roland-Garros qui fait ses nocturnes sur Prime Video, la plateforme de streaming d’Amazon, quand celle-ci n’arrache les droits de la Ligue 1 à Canal+ et BeIn Sports, en passant par 6 sites de médias français – L’Équipe, 20 Minutes, le JDD, Paris-Match, Europe 1 et RTL – qui s’accordent autour d’un identifiant unique, le pass media, ou encore le lancement de l’application RadioPlayer réunissant la majorité des radios françaises ainsi que celui de nouveaux magazines papiers (Epsiloon, Big Bang, Bienvenue chez vous, 40-A, Entre Nous), cette année, le secteur a fait preuve d’une brillante vitalité. Bien heureux.euse celui.celle qui pourrait prédire à quoi ressemblera le paysage médiatique l’année prochaine.
Si la télévision et l’univers digital dans son ensemble ont largement « profité » de la crise sanitaire et ses multiples confinements, le petit écran devrait accuser une baisse logique de ses audiences ne pouvant plus compter sur le temps « disponible » des Français. En revanche, les plateformes ont redoublé leurs investissements dans les contenus portant la concurrence à un niveau supérieur. Les plateformes de streaming étrangères (Netflix, Prime Video, Disney+, etc..) prévoyaient ainsi de dépenser près de 100 M€ dans des séries françaises inédites cette année, quand Netflix a mis 17 milliards de dollars sur la table en 2021 (tout en augmentant ses tarifs) pour enrichir son catalogue (programmes originaux et achats). La rentrée des différentes chaînes TV le prouve, c’est l’offensive en matière de programmes et contenus (420 millions d’euros investis du côté de France TV par exemple). Ces derniers devraient logiquement être la star de 2022, quel que soit le support sur lequel ils s’épanouissent.
Le contenu superstar
Ainsi, plus que des innovations technologiques attendues sur le marché des médias, ce sont des formats, des intentions, des narrations, des incarnations, des engagements en matière de contenus sur lesquels il faudra compter du côté des médias sondés.
Mais attention, pas de contenu pour du contenu. Déjà saturé de messages, d’informations et de vidéos, le consommateur est en quête de sens et d’authenticité, de singularité et d’immersion. Surtout après 18 mois chahutés par une crise sanitaire inédite, et ce, dans de multiples domaines : consommation, usages, habitudes, temps pro et perso, etc. Comme le constate Philipp Schmidt, le chief transformation officer et directeur exécutif de Prisma Media, « la publicité et les médias sont des secteurs qui vivent tellement vite, qu’on en oublie parfois le sens. Ce retour au sens est clé aujourd’hui » et sera un levier de distinction futur pour les médias. Un retour au sens et un retour aux sources pour Prisma Media. S’il pouvait y avoir une inégalité dans la maîtrise des outils (par rapport au pure player notamment), il y a 10 ans de ça, aujourd’hui, la plupart des médias maîtrisent l’ensemble de la chaîne technologique de la production à la diffusion. « Nous sommes désormais en train de revenir à quelque chose de simple : l’importance de l’innovation éditoriale par le fond (le contenu), plutôt que la forme, pour pousser une différenciation et créer de nouveaux segments qui vont au rythme de la société. Et ce n’est pas depuis Netflix qu’on en parle », poursuit Philipp Schmidt. Aujourd’hui, le groupe se targue ainsi de publier « jusqu’à 10 000 vidéos par mois via 8 studios intégrés », en contrôlant la production et la conception des contenus, la distribution, la data propriétaire et donc la mesure et la création d’audience, ainsi que sa monétisation en interne.
Segmenter pour se différencier
Une prise de conscience visible dans les médias nationaux. Ceux de Prisma Média évidemment, avec le lancement d’un Femme Actuelle « Escapades » autour de la découverte « feel good » des régions françaises, ou de Bienvenue chez vous by Stephane Plazza sur la tendance du home staging renforcé par les différents confinements. Et ailleurs avec des verticales sociales, sur les néo-ruraux ou avec des magazines adossés à des personnalités du PAF comme Faustine Bollaert (Entre Nous) ou Sophie Davant (S). Si les projets pullulent dans différents médias, ce qui fera la différence, ce sont les contenus : « Trouver un positionnement à travers des contenus innovants qui s’adressent à une cible très engagée, souligne le CTO de Prisma Media. On sent vraiment l’audace éditoriale et journalistique. La différenciation est en train de revenir. »
(S’)Incarner
Chez Konbini, cette différenciation se faisait jusqu’ici au travers de formats vidéo concepts, d’interviews avec des thématiques précises et une DA reconnaissable, mais peu, voire pas du tout incarnés. Dès la rentrée, le média dont l’audience est composée à 85 % de 15-34 ans proposera désormais des « incarnants », nous explique Raphaël Choyé, directeur de la création et des programmes de Konbini : « Des personnalités extérieures au média qui viendront incarner des shows, notamment en live, format sur lequel nous souhaitons nous positionner. Ce seront des “signatures”, mais surtout des références dans leur domaine respectif : musique, cinéma, environnement, etc. » L’annonce et la présentation de ces personnalités devraient avoir lieu entre mi et fin septembre et ces nouveaux formats inonder l’ensemble des plateformes du média qui souhaite en faire ses « émissions phares » une à deux fois par mois, en live donc. Avec 2,6 milliards de vidéos vues en 2020 auprès d’une audience paritaire, il ne s’agit plus d’engager, mais d’incarner et d’apporter un supplément d’âme que la période actuelle semble rendre d’autant plus nécessaire.
L’engagement citoyen
Une logique éditoriale déjà présente chez Radio France, dont les animateurs sont la voix de leur programme et les personnifie. À ceci près que cette année, élection présidentielle oblige : « Cette année, il nous paraît important de mettre l’accent sur la proximité : un axe essentiel dans une société qui a connu le mouvement des Gilets Jaunes et alors que nous vivons des temps incertains avec la crise sanitaire et que s’ouvre une période électorale majeure », précise Laurent Frisch, directeur du numérique et de la production à Radio France. Il poursuit : « Radio France se voit comme un créateur de lien social, un fédérateur de la société, nous allons énormément miser sur notre rôle dans l’engagement citoyen, et notamment dans l’engagement de proximité. »
Cette démarche trouvera notamment à s’incarner du côté de France Bleu, son réseau de 44 stations, avec une consultation participative « Ma France 2022 », en partenariat avec la plateforme citoyenne Make.org, un dispositif digital relayé par la plateforme numérique de France Bleu et à l’antenne avec la nouvelle émission de Wendy Bouchard, « Ma France », nous précise-t-il. « Il s’agit d’apporter des propositions, de susciter le débat et de la réflexion collective dans le but de trouver des solutions, d’apaiser un débat parfois très clivé, d’apporter tant de la simplicité que de la complexité, c’est-à-dire ne pas voir les choses de façon caricaturales. » Comme le précise le patron du numérique de Radio France, le groupe radiophonique de service public « a la conviction, toutes chaînes confondues, mais France Bleu en particulier, que derrière des configurations trop savantes et complexes, on peut perdre le lien. Or, des choses très complexes peuvent être dites avec des mots très simples. C’est ce que nous recherchons dans notre rapport au public. Cette consultation citoyenne est l’emblème de cette innovation éditoriale au service de l’engagement citoyen. »
Trouver la voix
Une façon de s’engager donc, et d’engager ses audiences. Les formes d’engagement auprès des médias se multiplient, des formules d’abonnement classiques (à un magazine, journal, podcast) à la plateformisation des contenus (qui verra peut-être bientôt naître un Netflix du jeu vidéo) : « On vit une vague d’innovation qui permet à chaque segment, cible, voire personne, de trouver la bonne formule pour s’engager dans le temps, ou pas, auprès des médias en fonction de ce qu’ils veulent consommer, rappelle Philipp Schmidt. Cet engagement peut être acquitté en euros, en partageant sa data grâce à un log, ou en acceptant les cookies. La transaction peut se faire à travers diverses monnaies d’échange. »
À la Maison de la Radio et de la musique, cette recherche d’engagement trouve sa traduction au sein d’une innovation née à France Bleu, testée cet été, et qui devrait prendre plus d’ampleur cette année, l’interactivité antenne. Soit la place donnée à la voix des auditeurs dans les programmes de Radio France au travers d’un nouveau dispositif conçu par la startup française VoxM et intégré dans l’application France Bleu : il permet au public de réagir en direct aux différents programmes du groupe, en rédigeant des messages ou via des contributions vocales de toute nature reprises ensuite à l’antenne par les animateurs. « Le dispositif a tellement bien marché sur France Bleu que nous avons eu envie de le déployer ailleurs, toujours dans une démarche d’engagement du public, sur France Inter avec l’émission d’Ali Rebeihi, “Grand bien vous fasse” », se félicite Laurent Frisch. Cette intégration à l’application France Inter est une première étape avant un déploiement plus large dans les mois à venir.
France Bleu devrait néanmoins être le cœur de cette volonté d’interagir avec le public au sein d’une nouvelle plateforme technologique intégrant « deux nouveaux piliers essentiels » : l’engagement citoyen et du public pour lui permettre d’interagir avec sa radio ou de donner des conseils aux autres auditeurs. Ainsi, qu’une dimension servicielle pour mieux vivre son environnement, s’entraider par des infos pratiques liées à la proximité, des bons plans autour de chez soi, etc. « Comme ce qui se fait déjà à l’antenne, mais cette fois-ci dans une dimension numérique très forte avec cette participation du public. Nous serons sur un triptyque, informer, s’engager et mieux vivre. » Laurent Frisch prend soin de rappeler que France Bleu est la plateforme média qui a sans doute le plus progressé depuis sa création en 2015 puisque ses audiences ont été multipliées par 20.
Il était une fois
Du côté de SoPress [So Foot, Society, SoFilm, Pédale, 40-A, DADA, etc.], Franck Annese, son fondateur, tranche d’emblée : « La presse magazine n’est pas le pays de l’innovation. » C’est pourtant grâce à sa volonté de ne pas se limiter que le groupe de presse est aujourd’hui l’un des plus prolifiques du secteur et innove en rythme avec son époque.
Le patron de presse explique ainsi réfléchir désormais les articles non plus comme de simples articles, mais comme des histoires déclinables en scénarios de films, de séries, de documentaires, et ce, dès le choix du sujet. « Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous développons des séries et documentaires autour d’histoires imaginées pour Society. Quand ce n’est pas parfois l’inverse. » Franck Annese explique ainsi qu’en travaillant actuellement au développement d’une série documentaire pour une plateforme, il lui est apparu, ainsi qu’à son équipe, qu’elle ferait une bonne histoire pour le quinzomadaire Society. « Nous sommes dans une conception beaucoup plus large du récit. Nous les pensons différemment, avec une logique de va-et-vient entre des médias “de l’époque” — série, série documentaire et fiction — et des médias plus traditionnels comme le papier qui permet véritablement de tester une histoire. C’est ce qui s’est passé avec l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès. La saga a cartonné, tout le monde voulait qu’on fasse la série ou le documentaire avec eux. » Bilan : les deux numéros accoucheront d’une mini-série fictionnelle de 6 épisodes pour laquelle plusieurs diffuseurs sont d’ores et déjà intéressés.
Innover dans la presse devient compliqué, concède celui qui est également fondateur et producteur de So In Love, le groupe n’a donc aucune intention de se brider. « On peut faire pas mal de choses en faisant des numéros spéciaux, en ayant une logique de formats très événementiels, comme lorsque nous créons 40-A, Big Bang, des coups en fait. Avec des numéros exceptionnels, qui n’ont pas nécessairement vocation à perdurer dans le temps, se mettre dans une logique de librairie peut-être intéressante, quand bien même il s’agirait de presse et de parution en kiosque. Le magazine a désormais cette temporalité-là : si tu ne fais pas l’événement, d’autant plus avec des médias plus récurrents, comme So Foot ou Society, tu as du mal à exister. » Après l’affaire XDDL l’été dernier (2020) et l’anthologie Maradona dans So Foot (près de 500 pages pour 20 euros, contre les 4 €50 habituels), c’est l’enquête sur la séparation douce-amère de Daft Punk après 30 années mélodiques qui est venue faire la une et créer la sensation cet été.
Plongée dans le récit
Autant d’histoires qui plongent le lecteur dans des souvenirs, des moments passés, et résonnent en lui, que le sujet lui soit inconnu ou familier. C’est également l’ambition d’Epsiloon, le nouveau magazine d’actualité scientifique lancé en juin dernier après une campagne de crowdfunding brillamment orchestrée sur Ulule. Comme le confirme Mathilde Fontez, rédactrice en chef d’Epsiloon : « Ce qui prime dans la presse magazine avec une telle temporalité, c’est le retour, du côté du consommateur de presse, à une envie d’immersion, d’enquêtes fouillées, avec un contenu de haute qualité, où le travail journalistique se voit. » C’est cette démarche qui, selon elle, permet à la presse d’exister aujourd’hui et à rendu possible le lancement, en 2021, après une crise de la Covid qui a malmené la presse, et de nombreux autres secteurs, un magazine mensuel papier comme Epsiloon : « C’était un pari audacieux après crise, mais un pari effectué sur cette base-là : le besoin du lecteur, baigné dans un flux – sans jugement de valeur dessus, de s’immerger dans des histoires qu’il n’a lues nulle part ailleurs, lui apprendre des choses qu’il ne sait pas, découvrir une actualité qu’il ignore, l’immerger dans un monde qu’il n’avait jamais vu avant. […] C’est la spécificité de notre offre, Epsiloon a un dos carré et ce n’est pas pour rien, le contenu n’est pas censé être périmé au bout de deux mois, c’est notre savoir-faire. »
Cette notion d’immersion guide la réflexion du magazine sur ses différents formats et de déclinaison derrière, comme le podcast : « Ce n’est pas vraiment une innovation, mais il rencontre un énorme succès et s’impose de plus en plus, avec de nouveaux formats testés par les journalistes radio », rappelle Mathilde Fontez. « En presse magazine, cela nous paraît être complémentaire avec notre offre papier : nous n’aurons pas forcément la même audience et les mêmes lecteurs, ça peut nous permettre de recruter des gens qui n’ont pas forcément l’envie de se plonger dans le format papier, mais envie de plonger quand même. »
Des formats toujours plus mobiles et à l’écoute
D’autant, que « le podcast est devenu un asset clé dans la stratégie de communication 360 des marques. Ce n’est plus une annexe, il est le cœur et de là d’où partent tous les autres médias », confirme Emmanuelle Fortunato, directrice commerciale et développement chez Nouvelles Écoutes. Ainsi, en 2022, le podcast multiplie les formats d’écoute et ne se déploie plus seulement sur les plateformes spécialisées. On peut l’écouter en vidéo sur YouTube, comme le podcast de Kyan Khojandi et Navo par exemple (« Un bon moment », aussi disponible sur MyCanal), sur Instagram avec le podcast Sistas Club de Cacharel (produit par Nouvelles Ecoutes !) et en partie sur leur IGTV (@cacharelparfums).
À l’instar des articles qui deviennent des fictions chez SoPress, chez Nouvelles Ecoutes, les podcasts se déclinent… en livres. Comme Mortel, La Poudre ou Vieille Branche aux Éditions Marabout : « Des œuvres qui densifient encore l’expérience podcast, offrant par exemple la possibilité d’aller plus loin encore dans les sujets traités initialement par le podcast, se réjouit Emmanuelle Fortunato. Ces médias imaginés et construits autour du podcast permettent de multiplier les points de contact avec son audience et d’offrir des médias complémentaires sur un même contenu. »
Radio France, qui vient de franchir le seuil symbolique des 100 millions de podcasts natifs écoutés depuis son lancement dans la production, entend poursuivre « sa dynamique d’innovation », notamment sur France Bleu avec ses premières collections de podcasts natifs, comme Clisson Rock City, « qui marche très bien » (le village qui a vu débouler le Hellfest), La folie des hauteurs et d’autres collections dont l’une d’elles autour du loup. « Des problématiques pas véritablement abordées jusqu’à présent dans le monde des podcasts et de la radio et qui viennent des territoires, de la proximité. Un terrain peu occupé, souligne Laurent Frisch. Nous souhaitons donner une couleur locale aux podcasts avec des problématiques qui viennent d’un certain territoire, mais avec une résonance nationale. »
Vous avez dit « in-fun » ?
Que ce soit sur la partie éditoriale via Konbini ou brand avec Kewl, le média a la même ambition : raconter des histoires, susciter l’intérêt, divertir et engager les audiences sur divers sujets. C’est ce qui a donné « The Condom Show » pour Durex lancé en juillet dernier avec Dentsu. Soit, un format divertissant de 50 minutes présenté par l’humoriste et la journaliste Sophie-Marie Larrouy dans le but de désacraliser l’utilisation du préservatif.
Mais aussi Healthyvores pour Aprifel (l’Agence pour la Recherche et l’Information en Fruits et Légumes), un web-documentaire décalé ambitionnant de donner envie aux jeunes de manger davantage de fruits et légumes. La première saison a généré 11 millions d’impressions, la 2e saison a démarré en juin dernier et une troisième est en préparation. Comme le confie Guillaume Aubert, directeur de la création Kewl et Konbini, le média souhaite « créer toujours plus de show et d’entertainment ». « Du vrai divertissement qui intéresse les gens. Nous ne créons donc plus de contenu pour du contenu. On le voit avec TikTok, tout le monde peut le faire. En revanche, être capable d’intéresser les gens sur du long format, comme avec Durex, est un point fort et clé chez nous ».
Il partage ainsi une « vision claire » avec son directeur de la création et des programmes, sur la manière de créer du contenu : l’in-fun. Vous l’aurez compris, de l’information divertissante, en format long, mais plus travaillée et plus rythmée dans le but de partager un bon moment avec le public. S’ils ont déjà mis cette vision en pratique — avec le podcast originals Best Story Ever, qui relate les histoires les plus folles de Wikipedia (in-fun) diffusé en exclusivité sur Deezer et présenté par Marina Rollman — « ce sera un point clé pour 2022 et encore plus avec la Covid, les gens ont besoin de passer des bons moments avec les contenus qu’ils consomment. »
Toutes les productions de Konbini, édito ou brand, seront donc perfusées à l’in-fun, confirme Raphaël Choyé. Confirmant la tendance de plus en plus visible chez les marques qui ne se content plus de communiquer, mais entendent divertir, comme Pepsi qui se lance dans la télé-réalité pour promouvoir sa nouvelle saveur, Pepsi Mango, Guillaume Aubert appuie : « Les leviers très top down publicitaires ne marchent plus, il faut créer à la même échelle que les gens sans perdre une certaine authenticité. C’est l’une des raisons de notre existence et ce sera valable pour les années à venir, car c’est clé dans la communication de marque. »
Tous concurrents ?
Le contenu étant roi, les prétendants se bousculent pour ravir le trône quand ils n’entendent pas créer leur propre empire. Des marques qui produisent des documentaires ou émissions de télé-réalité, des groupes de presse qui se piquent de fictions, des plateformes de podcasts qui publient des livres, un fabricant de hardware qui lance son service de streaming, si chaque secteur déborde de son périmètre, les médias seront-ils demain tous concurrents ?
« Il est de plus en plus difficile de différencier un secteur d’un autre. Ce qui s’est produit avec les GAFA se répercute aujourd’hui sur les médias nationaux », raconte Philipp Schmidt. Il prend ainsi l’exemple d’Apple, la société a bâti ses premiers succès grâce au hardware, en fabricant des ordinateurs, puis des smartphones, et est devenue aujourd’hui un géant du logiciel, des écosystèmes et des plateformes dématérialisées avec Apple TV+, l’App Store, Apple Music, etc.
« Les acteurs autrefois circoncis à leur périmètre deviennent aujourd’hui des concurrents. Les territoires finissent par se conjuguer. C’est le même phénomène sur l’écosystème des médias, observe le directeur exécutif de Prisma Media. Auparavant les médias c’étaient la presse, la télévision, la radio, l’affichage, les pure players. Aujourd’hui, ces mêmes acteurs interviennent sur les mêmes territoires, parfois avec la même maîtrise de la technologie. On devient tous concurrents. »
Et ce n’est pas SoPress qui le contredirait. Dans sa volonté de penser un sujet de manière globale et ambitieuse, le groupe a conclu un important partenariat avec Federation Entertainment (société de production et de distribution derrière Le bureau des légendes, En thérapie, des séries pour Netflix, Le Petit Grégory pour TF1).
« Nous serons coproducteurs délégués : nous aurions pu rester dans une logique de vente de droit, mais cela aurait été limitant, concède Franck Annese. Notre métier, c’est de raconter et fabriquer des histoires pour un support — presse, digital, peu importe —, mais nous souhaitions toutefois rester totalement maîtres de cet aspect-là. Federation est demandeur de pitch afin de pouvoir démarcher différents diffuseurs pour développer des projets derrière ».
Si toutes les histoires racontées n’ont pas toute vocation à avoir « une fin heureuse », plusieurs d’entre elles ont le potentiel d’être portées à l’écran. Dans le numéro consacré à Daft Punk, une histoire en particulier pourrait être développée en long métrage, une autre en documentaire, mais d’ici 4 à 5 ans, quant à l’enquête de Society sur la disparition du vol Malaysia Airlines elle va être diffusée en série documentaire sur France Télévisions (via SO IN LOVE).
« Via l’hybridation des formats, il devient de plus en plus important de cultiver une singularité, de préempter un territoire de valeur propre qui renvoie une fois encore vers les contenus. Comme les groupes de presse sont très présents en audiovisuel, plus seulement les groupes TV, comment parviendra-t-on à trouver sa singularité en tant que marque ET groupe média ? », questionne Philipp Schmidt.
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