La vidéo représentera 82% du trafic Internet d’ici 2020 selon Cisco.
Ce boom provient à la fois des usages et de l’offre qui ne cesse de développer, notamment sous l’impulsion des médias sociaux misant désormais tout ou presque sur la vidéo : Facebook et ses vidéos sous-titrées en autoplay, Snapchat et ses vidéos verticales, YouTube et son positionnement de TV du XXIe siècle… Les médias ne sont pas en reste, que ce soit au niveau de leurs contenus ou des publicités vidéo, dont la croissance en France est estimée à +30% cette année selon le SRI. Et pourtant, la publicité vidéo online (VOL) est souvent traitée comme une déclinaison un peu pauvre de la publicité TV. Ce que nous allons tenter de réfuter, après avoir mené l’enquête auprès d’experts !
Intervenants
Matthieu Le Cann
Directeur général
Advideum
Augustin Ory
Président et co-fondateur
The Moneytizer
Pierre Ledieu
Président et fondateur
Piximedia
Appréhender les différents formats et supports
Pour Augustin Ory, président et co-fondateur de The Moneytizer (et précédemment de la régie digitale Horyzon Média), la pub vidéo en ligne a 2 grandes familles :
– L’instream, c’est à dire dans le flux vidéo. Le cas le plus célèbre est le pre-roll, en amont des vidéos. Qu’il soit skippable ou non, comme c’est notamment le cas sur certaines vidéos YouTube (au bout de 5 secondes).
– L’outstream, qui affiche de la vidéo dans des contenus qui n’en sont pas : au milieu d’articles comme l’inRead popularisé par Teads, au sein d’habillages, ou même dans des formats IAB comme le 300×250.
Pourquoi ces 2 univers cohabitent-ils ? « Tout simplement car il n’y a pas assez de contenus vidéos pour servir toutes les campagnes en instream (pre-roll) ! » selon Augustin Ory. Et cela malgré l’usage ahurissant d’une plateforme comme YouTube plus de 24 millions d’utilisateurs chaque mois en France (plus d’internaute sur 2). La réussite de l’outstream, et de porte-étendards comme Teads ou Advideum, doit donc beaucoup à la rareté de l’inventaire vidéo instream.
Adapter réellement les contenus à la VOL
Malgré des signaux pour l’ensemble au vert, la publicité vidéo online souffre de sa trop grande proximité avec la publicité TV : en effet il peut paraître opportun pour un annonceur de reprendre son spot branding de 30 secondes et de le décliner sur ordinateur et mobile. Or ne pas adapter ses prises de parole à chaque média et plateforme est une erreur pour quiconque se soucie un minimum de l’efficacité de ses campagnes.
Comme l’indique Augustin Ory, « le format 15 secondes devrait tendre à se normaliser. Un spot de 30 secondes est bien trop long dans la plupart des formats VOL ». « D’autant plus sur mobile » comme le précise Matthieu Le Cann, directeur général d’Advideum (groupe Prisma). Et si nous avions pu interviewer Evan Spiegel, le CEO fondateur de Snapchat à ce sujet, il aurait surenchéri : « un spot n’est efficace sur mobile que si la vidéo est verticale, ce qui multiplie par 9 l’engagement ! » (cf notre dossier consacré à Snapchat). Combien de campagnes, formats publicitaires et médias proposent aujourd’hui de la vidéo verticale sur mobile aujourd’hui ? Très peu… hormis Snapchat et de nouveaux formats proposés par les régies.
L’adaptation des contenus pose la question du contexte de consultation et de l’expérience utilisateur. Comme le conseille Pierre Ledieu, président et fondateur de Piximedia, « les marques doivent optimiser l’expérience utilisateur en adaptant leur film à l’écran consulté. En effet l’expérience pour un utilisateur dans son canapé sur tablette n’est pas la même que sur mobile dans le métro ou au travail sur ordinateur. » Ce qui implique un nombre important de déclinaisons : vidéos horizontales, verticales, durées de 10 à 30 secondes, et intégration publicitaires ou natives.
Miser sur l’interactivité
Or l’expérience utilisateur liée au digital est profondément interactive. Ce qui n’est pas le cas de la vidéo, habituée à « dérouler » un storytelling de marque sans interruption. Le digital permet via la VOL d’apporter de l’interactivité à la vidéo, ce qui est un point majeur et encore sous-exploité pour Matthieu Le Cann qui détaille ici l’offre In-Video Shopping d’AdVideum : « ce format apporte une dimension shopping à un spot de branding. C’est-à-dire la possibilité d’acheter en quelques clics le produit présenté, que ce soit en grande distribution ou chez un pureplayer ». AdVideum a d’ailleurs développé ce format avec Swaven, spécialise des formats shoppable, dont vous avons déjà parlé en interview ou dans un bilan de campagne.
« À partir du moment où la VOL devient interactive, celle-ci prouve d’autant plus facilement son efficacité » comme le précise le directeur général d’AdVideum. Citons par exemple le cas de Mixa qui a remboursé potentiellement jusqu’à 1/3 de son plan média en intentions d’achats grâce à de la vidéo en ligne shoppable.
Mais l’interactivité ne se limite pas à une approche purement marchande pour la VOL. AdVideum s’est récemment rapproché de Tiltology pour lancer l’in-mov, un nouveau format mobile qui « laisse le contrôle à l’utilisateur de la vidéo soit au touch, soit grâce au gyroscope du smartphone ».
Mesurer son efficacité de façon adéquate
Pour Matthieu Le Cann, le grand drame de la VOL est « d’être mesurée et jugée avec des critères hérités de la TV. Or cette dernière a ses propres spécificités, et 40 ans de retours d’efficacité. La VOL quant à elle n’a réellement que 6 ans d’existence en tant que marché structuré. » Pour le directeur général d’AdVideum, la tentative de « copié collé du GRP TV » est une erreur, « qui mènera le secteur à une guerre perdue face à la TV ». Plutôt qu’un choc frontal, Augustin Ory, insiste « sur la complémentarité de la VOL ». Matthieu Le Cann abonde dans ce sens, et milite « pour la création de critères d’efficacité propres à la VOL, se basant pourquoi pas sur l’interactivité ».
L’efficacité est un sujet connexe à celui de la valeur. Si « le marché se pose la question de la valeur réelle du CPM de la vidéo en ligne » selon Augustin Ory, Matthieu Le Cann précise « que la traduction d’un GRP TV sur une cible ensemble est aux alentours de 4€ du CPM, ce qui est très loin de rentabiliser la production vidéo d’un éditeur ». Or cette dernière est clé pour constituer des inventaires VOL. De l’intérêt de mesurer autrement l’efficacité de la VOL, notamment sous le prisme de la visibilité avec un consensus international autour du VCPM : « les annonceurs ne payeront désormais plus que ce qui est visible. » Les différents acteurs publicitaires s’étant mis d’accord autour de ce concept courant 2016 « ce qui est une véritable preuve de maturité du marché ».
S’automatiser davantage grâce au programmatique
Le programmatique bouleverse le marché de la VOL, mais pas autant que nous pouvions le penser. « La vidéo en ligne s’est ouverte aux achats programmatiques pour les dispositifs multi écrans, IPTV, ordinateurs, tablettes et mobiles » comme l’indique Pierre Ledieu. Mais « il reste à passer en programmatique la TV en direct, ainsi que le digital out of home. Il reste aujourd’hui des points techniques, juridiques et commerciaux à régler pour uniformiser les stratégies vidéo everywhere ». Citons certaines expériences en cours au niveau de la vidéo live des grandes chaines de TV qui permettent via le programmatique de remplacer à la volée des publicités du flux linéaire par des contenus ciblés grâce à la data online : il s’agit de l’Adswitching, déjà expérimenté par TF1 et NextTV.
Et même sur des supports purement digitaux, la VOL n’est pas à la pointe du programmatique selon Augustin Ory: « une technologie comme le header bidding [mise en concurrence de plusieurs DSP pour tirer les prix vers le haut au profit des éditeurs] n’est pas encore disponible en vidéo ». La data et le retargeting vidéo semblent encore rare « avec une approche très TV de la vidéo : le même message, à tout le monde et au même moment ! ». Le co-fondateur de The Moneytizer tempère cependant : « à voir si le programmatique ne va pas tirer le marché de la VOL vers le bas ». Et dans ce cas, son « retard » technologique est potentiellement un avantage.
S’affranchir de l’AdBlocking
Le pre-roll, en particulier le non skippable, est régulièrement cité comme le « usual suspect » de l’AdBlocking. C’est potentiellement après « 160 secondes de tunnel publicitaire en catchup que l’utilisateur peut être tenté d’installer un AdBlocker » comme l’indique Matthieu Le Cann, qui recommande davantage de mesure. L’enjeu est clé, alors que l’AdBlocking représente 36% des internautes français (20% de croissance en un an, et 54% des 15-25).
Or comme l’indique Augustin Ory, « la VOL n’est pas le suspect qui est systématiquement cité dans les études liées à l’AdBlocking. Sont davantage mis en cause la répétition, l’encombrement, le mauvais ciblage, et des formats comme l’interstitiel, en particulier sur mobile ».
Perspectives
Ce dossier en atteste, la vidéo en ligne n’en est qu’à ses balbutiements. Tant les opportunités offertes par le digital sont encore rarement exploitées par la VOL : l’interactivité, le shoppable ou encore un ciblage data poussé. L’enjeu n’est donc plus réellement technologique, mais avant tout pédagogique vis-à-vis du marché : à la VOL de mesurer chaque jour un peu mieux son efficacité grâce à ses propres spécificités et à elle de créer ses propres références.