Débat : Comment la Gen Z perçoit les pubs qui lui sont adressées ?

Par Élodie C. le 28/03/2024 - Agence : DENTSU CREATIVE

Temps de lecture : 9 min

Leurs codes pour les gouverner tous ?

Déjà le 3e volet de notre nouveau format Débat créa : différents profils du monde de la publicité réunis autour d’une table pour débattre d’une campagne internationale. Pour cette nouvelle édition, place à la Gen Z. On leur prête tous les gouts et les couleurs, ils sont la cible chouchou des marques qui rivalisent de tours et de détours pour les atteindre.

4 profils de 27 ans maximum issus d’agences et de l’annonceur sont confrontés à une campagne d’Instagram rendant hommage à la GenZ à travers deux films, « Send Off » et « Small Fries ». Pari réussi pour la plateforme ?

Place au débat créa avec Claire Celeyrette, directrice artistique chez TBWA\Paris, Fanny Kotreba, account manager pour McCann Paris, Bastien Grenier, planeur stratégique au sein de l’agence Dentsu Creative, et Lisa Caudron, chargée de communication marque chez CNP Assurances et membre du Club des Annonceurs.

L’ambiance du débat créa

Les films

Les fils ont été pensés par l’agence Johannes Leonardo et Creative X, la maison de création interne de Meta, et réalisés par Vincent Haycock sur une musique de l’artiste pop Dev Hynes.

La campagne « Instagram Connections » a été déployée du 1er aout au 8 octobre 2023, aux États-Unis, en multicanal, TV connectée, vidéos et bannières, en social sur TikTok, en OOH, mais aussi audio et podcasts. 

Le brief supposé

Achats, divertissement, rencontres, informations, recherches, les jeunes générations passent le plus clair de leur temps en ligne, particulièrement sur les réseaux sociaux. Le marché est ultra-concurrentiel et l’arrivée de TikTok a rebattu les cartes. Instagram a perdu du terrain au cours des dernières années en même temps que les adolescents ont afflué vers TikTok. Les plateformes doivent donc se distinguer et adresser leur audience. 

Avec ces deux films, la plateforme semble vouloir (dé)montrer “toutes les fonctionnalités d’Instagram, ses possibilités, à travers les émotions positives des réseaux sociaux, mais aussi d’être réaliste sur les aspects négatifs”, observe Lisa Caudron, chargée de communication marque chez CNP Assurances. Comme le stress qu’une mention “Vu” peut générer et l’attente presque gênante que cela suscite.

Claire Celeyrette, directrice artistique chez TBWA Paris, Fanny Kotreba, account manager pour McCann, y voient également la volonté de rendre hommage à la GenZ, Instagram célèbre la génération au cœur de son audience, en soulignant sa créativité, son engagement, et sa manière unique d’utiliser la plateforme. Un hommage “à sa cible principale” pour lui dire “on vous connait par cœur” et se présenter comme “l’outil de la Gen Z”. 

Pour Bastien Grenier, planneur stratégique au sein de l’agence Dentsu, la “peur de TikTok” se cache derrière ce brief, car la campagne ne se base quasiment pas sur le côté média de l’application, mais sur son versant conversationnel, “ce qui était un peu délaissé dernièrement au profit des Reels par exemple.”

J’y vois une volonté de faire “authentique”, de parler avec les – vrais – codes de cette génération, poursuit Fanny Kotreba. Mais en voulant répondre au désir d’authenticité de la GenZ, cet effort est peut-être un peu trop surfait, comme le thème Snails (en référence aux Snail Girls de la GenZ , une trend en opposition à la Girl Boss des générations précédentes, NDLR)”. 

Le brief, c’est aussi de raconter des moments dans lesquels la GenZ peut se projeter et s’identifier. Je me reconnais plus dans les situations présentées que dans les personnages, à la fois très authentiques, mais aussi très originaux”, ponctue Bastien Grenier.

La stratégie 

Le film répond-il au brief supposé ? La stratégie de la campagne semble être double :


– Valorisation de l’authenticité et de l’inclusivité
En montrant des aspects à la fois positifs et négatifs, la campagne cherche à établir une connexion authentique avec son audience, en particulier la Gen Z, connue pour valoriser l’authenticité et l’inclusivité dans les marques qu’elle soutient. Les deux courts ont d’ailleurs été tournés dans de véritables maisons d’adolescents à Austin, au Texas.

Les deux films sont très féminins, relève Claire Celeyrette, tous les personnages principaux sont des filles, même s’il y a de la diversité dans le casting. C’est un peu étrange, d’autant que la plateforme rame sans doute un peu plus avec la cible masculine. Les situations ne sont pas trop poussées, cela aurait pu être plus surfait.” 

Plein de petits détails représentent bien la GenZ. Ils sont très crafty, font des activités manuelles, des choses pas parfaites. Autant de petits détails qui sont quand même assez réalistes”, estime Fanny Kotreba.

– Confrontation avec TikTok
Un sous-texte de la stratégie est de positionner Instagram non seulement comme un espace pour la création de contenu, mais également comme un lieu de conversation et d’interaction, en réponse à la popularité croissante de TikTok. Cela indique une volonté d’élargir la perception d’Instagram au-delà de la simple plateforme de partage d’images, en mettant en avant ses fonctionnalités conversationnelles et de messagerie. Comme sa “tête” pensante, Adam Mosseri, l’a clairement revendiqué dans une récente interview.

L’idée créative

Le plus étonnant aux yeux de notre jury, c’est le format et la volonté d’Instagram d’atteindre cette cible revendiquée avec deux films de 3 minutes. Soit un court métrage pour la GenZ : “C’est étrange, par rapport à la génération visée”, note ainsi Claire Celeyrette.Déjà, avec des publicités de 2 minutes, je souffle, mais là, deux fois 3 minutes… il y a sans doute des formats plus courts qui sont sortis”, semble espérer Bastien Grenier. Mais que peuvent-ils raconter/montrer ?

Le planeur strat de Dentsu voit également dans ces copies un craft, voulu ou non, très inspiré de Netflix : “J’ai eu l’impression de faire face à un partenariat Instagram-Netflix, avec une fausse authenticité, tous les personnages sont un peu des personnages principaux, tout le monde a l’air extraordinaire et d’avoir une vie folle. Tout est romantisé sur Instagram, c’est également le cas ici. Ça décrit bien l’application, tout en étant un peu “trop”. Même dans la réal, dans les plans, les décors, avec cette laverie très esthétique… c’est très Instagram.

La directrice artistique de chez TBWA Paris s’est même demandée qui était la cible de cette campagne lors de son premier visionnage :”Au final, on est ni sur un format long, comme pourrait en sortir Netflix et que la GenZ regarderait, ni sur un format court. C’est un entre deux, alors que les jeunes ne consomment que des formats très, très courts, on le sait, ils zappent ultra facilement. Ce format de 3 minutes m’intrigue.” 

Surtout pour une plateforme qui pousse le 6 secondes toute la journée, rebondit Fanny Kotreba. C’est peut-être souhaité de la part d’Instagram : prendre la parole beaucoup plus longtemps que d’habitude, car le sujet est plus important que les autres.” Pour Claire Celeyrette, qui est montée précédemment sur un pitch pour une plateforme, c’est “toujours le grand débat” : faire un film publicitaire en perdant les codes de la plateforme, ou tenter de parler à la cible, avec ses propres codes et quelque chose de minimum crafté quand même ?

Ici, l’accent est mis sur les émotions : en abordant les hauts et les bas de la vie en ligne, la campagne souhaite évoquer une gamme d’émotions qui résonnent avec la Gen Z, depuis la joie de la connexion jusqu’à l’anxiété liée à l’attente d’une réponse. “Il y a beaucoup de musique, ça joue sur les blancs, on a l’impression d’être avec eux, note le jury. Il y a même des moments où c’est malaisant, on se trouve embarqué avec eux, notamment lorsqu’elles se retrouvent en vrai et sont très gênées, elles ne savent pas trop quoi se dire.” “C’est très fort”, s’accordent-ils tous à dire.

En s’appropriant le langage visuel et les tendances propres à la Gen Z, la campagne cherche à parler directement à sa cible principale, en démontrant une compréhension profonde de ses valeurs et de ses intérêts. “Les films montrent l’importance d’Insta pour cette génération. Moi même en étant GenZ, le premier point de contact c’est le téléphone, ici c’est Instagram”, note Bastien Grenier. La façon dont s’est filmé, avec le téléphone inversé, rajoute un côté très intime, un moment que l’on est pas censé voir et qui nous plonge dans leur vie. C’est très bien mis en scène.

Mission accomplie ?

Notre jury GenZ se sent-il concerné par la campagne ? “Elle ne nous apporte rien, tranche Claire Celeyrette de TBWA. Je n’ai pas l’impression que ça m’ait donné une meilleure ou moins bonne image de la plateforme, je n’ai rien appris. En la regardant, je me suis dit que c’est beaucoup d’argent pour pas grand-chose, mais je la trouve très belle et sympa.” 

 “À la première lecture, c’est long. Ça nous perd un peu, on ne rentre pas forcément dans l’histoire”, estime Lisa Caudron de CNP Assurance.

Il y a 2-3 sentiments mis en avant sur lesquels je me suis retrouvée, mais plutôt période lycée : la dépendance au groupe, le “vu”, etc., explique Fanny Kotreba de McCann. Mais on est plus face à la démonstration que la plateforme veut faire, plutôt que quelque chose de purement authentique.” Elle poursuit : “La GenZ n’est pas du genre à tomber dans ce genre de panneau. Le brief de base était mauvais dans le sens où on a dû leur demander de faire de l’authenticité et quand on essaie de faire de l’authenticité, c’est là où ce n’est pas authentique.” 

Cela se voit que ce sont des profils Gen Z, on le reconnaît direct, note Bastien Grenier, de Dentsu. Néanmoins, ils donnent l’impression de sortir tout droit d’un carnet de tendances. Leur maison est authentique, et d’un autre côté, c’est une authenticité un peu forcée : tout le monde se démarque avec un style bien précis, personne n’est identique, tout le monde a sa personnalité, son style, un peu extravagant.”

Juste et assez neutre”, semble être le sentiment dominant… et “bizarre”. La campagne retranscrit assez bien le paradoxe d’une génération qui n’a jamais été autant connectée, mais qui ne s’est jamais sentie aussi seule.

En outre, le jury estime que cette campagne pourrait très bien coller à Snapchat, ce qui différencie une plateforme d’une autre n’est pas véritablement mis en avant. “TikTok est leur Némésis en ce moment, Instagram veut vraiment se positionner à l’encontre, en mode conversation versus médias ou recherche.

Les notes

La stratégie
Lisa Caudron (CNP)7/10
Claire Celeyrette (TBWA)6/10
Bastien Grenier (Dentsu)7/10
Fanny Kotreba (McCann)6/10
Verdict6,5/10

L’idée
Lisa Caudron (CNP)6/10
Claire Celeyrette (TBWA)5/10
Bastien Grenier (Dentsu)6/10
Fanny Kotreba (McCann)6/10
Verdict6/10

Le craft
Lisa Caudron (CNP)7/10
Claire Celeyrette (TBWA)7/10
Bastien Grenier (Dentsu)6/10
Fanny Kotreba (McCann)8/10
Verdict7/10

La note globale
Lisa Caudron (CNP)6/10
Claire Celeyrette (TBWA)6/10
Bastien Grenier (Dentsu)6/10
Fanny Kotreba (McCann)6/10
Verdict6/10

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