L’interview de Céline Picoré Skrzynski, The Good Company.
En 2022, plus de 5 000 nouvelles entreprises ont été certifiées B Corp dans 80 pays, dont 890 en Europe. Cette certification des plus exigeantes – dont l’ambition est de « faire évoluer le capitalisme » – atteste des engagements RSE d’une entreprise.
Récemment, certaines agences de publicités comme The Good Company, Notchup, Pixelis, ou encore Sidièse ont prouvé leur gage de transparence en annonçant leur certification B Corp. Le groupe Havas s’est d’ailleurs donné comme objectif d’être certifié d’ici 2 ans. À l’avenir, toutes les agences de publicité vont-elles tendre vers cette certification ? Quels sont les bénéfices et les spécificités de cette labellisation ? Réponse dans cet entretien mené avec Céline Picoré Skrzynski, The Good Company, agence qui vient tout juste d’obtenir la certification 2 ans après avoir entamé la procédure.
En quoi consiste la certification B Corp ?
Céline Picoré Skrzynski : Pour être certifié B Corp, il faut d’abord répondre à un questionnaire d’évaluation en ligne qui s’articule autour de 5 piliers :
– La gouvernance : transparence, éthique, organisation des prises de décisions ;
– Les collaborateurs : comment est-ce que nous les traitons, la sécurité financière, les évolutions de carrière, les discriminations ;
– La clientèle : comment nous choisissons nos clients, comment est-ce que nous les intégrons dans la stratégie RSE, leur taux de satisfaction ;
– La collectivité : comment est-ce que nous nous inscrivons dans la communauté, en tant qu’agence de publicité en l’occurrence ;
– L’environnement : notre démarche de développement durable au sein de la communauté.
Tout le principe de B Corp n’est pas de s’inscrire uniquement dans une performance financière, mais aussi d’intégrer les performances sociale et environnementale. Il faut vraiment prendre en compte ces choses-là dans le développement de la société.
Qu’est-ce que cela change pour une agence de communication d’obtenir cette labellisation ? Est-ce facile de l’obtenir ?
C.P.S. : Le questionnaire (très exigeant) est sur 200 points, il faut en obtenir au minimum 80 si l’on veut passer l’audit. Nous, The Good Company, avons atteint 92 points. Nous avons la chance d’avoir commencé la démarche de certification assez tôt (2020). À l’époque, nous étions une petite agence, cela a permis d’instaurer de bonnes bases dès le début. B Corp structure énormément l’agence, c’est-à-dire qu’il y a des points sur lesquels nous ne pouvons plus transiger.
Une fois les points obtenus lors du questionnaire en ligne, un audit indépendant est réalisé par B Lab. Ceux-ci nous ont demandé un certain nombre de preuves, documents, statuts – des choses concrètes et tangibles pour éviter toute triche. « TGC » a été certifiée B Corp en juillet 2022. Maintenant, à nous de travailler pour le prochain tour – qui sera dans moins de 3 ans – pour justement obtenir un meilleur score.
B Corp redonne du sens à notre métier, nous ne sommes pas juste là pour faire de la publicité ou de l’argent, nous sommes aussi là aussi pour agir vis-à-vis de la société et du monde dans lesquels nous évoluons.
B Lab est d’ailleurs en train de faire évoluer le questionnaire pour que chaque certifié ait un minimum de points dans chaque pilier. Je pense qu’ils se rendent compte qu’il y a des gens très forts dans certaines catégories et d’autres non, cela déséquilibre le principe même d’être B Corp.
Est-ce que cette certification vous a « connectés » avec d’autres entreprises à impact ? Clients, partenaires, écosystème ?
C.P.S. : Complètement, cela fait aussi partie de notre volonté de rentrer dans une communauté qui partage les mêmes valeurs que nous. Nous avons les mêmes intérêts et objectifs que d’autres entreprises B Corp. Cela nous donne davantage envie de travailler ensemble – que ce soit des partenaires potentiels ou des clients. En étant nous-même B Corp, nous savons quel chemin ils ont parcouru pour en arriver là. De manière naturelle, nous travaillons avec Sequoia et Greenly (certifiés B Corp), la banque d’images solidaire Pic&Pick qui est à la fois notre fournisseur et notre client, etc.
Il nous arrive de nous réunir avec des équipes B Corp lors de promotions. À ces occasions, nous échangeons avec des entreprises qui ne sont pas du tout dans le même univers que nous, en termes d’activités et de métiers. Comme pour les certifiés Entreprises à Mission, il y a une communauté. Cela permet de voir des gens qui font d’autres choses que nous mais qui partagent nos valeurs. En plus de nous donner des idées, ces dialogues nous donnent envie d’être encore meilleurs. Il y a un partage d’expérience très intéressant car transverse aux activités.
B corp ce n’est pas être les meilleurs au monde, c’est être meilleurs pour le monde.
D’autres agences de communication sont-elles certifiées B Corp ? Recommandez-vous à votre secteur d’en prendre le chemin ?
C.P.S. : Les agences Pixelis, Sidièse[et récemment Notchup, ndlr]. Havas est également dans le processus, ils se sont fixé l’objectif d’être certifiés d’ici deux ans. Je ne suis pas un mentor, mais le but c’est aussi de pouvoir donner l’exemple.
Est-ce différent de devenir Entreprise à Mission ?
C.P.S. : B Corp a une dimension internationale. Entreprises à Missions est une initiative française, liée à la loi Pacte de 2019. Nous nous sommes dit qu’il était important d’être Entreprise à Mission dans nos statuts, puisque toutes les démarches que nous faisions depuis la création de l’entreprise s’inscrivent dans ces valeurs.
Un organisme tiers indépendant français vient nous auditer, et nous avons des objectifs. Ces objectifs sont inscrits dans nos statuts, nous n’avons pas le choix que de les atteindre, sinon nous perdons notre certification. Pour ces raisons, la certification est différente de celle de B Corp. Nous considérons que localement, elle est encore plus engageante.
Comme avec B Corp, pour être Entreprise à Mission, il y a 5 piliers propres à l’agence, et nous les avons déclinés en 18 missions.
Le fait que 20 % de l’actionnariat de The Good Company revienne aux salariés, vous a-t-il fait « gagner des points » pour devenir B Corp ou Entreprise à Mission ? Ou c’est un engagement en plus de votre part ?
C.P.S. : Les deux ! Nous avons mis cela en œuvre en 2019, aux prémices de l’agence. À partir du moment où un collaborateur a passé sa période d’essai en CDI et qu’il souhaite devenir actionnaire, il a la possibilité de le devenir. Aujourd’hui c’est 100 % le cas : tous nos salariés en CDI sont actionnaires de l’agence – et ce de manière équitable avec chacun le même nombre de parts.
Quelle est l’étape d’après pour The Good Company en termes d’engagements ?
C.P.S. : Être B Corp et Entreprise à Mission impose une bonne feuille de route ! Nous allons déjà consolider tout ce que nous avons mis en place et essayer de faire mieux dans ce cadre-là. L’objectif, c’est aussi de continuer à convaincre des clients, et d’accompagner ceux qui ont envie de changer avec nous. Nous voulons que le good fonctionne, et que d’autres nous suivent dans la galaxie du good.