L'interview de Lin-Na Zhang, directrice marketing de LITA.co.
Et si la finance nous aidait à construire ce fameux « monde d’après » ? C’est toute l’ambition de la plateforme LITA.co dont l’objectif est de démocratiser l’investissement des particuliers à destination de l’économie réelle et locale, autrement dit les entreprises françaises engagées dans le social et/ou l’environnemental.
La crise née de la pandémie de Covid-19 a généré de multiples réactions, beaucoup de Français se sont tournés vers l’épargne ou ont questionné leurs habitudes de consommation. Pour LITA.co, un pont doit se créer entre consommation responsable et investissement responsable. Encore faut-il se faire connaître du grand public, puis rassurer, expliquer et convaincre.
Si sa place n’est plus à faire dans l’écosystème de l’économie sociale et solidaire, LITA.co n’est pas encore un réflexe dans l’esprit des particuliers s’interrogeant sur leur épargne. En juillet dernier, accompagnée de son agence The Good Company, LITA.co s’est lancée dans une campagne de notoriété alliant digital et guérilla marketing. Lin-Na Zhang, directrice des opérations & du marketing de LITA.co, revient pour nous sur cette entreprise de démocratisation de la finance responsable.
Pourriez-vous présenter LITA.co en quelques mots pour ceux qui ne vous connaîtraient pas ?
Lin-Na Zhang : LITA.co est une plateforme permettant aux particuliers de participer activement à l’économie du territoire, en France, en orientant une partie de leur épargne vers des investissements qui vont financer des entreprises engagées, autour d’une mission d’impact social et environnemental. LITA.co se positionne comme l’acteur d’une autre finance, une finance connectée à la réalité et qui fait du bien.
L’idée est de reconnecter les particuliers avec leur épargne et ce qu’elle finance en leur donnant la possibilité de choisir directement les entreprises en levée de fonds qu’ils veulent aider à se développer. Ils peuvent financer l’entreprise en actions, en entrant au capital et en devenant actionnaire, ou la financer via des obligationss, une forme d’emprunt (de prêt à l’entreprise) sur un certain nombre d’années avec un taux d’intérêt fixé dès le départ. LITA.co souhaite réconcilier la notion d’utilité et de rentabilité avec l’investissement.
Notre rôle est aussi d’accompagner tous ces porteurs de projet, tous ces entrepreneurs engagés à pouvoir se financer et se positionner comme une entreprise rentable, comme n’importe quelle nouvelle startup qui se lance. LITA.co lie cette idée de modèle économique avec l’impact : la logique économique et la logique d’impact sont deux choses qui se complètent et ne sont pas antinomiques.
Si on se place 5 ans en arrière au moment de votre lancement, la finance solidaire n’avait pas le même écho qu’aujourd’hui, comment vous êtes-vous fait connaître à vos débuts ?
L-N.Z. : Quand Julien Benayoun et Eva Sadoun ont cofondé LITA.co, ils étaient déterminés à dire que la finance pouvait servir l’intérêt général. Nous nous sommes donc surtout fait connaître grâce à leur détermination et leur bagou. Ce qui n’est pas évident à 25 ans dans un monde de la finance représenté par le vieux monde. Ensuite, il s’agissait de bien s’entourer. La finance solidaire existe depuis un certain temps, avec notamment l’association Finansol qui labellise LITA.co (comme un acteur de la finance solidaire et transparente). L’idée était de s’entourer d’acteurs existants et de créer un écosystème de la finance responsable, que ce soit avec des acteurs associatifs ou de l’impact investing qui ont commencé à émerger à ce moment-là. Ce maillage important a permis à LITA.co d’être reconnu aujourd’hui comme un acteur de référence sur le marché de la fintech responsable.
Quels sont vos grands défis en matière de communication sur ce marché ? Quelle(s) cible(s) souhaitez-vous atteindre ?
L-N.Z. : Notre grand défi est d’atteindre le mass market, de toucher le plus grand nombre de personnes. Après cinq années d’existence, nous avons une belle place au sein de notre écosystème d’économie sociale et solidaire. Les personnes déjà inscrites dans une démarche responsable, notamment dans leurs investissements, connaissent LITA.co. Aujourd’hui, notre objectif est d’apporter le message et l’alternative LITA.co a des personnes qui ne se posent pas encore la question. C’est à nous de faire ce travail de conscience sur l’épargne du particulier.
Notre cible est très large, mais notre challenge est d’arriver à atteindre le grand public, et surtout de démocratiser ces questions d’investissement pour qu’il se les approprie : toucher autant un étudiant qui se pose des questions sur son épargne, qu’un jeune actif qui la constitue ou un « patrimonial » avec de l’épargne dormante. Nous ne souhaitons pas que la finance reste l’apanage de certaines personnes estimant qu’elle nécessite de l’expertise.
À côté de ce challenge mass market, nous souhaitons réconcilier l’investisseur traditionnel avec la notion d’utilité par rapport à son investissement : aller toucher l’investisseur aguerri qui investit prioritairement pour capitaliser. Nous souhaitons lui dire : il est possible d’investir de manière rentable et utile. Les entreprises financées via LITA.co ces dernières années sont des sociétés phare de l’ESS (économie sociale et solidaire), telles que 1083, Bioburger ou encore la Foncière Chênelet. Comme toute entreprise, ces sociétés se développent, sont rentables, elles recrutent et créent de l’emploi, il est donc aussi nécessaire de les financer.
LITA.co ambitionne de défendre un autre modèle économique, à l’heure où de nombreuses personnes appellent à « un nouveau capitalisme », quel est-il ?
L-N.Z. : Le modèle que nous défendons, notre engagement, est de reconnecter la finance avec la réalité, autrement dit l’économie réelle. Nous nous présentons comme une alternative à la finance de marché, à la financiarisation du monde où toutes les valeurs créées sont des valeurs spéculatives, fictives et non tangibles. L’économie réelle, c’est celle des entreprises qui créent de l’emploi et de la valeur perceptible. LITA.co entend reconnecter cet outil qu’est la finance à l’économie réelle, en essayant au maximum de faire partie des acteurs qui flèchent l’épargne citoyenne en direction de cette économie connectée à la réalité, aux besoins de la société et aux humains. Nous défendons une finance raisonnée et capable d’accompagner la transition que nous sommes en train de vivre.
Investir dans une société dont on connaît l’entrepreneur et son engagement est beaucoup plus tangible qu’investir dans des actions sur un marché financier dont on ne voit rien, si ce n’est des courbes et des actualités trois fois par an. La finance en circuit court, que ce soit en bas de la rue, dans la ville ou sur le territoire, c’est la possibilité de relocaliser l’épargne de manière transparente, humaine et inclusive en permettant à tout le monde de se l’approprier : sur LITA.co, tout le monde peut investir à partir de 100 euros. C’est un petit montant, certes, mais cela veut dire qu’on n’a pas besoin d’être « riche » pour se sentir concerné par l’investissement. Pendant le confinement, l’activité de LITA.co a explosé, x4 par rapport à ce que l’on fait d’habitude à la même période. Chacun s’est retrouvé dans une situation où il avait plus de temps pour s’interroger sur le monde d’après. Pour nous, ce monde existe déjà, mais nous devons l’aider à émerger.
Pensez-vous que l’investissement durable, « for good », peut se concilier avec l’objectif premier attendu d’un investissement jusqu’à présent, le ROI, la rentabilité ?
L-N.Z. : La rentabilité qu’offre certains placements financiers, c’est une rentabilité non raisonnée, détachée du réel. Il faudrait déconstruire cette notion de rentabilité, et en reconstruire une qui soit plus équilibrée et plus juste. La rentabilité telle qu’on la perçoit aujourd’hui est celle qui enrichit les plus riches et crée des inégalités sociales et de la valeur répartie de façon incorrecte. Nous tentons de sensibiliser notre communauté (primo-épargnants et investisseurs aguerris) sur ces marges déconnectées de la réalité — on ne peut raisonnablement prétendre à croître sa mise de 15% chaque année.. Certains investissements sont peut-être moins rentables que d’autres alternatives sur les marchés financiers, mais ils sont justes. Ceci étant, sur LITA.co les investissements présentés proposent une rentabilité financière intéressante :
– sous forme d’actions en investissant directement au capital de l’entreprise. Si l’entreprise décolle ce sont des plue-values à la clé ;
– avec le dispositif de défiscalisation de la loi Madelin (25% du montant investi) qui récompense les investisseurs de financer les PME françaises et européennes ;
– les obligations (prêts) avec des taux de 3 à 8, voire 10%.
Nous pouvons donc proposer des investissements responsables, « for good » et rentables.
Après, investir dans l’économie réelle comporte un risque, mais comme tout type d’investissement. C’est pourquoi nous mettons aussi en avant la notion « d’investissement patient ». Toujours dans cette optique de déconstruction/reconstruction autour de la finance : lorsque l’on investit responsable, on laisse le temps aux entrepreneurs de développer leur entreprise et d’en faire quelque chose qui aura plus de valeur — économique, sociale et environnemental — demain. Sur LITA.co, les temps d’investissement durent entre 3 à 7 ans avant d’obtenir un retour.
Quels types de canaux marketing / com utilisez-vous habituellement ?
L-N.Z. :Nous utilisons beaucoup nos réseaux sociaux comme outil de communication directe et de vulgarisation sur la finance et l’investissement. Nous produisons beaucoup de contenus en ce sens. Nous communiquons également beaucoup à travers la presse, notamment sur les différentes levées de fonds et actualités de LITA.co.
Avec The Good Company nous avons réalisé notre première campagne de notoriété, qui est restée très digitale compte tenu du contexte. Quoi qu’il en soit, nous restons une entreprise essentiellement digitale, que ce soit sur notre activité ou nos canaux de communication.
Eva Sadoun, la présidente de LITA.co, utilise beaucoup les canaux traditionnels, presse, radio, télévision. À ce titre et celui de co-présidente du Mouves (le mouvement des entrepreneurs sociaux) et de Tech for Good France, elle incarne aussi la nouvelle voix de la finance responsable.
Justement, en juillet dernier, pour cette campagne de notoriété avec The Good Company, vous avez pris la parole en digital, mais également à travers une activation de guérilla marketing, Place de la Bourse, à Paris. Pourquoi ce choix d’opération là ? Quels ont été les résultats de cette campagne ?
L-N.Z. :Le guérilla marketing est inscrit dans l’ADN de LITA.co. Nous faisons partie de cette génération d’entreprises qui se revendiquent « militantes ». C’est une nouvelle forme d’entrepreneuriat, de modèle d’entreprises, où tous les salariés sont très engagés et ont fait le choix de venir travailler dans une entreprise avec la volonté de donner du sens à leur métier.
LITA.co a une culture d’entreprise très engagée et militante, la proposition de The Good Company a donc immédiatement fait écho à notre ADN qui est de venir casser les codes et porter haut et fort notre message. En tant qu’acteur financier, on attend peut-être de nous plus de mesure ou de tradition, pourtant c’est l’aspect manifestation et militantisme du message qui nous a plu dans cette proposition. La Place de la Bourse reste un symbole très fort de la finance, le lieu était tout trouvé pour interpeller les gens assistant à l’opération. Il fallait que nous nous retrouvions face à un symbole de la finance d’hier dans l’imaginaire collectif pour porter un message d’une finance de l’après. Comme un peu un pied de nez, mais aussi une forme d’évolution entre hier et demain.
Nous avons obtenu beaucoup de retour sur les réseaux sociaux, en presse aussi, ce qui nous fait dire que le volet notoriété a bien fonctionné.
Votre pouvoir d’achat est un pouvoir d'action. ✊?Il est temps d’investir (dans) le monde dans lequel vous voulez…
Publiée par LITA.co France sur Mercredi 8 juillet 2020
En utilisant les codes visuels de la fonction Shop d’Instagram, ainsi que des clean tags pourvus de QR Code, à qui vous adressez-vous et quel message souhaitiez-vous transmettre ?
L-N.Z. : Nous avons détourné la fonction Shop d’Instagram sur les canaux digitaux pour toucher le grand public en entrant par le biais de la consommation. Pour pouvoir acheter responsable et/ou made in France, il faut financer ces entreprises pour qu’elles puissent exister. Avec ces visuels, nous voulions créer un pont entre la consommation responsable et l’investissement responsable, d’où notre message : « Investissez (dans) le monde dans lequel vous voulez vivre » https://fr.lita.co/l-investissement-qui-fait-du-bien. Vivre, et donc consommer. C’est une démarche très mass market pour vulgariser et simplifier le message de l’investissement afin que tout le monde puisse être touché et le comprendre.
L’opération de guérilla marketing quant à elle avait plus une vocation identitaire, statutaire de LITA.co et portait notre engagement et notre vision sur la finance dans sa globalité. Nous avons utilisé la symbolique forte de la Bourse pour présenter cette finance au monde. Avec les QR Code nous avons créé une sorte de Bourse à ciel ouvert où les passants pouvaient directement apercevoir les entreprises actuellement en levée de fonds et investir sur place.
Il s’agissait de donner un aperçu de la finance de demain : innovante, digitalisée, facile d’accès et transparente, avec une campagne utilisant les codes digitaux actuels. Ce qui la rendait d’autant plus pertinente.
Comment voyez-vous le secteur de la fintech solidaire évoluer dans les années à venir ?
L-N.Z. : Le secteur a de belles années devant lui. Cette année, et encore plus avec les différentes crises que nous avons traversés et traversons, notre activité a véritablement fait sens. Cela va sans doute continuer, car la situation économique et sanitaire ne va pas se régler du jour au lendemain. Nous arrivons à un moment riche de ruptures où notre activité est plus que nécessaire. Notre vision est très positive sur l’avenir et la pertinence de nos actions.
Il y aura de plus en plus d’acteurs de la fintech solidaire, nous l’appelons de nos vœux, car nous souhaitons que cela devienne la norme, plutôt qu’une alternative. La fintech est innovante et s’adapte aussi aux usages et aux habitudes de consommation digitale. En simplifiant au maximum son usage, on peut la décloisonner et la rendre plus inclusive.
Question traditionnelle de la rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?
L-N.Z. : Côté annonceur, je dirais une communication honnête, mais aussi bienveillante pour que tout le monde travaille dans de bonnes conditions. Et du côté agence : faire un travail de compréhension des besoins, de l’ADN et de la culture du client. Ce qui demande un travail de personnalisation en amont.