L’interview de Laurence Pernot et Anaïs Boutin, Saint-Gobain.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais le secteur de la construction et du bâtiment pèse pour 40 % des émissions de CO2, 50 % de l’utilisation des ressources naturelles, et 40 % des déchets solides. En plus du lourd bilan carbone qu’il laisse sur son passage, ce secteur et ses métiers sont peu potentiellement valorisés, les modes constructifs d’aujourd’hui peuvent être encore perçus comme les mêmes qu’il y a 20 ans.
Pourtant, c’est un domaine qui regorge de solutions pour répondre aux principaux enjeux climatiques de notre époque. Bien qu’extrêmement polluant aujourd’hui, ce secteur compte réduire ses émissions de CO2 et préserver les ressources naturelles. C’est tout l’enjeu de Saint-Gobain dont la nouvelle plateforme de marque place la construction au cœur des enjeux environnementaux pour la rendre plus durable. Le groupe a récemment communiqué sur ses ambitions dans une campagne pour rendre leur esprit « audible, inspirant et accessible à tous les publics du groupe : le grand public, les leaders d’opinion et l’ensemble des parties prenantes » expliquait Marco Venturelli, président de Publicis Conseil. Ce groupe présent dans 76 pays détenait en 2021 un chiffre d’affaires de 44,2 milliards d’euros.
Pour cette rubrique Moteurs de changement, nous avons pu nous entretenir avec Laurence Pernot, directrice de la communication de Saint-Gobain, et Anaïs Boutin, head of brand de Saint-Gobain. Elles ont pu nous éclairer sur la vision, les engagements et la manière dont le groupe répond – et continuera de répondre – aux grands enjeux de notre époque.
Quel est le plus grand défi actuel de la communication de Saint-Gobain ?
Laurence Pernot : Tout d’abord, je vais vous présenter le nouveau plan stratégique du groupe, en découleront ensuite les grands défis actuels de notre communication.
En 2018, Saint-Gobain a engagé un vaste plan de transformation, avec une nouvelle organisation et un portefeuille totalement repensé. Transformation qui reposait principalement sur une nouvelle organisation par pays. En 2021, celle-ci a été complètement mise en œuvre avec une nouvelle gouvernance, un nouveau plan stratégique – que nous avons appelé Grow & impact – qui sera notre feuille de route pour les 4 années à venir, jusqu’en 2025. Dans ce plan stratégique, nous y décrivons les nouveaux enjeux dans lequel l’entreprise s’inscrit aujourd’hui, particulièrement dans ce contexte d’urgence climatique doublé d’une urgence énergétique et d’une urbanisation galopante. Le troisième grand défi, c’est la protection des ressources. Nous ne ferons pas bouger les lignes autour des enjeux climatiques si la construction ne se mobilise pas.
Ce secteur est à l’origine de 40 % des émissions de CO2, de 50 % de l’utilisation des ressources naturelles, et de 40 % des déchets solides. La construction n’est pas la solution, mais il n’y a pas de solutions sans une mobilisation très forte du secteur. L’ADN de Saint-Gobain était déjà imprégné de cette cause environnementale, mais nous l’avons réellement affichée comme une tendance très forte qui va, je pense, influencer notre activité de demain.
Voici donc notre plan stratégique sur lequel nous souhaitons, en 2025, mettre en œuvre des solutions bas carbone, circulaires, écologiquement responsables, avec davantage de digital et d’innovation, mais aussi des procédés industriels toujours plus économiquement responsables, et mettre au cœur de nos pratiques managériales la diversité et l’inclusion.
Les plus grands défis actuels de la communication de Saint-Gobain sont dans un premier temps des enjeux internes – installer ce plan stratégique au cœur de l’entreprise, que chaque employé et collaborateur se sente à la fois propriétaire et contributeur à la réussite. Et puis, il y a un enjeu externe, sur le plan de la marque : mettre cette vision de leader mondial de la construction durable au cœur de l’image qu’on peut avoir de Saint-Gobain.
Pouvez-vous nous parler de la campagne « New World » imaginée par Publicis Conseil ? À qui s’adresse-t-elle ?
L.P. : Nous avons lancé un appel d’offre dans cet esprit pour installer notre positionnement. La campagne s’adresse principalement à toutes nos parties prenantes : le grand public, nos collaborateurs, nos investisseurs, clients, partenaires – avec un focus un peu plus prononcé pour les CSP+, qui peuvent être aussi consommateurs de Saint-Gobain. Même si nous avons un modèle B to B, le grand public a de plus en plus un impact et un rôle à jouer dans le choix des matériaux (les personnes qui veulent rénover ou construire une maison par exemple). Nous avons évolué d’un modèle initialement totalement B to B à un modèle B to C to B. C’est-à-dire que le client final a de plus en plus un rôle de prescripteur dans les solutions de matériaux qu’il va utiliser ou recommander à son architecte quand il construit ou rénove sa maison. Cette campagne s’adresse donc à l’ensemble de ces parties prenantes : des clients professionnels aux architectes en passant par les développeurs, les promoteurs, les artisans, les collaborateurs et les investisseurs.
Anaïs Boutin : Ce public CSP+ est intéressé par tout ce qui définit Saint-Gobain : la technologie, l’innovation, la recherche, la science, l’entreprise citoyenne, tous ces sujets-là sont des sujets d’intérêt pour le grand public, l’interne, nos clients artisans, etc.
Et quels en sont les premiers résultats ?
A.B : L’un des KPI les plus importants, c’est l’appropriation par les pays. Nous travaillons ici au niveau central, l’objectif n’est pas que cette publicité soit disponible uniquement en France, mais qu’elle soit et qu’elle réponde aux attentes des marchés. Aujourd’hui, elle a été traduite dans 20 langues, ce qui est une belle performance et nous pouvons nous féliciter. Elle est diffusée dans plus de 40 pays chez Saint-Gobain, avec médiatisation et achat d’espaces.
Le deuxième retour que nous pouvons faire, et qui est plus qualitatif, c’est l’appropriation de cette campagne en interne et en externe. Les gens apprécient l’empowerment de cette campagne parce qu’ils la trouvent féministe, contemporaine, et non hors-sol par rapport aux problèmatiques des populations dans le monde. Il y a aussi l’effet de madeleine de Proust, qui fait remonter énormément de commentaires sur des souvenirs de chacun et chacune [ndlr : on a tous déjà cassé un carreau avec un ballon, pas vrai ?]. Sinon, nous avons enregistré 76 millions d’impressions et 10 millions de vues sur les spots.
L.P. : Nous mesurerons l’impact que cette campagne a sur la reconnaissance de Saint-Gobain et la connaissance du groupe à la fin de l’année. C’est intéressant de voir l’histoire de la communication de Saint-Gobain, des nouvelles prises de paroles. La première fois que l’on a repris la parole, c’était en 2017, après 30 ans de silence. Donc nous avons vraiment tout à construire. Nous verrons donc en fin d’année si nous avons progressé en notoriété, sur la connaissance de la marque Saint-Gobain auprès de nos différents publics – même si nous bénéficions d’un capital sympathie très fort.
Avez-vous d’autres leviers pour asseoir ce positionnement du Groupe comme leader mondial de la construction durable ?
L.P. : Au-delà de la campagne, nous avons alimenté le contenu de notre site Internet. Il y a également un autre volet sur lequel nous travaillons, qui sera la journée internationale de la construction durable – une journée de débats et de conférences, d’expositions, de démonstrations autour des enjeux de la construction durable. Un événement signé Saint-Gobain, qui associe des points de vue très différents et autres que ceux du groupe pour justement enrichir la discussion et le débat, et unifier la chaîne de valeurs du secteur de la construction, qui est très complexe.
A.B. : Nous avons également lancé une nouvelle politique de sponsoring et mécénat qui encadre des actions menées par Saint-Gobain et ses marques un peu partout dans le monde. Cette politique concentre deux piliers : l’accès au logement et la formation des jeunes à la construction durable. Nous ne faisons pas qu’exposer nos parties prenantes, ce qui nous paraît important également, c’est d’apporter des preuves. Et cela passe par cette politique – qui s’appelle Build Change – mais cela passe aussi par le contenu du site.
L.P. : Il y a également un livre magazine que nous allons adresser à l’ensemble de nos parties prenantes, qui sera un magazine digital dédié aux enjeux de la construction durable – la première édition, limitée, sera en version papier. La revue ne parlera pas que de Saint-Gobain, mais aussi des solutions qu’il est possible d’apporter au service de la construction durable. Le magazine donnera la parole à des experts extérieurs.
Comment est-ce que l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeurs réagissent à ce type de communication ? Sont-ils réceptifs ?
L.P. : Ce n’est pas la campagne en tant que telle qui est la plus intéressante en termes de canal, c’est surtout ce que l’on y raconte sur la transformation du monde de la construction. C’est cela qui est extrêmement inspirant pour nos parties prenantes : valoriser la transformation de ce secteur et son rôle stratégique dans les grands enjeux auxquels l’humanité fait face.
La volonté d’œuvrer pour une construction ou une mobilité plus durable est présente sur quasiment toutes les pages de votre site. Est-ce la clé pour continuer à attirer les meilleurs talents et ainsi renforcer votre marque employeur à une époque où les empreintes CO2 majeures de la construction et de la mobilité sont de plus en plus évoquées ?
L.P. : Absolument, pour la marque employeur c’est essentiel. Nous avons une raison d’être qui est très belle également « Making the world a better home » (faire du monde une maison commune, plus belle et durable, en Français). Il y a une cohérence de la stratégie, des engagements clairement affichés, qui donne du sens pour les jeunes générations.
Quelle est l’étape d’après pour votre communication ? Par exemple à l’horizon 2030 ?
L.P. : Nous avons des objectifs à 2050 de neutralité carbone – ce qui n’est déjà pas facile à atteindre, tant les procédés sont complexes. Intermédiairement, nous avons des objectifs à 2030 de baisse de nos émissions de CO2. C’est notre partie procédé industriel. J’espère qu’on aura démontré notre capacité à changer nos procédés pour être plus vertueux sur le plan environnemental, mais qu’on aura aussi mis sur le marché toujours plus de solutions visant à décarboner le secteur de la construction en 2030. Donc j’espère que d’ici là, nous serons à même de communiquer sur l’atteinte de nos résultats intermédiaires pour décarboner le monde de la construction, qui inclut la décarbonation de nos propres procédés. Et aussi que nous pourrons communiquer sur les choix d’investissement que l’on aura fait, pour qu’en 2050 nous soyons définitivement une compagnie neutre en carbone.