Comment le modèle discount d’ALDI rencontre les Français au moment où ils en ont le plus besoin

Par Élodie C. le 20/04/2023 - Agence : TBWA\

Temps de lecture : 9 min

Nouveaux consommateurs, même positionnement.

Il était une fois la famille Albrecht. Au sortir de la seconde guerre mondiale, en Allemagne, deux frères ont l’idée de reprendre l’échoppe familiale fondée en 1913 et de proposer une gamme limitée de produits à très bas prix. E que s’appellorio ALDI (abréviation d’ALbrecht-DIskont). Le discount était né.

Il y a 35 ans, en France cette fois-ci, ALDI ouvrait son premier magasin, permettant à la famille Albrecht de poursuivre l’aventure et de proposer son invention à d’autres consommateurs. Aujourd’hui, forte de 1 300 magasins et plus de 16 000 collaborateurs en France, ALDI rencontre les Français à un moment où leurs habitudes de vie et de consommation changent. 

La marque fait ainsi place aux nouvelles vies et aux nouveaux consommateurs, comme le proclame leur nouvelle campagne, la première depuis trois ans, imaginée sous forme de conte revisité et modernisé. Si la marque est désormais l’une des enseignes favorites des Français dans sa catégorie, elle souffre néanmoins d’un déficit de notoriété spontanée.

Anne-Marie Gaultier, directrice marketing et communication d’ALDI France (transfuge d’Intermarché et des Galeries Lafayette) nous conte les défis du discounter alors que l’inflation bouleverse la vie des Français et celle de leurs enseignes favorites.

Quel est le principal défi de la marque Aldi aujourd’hui en France ?

Anne-Marie Gaultier : ALDI représente aujourd’hui 1 300 magasins en France. Beaucoup de Français ne le savent pas, mais nous avons fait l’acquisition de +500 anciens magasins Leader Price (fin 2020 le groupe allemand a racheté Leader Price en France, détenu par le groupe Casino NDLR) augmentant ainsi drastiquement notre parc de magasins et leur taille moyenne, 1 000 m2 environ. Une centaine de magasins supplémentaires ouvriront d’ici fin 2023.

Nous bénéficions donc d’un maillage national nous permettant d’être au plus près des Français. Cependant, nous ne communiquons que depuis trois ans maintenant, quand nos concurrents le font depuis plus de 50 ans pour certains, avec d’importants moyens. Notre notoriété spontanée, c’est-à-dire la présence à l’esprit, est relativement plus faible que celle de nos concurrents, nous devons absolument la déveleopper ainsi que la considération pour ne pas pénaliser notre pénétration auprès des Français par rapport à notre maillage national. 

Ensuite, évidemment, nous souhaitons également développer la fréquence. S’il y a un moment pour le faire, c’est maintenant : c’est en cela qu’ALDI “rencontre son époque” puisque nous sommes une arme anti-inflation absolue. Par naissance et par essence. Nous proposons des prix bas toute l’année, “everyday low price”, et ce, partout en France. Les prix sont les mêmes que l’on soit à Paris ou au fin fond de la Creuse.

Notre principal défi est de faire découvrir le modèle discount au moment où les Français en ont le plus besoin. Nos magasins sont proches de chez eux, avec des produits dont les prix défient toute concurrence, sans rogner sur la qualité. C’est le leitmotiv du discount.

Au début du mois d’avril, ALDI a dévoilé sa nouvelle campagne de marque pensée par TBWA\Paris et contrairement à l’un de vos concurrents, qui a opéré une montée en gamme ces dernières années, vous assumez pleinement votre rôle de discounter. ALDI fait d’ailleurs partie des enseignes préférées des Français dans sa catégorie. Expliquez nous ce positionnement.

A-M.G. : ALDI est l’inventeur du discount, ce serait dommage de ne pas le revendiquer. Nous assumons notre modèle car il répond à tous les changements de comportements observés ces dernières années en France. Lorsque ALDI a pris la parole pour la première fois il y a trois ans, son positionnement a été de dire “Place aux nouveaux consommateurs” puisque nous voyions bien que les comportements de consommation n’étaient plus les mêmes qu’il y a 10 ou 20 ans. Pousser le caddie un samedi en famille et parcourir des linéaires de jus d’orange n’a plus de sens, les gens n’ont pas le temps et ne veulent pas être tentés et surconsommer. Tous ces changements, plus encore avec l’inflation, étaient déjà présents dans ce nouveau positionnement. 

Cette nouvelle campagne fait donc plus que jamais écho à ces mutations. Nous nous devions de dire, nous sommes différents, notre modèle rencontre cette nouvelle façon de consommer. Nous souhaitions le dire de façon plus forte que la fois précédente avec un territoire qui embrasse tous les touch points. Ce territoire est celui des contes : si Cendrillon vivait en 2023, comment l’histoire se serait déroulée ? C’est une manière de s’approprier les vies d’aujourd’hui avec ce petit supplément d’âme. Ce qui illustre bien notre slogan “Place aux vies d’aujourd’hui, place aux nouveaux consommateurs”.

Cette campagne a l’avantage de s’inscrire dans l’inconscient collectif des contes et de créer une connivence immédiate avec les Français. Leur détournement insuffle un peu de poésie dans notre quotidien. Par ailleurs, elle permet de mettre en valeur nos différences et de rassurer sur la qualité : pain cuit sur place tout au long de la journée ; fruits et légumes frais livrés tous les jours ; viandes de bœuf, de porc, lait et œufs 100% français, +78% de nos produits alimentaires sont fabriqués en France et 90% de nos produits sont des marques distributeurs. Au moment même où les consommateurs achètent de plus en plus ce type de produits. Nous ne sommes plus dans cette consommation d’affichage, mais dans une consommation réfléchie et assumée.

Comment expliquez-vous que les Français ne vous connaissent pas suffisamment ? Le parti pris de la campagne entend-il répondre à cela ?

A-M.G. : Bien sûr ! Affirmer haut et fort que nous sommes discounter, c’est dire que nous ne sommes pas un supermarché classique : nous avons moins de références, 1 600 triées sur le volet pour moins de superflu. Le choix s’opère entre la marque distributeur et une ou deux marques nationales, pas plus. Les courses en sont facilitées.

Concernant notre notoriété, je rappelle que nous avons commencé notre communication il y a 3 ans seulement. La notoriété assistée est là, la spontanée un peu moins, mais nous devons intégrer le set de consommation des Français au moment de leurs courses.

Selon la toute dernière étude Kantar sur la déconsommation, 64% des Français les plus modestes choisissent de consommer face à l’inflation et 32% descendent en gamme. Pour les autres catégories, c’est la descente en gamme qui est largement privilégiée, mais aussi dans une moindre mesure, le changement de magasin. Cette nouvelle contrainte d’inflation et de pouvoir d’achat a vraiment fait bouger les curseurs sur la consommation alimentaire.

D’où cette montée très forte d’ALDI à la 3e position dans le classement des enseignes qui aident le plus les Français face à l’inflation. Et nous sommes 2e sur le podium pour ce qui est de la perception prix.

Justement, comment ALDI a répercuté l’inflation galopante sur ces prix ? Si les prix des marques nationales restent plus élevées, les premiers prix et marques distributeurs ont connu une envolée.

A-M.G. : Depuis le début de l’inflation, et même avant, nous sommes dans une recherche permanente du prix bas.

Nous continuons de baisser régulièrement toutes nos MDD (marques de distributeurs). Les négociations ont désormais lieu tout au long de l’année ce qui nous permet de réouvrir et renégocier avec nos prestataires et fournisseurs. Avec cette obsession, le même prix partout en France.

La campagne, sous forme de conte revisité, a pu surprendre, le ton est volontairement décalé, l’attribution n’est pas évidente et, en toute fin, votre slogan clame : “Place aux vies d’aujourd’hui, place aux nouveaux consommateurs.” Qui sont-ils ? Les nouvelles générations, particulièrement touchées par le contexte d’inflation ? 

A-M.G. : Autant la première campagne était très focalisée sur les jeunes générations, autant dans la nouvelle lorsque l’on dit “Place aux vies d’aujourd’hui, place aux nouveaux consommateurs”, nous nous adressons aux Français, puisque absolument tous les Français changent leur façon de consommer. En déconsommant, en faisant du troc, des stocks, en achetant des produits en promotion pour faire des réserves, en portant une attention particulière au gaspillage, etc. 

Tous ces petits changements sont des signaux faibles devenus très forts ces dernières années. Ce positionnement, déjà très disruptif il y a trois ans, est encore plus vrai aujourd’hui. Nous avons souhaité capitaliser sur ce positionnement de façon audacieuse pour marquer les esprits en tant que petit dernier à communiquer. Nous n’avons pas les mêmes moyens que les autres enseignes, nous étions donc obligés d’être très bold.

Y aura-t-il d’autres campagnes autour des contes ?

A-M.G. : Oui, d’autres déclinaisons de contes sont prévues. Comme vous avez pu le voir en presse avec l’ogre sur la viande 100 % française, le chaperon rouge pour les fruits et légumes, le prince charmant sur le pain, etc. Nous allons continuer de communiquer sur nos preuves qui sont nos marqueurs de qualité.

Les films arriveront dans les prochaines semaines  avec également des déclinaisons radio pour conserver une cohérence absolue et s’attacher une attribution immédiate. Ils mettront en scène une grande diversité de profils pour confirmer qu’ALDI s’adresse à tous.

Cuisine, bricolage, décoration, mode, de nouveaux produits sortent régulièrement, comment sont-ils choisis et développés ? 

A-M.G. : Pour les produits non alimentaires, il y a des arrivages deux fois par semaine (mercredi et samedi) et ils n’ont pas vocation à rester de façon permanente. Ce qui permet à ALDI de proposer plus de 60 nouveaux produits en magasin toutes les semaines.

Cette variété de produits est mise en valeur et certains sont événementalisés en TV car ils ne restent jamais très longtemps. Par exemple, en ce moment c’est l’appareil de mise sous vide qui est promu à la télévision et juste avant c’était de la peinture.

La sélection est faite par l’équipe achat en France auprès de différents fournisseurs et nous profitons également d’un sourcing de la maison mère qui propose un catalogue de produits à acheter sur une grosse volumétrie. La maison mère a une sensibilité plus poussée sur les phénomènes de société et les sujets environnementaux, c’est grâce à elle que nous avons pu lancer l’oxymètre de pouls pendant la pandémie. 

Avez-vous un support privilégié pour prendre la parole ? Y-a-t-il une stratégie différente pour chaque support ?

A-M.G. : Nous sommes très 360. Lorsque l’on prend la parole en TV on décline la campagne en digital, radio et presse. Chaque support joue son propre rôle, la presse est plus didactique, le digital permettra de géolocaliser (en VOL ou en replay) et de décliner, la télévision de travailler la présence à l’esprit et la radio pour créer ce coup de volant sur les promotions, etc. Nous jouons tous les médias et profitons de leur action combinée.

Et pour finir, la question traditionnelle de notre rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?

A-M.G. : Le respect absolu des équipes à l’agence. À mon arrivée, nous avons immédiatement établi un rendez-vous hebdomadaire avec mes 4 lieutenants chez TBWA\Paris avec, de leur côté, le planning stratégique, les commerciaux et créatifs. Ce qui nous a permis de sortir la campagne en moins de trois mois. 

Nous avons également pris le temps d’aller creuser tous les insights en faisant preuve d’une grande agilité. Nous avions tous l’envie de sortir une campagne disruptive et audacieuse au service de la stratégie de l’enseigne et de notre modèle très différenciant.

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