Quel est le rapport des 15-25 avec le luxe ?

Par Élodie C. le 16/12/2019

Temps de lecture : 6 min

Génération désenchantée.

Cara Delevingne pour Dior Joaillerie et Burberry, Bella Hadid pour Bulgari et Versace ou encore Zendaya pour Tommy Hilfiger et Lancôme, les muses modernes de la génération Y et Z sont désormais les nouvelles égéries des maisons de luxe, quand elles ne créent pas la leur à l’instar de Rihanna avec Fenty chez LVMH. Un appel du pied à cette génération qui n’a rien d’innocent : en 2025, elle représentera 45 % des clients du luxe selon le cabinet Bain & Company. Jam – dont nous avons déjà interviewé la co-fondatrice, Marjolaine Grondin – média conversationnel des 15-30 ans, s’est focalisé* sur une partie d’entre eux, les 15-25 ans pour déterminer quelle était leur vision du luxe, les marques qu’ils plaçaient dans cette catégorie, si le luxe revêtait une quelconque fonction pour eux ou encore s’ils entendaient inclure des produits de luxe dans leur liste de Noël.

Avant toute chose : qu’est-ce que le luxe pour les jeunes, à quel prix commence-t-il ? Dans leur esprit (et selon l’étude), les vêtements (30%), les bijoux (22%) suivis de la maroquinerie (20%) représentent le trio de tête des produits de luxe. Chez les femmes, la maroquinerie et les vêtements passent avant les bijoux et les parfums dans leur top 3 des produits de luxe, alors que du côté des hommes ce sont d’abord les vêtements, puis les bijoux et la maroquinerie.

Par ailleurs, pour 82% des 15-25 ans, une paire de sneakers à 300 euros est un produit de luxe. En revanche, et alors qu’ils sont de plus en plus considérés comme des produits de luxe au regard de leur prix désormais stratosphérique, les smartphones haut de gamme / dernière génération (comme le Samsung Galaxy Note 10+ ou l’iPhone 11 Pro commercialisés à partir de 1 100 euros) sont également cités par les jeunes comme des produits de luxe, mais seulement dans la catégorie fourre-tout « Autre » pour 6% d’entre eux.

Pour 50% des garçons et 44% des filles, le luxe est un moyen de se valoriser. Ainsi, pour ne pas rater leur vie, gageons qu’ils n’attendront pas 50 ans pour trouver Rolex à leur poignée. Si d’ici là, la Rolex n’est pas passée « signe extérieur de richesse de l’ancienne génération ».

Mais qu’est-ce que le luxe pour les 15-25 ans ? C’est avant tout une affaire de prix : “Au-dessus de 50e pour un t-shirt c’est du luxe, 200e pour un manteau, 80e pour un jean », estime ainsi Malika, 22 ans de Maisons-Laffitte. Pour Thomas, 21 ans, de Marseille, Air France « n’est pas vraiment une marque de luxe, mais le prix de leurs vols est tellement cher que cela devient du luxe de voyager avec eux. » On le voit ainsi, le prix est déterminant, mais aussi la qualité du produit. Ainsi pour Félice, 24 ans de Chaville, le luxe c’est lorsqu’il qu’il y a une « notion de qualité : matières premières nobles, travail unique ou à la main, signature. Cela n’a vraiment de prix fixe » pour elle.

Ensuite, de la même manière que le luxe permet de s’offrir un statut, il est également affaire de réputation. « Le luxe cela ne va pas forcément avec un prix, mais plutôt avec le nom d’une marque », estime Sofia, 21 ans de Besançon. Même son de cloche du côté de Maïlys, 19 ans de Bordeaux pour qui le luxe est « une image de marque et la valorisation qu’elle en fait. »

Comme on le voit, ce qui fait le luxe est très subjectif : “Pour moi le luxe, c’est payer +30% du prix en plus simplement pour que la marque y soit inscrite (cf Apple, Louis Vuitton, etc.) », table Jules, 19 ans, de Creil.

Un produit devient luxueux à partir du moment où cela pèse sérieusement sur notre compte en banque, il est relatif au moyen de l’acheteur en question. Par exemple, une paire de baskets peut se montrer hors de prix pour untel et représenter un achat sur une année, tandis que d’autres les collectionnent par dizaines. Mes marques de luxes préférées sont iPhone, Nike et Levi’s », explique de son côté Chloé, 22 ans de Mussy sur Seine.

Pour d’autres, comme Manon, 15 ans de Toulouse, « un sac de luxe commence à 1000€, pour des chaussures je dirais 600€ et pour du maquillage 80€. Cependant, pour certaines personnes, avoir assez de nourriture pour le mois est un luxe, avoir une voiture correcte (du style Clio) est un luxe, etc. Je dirais que le mot ‘luxe’ ne veut pas dire grand-chose finalement. »

Enfin, une partie des 15-25 ans jugent le luxe « superflu » : « Le luxe ce n’est pas un prix, c’est posséder un objet qui est au-dessus des valeurs qui nous servent réellement :) Par exemple une montre de luxe donnera la même heure qu’une montre en plastique ! » pour Soizic, 25 ans de Vannes.

Ainsi, pour Quentin 23 ans d’Angers, “Tout ce qui est superflu est luxe. Certain pensent qu’il s’agit d’un produit cher, mais cher ne veut rien dire… C’est en fonction de son budget et de son utilité, nécessaire ou non », avance-t-il.

Le top 10 de leurs marques préférées (sur 646 répondants)

1. Chanel 193 mentions
2. Dior 168 mentions
3. Louis Vuitton 135 mentions
4. Gucci 126 mentions
5. Yves Saint Laurent 73 mentions
6. Rolex 55 mentions
7. Nike 47 mentions
8. Apple 46 mentions
9. Hermès 45 mentions
10. Lacoste 31 mentions

Les jeunes de 15-25 ans ont donc une idée très arrêtée sur ce que représente le luxe, et la valeur à lui donner. Ils sont seulement 7% à demander des produits de luxe pour Noel et 21% à songer à le faire. Pourquoi ? En ces temps de crise, pas question de se la jouer cigale, que ce soit avec son argent ou ceux de ses proches. Morgane, 22 ans, de Strasbourg trouve les prix pratiqués « absurdes », un avis partagé par Camille, 20 ans originaire de Nantes qui « n’a pas les moyens de claquer des centaines d’euros dans du luxe ». Le luxe n’a pas « d’utilité » à leurs yeux (cela pourrait être une définition du luxe ceci dit) : “C’est de l’argent dépensé inutilement alors qu’il peut être dépensé dans des choses plus intéressantes », estime encore Jules, 19 ans, de Creil. Quand Émilie, 21 ans de Saint-Maur-des-Fossés, assure ne rien demander à Noel : « J’ai déjà tout ce qu’il me faut :) et consommer pour consommer me dépasse, je préfère utiliser mon argent lorsque j’ai vraiment envie de quelque chose ».

Pour les jeunes interrogés, la valeur d’un cadeau ne se juge pas en fonction de son prix : ils préfèrent ainsi « le symbole et la valeur affective derrière un cadeau plutôt que la valeur monétaire ». Théo 19 ans de Nîmes, concède ainsi aimer « énormément le luxe », mais ne se permettrait pas pour autant de « demander des cadeaux aussi onéreux » à ses proches. « Je me ferai peut-être un cadeau perso ». D’autres n’osent pas forcément demander explicitement un cadeau en particulier et disent préférer que l’idée vienne directement de la personne qui offre le cadeau, « qu’elle soit contente de ce qu’elle achète. »

Enfin, en écho aux enjeux environnementaux portés par Greta Thunberg, autre égérie de la génération millennials mais 0% luxe, les jeunes sondés désirent un « Noel responsable » à l’instar de Mathilde, 23 ans de Paris. « J’essaie d’être 0 déchet pour améliorer l’état de la planète », explique quant à elle Virginie, 22 ans résidant à Nantes. « Pas de cadeau matériel cette année », assure pour sa part Hector 25 ans, de Lyon.

Léa, 24 ans de Paris, explique tout simplement ne pas avoir les moyens, « et même si je les avais, la filière du luxe a un impact écologique et social au mieux douteux. Je préfère des produits intemporels de bonne qualité, de marques écologiques qui sont entièrement transparentes sur leurs activités et leurs produits, que d’acheter un nom connu, mais vide de sens ».

OK, boomer ?


Méthodologie : sondage réalisé entre le 15 et le 20 novembre 2019 sur un échantillon représentatif de 646 jeunes français de 15 à 25 ans sur l’ensemble du territoire via Jam.

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