Plus qu’un phénomène social media en Chine, WeChat représente une opportunité fascinante pour les entreprises. Il s'agit d'un modèle inédit intégrant la communication, le CRM, l'e-commerce, le paiement et le retail.
Avec 800 millions d’utilisateurs dans le monde, l’app mobile WeChat touche 99% des Chinois selon Michel Campan, président de mcgarrybowen luxury (ex Same Same but different). Au-delà d’être un écosystème qui intègre bien plus de fonctionnalités que n’importe quel réseau social occidental, WeChat est un outil puissant pour les marques. Démonstration avec le cas de Shangri-La, une chaîne hôtelière de luxe qui a réussi à passer des médias sociaux au “social business” grâce à un modèle en rupture avec les modèles en vigueur sur le marché du tourisme. Michel Campan, a accepté de nous dévoiler les coulisses de cet étonnant cas de communication qui mêle le corporate, le CRM et la transaction.
Le contexte
Actuellement, « 30 à 50% des clients finaux des maisons de luxe » seraient chinois selon Michel Campan. Il est donc clé pour les marques de luxe de comprendre intimement quels sont les habitudes, usages et attentes de ce vivier de voyageurs en forte croissance chaque année.
Or, pour comprendre et toucher la population chinoise du XXIe siècle, il faut s’intéresser au digital qui est un « média qui a littéralement explosé dans ce pays où aucun média TV ou presse ne s’est jamais imposé de façon globale » pour Michel Campan. Et au-delà d’un « reach » à l’échelle de l’empire du milieu, le plus étonnant est la rapidité des nouveaux usages digitaux qui « peut se répandre en 2 semaines au niveau national alors que de telles mutations prennent des années en France » pour le président de mcgarrybowen luxury. Si bien que Michel Campan voit le marché digital chinois « en avance de 3 ans par rapport à la France », comme nous l’indiquait déjà Frédéric Raillard lors de son interview minute en direct de Fred & Farid Shanghai. Et l’avance la plus spectaculaire du moment se nomme WeChat.
Le dispositif
Dans ce contexte d’opportunités incroyables entre cible au pouvoir d’achat conséquent et percée technologique, la chaîne hôtelière de luxe Shangri-La a utilisé les nombreux potentiels de la plateforme WeChat en créant des dispositifs CRM mobiles innovants, centrés sur le content marketing et intégrés à la stratégie globale de communication de la marque. Initialement, Shangri-La ne réalisait pas de communication corporate, alors qu’elle en avait le potentiel et la légitimité. De plus, il était nécessaire pour la marque de rationaliser sa présence sur les réseaux sociaux. En effet, au-delà de recruter et de fidéliser des clients, la marque a décidé de fédérer les 340 comptes WeChat des différents hôtels Shangri-La afin d’homogénéiser son discours, tout en communiquant de façon locale, spécifique et segmentée. En créant des expériences personnalisées et en construisant une relation durable et significative avec ses clients, la marque aspire engager et atteindre un maximum de clients.
“Les marques devraient moins parler d’elles dans leurs campagnes, et davantage de leurs clients” a récemment déclaré Steven Taylor, chief marketing officer de Shangri-La. Cette phrase illustre parfaitement la décision de la marque de se concentrer sur le service client via le lancement de deux vagues de communication. L’objectif principal ? Augmenter la visibilité des contenus de la marque, sa notoriété, et soigner son “ranking” est décisif en Chine, où les clients du luxe ne visent que le Top 3 de chaque secteur. Shangri-La a donc mis en place des shootings avec des influenceurs chinois – les “KOL” (Key Opinion Leaders) – afin de bénéficier de leur pouvoir de prescription. Sur les conseils de l’agence mcgarrybowen, la marque a dédié 80% de son budget à de la création de contenus corporate globaux et non locaux (hôtel par hôtel comme précédemment), et 20% pour les dépenses médias.
Les deux dispositifs s’adressaient aux mêmes cibles. Des cibles très fines et segmentées, rendues possibles grâce aux profils utilisateurs de WeChat (notamment la géolocalisation et le temps réel) et à la possibilité de relier ceux-ci au programme de fidélisation Golden Circle de Shangri-La. Cette connaissance des cibles permet d’émettre des messages différents selon les cibles via la plateforme. Ce qui est clé car WeChat et sa maison Tencent n’autorisent chaque marque à ne publier qu’un seul message par semaine à ses abonnés. Afin de contourner cette limite, Shangri-La propose lors de chaque message des contenus très longs, avec 4 à 5 feuillets de textes, ce qui représente 6000 à 7500 caractères, soit autant de contenus que dans 50 tweets ! Et la sophistication ne s’arrête pas là : grâce à la segmentation, ces messages hebdomadaires varient selon les cibles. Ce qui permet à Shangri-La d’émettre au final bien plus qu’un message par semaine.
WeChat possède un lien très étroit entre le content marketing et le commerce : “WeChat n’est plus une messagerie instantanée mais un véritable operating model. Désormais il est utilisé tout le temps pour le paiement” comme l’explique Michel Campan. Il évoque la fonctionnalité Shake qui permet aussi bien d’être identifié lors du check-in à l’accueil de l’hôtel, que de payer lors du départ, et à terme de servir de clé pour les chambres !
Pour régler un achat sur WeChat, il suffit de rentrer sa carte bancaire dans l’app et d’utiliser la fonction « wallet » : elle génère un code QR scannable par le commerçant pour le paiement. Au-delà d’être un vrai drive-to-store – ou ici « drive-to-hotel » ! – l’application permet une interaction entre la marque et les utilisateurs. Sur cette plateforme, les utilisateurs sont de “vraies personnes engagées, pas simplement des fans comme sur Facebook”. C’est ce qui permet à la marque de suivre l’ensemble du parcours client.
Concernant les nombreuses datas récoltées, Michel Campan explique qu’elles appartiennent entièrement à la marque. Sachant qu’un séjour au Shangri-La représente l’équivalent de 10 000€ voire 15 à 20 000€ pour une famille. Michel Campan précise que “pour le secteur du luxe, il est inimaginable de ne pas posséder les datas clients.” Il souligne : ’’il y a 2 ans il n’y avait pas chez WeChat de système de service client pour les marques. C’est l’agence qui l’a mis en place pour Shangri-La. Celle-ci est partiellement automatisée avec un chatbot, ce qui permet de répondre de façon instantanée aux clients.”
Les résultats
– +25% d’abonnés WeChat en 5 mois pour Shangri-La
– Shangri-La est passée n°1 du classement de son secteur auprès des KOL (Key Opinion Leaders)
– Le 1er groupe hôtelier à intégrer des fonctionnalités CRM et de parcours client aussi poussés sur WeChat
Nous n’en saurons pas plus, les résultats étant pour la plupart secrets sur le marché Chinois, et en particulier dans le luxe.
Les clés de succès
L’innovation corporate
Shangri-La est un cas corporate qui sait habilement rapprocher la communication globale et la transaction. Il n’est plus ici question de branding d’un côté et d’activation locale de l’autre, mais d’une façon intégrée de concevoir des actions marketings, du tout 1er contact jusqu’à la vente… et au-delà !
Des dispositifs 100% mobile
Pour Michel Campan, toutes les campagnes asiatiques actuellement sont « mobile-only ». La part du desktop est devenue extrêmement réduite. Shangri-La et son agence l’ont bien saisi, pendant que l’essentiel des concurrents hôteliers ne placent pas autant le mobile au centre de leur stratégie selon Michel Campan.
Un calendrier décisif
Le calendrier chinois est beaucoup plus découpé et précis que le nôtre. Les fêtes chinoises jouent un rôle important dans la culture. La grande majorité des fêtes de famille se fêtent dans les hôtels. Il s’agit donc de proposer une communication au bon moment aux utilisateurs de WeChat.