Les attentes des médias en cette drôle de période.
Avec le confinement, le télétravail s’est généralisé : il a été remis au goût du jour pour certains, de façon quotidienne, et découvert pour d’autres, sa suite d’outils numériques dans son sillage.
Des usages déjà largement adoptés par certains corps de métiers, notamment dans le secteur des médias. Pour certaines rédactions (presse, web, radio ou télé), l’enjeu fut de continuer à travailler, et informer, malgré cette situation inédite. Quid des enquêtes sur le terrain, au contact de personnes potentiellement infectées ou particulièrement à risque face au virus ? Plus généralement quel a été l’impact de l’épidémie sur l’exercice de leur métier ? Quelles sont les contraintes des journalistes dans la période actuelle ? Quelles sont leurs attentes ? Comment les communicants doivent-ils adapter leurs activations médias ? Autant de questions posées par l’équipe Relations Médias de Comfluence à 20 journalistes* issus de diverses rédactions, de l’AFP Politique à L’Usine nouvelle, en passant par La Croix ou le Betteravier français.
Un sujet omniprésent
Sans surprise, la pandémie de Covid-19 est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits. Il reste donc peu de place pour d’autres sujets. Comme le conseille les journalistes interrogés, les marques, annonceurs et leurs RP ont tout intérêt à prendre ce paramètre en compte sous peine d’être totalement hors de sujet. Toute prise de parole sans lien avec la crise sanitaire actuelle doit être au mieux retardée : « L’actualité coronavirus s’impose (…) les « petits » sujets (petite entreprise, nouveau produit ou service sans réelle innovation…) ont moins que jamais leur place », confirme ainsi un.e journaliste du Figaro. Un avis partagé du côté de la rédaction du Parisien : « Il n’est pas évident de proposer des articles qui sont totalement éloignés des préoccupations de nos lecteurs liées au coronavirus. Question de priorité. Je suppose que seul un fait divers important pourrait occuper la une de l’actualité à la place de la thématique Coronavirus. »
Par ailleurs, les éditions sont réduites et certaines rédactions sont passées pour partie ou totalité en chômage partiel, la hiérarchisation de l’information se fait donc logiquement à l’avantage de l’épidémie.
« Clairement le coronavirus est ultra dominant. Le reste de l’actualité passe d’ailleurs souvent par son prisme. Sinon, elle est moindrement traitée, d’abord parce qu’elle est quasi-inexistante – sports, culture… –, ensuite par manque de place », explique un.e journaliste du journal Le Progrès.
Privilégier les activations en ligne et la PQN
À ce titre, les rédactions télé et les agences de presse sont (trop) largement sollicités, un.e journaliste de BFM TV explique ainsi prendre “moins d’appels”, mais recevoir “toujours autant de mails, et souvent, ils sont mal ciblés. Certaines boîtes sont complètement hors sujet, n’ont pas compris que les médias ne faisaient plus de sujets annexes.” À l’inverse, la PQN constate une baisse des sollicitations et des contacts entrants.
Avec des milliards de personnes confinées à leur domicile, le trafic web a logiquement explosé et avec lui les audiences des plateformes sociales et médias en ligne. “Les sites et applications mobiles et tablettes des principaux médias régionaux en France (Ebra, Sud-Ouest, Ouest-France, Rossel, etc.) affichent une progression à 3 chiffres en nombre de visites”, pointe l’étude : une augmentation de 124 % des visites et de 82 % des pages vues lors de la deuxième semaine de confinement, du lundi 23 au dimanche 29 mars, par rapport à la même semaine en 2019, selon des chiffres de l’ACPM.
La consommation de l’information online marque le pas, voire se renforce, au détriment du papier. Avec les risques que cela engendre avertit un.e journaliste du Parisien : “Le poids du papier va sans doute hélas encore diminuer, le réflexe web étant désormais de plus en plus partagé. Avec de bonnes choses — davantage d’infos, plus de réactivité, de ‘collage’ à l’actu (…) — mais aussi de moins bonnes, comme le risque d’une info moins creusée, moins travaillée, de moindre recours à l’enquête à long terme.” Surtout avec les fake news et la désinformation qui prospèrent en ligne ou sur le dark social, de Facebook à WhatsApp.
Des actions et échanges repensés
Confluence conseille ainsi de “penser vos actions de relations presse dans une échelle de temps plus courte, dans une réactivité à l’actualité encore plus importante et d’anticiper un partage plus large des publications, y compris sur les réseaux sociaux.” 35 % des journalistes interrogés les consultent en effet davantage qu’en temps normal, notamment pour rechercher des sujets. Pertinence, contexte, formats doivent être interrogés.
Twitter reste le réseau préféré des journalistes, tous médias confondus ; LinkedIn opère un retour en force puisque son usage croit durant la crise, “du fait de la qualité des informations émanant d’entreprises et de dirigeants”, notamment sous forme de témoignages : “Je vais dorénavant plus sur LinkedIn que sur Twitter où je trouve des informations plus longues, plus qualitatives », note un.e journaliste d’un journal économique national.
Les journalistes interrogés notent que la crise a permis de développer des relations plus authentiques entre les journalistes et leurs sources, ce qui transparaît dans les interviews. Challenge explique notamment : « Les gens sont dans un état d’urgence tel, qu’ils pratiquent moins la langue de bois ».
Dans le même temps, la crise « confirme la place centrale et indispensable d’une presse de qualité pour traiter une actualité aussi dense et dramatique », estime-t-on du côté du Figaro Économique.
Si 75 % des répondants se disent inquiets de l’impact de la crise sur le métier de journalistes, ils n’en oublient pas son caractère essentiel : « Les gens ne comprennent pas que l’information se paye, qu’elle a une valeur. (…) Le journalisme est une profession déjà très précaire et cette situation est inquiétante pour la suite, surtout pour les pigistes qui — pour certains — se retrouvent sans boulot ni chômage », explique un.e journaliste d’un journal économique national. Pour l’AFP Politique, « la crise redonne du sens (ou encore plus) à leur métier, à leur mission. En rendant compte de l’épidémie, de la lutte des médecins, des débats, de tous les aspects de la crise ils se sentent utiles et en sont fiers. »
* AFP Politique, Le Parisien, Le Figaro, Le Figaro Économie, un journal
économique national, La Croix, Le Progrès, Dernières Nouvelles d’Alsace, LCI, BFM TV, une
journaliste Agroalimentaire pour la presse généraliste et spécialisée, Challenges, LSA, L’Usine
nouvelle, Environnement Magazine, L’eau, l’Industrie, Les nuisances, Le JDD et le Betteravier
français, Le Moniteur des Pharmacies, Pneumatique et Flotauto.