CDP : Tous les annonceurs devraient-ils en avoir une ?

Par Jérémy Lacoste le 15/05/2024

Temps de lecture : 6 min

Customer Data Platform : retenez bien cet acronyme.

Nous sommes ravis d’accueillir Jérémy Lacoste comme nouveau contributeur sur la Réclame. Jérémy est Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit dans son podcast Déclick, sur Linkedin, en tant qu’enseignant ou désormais dans ses tribunes sur la Réclame. Vous l’aviez déjà remarqué pour son interview sur l’intérêt des martech « made in France ».

RCU, datalake, datawarehouse, DMP, data clean room… et voilà que c’est maintenant au tour des CDP de bénéficier de l’effet de traction du moment. Une hype bien aidée par un agenda qui aligne toutes les étoiles avec d’un côté la remise en cause des standards marketing (fin des cookies tiers, RGPD, DMA…) et de l’autre des consommateurs de plus en plus sensibles aux communications personnalisées (adblocker). Au point de se demander comme Joe Stanhope de Forrester si 2024 n’est pas « l’année décisive pour les CDP » ?

Rembobinons d’abord

C’est David Raab le premier qui a mis des mots sur un concept encore flou en 2013 : «Il m’a fallu du temps pour faire le rapprochement, mais je suis maintenant presque sûr de voir émerger un nouveau type de logiciel. Il s’agit de systèmes qui recueillent des données sur les clients à partir de sources multiples, combinent les informations relatives aux mêmes personnes, effectuent des analyses prédictives sur la base de données résultante et utilisent les résultats pour orienter les traitements marketing sur de multiples canaux ».

Résultat, plus de 10 ans plus tard, le marché mondial des CDP, c’est 5 milliards de dollars pour 180 fournisseurs de technologie. Dans ces conditions, pas toujours facile de trier le bon grain de l’ivraie pour les annonceurs. Car qui dit nouveau marché, dit aussi effet d’aubaine : on ne compte plus les pivot d’entreprises qui ont senti la dynamique et ont rebrandé leur solution historique (CRM, TMS, DMP, ETL) pour leur donner une teinte CDP. Mais manque de bol « ça a la couleur des CDP, le goût des CDP… mais ce ne sont pas des CDP » si j’ose paraphraser ce fameux slogan.

Au point que les retours d’expérience négatifs se sont accumulés ces dernières années sur le marché français et ont tendance à être plus vocaux que les succès story..  Dommage, au moment même où le marché commence à se structurer, les acteurs se rapprocher, et les premiers use cases à ROI mesurables à être délivrés… Cela sera-t-il suffisant pour faire en sorte que dans la roue des annonceurs américains friands de CDP, le taux d’adoption en France explose également? 

Surtout, ces solutions sont-elles aujourd’hui pertinentes pour l’ensemble des annonceurs ? J’identifie 5 cas de figure :

1. Pour les organisations qui gèrent de la 1rst party data en masse

C’est clairement le nerf de la guerre et d’autant plus depuis que Chrome souhaite se ranger derrière Safari & Mozilla sur la fin des cookies tiers. En permettant la réconciliation des données online et offline, les CDP offrent un terrain de jeu privilégié pour les annonceurs dans leur volonté d’ultra-personnaliser les parcours clients. 

Encore faut-il avoir de la donnée propriétaire, que ce soit de contactabilité (CRM) ou adressable (cookie web 1rst party). Les annonceurs doivent donc réussir à mettre en place un sorte de walled garden, un peu sur le modèle des géants de l’adtech pour identifier leurs visiteurs sur toute leur navigation

2. Pour les organisations qui souhaitent mettre en place une gouvernance de la donnée unifiée

Ou qui l’ont déjà fait, mais c’est souvent plus rare ! Un projet CDP vise à la fin des fins à créer une base de données unifiée et activable avec l’ensemble des insights de l’entreprise. Dans cette optique, c’est un bon moyen pour mobiliser les forces vives de l’entreprise vers ce projet commun.

Cartographie des bases de données ; architecture des modèles de données ; définition des golden records ; création des règles d’ingestion ; mapping des champs… Tout ce travail de raffinage de la donnée est le corollaire à chaque projet CDP. Autant de tâches qui par expérience sont soit reportées, soit chronophages et qui à l’occasion d’un projet CDP peuvent bénéficier d’un coup de boost.

L’investissement dans une solution et donc la nécessité d’y dégager un ROI rapide n’y est pas pour rien dans cette accélération.

3. Pour les organisations qui ne veulent pas investir du temps dans la création & maintenance d’API

C’est évidemment l’un des apports majeurs des solutions CDP : être interfacées à pléthore de solutions marché à l’aide de connecteurs sur étagère. Méfiance pourtant, car il peut parfois avoir un décalage entre l’avant-vente et la vélocité de l’API une fois son déploiement réalisé.

Si en moyenne les organisations travaillent avec plusieurs centaines de partenaires, il n’y a généralement que quelques flux essentiels à avoir en bidirectionnel : CRM, marketing automation, datalake, 2/3 solutions d’activation média… et le reste est de la littérature.

Aussi, de la même manière qu’il faut prendre avec des pincettes les éditeurs qui affichent plusieurs centaines de connecteurs (quel intérêt pour mon business ?), il faut toujours tester avant contractualisation les 4/5 connecteurs identifiés comme essentiels.

4. Pour les organisations qui veulent redonner la main au métier

Une des forces des solutions CDP est naturellement d’intégrer une surcouche fonctionnelle à l’UX accessible. Les requêtes SQL font place à du drag & drop ; les sources entrantes et sortantes sont paramétrées une fois pour toutes ; les envois de données se font de manière automatique… autant d’éléments qui visent in fine à faciliter la vie aux métiers. À les rendre quasiment indépendant des fonctions IT, une fois le setup déployé. Le rêve. 

Pour toute organisation, mettre à disposition une base de données intelligible et activable par tous devrait être une ambition structurante. C’est la clé pour prendre les meilleures décisions dans un timing resserré.

5. Pour les organisations qui identifient des ROI non financiers

8 mois. C’est le temps moyen nécessaire aux organisations pour mesurer réellement les premiers bénéfices d’une CDP d’après The CDP Value Chain. Autrement dit, il va falloir serrer les dents un petit moment.

Mieux (ou pire, c’est selon), la majorité des apports d’une CDP ne se mesure probablement pas en espèces sonnantes et trébuchantes. Que l’on songe aux exclusions d’audiences auprès des Google et Meta (économies de budget) ; aux scenarii d’ultra-personnalisation on-site (meilleure interaction) ; à la création de scores à la volée (gain de temps IT) ou à la création en masse de segments & requêtes (idem, gain de temps IT)… autant de cas d’usages qui n’améliorent pas le CA généré de manière directe.

Reste qu’il ne faut pas s’attendre d’un outil CDP être un faiseur de miracle car :

– Si la donnée est mal gouvernée, c’est l’enfer ;
– Si les use cases sont flous, c’est l’enfer ;
– Si aucune équipe est owner du projet, c’est l’enfer ;
– Si le bon niveau de priorité n’est pas intégré, c’est l’enfer ;
– Si la finops [la gestion des coûts cloud, NDLR] est mal pensée, c’est aussi l’enfer.

Et ces solutions sont toutes pavées de bonnes intentions !

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