Engager sans culpabiliser, la recette bonne – et bio – de Greenweez

Par Élodie C. le 23/09/2021

Temps de lecture : 10 min

L’interview de Romain Roy, CEO et fondateur de Greenweez.

13 ans après son lancement, un rachat par le groupe Carrefour et une refonte visuelle plus tard, Greenweez a — toujours — fière allure : la plateforme leader de la consommation bio en ligne fait son entrée sur le marché de l’occasion en commençant par le secteur très concurrentiel du reconditionné high-tech. Un nouveau challenge après avoir ouvert sa marketplace en début d’année et être devenue une entreprise à mission en juin dernier, confirmant ainsi son ambition de devenir la plateforme de référence de la consommation responsable et durable.

Quels défis se présentent face à Greenweez ? Quelle est sa valeur ajoutée sur le secteur compétitif du reconditionné ? Le bio doit-il être sérieux pour engager ?

Le fondateur et CEO de Greenweez, Romain Roy, nous répond dans ce nouveau Parole d’annonceur.

Plus de 10 ans après son lancement et alors que le bio s’est durablement installé dans les étals et le quotidien de plus en plus de consommateurs, quels sont les défis d’une marque comme Greenweez en termes de communication ?

Romain Roy : Le premier défi est le même depuis notre naissance : notre ADN a toujours été de proposer à la fois l’offre bio la plus large du marché, et la plus accessible à tous. 

Au moment de la création de Greenweez en 2008, les produits bio étaient extrêmement chers, c’était presque la catégorie de produits sur laquelle les distributeurs faisaient le plus de marge. Nous estimons que ce type de consommation ne doit pas être réservée à une élite, mais être accessible à tous. Nous avons à cœur de permettre à n’importe quelle personne souhaitant consommer bio de trouver tout ce dont elle a besoin au même endroit. Ces deux impératifs constitutifs de notre ADN doivent être martelés en permanence dans notre communication pour informer le grand public.

Ensuite, une entreprise est un corps vivant évoluant au fil du temps. Greenweez en est le parfait exemple puisqu’à l’origine, nous nous sommes lancés sur une offre qui n’était pas du tout alimentaire. Puis, à partir de 2009-2010, poussés par nos clients désireux de trouver des produits de qualités à bon prix sur Internet, nous nous sommes lancés sur ce positionnement de supermarché bio en ligne. C’est ce qui a fait notre succès et nous a permis de nous imposer comme leader en France et en Europe. 

Nous avons une nouvelle fois écouté nos clients qui, ces derniers mois, se disaient satisfaits de l’offre en ligne, mais souhaitaient se voir proposer de nouvelles alternatives de consommation responsable et durable dans des univers connexes. Nous avons ainsi lancé une place de marché en début d’année. Accompagner cet élargissement de positionnement est évidemment un challenge en termes de communication. Pour expliquer, notamment à ceux qui nous connaissent depuis 10 ans, que nous ne sommes plus seulement un site de e-commerce. Le défi avec cette nouvelle identité est d’assurer à nos clients que cela ne change rien à notre ADN, nos valeurs et notre éthique. 

On imaginait que c’était déjà le cas, mais Greenweez est devenu en juin dernier une entreprise à mission. Pourquoi maintenant, sous quelle impulsion ?

R.R. : La loi Pacte a été promulguée en 2019, ce qui est relativement récent. Devenir une entreprise à mission suppose un cheminement, et avant toute chose de définir sa raison d’être. Ce n’est pas juste une question que l’on se pose entre dirigeants ou à l’intérieur du comité de direction, c’est un travail collaboratif et itératif impliquant toutes les personnes en interne, mais aussi celles gravitant dans l’écosystème de Greenweez. Il s’agit de demander : qui sommes-nous ? Quel est notre rôle ? À quoi servons-nous sur ce marché ? Comment nous percevez-vous ? Etc. Il nous a fallu plus d’un an pour définir notre raison d’être, avant d’y associer, par la suite, des objectifs précis à intégrer aux statuts. Un comité de mission doit également être formé — avec des personnes internes et externes à l’entreprise — pour s’assurer du chemin pris pour remplir ces objectifs. Et une fois que tout cela est réalisé, l’entreprise peut prétendre à devenir une entreprise à mission… Oui, nous aurions pu être plus rapides, mais nous l’avons fait dès qu’un cadre légal l’a rendu possible.

Depuis 13 ans, des efforts et des initiatives ont été réalisés dans ces domaines-là, mais c’est toujours mieux d’avoir un cadre qui structure cette approche. Nous sommes contents d’avoir réalisé ce travail collaboratif autour de la raison d’être en interne. Cela a permis de faire participer toutes les énergies de l’entreprise et de réaligner tout le monde sur cette raison d’être. J’ai l’intime conviction que les entreprises qui fonctionnent aujourd’hui sont claires sur leur raison d’être et sont capables de la partager et la faire comprendre à tous.

Au-delà de la tendance, pourquoi vous êtes-vous lancés sur le marché de l’occasion en commençant par le reconditionné (en partenariat avec Zack) ? Quelle est votre valeur ajoutée sur un secteur déjà très concurrentiel, notamment dans l’high-tech ?

R.R. : L’idée de départ est de s’attaquer à la consommation responsable au sens large : avec l’alimentaire en ligne donc, puis au travers d’univers connexes dans lesquels il existe des alternatives de consommation, comme l’ameublement, le textile, etc. Le marché de l’occasion nous est apparu très logique et cohérent par rapport à cette notion de consommation responsable. 

Une fois cela posé, ces différents univers dans l’occasion ont été étudiés : le vêtement, sur lequel nous travaillons, et l’hi-tech reconditionné. Le secteur est déjà très développé, avec de beaux acteurs en croissance que nous aimons par ailleurs beaucoup, comme Back Market. En France, nous avons la chance d’avoir des leaders sur ces sujets-là. Toutefois, cela ne change rien à notre légitimité pour adresser ce secteur dans le cadre d’une consommation responsable : nous évoluons autour de cette notion de one stop shop (guichet unique en VF), où il est possible de tout trouver sur la plateforme, y compris un appareil high-tech reconditionné si besoin. 

Enfin, concernant notre valeur ajoutée sur le reconditionné, nous travaillons avec des acteurs rodés qui collaborent eux-mêmes avec les acteurs précédemment cités. Notre spécificité en revanche, et ce afin d’être fidèle à nos valeurs et notre ADN, est que nous nous limitons à du reconditionné en France : nous ne voulons pas de produits qui partent et reviennent de Chine. C’est un facteur un peu limitant sur le prix, car les produits proposés ne sont pas forcément les moins chers, mais cela garantit une certaine cohérence avec notre ADN et notre positionnement de consommation responsable et durable.

Quitte à promouvoir le reconditionné, prévoyez-vous aussi de proposer la réparation de produits (que vous vendez) pour en prolonger la durée de vie. Les circuits de réparation et la réparabilité des appareils en général sont connus pour être très complexes.

R.R. : C’est une bonne question. Le problème purement opérationnel aujourd’hui, comme sur le high-tech reconditionné, est que nous nous appuyons sur des vendeurs dont c’est le métier pour gérer la partie sourcing puis récupérer, authentifier et réparer. Greenweez intervient uniquement comme un canal de distribution, nous n’avons pas les moyens opérationnels de nous lancer dans la réparation. Comme pour le segment textile, nous n’avons pas vocation à créer un nouveau Vide Dressing ou un nouveau Vestiaire Collective. En revanche, nous sommes en permanence en recherche de partenaires. Par exemple, sur l’électroménager ou d’autres typologies de produits vendus sur la plateforme, si de futurs partenaires sont en mesure de les récupérer et de les reconditionner, nous nous ferons un plaisir de les redistribuer. 

Le sourcing est de plus en plus scruté à la loupe par les consommateurs, comment choisissez-vous les — 70 000 — références présentes sur la plateforme ?

R.R. : Sur ces 70 000 références, 15K sont core business, donc choisies via un processus classique de sélection par notre service achat. Pour la nouvelle place de marché et pour chaque typologie de produits, nous avons défini des critères de sélection, c’est-à-dire ceux qui doivent être respectés pour qu’un produit soit vendu sur le site. Ils sont très variables selon les catégories. Idem pour les vendeurs, nous nous assurons qu’ils ont un ADN compatible avec le nôtre. Cela se traduit par des produits les plus responsables dans leur catégorie. Par exemple, si nous nous lançons dans l’ameublement, nous irons plutôt chercher du made in France, conçu avec du bois issu de forêts gérées durablement, sans peinture chimique, etc.

Pour chaque article vendu, nous devons être en mesure d’expliquer au consommateur pourquoi cette alternative de consommation est plus responsable et durable qu’un autre produit acheté ailleurs. Le pire pour nous serait que cet agrandissement de l’offre se traduise par une diminution, voire une perte de nos valeurs et que nos clients ne s’y retrouvent plus. De la même manière que nous sommes devenus, sans prétention aucune, un label de qualité pour l’alimentation bio, nous voulons conserver cette légitimité, et donc cette notion de qualité, en agrandissant l’offre.

Votre dernière campagne avec Nicolas Meyrieux et l’agence Rosa Paris volontairement déculpabilisante en ce qu’elle se moque des donneurs de leçons, ceux qui feraient tout mieux que tout le monde, mais n’agissent pas beaucoup. Le bio a-t-il été trop sérieux, voire moralisateur et hors-sol, à ses débuts ? 

R.R. : Oui, bien sûr. Il y a des gens qui parlent beaucoup, mais qui ne font pas grand-chose. Ce n’est pas propre au bio, c’est valable dans tous les domaines. 

C’est délicat puisque le sujet est grave — l’environnement, l’état de la planète, etc. — cependant nous tentons de le traiter avec une certaine légèreté, en montrant qu’il existe des alternatives et des solutions. Dans le monde du bio, historiquement les gens aiment bien caricaturer en opposant d’un côté les chevaliers blancs du bio et de l’autre le diable de la grande distribution. Il y a toujours des visions manichéennes et très culpabilisatrices. Nous ne sommes pas du tout dans cet esprit-là : pour que ça marche, la solution sera collective ou ne sera pas. 

Nous ne diabolisons pas la grande distribution, il en faut pour tout le monde, et elle continue de servir une immense partie de la population, c’est important qu’elle puisse proposer et distribuer de plus en plus de bio. Il n’est pas réservé à une élite, donc sa distribution non plus [Greenweez fait d’ailleurs partie du giron du groupe Carrefour depuis son rachat en 2016, NDLR]. Cela ne signifie pas que la distribution bio spécialisée n’a pas d’intérêt, au contraire, elle doit continuer à montrer les nouvelles tendances et les nouveaux labels. Servir de guide pour entraîner la grande distribution et faire en sorte que tout le monde suive cette direction.  

Cette campagne se voulait donc volontairement déculpabilisatrice, un peu moqueuse du ton parfois très sérieux utilisé par les enseignes bio et en même temps nous souhaitions quelque chose qui nous ressemble : des engagés pas parfaits. 

Avez-vous des résultats à nous transmettre sur cette campagne ?

R.R. : C’est une campagne qui a fait le tour du monde, avec des unes de journaux aux États-Unis et sur tous les continents. Le concept avec Nicolas Meyrieux a beaucoup fait rire. 

En France, la campagne a très bien marché, nous avons des études de notoriété pré et post campagne avec des gains assez impressionnants de l’ordre de +33 % de notoriété après la campagne. Puis des pics de trafic sur le site très conséquents. L’objectif était purement branding, sans logique ROIste ou drive to web. Cette dimension branding a très bien fonctionné, ça allait dans le bon sens par rapport à l’image que l’on veut donner de la marque. 

Nous sommes très satisfaits des résultats et d’avoir choisi Rosa Paris : ils nous ont apporté ce petit plus de créativité et cette capacité d’exprimer ce que nous sommes. Dans nos précédentes campagnes, nous avons tenté d’exprimer ce message sans véritablement y parvenir. 

Merci pour la transition. Pour finir, la question traditionnelle de notre rubrique Parole d’annonceur : Quel est le secret d’une relation agence-annonceur réussie ? 

R.R. : Ma réponse n’est sans doute pas très originale, mais c’est l’association de deux choses : le niveau de communication que l’on est capable d’avoir entre nous. C’est-à-dire à quel point l’entreprise est prête à s’ouvrir et à tout mettre sur la table pour nourrir l’agence et enrichir sa réflexion. Ensuite, le second aspect capital et sur lequel l’agence Rosa Paris est très forte, la franchise. Sa capacité à dire les choses, à être honnête et à nous bousculer un peu en nous montrant des chemins que nous n’avions pas forcément voulu explorer ou tout simplement pas osé explorer jusque-là.

Sans rien trahir, dans nos premiers échanges avec l’agence, nous avons un peu « résisté » à leurs idées. Elle a réussi à nous bousculer et nous montrer que c’était la voie à suivre. C’est sans doute ce qui a fait la force de cette campagne. De manière générale, lorsque l’on collabore avec une agence créative, l’annonceur doit la laisser travailler, oser la laisser s’exprimer, c’est son métier et elle le fait beaucoup mieux que nous. Avec un niveau d’information suffisante, l’agence doit avoir l’honnêteté intellectuelle et la volonté de dire les choses franchement, sans avoir peur de nous choquer et nous sortir de notre zone de confort.

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