Les douze travaux de l’adtech en 2021

Par Élodie C. le 19/11/2020

Temps de lecture : 23 min

Épreuve n°1 : se passer des cookies.

2020 n’est pas encore achevée et le marché publicitaire a déjà subi deux crises et autant de confinements. La pandémie a bousculé le secteur suscitant un recul de croissance de 22 ans pour le marché français de la communication sur la période janvier-septembre 2020. De par sa nature et l’avènement d’un monde full digital, la publicité en ligne a mieux résisté que d’autres secteurs, notamment lors de ce deuxième confinement, plus souple que le précédent. L’activité des annonceurs se poursuit pour la plupart, les consommateurs confinés, mais connectés, s’occupent entre achats en ligne et consommations de contenus numériques. En outre, les enseignements du printemps semblent également porter leurs fruits.

Au-delà de cette crise liée à la pandémie, les challenges s’amoncellent à l’horizon 2021 : de l’arrivée de la 5G, aux recommandations de la CNIL en passant par la fin de l’IDFA (identification publicitaire des iPhones et iPads) et du cookie tiers sur Chrome (Google), dont l’annonce de la disparition avait suscité l’émoi du marché publicitaire. Cette dernière répond à une demande croissante des internautes de respecter leur vie privée par la mise en place d’un internet plus privé et plus sécurisé. Cette fin désormais attendue (ou redoutée) pour 2022 laisse à l’industrie une année pour réfléchir à un monde « cookieless ». Comment réinventer le ciblage publicitaire et l’identité ? Comment mesurera-t-on la performance ? Quels nouveaux modèles vont s’imposer ?

À la manière d’Hercule, ou dans une version plus gauloise, le marché de l’adtech va devoir entreprendre ses grands travaux et repenser sa mythologie. « Quel sera le principal défi du marché de l’adtech en 2021 ? »

À la veille de la grande messe de l’adtech, l’IAB AdTech Summit 2020, qui se tiendra en ligne cette année, un panel d’experts de l’industrie nous répond et envisage l’année cruciale à venir.

1. “Cookieless”

C’est LE sujet qui devrait occuper l’industrie une bonne partie de l’année. Bannis d’ici 2022, les cookies tiers seront remplacés par un équivalent avec des standards plus sûrs et plus transparents : c’est la privacy sandbox, une suite d’API ouvertes dévoilée par Google en début d’année.

« À ce jour, les interrogations du marché sont encore nombreuses concernant les impacts escomptés au quotidien et les solutions envisagées, estime Thibault Leguillon, directeur général France de Teads (en remplacement de Geoffrey La Rocca). Compte tenu de ce calendrier annoncé par Google, nous pensons que la préparation à cette disparition progressive des cookies tiers représentera un enjeu majeur pour le marché de l’adTech en 2021. Pour le moment, il n’y a pas de réel consensus de l’industrie : les acteurs du marché naviguent à vue et un grand nombre d’initiatives, plus ou moins activables, voient le jour.

Le président de l’IAB France, Nicolas Rieul, se veut néanmoins rassurant, puisque « la publicité digitale représente le premier levier de communication utilisé par les annonceurs. Notre économie vivant au rythme du tout digital, la publicité devrait se renforcer, notamment via la digitalisation des médias traditionnels (presse, radio avec audio, TV), et la croissance de l’e-commerce, prédit-il. 2021 sera donc « une année cruciale pour s’adapter et cet enjeu réunira tous les acteurs de l’industrie. »

Pour le secteur audio, la fin du cookie tiers représente un « défi technique », souligne Damien Pigasse, vice-president Partnerships chez AdsWizz. Celui du ciblage des podcasts. Le ciblage contextuel (vs ciblage comportemental notamment) y est déjà très poussé, l’audio est en outre un univers relativement logué où la first party data (data propriétaire éditeur notamment) y est déjà disponible. Dans ce contexte, le ciblage contextuel ne peut que revenir en force, prédit-il.

2. L’identité

Avec la fin du cookie tiers, l’identité en ligne va forcément se voir réinventée. Le marché de l’adtech, qui a toujours alimenté ses plateformes par la collecte de data, va devoir repenser ses méthodes de ciblage, prédit Andre Taliercio, VP monétisation et partenariats France de Triton Digital. « Le ciblage devient-il aléatoire ? Le re-ciblage devient-il impossible ? C’est aussi les revenus des éditeurs sans données de qualité qui s’effondrent. » Si les GAFAs semblent posséder une longueur d’avance (base de données importante), « les concurrents ont de la résilience, une stratégie de partenariats et de la technologie de pointe », poursuit-il.

La société de technologie audio numérique et de publicité estime qu’il faut replacer « l’utilisateur au centre du débat et le laisser décider au lieu d’être enfermé dans la logique du walled garden le plus fort. » Sans données personnelles, il est néanmoins possible d’associer un internaute avec un comportement à l’aide de l’AI – contextuel, sémantique, cohorte, profiling de comportement, etc. – ou un individu identifié (email, numéro de téléphone, etc.) avec des comportements qui lui correspondraient.

Pour Christophe Collet, co-fondateur et CEO de S4M, l’identité sera donc « le grand changement de 2021 ». Celle-ci constitue « la monnaie d’échange du marché de l’adtech, avec le cookie et le device ID. » À ceci près que le secteur se passe déjà de cookies… puisqu’il n’a jamais travaillé avec. La start-up parisienne spécialisée dans l’optimisation et le suivi des campagnes publicitaires sur mobile prenant soin de rappeler que le cookie ne fonctionnait pas sur mobile (dans les apps notamment). Le secteur mobile a donc eu tout le temps de s’adapter pour trouver des alternatives de ciblage.

« Je suis assez schumpétérien, poursuit Christophe Collet, s’il n’y a pas de cookie, il y aura autre chose. Nous travaillons depuis deux ans sur la fin des ID uniques avec des méthodes moins déterministes et plus probabilistes. Le digital va devoir s’adapter ». En télévision par exemple, on mesure l’efficacité via des panels comme ceux de Médiamétrie. « Ces méthodes probabilistes ne sont pas pour autant moins fiables, pertinentes et efficaces », souligne le CEO de S4M.

3. La “privacy”

À l’heure du RGPD, des enjeux de privacy et d’un monde bientôt sans cookie tiers, comment faire de la publicité digitale, mère nourricière de la publicité ciblée ? La disparition du cookie tiers et la fin de l’IDFA remettent en cause le tracking et le ciblage purement déterministe, d’où l’importance d’inventer de nouveaux modèles. Après une décennie de développement sauvage et incontrôlé, la publicité digitale promet désormais d’être plus régulée et transparente.

Pour l’instigateur du cookieless et son alternative — Privacy Sandbox — la protection de la vie privée ne doit pas être « juste une bonne approche, mais une démarche essentielle pour conserver la confiance des utilisateurs, des consommateurs et des employés. »

17 % des Français seraient prêts à payer plus cher leurs achats auprès d’une entreprise qui s’engage à protéger la confidentialité de ses données personnelles et 82 % des cadres supérieurs envisageraient de quitter leur employeur s’ils estimaient que sa gestion des données n’était pas éthique. (Google)

Magali Soulier, Head of marketing and advertising tech de Google Marketing Platform, estime ainsi nécessaire que les acteurs du secteur travaillent leur « état d’esprit data first où l’enjeu de responsabilité est centrale ».

Romain Job, de Smart Adserver préfère d’ailleurs « parler de ‘privacy’ » plutôt que de disparition des cookies tiers. Avec les recommandations de la CNIL et la fin de l’IDFA, la notion de consentement va être centrale en 2021. La possibilité donnée à l’utilisateur de donner ou non accès à ses données personnelles va remettre en cause un certain nombre de pratiques sur le marché, observe-t-il.

« Sur un inventaire qui incrémente une CMP, le taux de consentement est de 90 % à 95 % en moyenne, avec des disparités assez significatives selon la CMP choisie ». La mise en place des recommandations de la CNIL aura également un impact significatif attendu.

Pour S4M, les méthodologies seront tout simplement plus respectueuses de l’utilisateur. « Ce n’est pas la fin de l’IDFA, Apple demandera désormais le consentement des utilisateurs. De la même manière qu’on le donne pour accéder à un site avec des contenus gratuits. » Christophe Collet poursuit en expliquant qu’il y aura toujours une partie de la population qui sera contre l’exploitation de leurs données personnelles, et une large partie qui n’en a cure. « On fait un mauvais procès à la publicité et notamment à la publicité en ligne : elle serait intrusive et invasive. Soit, mais à ce titre le prospectus dans la boîte aux lettres l’est tout autant », avance le CEO de S4M. La publicité est invasive par nature, pour respecter l’anonymat, la vie privée, etc., une régulation est nécessaire concède-t-il cependant. « Mais il ne faudrait pas oublier son utilité notamment dans le financement et l’accès à des contenus et services gratuits. » Christophe Collet ose ainsi « les grands mots » : « La publicité est une des garantes de la démocratie en ce qu’elle finance des opinions différentes. »

Comment cibler tout en étant « vertueux » ? À l’instar de Triton Digital et Adswizz, Smart AdServer mise sur l’approche contextuelle basée sur la sémantique. Le constat est là : « Il va falloir trouver des alternatives aux cookies qui soient industrialisables. Cela demande de la collaboration et de se mettre d’accord sur la nouvelle monnaie d’échange (vs cookie et IDFA avant) », explique Romain Job, Chief Strategy Officer de Smart Adserver. Sur leur plateforme de monétisation, 15-20 % transactions sont générées sur des opportunités sans identifiants, rappelle-t-il. Un chiffre amené à augmenter.

Alors que le consentement de l’utilisateur n’est pas garanti, il est nécessaire pour ces acteurs de trouver de nouveaux modes de monétisation. « Le contexte offre une corrélation forte avec l’audience pour permettre d’autres types d’optimisation, de ciblage et de performance pour les annonceurs, poursuit Smart Adserver : la data science et le machine learning permettent de garantir de la performance pour les annonceurs sans utiliser de données personnelles. »

Teads dit d’ailleurs travailler à « proposer des solutions pérennes et responsables, respectueuses de la vie privée des utilisateurs et non-intrusives, notamment en mettant en avant un ciblage sémantique précis et granulaire ». Une solution qui « ouvre notamment de nouvelles possibilités d’adapter les formats et messages publicitaires en fonction d’un moment pour une performance optimale. »

4. Une coopération et une adaptation nécessaires du secteur

Pour le président de l’IAB France, « le plus gros chantier de 2021 (la fin de cookie tiers, NDLR) a débuté en 2020 : réussir à repenser collectivement les futures structures et les futurs standards techniques du monde de la publicité en ligne. »

Pour Marina Houdayer, digital strategist au sein du Pôle Media d’Havas, ce monde « Privacy First » (CNIL, IDFA, Privacy Sandbox) dans lequel nous entrons nécessite de s’adapter.

« Les identifiants vont évoluer et se baser sur une donnée utilisateur (login, email…) et des méthodes sans identifiants grâce à l’IA et le machine learning. Les acteurs vont donc devoir se doter de nouvelles compétences et de nouveaux modèles pour continuer à proposer des solutions de ciblages, d’optimisation et de mesures publicitaires », explique-t-elle. Citant au passage des initiatives émergentes de « shared ID » comme Pass Media ou ID5. Un nouveau monde mêlant data first party et partenariats data third party avec data shopper, data comportementale, moment de vie ou encore géolocalisation.

Du côté de la plateforme publicitaire Sublime, cette adaptation va permettre aux marques de communiquer moins, mais mieux. « C’est même la priorité des marques à venir et des utilisateurs, » estime Estelle Reale, global marketing director de Sublime. Après chaque crise (publicitaire), deux tendances de fond et deux extrêmes se dessinent selon elle :
– une tendance ROI et opportunistes pour des marques ;
– une tendance « haut du panier » qui voit les marques reprendre la parole pour mieux répondre à la demande et aux attentes des consommateurs finaux.

« Cela se fera à différents paliers, analyse Estelle Reale, de Sublime. Les marques vont vouloir mieux sécuriser leurs environnements de diffusion et communiquer dans des environnements ‘brand safe’. Poussant ainsi l’adtech à se réorganiser et travailler sur des solutions autour du brand content (les opérations spéciales actuelles). »

Les offres contextuelles basées sur la sémantique vont prendre tout leur sens, selon la directrice marketing. « Les consommateurs attendent les marques sur leur façon de communiquer, sur leurs valeurs notamment. » C’est la conclusion tirée des résultats d’une étude menée conjointement avec Gamned!, Unify et leboncoin sur les attentes des consommateurs finaux.

« Dans l’ère Covid, les responsables marketing doivent d’autant plus faire preuve de grande souplesse et prouver que ce qu’ils font fonctionne, estime pour sa part François-Xavier Le Ray, managing director France et Belgique de The Trade Desk. De quoi ont-ils besoin aujourd’hui ? D’une planification, d’un ciblage, de mesures, d’une attribution et d’une optimisation flexibles et efficaces, idéalement en temps réel. Pour qu’une publicité basée sur les données soit optimale, il faut cependant une solution d’identité fiable, sur tous les canaux numériques. C’est pourquoi le principal défi de 2021 sera la coopération de tout l’écosystème dans l’internet ouvert. En travaillant ensemble, nous avons la possibilité d’améliorer vraiment, et à l’échelle mondiale, la gestion de l’identité. »

Pour Magali Soulier, de Google Marketing Platform, travailler cet état d’esprit data first qu’elle évoque plus haut, c’est aussi choisir les « bons partenaires », « ceux avec le même niveau d’exigences sur vie privée nécessaire pour construire cette responsabilité collective ».

5. Les recommandations de la CNIL

L’entrée en vigueur du RGPD en mai 2018 a suscité la mise à jour de l’ancienne réglementation de la CNIL sur les cookies datant de 2013. Comme le rappelle Marina Houdayer d’Havas, les récentes recommandations de la CNIL, applicables (et sanctionnables) en mars 2021 nécessitent la mise en place d’un nouveau bandeau de consentement qui permettra, entre autres, aux internautes d’exercer leur refus au même titre que l’acceptation.

Évidemment, pour la CNIL, le principal défi auquel s’expose le secteur de l’adtech, est sa mise en conformité avec la réglementation : dans quelle mesure il va parvenir à se mettre en conformité avec ces obligations légales, et offrir à l’utilisateur, l’internaute et le mobinaute, la transparence et le degré de contrôle que les textes leurs offre ?

Armand Heslot, chef du service de l’expertise technologique de la CNIL, évoque ainsi le Transparency & Consent Framework (TCF) de l’IAB Europe comme prise de conscience de l’ensemble de l’écosystème par rapport à 2013. « À ce moment-là, la mise en conformité était cantonnée aux éditeurs (avec le fameux bandeau cookie), l’écosystème semblant dire qu’il revenait à ces seuls éditeurs de “faire le job” et que les autres acteurs pouvaient continuer leur business as usual. Le TCF est une réponse intéressante, car elle vient de l’écosystème lui-même, c’est très positif », admet-il.

6. De la transparence

Les enjeux de vie privée, de data et d’identité ne se régleront pas sans une dose de transparence. Et ce pour plusieurs raisons.

La publicité en ligne s’est développée de façon « assez anarchique et incontrôlée » ces dix dernières années, mais pèse tout de même aujourd’hui des millards de dollars, observe Romain Job, chief strategy officer de Smart Adserver. Cela a favorisé le développement de « boîtes noires » selon lui : les annonceurs visualisent mal la façon dont est dépensé leur budget ou comment est répartie la valeur. D’où l’intérêt de proposer des solutions offrant une meilleure traçabilité et une meilleure transparence de ces dépenses publicitaires dans le digital.

De plus en plus d’annonceurs se préoccupent désormais de savoir si leurs investissements publicitaires sont faits en conformité avec le RGPD et la réglementation. C’est un important sujet de brand safety pour les marques.

Du côté de l’audio, ce « monde fermé est divisé entre acteurs historiques (avec les radios qui se digitalisent) et pure players, comme Spotify, Pandora, Deezer, Soundclund, etc., explique Damien Pigasse, VP Partnerships d’Adswizz. Dans un secteur clos, l’annonceur sait où sa publicité tourne, il n’y a pas de problème de brand safety, de contenu amateur (le gros drame de la vidéo), de copyright, etc. Si ce défi est en train d’être appréhendé en display et en vidéo, il est appréhendé depuis longtemps déjà par l’audio de par sa nature ».

Pour la plateforme française Audion, c’est en clarifiant le marché, en le rendant transparent que l’on donnera envie aux annonceurs d’investir le digital et l’audio digitale en particulier. En leur montrant que le domaine est accessible, transparent et efficace.

7. De nouveaux usages

Les crises sont régulièrement source d’innovations et de solutions alternatives. Cette crise économique, sanitaire et publicitaire n’échappe pas à la règle. Le confinement et le télétravail engendrés par la pandémie charrient déjà son lot de nouveaux usages et comportements, aussi bien du côté des marques que des utilisateurs, consommateurs et internautes.

Un foisonnement auquel le secteur adtech devra répondre notamment par la création de nouveaux standards, estime la head of marketing and advertising tech de Google Marketing Platform. Les standards actuels vont devoir « évoluer puisque le modèle reposant sur les cookies a vocation à se transformer. » C’est tout l’objectif de la Privacy sandbox, « une initiative qui rassemble l’ensemble de l’écosystème pour définir les standards à même de protéger et d’améliorer la protection de la vie privée des utilisateurs, tout en préservant un internet gratuit, ouvert, et financé par la publicité », explique Magali Soulier.

De nombreux tests sont d’ores et déjà en cours avec les acteurs de l’industrie. Notamment ceux effectués avec une logique de ciblage basée sur des cohortes à partir du navigateur web. Et non plus sur données granulaires au niveau des utilisateurs.

L’arrivée d’un monde sans cookie tiers et identifiant publicitaire représente donc un défi supplémentaire en termes de changements d’usages pour le marché. La pandémie et ses conséquences ont poussé les consommateurs à développer de nouvelles habitudes.

Comme le souligne Damien Pigasse, VP Partnerships d’Adswizz, le télétravail a notamment engendré une nouvelle consommation de l’audio, « ce qui a un peu lancé le média en France », estime-t-il. L’adoption de ces nouveaux modes de consommation va être aidée par l’arrivée de la 5G : l’audio se consommant à 80-85 % sur mobile, même si un regain sur desktop a été observé lors du confinement/virus, précise le VP de la plateforme programmatique audio (acheteurs — DSP — et éditeurs – SSP). C’est même le « premier usage sur mobile devant la vidéo aux États-Unis, mais cela ne serait pas complètement différent en France », selon lui. Tout au moins, la technologie mobile est sans conteste le moteur de croissance de la catégorie audio. L’écoute des « mots parlés », titre du rapport audio The Spoken Word, réalisé par la NPR et Edison Research, s’emballe.

La disparition progressive des cookies tiers va se traduire en « opportunité » pour Teads. Notamment grâce à « un ciblage d’audience pertinent, responsable et respectueux de la vie privée des utilisateurs ». Deux approches sont envisagées : avec un identifiant alternatif ou fondée sur une logique navigateur.

« Les propositions d’IDs alternatifs fondées sur les cookies 1st party (éditeurs) ou sur des emails haschés (ID Unique – projet Rearc) foisonnent aujourd’hui de la part d’acteurs technologiques ou d’éditeurs, explique Thibault Leguillon, le directeur général France de Teads. Ces solutions sont effectivement des alternatives crédibles pour remplacer les cookies, mais se heurtent à 3 challenges principaux : adoption/volume ; granularité/couverture (finesse du ciblage) et une précision, “au moins équivalente à ce que propose le cookie pour éviter un effet déceptif ».

Concernant la seconde approche, la donnée de l’utilisateur est stockée au sein d’un navigateur pour y être analysée. Le résultat étant accessible aux différents acteurs publicitaires pour continuer à proposer un ciblage. « Cette approche révolutionne la perception du ciblage : ce n’est pas un remplacement du cookie, mais la création d’une nouvelle logique qui va prendre un certain temps à être adoptée. La problématique est que cette approche est encore à l’état de projet (Teads est partenaire du W3C). Notre position est d’attendre l’ouverture des bêta tests pour tester et actionner cette solution (vers début 2021). »

8. First party data

La disparition du cookie tiers et de l’identifiant publicitaire chez Apple fait de la donnée propriétaire la reine des années à venir. Certains secteurs, fermés et/ou majoritairement logués, sont déjà bien avancés.

L’intégration, la réconciliation et l’activation des données propriétaires représentent l’un des 5 axes de travail de Google Marketing Plateform pour accompagner clients et partenaires (agences) dans l’évolution de leurs pratiques.

D’après une étude du Boston Consulting Group, « les entreprises capables d’associer l’ensemble de leur source first party peuvent doubler l’augmentation de leurs revenus à partir d’un seul emplacement d’annonces », souligne Magali Soulier. Ces données clients sont « très efficaces puisque les annonceurs peuvent les collecter, les analyser, les utiliser pour améliorer l’efficacité des campagnes média, mais aussi proposer des nouveaux services et produits plus pertinents à leurs clients. »

Pour cela, la confiance des clients envers la marque est primordiale, et « le moyen le plus efficace de renforcer la confiance est de procéder à un échange de valeur juste et transparent », pointe l’étude.

Pourtant, moins d’un marketeur sur 3 collecte de la donnée propriétaire sur l’ensemble de ces canaux et 1 % seulement l’utilise pour offrir une expérience omnicanale à ses clients, révèle l’étude du BCG. En octobre dernier, Mountain View a dévoilé une nouvelle version de Google Analytics, Google Analytics 4, censée offrir une « vision unifiée et dédupliquée des données utilisateurs sur les environnements web (sites) et applicatifs (apps). » Pour parvenir à réconcilier ces différentes sources de data first, cela requiert de l’expertise, et donc de « choisir de bons partenaires, fifty-five, Epsilon, Artefact, DBA, etc. » , rappelle encore une fois Magali Soulier.

9. Pédagogie et évangélisation

DSP, SSP, trading desk, DCO, programmatique, bid request, CMS, CRM, face à un tel jargon marketing n’importe quel initié en perdrait son latin. L’un des enjeux de l’adtech, d’hier, et plus encore d’aujourd’hui avec une crise qui a déjà fortement chahuté l’industrie, est de rendre accessible et intelligible son marché. Que ce soit en direction des consommateurs méfiants vis-à-vis de la publicité et de l’utilisation qui est faite ou non de leurs données, et des annonceurs frileux à l’idée de mettre les pieds dans un univers qu’ils n’appréhendent pas.

« Il y a trop d’acronymes, nous perdons malheureusement des annonceurs à cause de cela, se désole Nicolas Thorin, d’Audion. Même si certaines typologies d’annonceurs y parviennent, étant eux-mêmes très digitaux, les annonceurs radio qui tendraient vers le digital ont besoin d’être rassurés sur l’accessibilité de ce marché. » D’autant que les modes d’achat n’ont pas véritablement changé, « les annonceurs achètent de la même manière en télévision, radio, et presse depuis des années, sur différents supports. Les méthodes d’aujourd’hui ne s’opposent pas à celles préexistantes, elles sont au contraire ‘complémentaires’ ».

Pour l’associé et directeur de la startup française choisie par Slate pour monétiser ses podcasts, l’enjeu réside dans la vulgarisation et la compréhension du marché de l’audio digital dans sa globalité. Un marché qui ne saurait être résumé au seul podcast natif.

« Le marché est beaucoup plus large et regroupe notamment les plateformes comme Deezer, Spotify, Soundclound, qui représentent le gros de l’inventaire audio digital ; les live radio, 2e plus gros vecteur de l’audio digitale ; les podcasts en replay, s’apparentant à la catch up tv ; et les podcasts natifs, qui représente environ 5 % de ce marché », énumère Nicolas Thorin.

Si la finalité de l’adtech est technologique, l’approche pédagogique est à privilégier pour ouvrir le marché au plus grand nombre d’annonceurs, tout en évitant l’écueil de surinvestir les nouveaux formats ou médias sous peine de les tuer avant même qu’ils soient nés, prévient l’ancien directeur diversification des revenus de Veepee (vente-privée) passé par GroupM. Les outils et solutions adtech venant ensuite délivrer le bon message, aux bonnes personnes, avec la bonne création et les bonnes mesures.

Pour Gamned!, cette évangélisation doit également s’opérer en direction des consommateurs chez qui la crise a suscité de nombreux questionnements existentiels. Le head of operations dont les équipes sont intégrées le pôle numérique d’Unify (TF1 Group) évoque ainsi l’enquête réalisée au moment du premier confinement avec différents partenaires auprès des annonceurs et internautes. Il en ressort que les sujets environnementaux, sociétaux, ceux replaçant l’humain au cœur des problématiques au travail et tous les sujets RSE en sortent renforcés par rapport à 2019. Ils seront donc un véritable enjeu pour 2021.

« Les internautes se posent beaucoup de questions sur l’accès à leurs données, la fonctionnalité du cookie, l’utilité de la publicité, il est nécessaire de leur expliquer que lorsqu’ils voient de la publicité en ligne cela ne signifie pas qu’on leur vole leurs données pour les revendre ensuite, mais qu’elle sert essentiellement à financer le contenu qu’il consulte, explique Damien Mora. La plupart des internautes ne le perçoivent pas de cette manière aujourd’hui ». Il appuie son propos en évoquant l’étude The Trade Desk selon laquelle 66 % des Français affirment n’avoir aucune idée de la façon dont internet se finance, alors que 48 % ne réalisent pas que la publicité est une source de revenus majeure pour les éditeurs en ligne.

10.Une performance durable

Avec la disparition du cookie tiers, se pose la question d’assurer une continuité dans la performance fournie aux annonceurs, tout en protégeant les marques et les consommateurs. Pour Elie Kanaan, CMO d’Ogury, c’est la définition même de la performance qui est à revoir. S’il s’agissait jusque-là de convertir une action quelconque en vente, les marques entendent désormais avoir un impact positif, mesurable, et surtout durable sur leur marque.

L’adtech se serait donc construite sur un mythe qui veut que performance égale personnalisation. Celle-ci s’est longtemps fondée sur la collecte des données personnelles, majoritairement non consentie. Le consommateur se sentant logiquement envahi par la publicité (notamment à cause du retargeting) cela génère ensuite de la méfiance vis-à-vis des marques. Au bout du compte, cette situation crée de la performance à court terme, mais ne protège pas l’expérience du consommateur. C’est donc l’effet inverse qui est produit sur le long terme.

Pour le CMO d’Ogury, l’enjeu n’est plus de faire rimer performance avec personnalisation, celle-ci doit désormais se trouver dans la pertinence de la publicité. Une revisite de la performance qui nécessite moins de données et pas nécessairement des données personnelles. Tout le challenge va être de « redonner ses lettres de noblesse à la publicité digitale pour devenir un moyen innovant et engageant de découvrir une marque et/ou un produit, tout en protégeant l’expérience de l’utilisateur, prédit Elie Kanaan. 2021 sera l’année où l’industrie adtech devra répondre à cette question, avec pour tout mot clé : performance durable ».

11. La conscience de la valeur des données par l’internaute

Depuis plusieurs années et les multiples polémiques autour de l’exploitation et la revente des données personnelles, l’internaute prend conscience de la valeur de ses propres données. Il devient logiquement plus exigeant envers les marques avec qui il consent ou non de les partager.

C’est ce qui ressortait de l’étude mentionnée par Sublime et Gamned! sur les attentes des consommateurs finaux. Comme l’expliquait Andre Taliercio, VP monétisation et partenariats France de Triton Digital, l’utilisateur doit être replacé au centre des débats. Pour cela, il imagine « demander à l’internaute son consentement pour utiliser ses données personnelles et de navigation et le rémunérer en échange ». Cette démarche « me paraît la mieux adaptée et la plus saine. L’internaute vient au centre du débat qui le concerne. Il contrôle ses données et demande à juste titre une partie des profits que les intermédiaires réalisent à son insu. Mis à part l’éthique et la partie financière, cette voie permet aussi de mieux appréhender l’intention de l’internaute, et en temps réel. On peut étudier un texte que lit un internaute, mais quelle est son intention d’achat s’il lit un compte rendu d’une rencontre sportive ? »

12. L’uniformisation et l’automatisation des outils

Si le marché de l’adtech fourmille d’acteurs, les outils, modes d’achat, méthodes de mesures et capacités de ciblage tendent à s’uniformiser, notamment avec l’avènement du cookiless. C’est ce qu’observe Damien Mora, de Gamned! : « Au-delà de l’arrivée de la télévision segmentée, on assiste à une uniformisation des techniques qui s’automatisent, tout devient programmatique : de la TV linéaire, à l’audio, en passant le DOOH. On note une dynamique des plateformes vers la course à la centralisation des achats. C’est un vrai sujet, à l’instar de l’uniformisation des capacités de ciblage. Là où cet enjeu était très cloisonné jusqu’à présent, tous se mêlent désormais, l’achat des supports, la mesure, le ciblage pour ne faire qu’un seul gros enjeu. »

Le confinement a également permis d’accélérer l’automatisation des méthodes d’achat : « Depuis 6 mois environ, il y a une vraie demande sur le programmatique audio digital, notamment à cause du confinement, car il a fallu optimiser les inventaires. Les trading desk et les annonceurs se sont dits qu’ils allaient pouvoir gérer cette partie eux-mêmes, donc l’automatiser », analyse Nicolas Thorin, associé et directeur d’Audion.

Du côté de Google, Magali Soulier, Head of marketing and advertising tech de Google Marketing Platform, observe que nous sommes passés d’une « ère de la précision, habituée à suivre les comportements des utilisateurs via les cookies, à une ère de la prédiction davantage basée sur modèle de machine learning. L’automatisation et les signaux contextuels ont du potentiel, sans avoir besoin de connaissances précises sur l’utilisateur, et permettent la création d’expériences personnalisées pertinentes qui vont répondre aux besoins de ciblage des marketeurs aujourd’hui ».

Magali Soulier en veut pour prendre la mise en place, par Air France, d’une stratégie d’enchères intelligentes et automatisées (machine learning) sur l’ensemble des campagnes search de la marque. À la clé : une augmentation de 32 % des revenus et des investissements rentabilisés.

S’il a fallu dix années à Hercule pour réaliser ces douzes travaux en échange d’une immortalité promise par Zeus, le secteur de l’adtech fort de ses nombreux acteurs, aura douze mois pour tenter, collectivement, de les achever, et ainsi espérer survivre au monde de l’après cookie.

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