Train vs voiture vs avion : la stratégie de OUIGO pour l’emporter

Par Élodie C. le 17/09/2020

Temps de lecture : 8 min

À eux de vous faire préférer le train.

La pandémie de Covid-19 va-t-elle changer la donne en matière de transports et donner la préférence au train contre l’avion, mais surtout la voiture ? Pendant l’été, les Français ont semblé privilégier le confort et la « sécurité » de leur automobile au train dans lequel frayaient de nombreux passagers. Et pourtant, OUIGO a enregistré une augmentation de voyageurs de +18 % par rapport à la même période l’année dernière. Le train n’est donc plus une alternative, mais un véritable choix. Encore faut-il sortir les voyageurs du réflexe voiture, polluant, plus long, anxiogène et plus ou moins économique. C’est tout l’objet de la nouvelle campagne de OUIGO, le TGV low cost de la SNCF, qui interpelle les automobilistes en leur rappelant ces moments que nous avons déjà tous vécus — fatigue, bouchons, stress, co-voiturage interminable, enfants épuisés (et épuisants) — et où l’on en vient à se demander : mais qui a eu l’idée de prendre la voiture ? C’est à ce moment-là que le train OUIGO entre en gare avec son offre à bas prix, rapide et écologique.

Stéphane Rapebach, directeur général de OUIGO, évoque avec nous les enjeux d’une telle prise de parole, les défis rencontrés, mais aussi le type de consommateurs visés par cette campagne dans ce nouveau Parole d’annonceur.

Quels sont les défis actuels de la communication de OUIGO en tant que marque ?

Stéphane Rapebach : OUIGO est une marque récente, lancée en 2013. Elle soutient notre ambition : permettre plus de voyages en train, plus rapidement, plus souvent et toujours moins cher. Nous souhaitons promouvoir le TGV en priorité auprès de ceux qui pensaient que ce type de trains ne pouvait être accessible pour leurs loisirs. L’objectif étant que le consommateur ne choisisse plus un autre mode de transport, notamment la voiture, pour des raisons écologiques et par sécurité.

Notre défi aujourd’hui va bien plus loin que de faire à nouveau préférer le train. En 2013, nous avons souhaité passer aux preuves : construire quelque chose qui, lorsqu’il est produit deux fois moins cher, permet de baisser également les prix par deux.

Notre communication actuelle soutient la notoriété, et par la même notre efficacité commerciale, car nous croyons à cette offre qui rencontre chaque année un succès plus important : fin 2019, nous avons atteint 18 millions de voyageurs en étant partis de 0 il y a 7 ans. Ce sont 18 millions de voyageurs vers 42 destinations en France pour 62 trains par jour. En chiffres, les OUIGO, c’est 1 260 places, soit l’équivalent de plus de 250 voitures et 50 bus, ce sont des gros porteurs. Lorsqu’un OUIGO part de Gare de Lyon, c’est une dizaine d’avions qui décollent en même temps.

Dans sa dernière campagne, OUIGO cueille les automobilistes dans leur voiture pour leur faire à (nouveau) préférer le train, comment s’est décidée cette campagne ?

S.R. : Cette campagne s’est décidée dans un contexte différent des précédentes. Nous sortions d’une période de crise sanitaire compliquée, d’un été où les gens venaient d’être confinés et voulaient donc s’évader. Avec cette particularité que nous étions plutôt amenés à voyager en France qu’à l’étranger où cela restait difficile.

Dans un deuxième temps, notre campagne soutenait l’une de nos nouvelles destinations, Paris-Lyon, la plus grande en termes de trafic ferroviaire. Nous nous devions donc d’être plus percutants autour de cet enjeu, et d’être très décalés à la fois. Nous avons pris le parti de nous baser sur un insight des clients, reposant sur la façon dont ils vivent les choses. Nous souhaitions cette tonalité pour renouveler un peu ce type de discours. Cette campagne fait partie d’histoires que nous racontons, en parallèle d’actions très commerciales axées sur le prix. Comme il y a deux ans au moment du lancement de la destination Toulouse, avec le film « Vous avez 20 ans, profitez-en », qui mettait en exergue la débrouillardise des jeunes de cet âge pour voyager pas cher. C’est le genre de petite saga que nous entendons construire au fur et à mesure des opportunités qui se présenteront. Toujours en tentant de respecter cet aspect décalé qui correspond à notre ADN. Mais aussi en conservant cette exigence de coût : en tant que compagnie low cost, nous ne pouvons pas nous offrir régulièrement de grandes campagnes, nous devons donc être percutants lorsque l’on en fait une.

« À nous de vous faire préférer le train » est un slogan très connu de la SNCF lancé dans les années 90. La campagne d’aujourd’hui reprend-elle implicitement le flambeau laissé par la maison mère ?

S.R. : Continuité oui, mais nous ne nous sommes pas simplement dit : « Réactivons cette campagne d’il y a 20 ans. » Encore plus aujourd’hui, dans une période où la conscience écologique prend le pas sur d’autres sujets, où le pouvoir d’achat tend plutôt vers la baisse et incite quelques-uns à renoncer à certains voyages, nous souhaitons dire : il y a une solution qui s’appelle le train. Elle allie vitesse, prix et préservation de la planète. Il faut brocarder ce message, encore plus aujourd’hui, car c’est une opportunité forte pour nous, mais aussi pour le public.

Donc continuité oui, même si un véritable changement s’opère par rapport aux années précédentes. Plus que « À nous de vous faire préférer le train », c’est préférer le train à grande vitesse aux bouchons, à la fatigue générée par la conduite et ces moments de stress, aux péages, au carburant, etc. Il y a une force dans le message beaucoup plus grande qu’il y a trente ans.

Sur le fond, notre sujet c’est que tout le monde connaît le train, les gens ont envie de prendre le train. La vraie question était de le rendre accessible : 6 clients OUIGO sur 10 nous disent qu’ils n’auraient pas pris le train, mais leur voiture, s’il n’y avait pas cette offre-là. Il y a une vraie volonté pour nous d’opérer un transfert modal entre un usage routier, de co-voiturage, ou de bus, vers le train qui, encore une fois, est plus écologique que les autres modes de transport.

Si le contexte climatique a pu bénéficier au transport ferroviaire comme alternative moins polluante, le contexte sanitaire d’aujourd’hui semble quant à lui paradoxalement profiter à la voiture. Cet été, les Français ont majoritairement privilégié ce mode de transport pour partir en vacances. La campagne est d’ailleurs sortie en plein retour de vacances, est-ce volontaire ?

S.R. : Le premier constat est, en plus de répondre à un pouvoir d’achat en baisse, de traiter la crise sanitaire. Beaucoup de craintes ont émergé quant au fait de sortir de chez soi, pouvoir voyager, etc. La voiture a donc repris un peu le pas. Chez OUIGO, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour prouver que nous étions autant en sécurité à bord des trains qu’ailleurs. Le port du masque était obligatoire dans les trains bien plus tôt que dans le reste du pays ; concernant la ventilation et la climatisation dans les trains, l’air est tellement renouvelé (entièrement toutes les 9 minutes, NLDR) si bien que cela équivaut à être chez soi ou dans sa voiture ; et de nombreuses mesures ont été prises autour de la désinfection. Nous avons donc accentué notre communication sur le fait qu’il n’y avait pas de risque à prendre le train.

Ensuite, pourquoi sortir cette campagne à la fin de l’été, pour deux raisons :
– avant l’été, c’était impossible, car il n’y avait pas la place pour ce type de campagne : nous étions alors en pleine crise de sortie de confinement. Ce n’était pas le moment de promouvoir tout mode de transport ou de voyage ;
– nous ne devions pas nous focaliser uniquement sur l’été, car la demande est bien plus forte que l’offre produite. Nous avons d’ailleurs fait voyager 18 % de personnes de plus que l’année dernière. Le sujet n’était donc pas de soutenir l’été, mais tout le reste de l’année.

La marque se pose comme une alternative économique, rapide et écologique à la voiture sur des moyens trajets, comme le fameux Paris-Lyon de la campagne. Le facteur prix va-t-il enfin imposer la préférence pour le train ?

S.R. : C’est une question intéressante : le prix est le premier inducteur. Environ 70 % des clients nous disent qu’ils choisissent OUIGO par rapport au prix. Et ensuite viennent les éléments d’horaire, de confort, etc.

Nous pourrions toujours dire : “Vous allez plus vite et vous préservez la planète”, si le prix n’est pas en cohérence avec les attentes des clients, cela ne marchera pas. Le facteur prix est nécessaire et primordial dans le sujet du train.

Au début de l’été, le gouvernement a annoncé songer à interdire les vols intérieurs d’Air France dont les trajets peuvent être faits en train en moins de 2 h 30. Votre prochaine campagne opposera-t-elle le train et l’avion ?

S.R. : Non. Pourquoi ? Notre moteur, réellement, est de réaliser le transfert entre la route, polluante, et le train. Surtout, OUIGO est un transport de masse : lorsque vous avez 1 200 personnes dans un train, cela n’a rien à voir avec un avion de 150 places. Notre vrai créneau est celui de dire : il n’y a pas de raison de prendre votre voiture pour vos longs trajets, car OUIGO est là. Nous continuerons à communiquer sur le mode de transport routier, car notre promesse est de diminuer le nombre de voitures sur les routes.

Aujourd’hui, la part du ferroviaire sur les trajets de moins de 2 h 30 est bien plus grande que la part aérienne. Vous prenez la ligne Paris-Bordeaux, 90% des trajets s’effectuent en TGV. Paris-Marseille également. Nos passagers ne sont pas ceux de la clientèle aérienne.

Et pour finir, la question traditionnelle de notre rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?

S.R. : Nous retrouvons chez Rosapark, la créativité qui colle à l’ADN de OUIGO. C’est déterminant dans la relation que nous construisons avec notre agence depuis quelques années.

Nous devons également nous nourrir l’un l’autre. Dans cette proximité, nous devons partager un ensemble de datas et d’insights client avec notre agence. C’est-à-dire la réalité de ce que nos clients vivent et la nôtre. Et à partir de là, définir la place laissée à notre agence pour trouver cet univers décalé qui nous sied. C’est ce qui a très bien marché entre OUIGO et Rosapark, allié à une relation franche, continue, transparente même sur des sujets sur lesquels nous nous écharpons un peu. Mais un brief clair et bien ciselé permet de canaliser tout le monde sur la même attente. Avec toutes ces choses réunies, nous parvenons à produire un travail que nous considérons comme exceptionnel.

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Letter to to the Future pour Accor

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