D'un produit improbable à une campagne réussie.
Grâce à une orchestration RP parfaitement maitrisée et à la psychologie inversée, Taco Bell et son agence Edelman ont sû créer de l’attente – et des ventes record ! – pour un produit dont personne ne voulait à la base.
Le brief
Taco Bell a confié aux agences Edelman, Octagon et Deutsch le lancement d’un sandwich « taco » dont le pain a été remplacé par du poulet frit et mariné : le Naked Chicken Chalupa. À la façon de la chizza de KFC (également du groupe Yum), dont la pâte à pizza était à base de poulet.
Or la marque était consciente que ce nouveau produit était improbable. Comme l’explique Matt Prince, PR & brand engagement manager de Taco Bell : « ce taco était trop innovant pour la majorité des consommateurs, qui n’auraient d’autre choix que de le qualifier de fou ». Avec ce lancement la marque « a souhaité jouer avec les peurs du public » que ce soit l’aversion pour un produit étrange, mais aussi la crainte de rater celui-ci pour les fans les plus avertis.
La campagne
Edelman a initié la campagne en donnant un aperçu du Naked Chicken Chalupa en informant les grands médias généralistes, et en particulier les animateurs d’émissions de TV. Cela participa a créé de l’écho en amont du lancement, tant le produit a été moqué avant même d’avoir été goûté. Sur le papier, ce sandwich était si calorique « qu’il justifiait à lui tout de seul « que l’Obamacare soit maintenu » selon l’humoriste et présentateur Jimmy Kimmel. Une critique culinaire le qualifia de « crime contre la nourriture ».
Le parti pris de l’agence fut alors de convaincre le public qu’il désirait en réalité ce produit. Pour y parvenir, Edelman a utilisé une vieille technique de relations publics : la psychologie inversée.
Début janvier 2017, un compte Twitter et une page Facebook furent alors créés au nom d’un comité anti Naked Chicken Chalupa : Chicken Values. Ou en version longue : « The Council For Eating Fried Chicken The Same Way You Always Have ».
Ces comptes ont alors diffusé des contenus soutenant que ce nouveau sandwich était une menace pour le poulet frit telle que nous le connaissons depuis des décennies.
. @TacoBell’s Naked Chicken Chalupa. Unapproved by authority figures everywhere. pic.twitter.com/XrO61BgjWD
— The Council (@ChickenValues) February 13, 2017
Cet attribut quasi satanique pour ce nouveau « taco » de Taco Bell a été soutenu dans des spots conçus par l’agence Deutsch, diffusés en TV et sur les médias sociaux, à la touche délicieusement rétro :
Un peu plus tard, le produit a été réservé à quelques médias (GQ, Business Insider, USA Tooday, People magazine, Teen Vogue par exemple) et influenceurs dans le cadre d’un roadshow dans 5 villes des États-Unis. Ces dégustations ont été événementialisées pour ne profiter qu’à quelques « happy fews avec le maximum d’impact RP » selon Matt Prince. Le produit n’était disponible que le temps de l’expérience, et introuvable ailleurs.
Fin janvier, l’approche événementielle de la campagne a alors été déployée par l’agence Octagon : un bar speakeasy éphémère a ouvert à New York. Il s’agissait une fois de plus du seul endroit où le Naked Chicken Chalupa était disponible. Plus de 1000 personnes ont effectué une réservation au numéro communiqué uniquement sur Twitter :
Be the first to try the #NakedChickenChalupa. Go to the address & find the refrigerator. Call 212-655-9833 from 12PM-8PM to reserve a time. pic.twitter.com/K8us5uCWIT
— Taco Bell (@tacobell) January 19, 2017
Le case study
Les résultats
A la surprise générale – sauf de l’annonceur et de ses agences – les retours après dégustation des médias et des influenceurs furent très bons. Le produit fut alors lancé massivement dans les restaurants Taco Bell.
– 3 milliards d’impressions sur les médias sociaux.
– 1 500 retombées presse et TV.
– La plus forte hausse des transactions en 5 ans pour Taco Bell.
– Le meilleur 1er jour pour un produit de toute l’histoire de Taco Bell.
Les clés de succès
– Une chronologie des médias millimétrée
Rien n’a été laissé au hasard dans cette campagne : les différentes phases de diffusion ont été parfaitement orchestrées, et les agences ont su se coordonner afin d’éviter les chevauchements.
– La stratégie de la rareté
Il n’est pas toujours simple pour un réseau de franchisés de parfaitement maitriser la date d’un produit. Ici, la rareté du Naked Chicken Chalupa en phase de lancement était la clé de réussite du dispositif. Si le produit avait été goûté dès le départ, et s’il avait été accessible au plus grand nombre, la campagne n’auraient pas profité d’un tel écho spontané.
– Un lancement avant tout RP
Malgré ce lancement massif, le Naked Chicken Chalupa s’est avéré être un produit à la durée de vie limitée : il n’a pas survécu au 1er trimestre. Ce qui selon la marque était initialement prévu. De quoi orchestrer avec d’autant plus de poids son retour lors d’une prochaine campagne ?