L’Oréal et la startup Swaven ont récemment fait le pari de raccourcir le trajet entre la publicité et la mise en panier des produits chez les distributeurs des marques de LaSCAD (Mixa, Mennen, Vivelle Dop, Cadum, Narta et Dessange notamment).
Le pari s’est-il avéré gagnant ? Le public est-il réellement prêt à acheter un produit de grande consommation en quelques clics au sein d’une publicité vidéo ? Réponse avec Laurent Quatrefages, co-fondateur / PDG de Swaven, et Romain Gras, directeur digital en charge de LaSCAD chez l’Oréal.
Le contexte
La collaboration entre Swaven et L’Oréal a débuté en 2014 avec l’installation d’un bouton « Acheter cet article » sur toutes les pages produits des sites des marques LaSCAD dont Mixa.
Un tel bouton géolocalise non pas seulement l’internaute, mais surtout la disponibilité des produits consultés autour de lui. Que ce soit en magasin, pour du drive ou de l’e-commerce. De quoi rendre « shoppable un site de marque, qui était jusqu’alors un support inerte en termes de chiffre d’affaires » selon Laurent Quatrefages. Certes, mais une telle fonctionnalité est-elle attendue ? Cela semble être le cas puisque pour le co-fondateur de la startup, « l’investissement lié à l’installation de notre technologie par L’Oréal a été rentabilisé en un mois et demi grâce aux ventes générées via les sites des marques ! »
Au-delà du chiffre d’affaires, l’ajout d’un bouton « Acheter cet article » est une source de datas qui permet aux marques de bénéficier « d’une nouvelle grille de lecture de la performance de leurs sites » selon Laurent Quatrefages. De quoi « dépasser les KPI liés aux pages vues, visiteurs, et partages sur les réseaux sociaux qui sont principalement orientés branding et engagement ».
Et qui dit data, dit insight ! Celui-ci ne s’est pas fait attendre avec un signal étonnant révélé par le bouton « Acheter cet article » du site Mixa. Un produit peu mis en valeur sur le site – les collants minceur – était sur-représenté dans les statistiques du bouton de Swaven. Ce produit générait un chiffre d’affaires inattendu sur le site, avec « une sensibilité à l’achat plus importante sur internet qu’en magasin » selon Laurent Quatrefages. Le tout malgré une faible exposition, y compris sur le site !
Il n’en fallait pas plus pour que Romain Gras et son équipe décident de briefer Swaven ainsi que ses partenaires régies et agence média pour une campagne autour de ce produit qui réagissait particulièrement bien à la vente et à la géolocalisation en ligne.
Les campagnes
Le portefeuille de marques LaSCAD représente un des plus grands annonceurs français en termes d’investissement pour la vidéo en ligne, que ce soit en « preroll, midroll, inread ou instream » selon Romain Gras.
Face au succès en ligne des collants minceur de Mixa, il aurait été naturel de concevoir une campagne vidéo avec redirection vers le site disposant d’un bouton « Où acheter ». Mais la marque et Swaven ont souhaité aller plus loin en intégrant le bouton et le store locator directement dans la publicité vidéo dans un format inédit : le « View & Shop ». Un format qui selon Swaven « offre aux internautes, en deux clics, la possibilité d’effectuer l’achat du produit. L’idée est de diffuser de la publicité mais aussi de transformer cette dernière en acte d’achat. »
Un 1er test a été effectué fin 2015 avec TF1 Publicité sur MYTF1 pour une lotion anti-imperfections de Mixa. Une 2ème campagne a ensuite été mise en place sur 6Play grâce à M6 Publicité. Concrètement un clic sur une publicité en preroll vidéo « permettait d’ouvrir le widget In-Stream proposant la liste des distributeurs vers lesquels l’utilisateur pouvait se rediriger. Alors, seulement un second clic permettait de réaliser leur achat » selon Laurent Quatrefages.
Les résultats
– 1ère campagne sur MYTF1 : un chiffre d’affaires potentiel représentant 1/3 du plan média a été directement généré par le bouton « j’achète » présent sur les prerolls. « Ce qui est colossal et bien au-delà des attentes initiales » selon Romain Gras.
– 2ème campagne sur 6Play : là aussi, le chiffre d’affaires potentiel généré par le format de Swaven est équivalent à un tiers du plan média. Un montant qui évidemment n’inclut pas toutes les ventes indirectes générées par une telle campagne qui contribue aussi à la notoriété du produit.
Les enseignements
De nouvelles datas sur la performance des formats publicitaires : pour Laurent Quatrefages, « les annonceurs n’avaient auparavant aucune information indiquant comme chaque format display ou vidéo contribuait à la vente. Or avec le format View & Shop, les données sont palpables ! » Des données qui pourraient constituer un benchmark également des audiences des différents médias et programmes, dès que le format sera plus répandu.
La génération de ventes instantanées : initialement, le fait de proposer l’achat d’un produit de grande consommation dans un preroll pouvait surprendre. « En visionnant un programme de catch-up TV, les internautes ne sont a priori atteints en plein parcours d’achat » comme l’explique Laurent Quatrefages. « Mais la publicité et notre technologique inspirent ce parcours d’achat. Et cela se prête particulièrement bien au replay, puisque l’internaute peut mettre en pause le programme le temps de réaliser son achat et y revenir quand bon lui semble ». Reste bien évidemment à choisir le bon programme, le bon segment d’audience qualifiée ainsi que le bon message « et les ventes seront en rendez-vous ».
Les limites de l’exercice
Romain Gras souligne cependant que le chiffre d’affaires obtenu via un bouton « Où acheter » de Swaven représente pour le moment une estimation. En effet, seules les ajouts au panier sont collectés puisqu’en dehors d’Amazon, les e-commerçants et autres distributeurs ne souhaitent pas communiquer de façon aussi directe leurs ventes aux marques. Cependant le simple fait « qu’une personne clique sur le bouton de Swaven atteste d’un intérêt très clair pour le produit ». L’annonceur remarque aussi que « le ROI d’un tiers du plan média en ventes directes fonctionne bien sur des campagnes raisonnables et très ciblées. Mais il est encore un peu tôt pour en faire une règle universelle, notamment pour des campagnes massives ».
Les perspectives
Derrière cette publicité shoppable, il y a pour le co-fondateur de Swaven une tendance forte des marques « à se lancer dans le brand commerce. Que ce soit via leurs propres e-commerces, mais aussi comme ici dans leur capacité à générer très concrètement de l’audience pour leurs clients distributeurs ». Ce qui initie un nouveau type de relation entre les marques et distributeurs, que l’on imagine particulièrement fertile !
Cette campagne réussie est un exemple de plus qui prouve que les datas et la technologie changent pour de bon l’activité des marques. Reste pour elles à s’assurer de générer suffisamment de données qui leurs sont propres, comme les first party datas. Ou à travailler avec des partenaires qui ont une approche ouverte de la data tel que Swaven qui « prône le partage les données avec les marques afin qu’elle puissent se constituer un capital data pour mieux optimiser leurs plans média ». Un tel échange n’est malheureusement pas encore de mise avec tous les acteurs du marché comme l’indique Laurent Quatrefages qui milite pour davantage de transparence, ce qui « permettra d’identifier les patterns de répétition, la performance de chaque format et programme de contenus ». De quoi à terme rendre la publicité « shoppable » encore plus efficace !