Easy trainers.
À une époque où les enjeux climatiques dominent les discours et où la sobriété énergétique devient une nécessité impérieuse, la liberté de voyager se trouve à la croisée des chemins. Comment conjuguer l’aspiration profonde à la découverte, au mouvement, à la liberté, avec la responsabilité environnementale ? L’équilibre est délicat.
Au cœur de ce défi, la nouvelle marque SNCF Voyageurs, née de la réforme ferroviaire de 2020, émerge comme un symbole fort d’un voyage moderne, plus respectueux de notre planète. Olivier Reinsbach, directeur de la communication de SNCF Voyageurs (TER, Transilien, TGV Inoui, Ouigo, SNCF Connect & Tech) et directeur de la communication numérique, nous dévoile les enjeux derrière la création de cette nouvelle marque dont la toute première campagne orchestrée par Rosa Paris a été lancée en avril dernier, les défis auxquels elle est confrontée et, surtout, la vision qui guide ses pas vers un futur où voyager rime avec durabilité.
Quels sont les principaux défis de la marque SNCF Voyageurs en termes de communication ?
Olivier Reinsbach : Le premier défi était donc de créer cette nouvelle marque, avec une particularité : c’est une marque nouvelle, mais qui embarque une marque très ancienne — la SNCF — que tout le monde connait. À partir de cette marque patrimoniale (+ de 80 ans), nous souhaitions apporter un nouveau regard et injecter, avec Voyageurs, de la modernité, de l’esprit de service, de la fluidité, etc. Se voir tel que nous sommes devenus, pas tel que nous voulons être vus.
Ensuite, nous sommes dans une période de transformation, où l’intégralité de nos marchés sont ouverts à la concurrence : sur la longue distance, avec les Italiens (Trenitalia, NDLR) d’abord, puis les Espagnols (la Renfe, NDLR) ensuite, mais aussi les TER et transiliens où les sociétés gestionnaires peuvent remettre en concurrence les lots d’une région, comme ce fut le cas dans le sud, et aussi sur la partie industrielle ou notre distributeur SNCF Connect. Nous sommes déterminés à être les meilleurs et nous pouvons enfin nous comparer.
Au-delà de ces deux défis, le contexte vraiment structurant, c’est la crise climatique. Cela se traduit par des prises de conscience qui, pour une partie des clients, se manifeste par une volonté de prendre plus souvent le train, un mode de transport plus respectueux de la planète.
Lorsque nous avons construit notre plateforme de marque, nous avons défini notre principal enjeu, notre leitmotiv stratégique : faire le choix du train avec SNCF Voyageurs. On doit autant travailler le mode de transport (le train), notamment en tant que leader, que le choix de SNCF Voyageurs. Nous sommes dans une communication de séduction, puisque nous devons donner envie du train avec des arguments concrets et attrayants, comme la campagne l’illustre : profiter de la vie grâce au train.
Quels sont les principaux objectifs que vous espérez atteindre avec cette nouvelle et première campagne de marque sous cette appellation ? Pourquoi avoir choisi ce moment précis pour lancer cette nouvelle campagne de marque ?
O.R. : Le premier, c’est évidemment de faire émerger la marque SNCF Voyageurs. Le plan de communication globale de SNCF Voyageurs se compose des communications de nos marques produit sur leur marché respectif. Cette campagne était la première prise de parole de SNCF Voyageurs. Une prise de parole puissante grâce à sa diffusion en télé et au cinéma en complément pour porter un message au nom de la nouvelle marque.
Son émergence prendra le temps que cela prendra. Nous sommes conscients qu’il y aura, dans un premier temps, un amalgame entre la marque SNCF et SNCF Voyageurs, notamment parce que nous partageons tous le même bloc visuel SNCF. Pour autant, l’attribution est loin d’être nulle dans nos post tests.
Notre 2ᵉ objectif est de positionner d’emblée la marque comme l’incarnation de la liberté de mouvement. C’est la marque de toutes les mobilités décarbonées. Vous avez une envie, un besoin de vous déplacer, SNCF Voyageurs doit pouvoir vous proposer la meilleure solution possible selon une destination donnée et symboliser le champ des possibles. Ce n’est pas un hasard si le film se termine sur cette mention : 15 000 trains par jour, 2 500 destinations (en France ou pays frontaliers).
Quel est le principal message que vous souhaitez transmettre à travers cette campagne ?
O.R. : La signature du film, ni plus ni moins : Et si la liberté, c’était le train ? Avec un clin d’œil appuyé aux motards des 70’s qui incarnaient alors la liberté absolue dans ce film, Easy Rider. Dans ces années-là, on prenait sa moto et on partait, c’était le symbole de la liberté et de la modernité. Aujourd’hui, c’est le train qui l’incarne. C’est presque le passage de relais d’une modernité à une autre. Cette liberté de mouvement préserve la planète, c’est important de le dire, et est vertueuse, car pauvre en émission de CO2. Sinon, on pourrait toujours considérer qu’on est plus libre en voiture, ce qui est faux : pensez aux embouteillages, aux péages, aux arrêts à la station essence, à la place de parking, etc.
Le propos n’est pas d’imposer le train pour chaque voyage et d’inciter les gens à vendre leur voiture, mais d’inclure le train dans le champ des possibles pour une destination donnée (TGVInoui, Ouigo, TER et transilien dans la campagne). Ce mode offre une double liberté, celle de se déplacer et de faire ce que l’on veut pendant le voyage. Notre principal concurrent reste la voiture, tout transport confondus, elle représente 80% de part de marché vs 10% pour le train tout trajet confondus (pour la courte-moyenne-longue distance). Pour la longue distance, c’est-à-dire TER et transilien exclus, la part de marché du train grimpe à 19%, 5% l’avion et 72% pour la route.
En revanche, le bilan de fréquentation de l’été est très satisfaisant : on constate un boom spectaculaire du trafic sur les TER dans certaines régions. Cet été, le train a bénéficié d’un record de fréquentation versus 2022, qui était déjà un record par rapport à 2019. La force de SNCF Voyageurs, c’est de présenter l’intégralité de la gamme.
Comment définiriez-vous le succès pour cette campagne ? Quels KPIs allez-vous surveiller ?
O.R. : Un KPI d’impact commercial, même si la campagne n’est pas la seule à avoir mis sa pierre à l’édifice. Ensuite, la construction de la notoriété de la marque, qui n’en est qu’à ses débuts. Nous avons également mis en place un tracking pour suivre l’évolution de cette notoriété, et nous allons étudier les contenus de notoriété : quel est le contenu de cette marque qui s’installe ? Dans le post test, les messages retenus à l’issue de la campagne étaient ceux que nous souhaitions adresser : liberté de mouvement, le confort, la simplicité, la notion de plaisir, etc.
Comment cette nouvelle campagne s’intègre-t-elle dans la stratégie globale de SNCF Voyageurs et de la SNCF ?
O.R. : Cette stratégie est un levier au service de la stratégie de l’entreprise. Après, si l’on décadre d’un cran, l’ambition de la SNCF, et par ricochet de SNCF Voyageurs, est de doubler la part de marché du fer d’ici à 2030. Cela passe par une promotion du mode de transport, et le film participe donc à cette ambition méta.
La stratégie de SNCF Voyageurs est de fournir la meilleure réponse à chaque besoin/envie de déplacement. La réponse la plus juste pour un client donné par SNCF Voyageurs, cela vaut pour la qualité de service, le confort, l’accompagnement, le conseil, la ponctualité, l’accessibilité et donc la gamme de prix, etc. Avec la volonté de faire venir de plus en plus de monde au train pour atteindre ce méta objectif.
Quels ont été les défis majeurs lors de la conception de cette campagne ?
O.R. : Au-delà des difficultés inhérentes à ce type de production, ce film était très particulier, car nous devions donner envie de partir, la campagne devant être diffusée au mois d’avril – à un moment où les beaux jours arrivent, les paysages sont ensoleillés — alors que nous avons tournés au mois de janvier. Il n’était évidemment pas question d’aller tourner à l’étranger, nous devions rester cohérents quant à la gestion de notre production et ce que nous racontons. La contrainte imposée était d’être irréprochable d’un point de vue RSE (costumes, production, décors, etc.).
Le casse-tête de l’agence, de la production, des réalisateurs et de SNCF Voyageurs fut de trouver des endroits où il fasse beau, nous avons donc logiquement opté pour le sud, pas loin de la Côte d’Azur, tout en scrutant les statistiques météo et en allumant quelques cierges. Tout s’est bien passé, même pour nos pauvres acteurs qui ont dû plonger dans l’eau glacée. Notre volonté était aussi de donner envie de la France, de promouvoir le tourisme hexagonal.
De quelle façon cette campagne pose-t-elle les bases de l’avenir de la marque SNCF Voyageurs ?
O.R. : On a imaginé cette campagne comme une campagne au long cours, elle va être utilisée sur les deux prochaines années au minimum et nous accompagnera sur la construction de la marque et toute la vie commerciale de SNCF Voyageurs.
Nous avons donc tourné plus de scènes que celles visibles dans le film de 60 secondes. Ce film a été pensé de façon à pouvoir être projeté en version longue au cinéma, ou en format plus court à la télévision (30 secondes) pour porter des promotions, comme celle qui court tout le mois de septembre, les « Traincroyables », et réunit toutes nos promotions sous ce même chapo chez SNCF Voyageurs.
Selon vous, quel est le secret d’une relation agence-annonceur réussie ?
O.R. : C’est une relation dans laquelle il n’y a pas une agence d’un côté et une marque de l’autre. On doit avoir le sentiment que l’agence fait partie de l’équipe : tout le monde est autour de la table, on pose un sujet, un objectif ou une problématique et on essaie de la résoudre tous ensemble. C’est donc un état d’esprit.
Ensuite, c’est aussi une envie. Rosa Paris a été choisie à la suite d’un appel d’offres au moment de construire la communication SNCF Voyageurs, en même temps que nos précédents contrats arrivaient à échéance. Venant de la direction du numérique, je ne connaissais pas Rosa Paris, et n’avais jamais eu l’occasion de travailler avec eux. Je n’avais pas de passé et donc pas de passions, toutes les agences étaient sur un pied d’égalité lors de la compétition. Et j’ai vite eu envie de travailler avec l’équipe, ça ne s’explique pas de façon rationnelle, mais j’ai vite senti que nous parlions la même langue et qu’on pouvait faire un bout de chemin ensemble.
D’ailleurs, et c’est assez significatif, notre réunion hebdomadaire du lundi reste un moment de plaisir, et je le dis sans aucune flagornerie. On fait corps, on partage les emmerdes et les succès, on est soudés, les problèmes de l’un, ce sont les problèmes de tous, l’agence fait partie de cet esprit d’équipe. Et on se marre bien, malgré les enjeux parfois stressants.