L'hommage au personnel soignant.
La période des fêtes de Noël est une occasion en or pour les marques de dérouler des films empreints d’émotions, laissant place aux retrouvailles en famille et aux heureux moments partagés. Las, 2020 est venue contrecarrer ces projets. Comment faire fi du contexte sanitaire empêchant de nombreuses familles de profiter de Noël ?
Pour Intermarché, les fêtes symbolisaient la fin d’une année de solidarité et d’actions entamées dès le premier confinement. La marque, épargnée comme d’autres enseignes de la grande distribution, avait à cœur de mettre à l’honneur les personnes en premières lignes pendant cette crise inédite.
Jérôme Lavillat, head of strategy de l’agence Romance, nous explique la genèse d’une campagne de Noël en tout point particulière sous forme d’hommage au personnel soignant et qui traduit, une fois encore, ce qui fait désormais la signature d’Intermarché, son territoire de marque.
Le brief
Chaque année, Intermarché réalise un film de Noël pour marquer cette période propice aux retrouvailles. Un temps fort pour toutes les enseignes de la grande distribution. Toutefois, en 2020, le cœur n’était pas à la fête et le contexte incertain. Réaliser une campagne de Noël en faisant fi du contexte n’était pas « approprié » estime Jérôme Lavillat, head of strategy de l’agence Romance. « Par ailleurs, les soignants traversaient une période moralement et psychologiquement compliquée : s’ils étaient au centre de l’attention et largement soutenus pendant le 1er confinement, nous en avons beaucoup moins entendu parler à partir du 2e alors que le moment n’en était pas moins critique pour les hôpitaux ».
Comme il l’explique, cette campagne devait clôturer une année de solidarité : « Ce n’était pas la première pierre d’une stratégie, mais presque l’ultime de toute une démarche de solidarité entamée dès mars 2020 lorsque la crise sanitaire a fait surface. » L’enseigne a ainsi multiplié les initiatives, logiquement et prioritairement à un premier périmètre « légitime » : les filières agricoles, les personnes en premières lignes permettant la continuité de la distribution alimentaire et enfin les consommateurs.
Au moment du 2e confinement, Intermarché a étendu cette stratégie de solidarité aux personnes qui en avaient besoin au moment de cette période : les libraires, puis très rapidement les soignants.
« Ce film avait deux vertus, explique Jérôme Lavillat. Pouvoir redire à quel point nous soutenions le personnel soignant dans cette période difficile du 2e confinement à Noël, et l’envie de boucler cette année particulière. »
La campagne
« Jusqu’à mon dernier souffle », réalisé par Katia Lewkowicz (son 4e pour la marque) et lancé en télévision le 29 novembre en prime time sur TF1, puis en digital, vient ainsi clôturer une année de campagnes solidaires commencée dès la mi-mars en presse, radio et digitale pour soutenir les filières agricoles (vente de produits à prix coûtant notamment).
Ma fierté. Merci @intermarche @APHP pic.twitter.com/XisgD1tq2G
— C. Lichtenstein (@twlichtenstein) November 30, 2020
Par ailleurs, en amont du film, beaucoup d’actions ont été déployées sur le terrain à destination des soignants, précise Jérôme Lavillat. « Ce film n’est pas là pour raconter une belle histoire, mais était intégré dans un écosystème d’actions : plus de 100 000 boîtes de chocolats ont été envoyées en amont et pendant la campagne en marque de soutien aux hôpitaux et leurs personnels soignants.
Jusqu’à Noël, des dîners ont également été organisés par Intermarché dans les hôpitaux. « C’est un écosystème global, la campagne TV est ce qu’il y a de plus visible, mais les campagnes déployées sont souvent ancrées dans des actions terrain », précise encore le head of strategy de Romance.
Pour marquer l’année de solidarité, très tôt le choix a été fait « d’ombréliser » la communication autour d’une signature solidaire, la signature historique d’Intermarché « Tous unis contre la vie chère », est devenue « Tous unis » à partir du 16 mars. « En réalité, ce n’est pas uniquement une signature, mais une sorte de mot d’ordre qui a été le projet de l’entreprise à partir de ce moment-là. Cela a aussi aidé, aussi bien en interne chez eux, qu’au sein de l’agence, à se demander : quel est le projet de l’entreprise aujourd’hui ? » Ainsi, la quasi-intégralité des investissements publicitaires de l’enseigne a été mise au profit des campagnes de soutien en 2020.
La campagne s’est également déployée dans la presse.
Les résultats
– Meilleur lancement de toute la saga Intermarché
« Le film fait mieux que toute la saga précédente concernant la reconnaissance, l’agrément, ou l’originalité, précise Jérôme Lavillat. Ces chiffres, historiques en termes d’impact, viennent sans doute récompenser une campagne de Noël qui, justement, ne ressemblait pas à une campagne de Noël. » ;
– 79 retombées presse à date (dont Adweek, Ad Age, Culture Pub, BFM Business, 20 Minutes, France 2 ou encore Le Parisien) ;
– « Jusqu’à mon dernier souffle » arrive en tête des citations spontanées du classement des initiatives d’entreprises les plus appréciées (CSA Brands&You) ;
– 65 % de reconnaissance (+3 points, source IPSOS) ;
– 66 % d’agrément (+13 points vs la norme. Source IPSOS) ;
– 58 % d’originalité (+18 points) ;
– +6,1 points de réputation. Une augmentation de la réputation, en moyenne à 12 %, passe à 18,3 % avec cette campagne (vs la moyenne de 2020 à 12,2 %, source YouGov) : « Le film annihile tout le buzz négatif sur la marque » ;
– +5 points de viralité positive (25,7 % vs 20,7 %) ;
– +5,3 points d’image (score de 35,9 % vs la moyenne de 2020 30,6 %) ;
– Gains de part de marché historiques
Mai 2020 : Intermarché et Netto grands gagnants du confinement. Les deux enseignes ont enregistré une croissance de 1,7 point de part de marché entre le 23 mars et le 19 avril. De mémoire de panéliste, c’est du jamais vu en quatre semaines, détaille le site spécialisé LSA Conso qui cite une étude de Kantar ;
La part de marché atteint ainsi 16,7 %, notamment grâce à la croissance de ses drives qui se sont largement développés ces deux dernières années ;
Décembre 2020 : pour le deuxième confinement, Intermarché grand gagnant avec +0,9 point de parts de marché (PdM) entre les 2 et 29 novembre 2020 (données Worldpanel de l’Institut Kantar, citées par Business Insider et LSA). Avec donc une PdM de 14,5 % ;
– Le morceau Jusqu’à notre dernier souffle, de Terrenoire, est la chanson la plus shazamée en France sur la période : « Les bonnes campagnes produisent également une part de culture, nous sommes fiers de soutenir ce jeune groupe français. Ce film est fait de multiples solidarités. »
Quid d’éventuelles critiques concernant une tentative de récupération « opportuniste » ? Et d’un lien (attribution) avec la marque peu évident ?
Comme l’explique l’agence, il n’était pas question de faire une telle campagne en début de confinement. Celle-ci venant clôturer une année de solidarité « où la marque s’est montrée exemplaire depuis le mois de mars ». Le travail entamé des mois auparavant avait donc déjà produit ses effets. « De nombreuses études ont montré qu’Intermarché était une des marques jugées les plus sincères dans ses engagements durant la période du Covid. Cela a été un élément de réassurance. Nous ne l’aurions pas fait si on avait senti que nous n’étions pas légitimes à le faire ou qu’il y avait un risque de manque de sincérité », admet Jérôme Lavillat.
Pour Romance, cette campagne est le fruit de la relation de proximité construite avec les Français au fil des ans à travers un territoire émotionnel fort. Un territoire dépassant la seule relation au produit et dont l’ambition est de raconter quelque chose de plus large sur le partage et le mieux manger (au-delà de son aspect santé).
« Ce film s’inscrit dans une dimension identique aux précédents films : des personnes préparent à manger pour d’autres personnes afin de leur faire plaisir et les remercier, explique Jérôme Lavillat. L’exécution et le contexte sont nouveaux, mais les ingrédients fondamentaux de l’histoire sont quasi identiques à ceux de la saga dans son ensemble. »
Quant à l’attribution de la marque, très discrète tout au long du film, elle relève d’une « chance incroyable » estime le responsable de la stratégie : « Le territoire de communication d’Intermarché repose sur de nombreux ingrédients, au-delà du simple logo : l’écriture créative, la musique, la réalisation, des castings* très vrais et sincères. La force de cette saga c’est que l’attribution naît de plusieurs ingrédients : chaque film fait levier sur ce qu’a construit le précédent. C’est la marque d’un territoire fort construit sur la durée. »
Il estime d’ailleurs que les territoires de marques sont devenus des contrées de moins en moins explorées. « Les marques sont fortes pour faire des coups, mais peu construisent des sagas et des territoires sur le long terme. Le but n’est pas de se faire plaisir, si veut construire la préférence sur le long terme et du business de manière durable, c’est indispensable aujourd’hui, estime Jérôme Lavillat. Soit on est dans l’économie des médias : on cherche à obtenir toujours plus de pression publicitaire avec des budgets identiques, donc des formats toujours plus courts racontant de moins en moins de choses. Soit on est dans la construction d’un territoire fort et unique où chaque prise de parole s’appuie sur la précédente pour, campagne après campagne, construire le territoire de la marque. Les formats courts peuvent être vertueux quand ils donnent force à une écriture ou une idée créative. Aujourd’hui, ils existent pour des questions d’économie média et non d’idées. »
Les clés de succès
– La sincérité
L’engagement dont Intermarché et Thierry Cotillard (qui a quitté la présidence d’Intermarché en octobre dernier) ont fait preuve s’est ressenti dans l’ensemble des campagnes qu’ils ont développé, estime Romance. « Le cynisme et l’opportunisme n’avaient pas leur place. Tout ce qui a été fait depuis le confinement nous l’avons fait pour faire avancer la société, et déterminer quel rôle nous pouvions jouer dans cette crise, pas pour faire préférer l’enseigne. Les enseignes de grande distribution ont été largement épargnées par la crise du Covid, notre responsabilité sociétale était d’aider ceux qui en avaient le plus besoin. », confie Jérôme Lavillat.
Pour l’anecdote : ce film est en réalité fait de « multiples solidarités ». Il a été tourné dans un hôpital vide au Portugal durant la pandémie, puisqu’il était logiquement impossible de tourner dans un hôpital en France, et plus globalement dans un hôpital en service. L’hôpital sélectionné, flambant neuf, était en recherche de fonds complémentaires pour parachever son ouverture. Les frais de location du lieu ont permis de participer à ce projet. « Le film est solidaire aussi bien dans sa conception que dans son exécution », se félicite-t-on au sein de l’agence.
– L’historique de communication de la marque
Depuis « L’amour, l’amour », « J’ai tant rêvé », « Maman la plus belle du monde », « C’est magnifique », le film de ses 50 ans, « L’amour tout court » et « Je désire être avec vous » peu après le premier déconfinement, Intermarché renouvelle sans cesse ses prises de parole sans changer son positionnement, donnant à ses films — attendus — une signature désormais reconnaissable.
Les films de Katia Lewkowicz font ainsi la part belle au récit plus qu’aux dialogues, accessoires, avec un art du casting et de la direction d’acteurs qui leur confèrent à chaque fois ce petit supplément d’âme.
« Nous le répétons en permanence à nos clients : construire un territoire solide, durable et émotionnel permet de mieux résister aux crises. La preuve, ce gain de PDM réalisé cette année vient aussi récompenser les 3-4 années de communication et d’investissements sur un territoire émotionnel puissant qui reconnecte la marque avec ses clients. »
– La force de la création
Comme le résume l’agence Romance, ce qui fait mouche, c’est la force et l’originalité de l’histoire : Intermarché raconte des histoires toujours très particulières, à la fois universelles et nouvelles, qui font « la force et la clé du succès de tous les opus de la saga et de celui-ci en particulier », poursuit Jérôme Lavillat.
« On ne va pas se le cacher, la raison pour laquelle l’agence s’est retirée de nombreux prix créatifs, c’est que nous avons le sentiment aujourd’hui qu’ils ne récompensent plus les campagnes qui voient le jour ou impactent le business et l’image de nos clients. La création sert à ça, elle n’est pas là pour être la vitrine d’une agence. C’est une manière de reconnecter avec nos publics. »
*Le casting
• Valérie Decobert (la maman)
• Tania Dessources (l’infirmière en chef)
• Manon Guay (la jeune infirmière)
• Luigi Kroner (l’infirmier premier rôle)
• Matteo Ferreira (le fils)
• Olivier Charasson (le papa)