Faire cohabiter une agence lead et un réseau de freelances, le combo gagnant de Groupe ADP

Par Isadora L. le 15/12/2022

Temps de lecture : 7 min

L’interview de Géraud Rabany, head of brands.

Après 10 ans de carrière en agence (W et Fred&Farid), Géraud Rabany est passé du côté de chez l’annonceur avec Groupe ADP – anciennement Aéroports de Paris. Pour mener de fronts ses projets communication, l’entreprise française avait jusqu’ici un modèle classique de collaborateur agence-annonceur, avec comme agence lead Artefact 3000.

Mais la crise du Covid est passée par là, et avec elle l’envie de gagner davantage en agilité et rapidité. Le groupe a donc fait le choix de garder son agence, et de compléter ses services avec le réseau de freelances acracy. Cette aventure d’un an (renouvelée) s’est avérée très efficace. Dans un entretien, Géraud Rabany, directeur de communication CDG Express / Head of brands de Groupe ADP, nous a raconté comment fonctionne une telle organisation tri-partite, la répartition des missions, et son avis sur l’avenir du freelancing sur le marché de la communication.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire appel au réseau de freelances créatifs acracy ? 

Géraud Rabany : Au départ, j’avais une très mauvaise opinion des plateformes de freelances. J’ai constaté l’émergence d’acracy en veillant pendant la crise du Covid. J’ai trouvé cela passionnant de voir deux anciens planneurs stratégiques monter un business donnant l’opportunité à des talents (créatifs comme stratégiques) de mettre à disposition leurs compétences au service des entreprises.

Après avoir mieux compris comment fonctionnait ce marché, j’avais en tête pour le Groupe ADP une organisation articulée autour d’une agence lead et d’un partenaire qui nous aide à faire travailler des freelances sur certains sujets. Je trouvais que c’était probablement la meilleure manière de répondre à nos enjeux de coûts mais aussi de qualité et de réactivité. Il fallait que nous soyons plus efficaces mais toujours aussi bons dans ce que l’on arrive à délivrer pour les marques, pour homogénéiser notre discours et monter en compétences.

Nous avons fait appel à un réseau de freelances car une agence lead ne peut pas tout faire. Il y a un mythe autour de l’agence 360 – en réalité, elles ont toujours une tonalité (publicité, branding, data CRM, design, etc). Ce qui est génial dans le groupe ADP, c’est que nous faisons du corporate, du commercial pur, du digital, de la data, de l’affichage, du film, de l’espace, etc. Avec tout cela, nous avons besoin d’énormément d’expertises qu’un seul partenaire ne peut pas avoir en interne. Si nous voulons conserver de la qualité partout, il faut que nous puissions travailler avec des profils de qualité, une plateforme de freelances nous permet d’avoir cette agilité-là.

Aussi, c’est toujours intéressant d’avoir des organisations avec une culture forte. Pouvoir mêler les deux permet d’avoir des regards contributifs différents.

Est-ce que faire appel à un réseau de freelances implique d’avoir une direction de la communication ré-organisée ?

G.R. : C’est une petite charge de travail supplémentaire, puisque nous ne travaillons pas avec un créatif tout seul comme avec une agence : il n’y a pas le planning, pas de commercial ni la chefferie de projet. Cela oblige les équipes à élever leur niveau de jeu. Nous ne pouvons pas envoyer un problème à l’agence et attendre que cela revienne. Il faut avoir un point de vue, explorer, trouver des angles, c’est aussi une manière d’aider et d’entraîner tout le monde à améliorer sa capacité stratégique, d’analyse et son pouvoir de conviction.

C’est gagnant-gagnant. Si les collaborateurs en interne jouent vraiment le jeu avec les freelances, cela prend certes plus de temps, mais ils développent leurs capacité de manière tout à fait réelles.

Comment répartissez-vous les missions entre le réseau acracy et votre agence lead, Artefact 3000 ?

G.R. : Les grands sujets stratégiques demandant de l’ampleur et un pilotage sur le long terme sont gérés par qu’Artefact 3000, notre agence lead. Et puis, il y a un certain nombre de sujets qui nécessitent une expertise qu’Artefact 3000 n’a pas (ou qu’elle ne peut pas prendre pour des contraintes de planning).

Cependant, acracy ne fait pas que les choses que l’agence lead ne sait pas faire. L’année dernière, nous étions en compétition et devions mettre en œuvre la communication de notre plan stratégique. Nous avons monté un « commando » aux côtés d’acracy avec un profil planning, commercial, créatif, production. En un mois et demi, nous avons trouvé toute la communication du plan stratégique – je suis pas sûr que beaucoup de boîtes du CAC 40 auraient confié leur communication à un attelage commando de freelances.

Vous avez mené plus de 80 projets avec acracy depuis septembre 2021. Était-ce justement pour maintenir une telle cadence que vous avez recherché un nouveau type de partenaire ?

G.R. : Nous ne sommes pas un gros annonceur avec une grande notoriété, mais nous avons énormément de sujets au quotidien. Alors oui, ça nous a permis de traiter plus de sujets – et même de mieux les traiter.

Comment vous assurez-vous de maintenir de la cohérence dans votre production de contenus avec autant de talents sollicités ?

G.R. : Il y a un sujet chez l’annonceur et chez acracy.

Chez acracy, nous fonctionnons comme un grand compte, avec une personne qui suit le Groupe ADP. L’équipe de la marque est donc informée dès qu’il y a une demande sur la plateforme, nous avons également une vision sur les briefs en cours. Nous repartons avec eux et allons à l’avenir développer quelques fonctionnalités en software pour avoir du workflow – cela permettant à la marque de s’assurer que les briefs sont bons (un mauvais brief = un mauvais retour de création).

C’est une exigence pour l’annonceur, mais cela permet en même temps de s’améliorer dans la culture de la marque. C’est également un sujet pour acracy : nous allons développer des workflows permettant d’avoir le meilleur pilotage possible – voire même d’avoir des templates plus simples sur des workflows digitalisés.  

Pensez-vous que le marché de la communication va aller vers plus de freelancing à l’avenir ?

G.R. : C’est une grande question et un énorme débat ! À un moment, je me suis demandé si cela ne serait pas plus simple de ne travailler qu’avec des freelances. Je ne pense pas. Après je parle pour moi et au nom d’ADP. Bien sûr qu’un grand annonceur comme Renault – qui doit sortir 15 films de lancement de marque mondiale par an – ne peut pas travailler qu’avec des freelances. 

Je crois beaucoup au modèle hybride. Nous mettons cela en œuvre – c’est une tentative pour avoir le meilleur des deux mondes.

C’est riche pour l’entreprise et les collaborateurs de pouvoir travailler avec des talents créatifs, même si ce n’est pas une facilité. Le challenge est de réussir à bien faire cohabiter les deux. C’est une voie d’avenir quand c’est pensé de manière complémentaire. Je pense qu’il y a de l’avenir dans le freelancing, je ne crois pas à la mort des agences, je ne crois pas du tout au tout-freelance, je pense aussi qu’il y a des talents qui sont contents de travailler en collectif.

Après les modes de collaboration hybrides annonceurs-agences-freelances, la prochaine révolution sera-t-elle celle de l’IA ? Les progrès récents de Dall-E / Midjourney pour l’image et de Chat-GPT pour le texte interrogent les professionnels de la production de contenu. Est-ce votre cas ?

G.R. : Ce qui est spectaculaire, c’est la qualité de rendu que l’on obtient depuis 6 mois. Nous regardons cela de près, mais pour moi la vraie question est celle de la singularité. Dans tous les textes que nous lisons, la crédibilité est bluffante. Mais c’est aussi bluffant à quel point cela manque de singularité. Et notre obsession en tant qu’annonceur, c’est de chercher la singularité – chaque consommateur reçoit 4 000 messages de marques par jour. Dans la guerre de l’attention, la singularité est un des seuls leviers sur lequel nous allons pouvoir intéresser quelqu’un, puisque nous avons un propos singulier contextualisé au bon moment.

Mon intuition, c’est que cela va devenir des outils formidables, nous allons jouer avec dans les mois et années qui viennent, mais je suis plus réservé sur la qualité de singularité que cela pourrait apporter. Nous aurons toujours besoin de directeurs artistiques pour nous aider, toujours besoin de concepteurs-rédacteurs pour penser la singularité par rapport à nos marques, et en cela, nous aurons besoin des talents créatifs en agence.

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