L’impact de l’IA en agence, épisode 2 : les agences RP

Par Élodie C. le 25/11/2024

Temps de lecture : 7 min

Une alliée incontournable.

L’IA est de toutes les conversations, des campagnes se créent en son nom, des studios et des offres lui sont dédiés. Mais, stop. Un instant. Quel est l’impact tangible de l’intelligence artificielle générative sur le travail en agence ? Après un premier épisode consacré aux agences de publicité, tendons le micro aux agences RP.

Avec l’essor de l’IA générative, qui automatise à la fois la création de contenus et l’analyse des données et son usage croissant pour anticiper les tendances, comment les agences de relations publiques peuvent-elles démontrer leur valeur stratégique et se différencier, tout en justifiant leurs budgets auprès des annonceurs, face à une perception croissante de facilité et à la tentation d’utiliser des solutions internes automatisées pour répondre aux besoins en communication ? 

Alexandre Villeneuve, co-fondateur et directeur IA du groupe JIN, et Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb, managing directors de l’agence Hopscotch PR, nous répondent.

1. Transformation des pratiques et des processus 

À l’instar des agences de publicité, l’impact le plus évident est celui permis par les IA génératives. Elles transforment les métiers de la communication et de la création de contenu bien au-delà de ses capacités rédactionnelles. Si des outils comme GPT ou Claude excellent dans la production éditoriale, la véritable révolution pourrait venir d’ailleurs, selon Alexandre Villeneuve, co-fondateur et directeur IA du groupe JIN.

« La vraie révolution viendra du design, notamment avec l’intégration de l’IA dans des outils comme ceux d’Adobe ou encore des solutions dédiées à la vidéo, comme Runway ou Kling. La capacité d’entraîner des IA sur des marques, personnages ou objets spécifiques est une avancée majeure qui va profondément changer les pratiques », explique-t-il.

Outre le design, l’IA offre également des perspectives inédites en termes de créativité en aidant à la génération d’idées. Un aspect « souvent sous-estimé » : « Lors de sessions de brainstorming, par exemple, l’IA peut fournir en quelques secondes une multitude de propositions pour des sujets ou des activations. Tout n’est pas toujours pertinent, mais il suffit qu’une ou deux idées sortent du lot pour que l’on gagne énormément de temps. » 

Un avis partagé par Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb, DG de l’agence Hopscotch PR : « L’IA permet d’augmenter les dispositions des consultants et de booster la productivité : délégation de certaines tâches comme la définition du plan tactique, la production de canevas de communiqués, de questions-réponses et de statements, la qualification de retombées médiatiques, les rapports de veille, les bilans d’opération… cela suppose toutefois une certaine expertise du sujet et du client pour être le plus pertinent et impactant. Nous sommes convaincus que notre métier doit favoriser la connivence entre nos clients et leurs publics utiles, dans une approche affinitaire impliquant des compétences que ne propose pas l’IA générative aujourd’hui. »

L’analyse des datas est un domaine moins visible, mais tout aussi impactant selon eux. Des solutions comme ChatGPT Search ou Perplexity révolutionnent les études stratégiques, comme les SWOT, les benchmarks et analyses de tendances, désormais réalisables en un temps record. Cela libère les équipes pour se concentrer sur des problématiques stratégiques plus complexes, alignées avec les attentes des clients. L’IA devenant ainsi, « un allié incontournable ».

En social listening, l’IA permet dorénavant d’identifier en une heure les émotions et discussions autour d’un “bad buzz”, contre plusieurs jours auparavant.

« « Cela nous invite à reconsidérer les méthodes de mesure de l’impact des campagnes de communication. Les métriques classiques, comme les impressions ou engagements, sont de plus en plus remises en question, car elles ne résonnent pas forcément avec les KPI business des directions générales », souligne Alexandre Villeneuve (JIN).

2. Évolution des métiers et du positionnement des agences

L’essor des intelligences artificielles génératives bouleverse les métiers et les compétences au sein des agences. Si certaines tâches se simplifient ou disparaissent, d’autres se renforcent pour garantir une valeur ajoutée face à des outils toujours plus performants.

La possibilité de former des IA sur des entités spécifiques représente une innovation majeure qui transformera en profondeur les usages, expliquait ainsi Alexandre Villeneuve (JIN). La maîtrise de ces technologies devient cruciale, au point de faire émerger de nouveaux métiers : « Prompter correctement devient un métier. Il ne s’agit pas d’un point d’arrivée : notre exigence est de dépasser ce que propose l’IA pour affirmer notre valeur ajoutée et être dans une approche “beat the bot” », poursuivent Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb (Hopscotch PR).

Mais si l’IA simplifie de nombreux processus, elle menace aussi les métiers industrialisables. « Il est absurde que les agences continuent à produire des communiqués de presse. Pour des visuels statiques à destination des réseaux sociaux, on n’aura plus forcément besoin d’un designer », ajoute Alexandre Villeneuve. Une commoditisation inévitable, selon Hopscotch PR qui gagnera les métiers qui peuvent s’industrialiser.

Dans les colonnes du Figaro, en septembre dernier, une ancienne salariée d’Onclusive France se désolait : « Du jour au lendemain, je me suis fait virer comme une malpropre pour être remplacée par une intelligence artificielle ». Et le quotidien d’expliquer : « Depuis des années, elle s’occupait d’envoyer tous les matins des revues de presse aux clients de cette entreprise spécialiste de la veille médias. « Le grand remplacement des petites mains dans les relations publiques a déjà commencé », soupire-t-elle.« 

Face à ces bouleversements, les agences doivent recentrer leur expertise sur des compétences stratégiques. Pour Alexandre Villeneuve, « les agences devront jouer un rôle de conseil et de formation pour aider leurs clients à mieux maîtriser ces outils et structurer leurs procédures de communication ». Ce positionnement passe aussi par une capacité d’anticipation. « Nous aurons toujours un coup d’avance grâce à notre expertise et notre agilité dans l’adoption des nouvelles technologies », précise-t-il. Dans cette dynamique, la créativité reste un pilier fondamental. « Si les annonceurs veulent profiter pleinement des nouveaux usages, comme les expériences vidéo innovantes ou des campagnes hyper personnalisées, ils auront besoin des agences pour les mettre en œuvre ».

De leur côté, les métiers du conseil doivent se réinventer pour rester au cœur de la relation client. « Les métiers de conseil, qui se régénèrent sans cesse, doivent s’adapter à cette donne pour devenir incontournables dans la relation de confiance avec leurs clients », confirment Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb.

Enfin, comme évoqué précédemment, l’analyse et l’interprétation des données textuelles offrent des opportunités encore sous-exploitées, “ouvrant des perspectives incroyables”, expliquait plus haut le directeur IA de JIN. “Une expertise renforcée devient ainsi essentielle pour dissocier ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas, ce qui permet d’émerger auprès des bonnes audiences de ce qui ne le permet pas”, soulignent quant à eux les représentants de Hopscotch PR en écho.

Loin de menacer leur existence, l’IA invite les agences à revaloriser leurs compétences stratégiques et leur créativité pour répondre à des besoins toujours plus complexes et personnalisés.

3. Confidentialité, éthique et avenir : des garde-fous indispensables

Les bouleversements générés par l’IA soulèvent leur lot de questions d’éthique et de confidentialité, auxquelles les acteurs du secteur répondent avec une approche mesurée et stratégique.

Pour Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb, dirigeants d’Hopscotch PR, la confidentialité est une priorité dans l’utilisation des outils d’IA générative. Selon eux : « Il existe des enjeux de confidentialité. Les métiers de conseil ne se sont pas jetés sur l’outil sans poser quelques limites et surtout former leurs équipes et s’équiper d’espaces privés pour travailler dans le respect de leurs engagements envers leurs clients. »

De son côté, Alexandre Villeneuve (JIN), met également en avant une approche réfléchie de l’IA, via l’accompagnement des clients vers plus d’autonomie avec des outils comme Canva.

Vers une transformation des relations agences-annonceurs

« La relation entre annonceurs et agences sera clairement mise à l’épreuve dans les années à venir”, prévient Alexandre Villeneuve. “Nous aurons toujours un coup d’avance grâce à notre expertise et notre agilité dans l’adoption des nouvelles technologies (…) Notre valeur résidera toujours dans notre capacité à proposer des solutions toujours plus créatives avec les meilleurs outils pour nous assurer de pousser les meilleurs messages sur les meilleurs leviers aux meilleures cibles.« 

Une observation que partagent Cécile Granat et Charles-Antoine Colomb, en estimant que les métiers du conseil doivent s’adapter pour renforcer leur rôle clé dans la relation de confiance avec les clients.

Si l’IA générative transforme les métiers de la communication, les agences qui réussiront à intégrer ces outils tout en conservant une forte valeur ajoutée humaine resteront incontournables dans un secteur en pleine mutation.

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