Créatif en freelance : c’est quoi son job ?

Par Xuoan D. le 04/04/2019

Temps de lecture : 8 min

Avec ''C'est quoi son job ?'', focus sur les métiers qui feront la com de demain.

Dans ce nouveau « C’est quoi son job », intéressons-nous à un profil à la croisée du métier et du statut : le / la créatif en freelance. Le marché y aurait de plus en plus recours pour certains. « Cela a toujours existé » pour d’autres. Là n’est pas la question. Le créatif en freelance intrigue surtout : De quoi sont faites ses journées ? Pourquoi a-t-il opté pour ce statut ? Quel est son niveau de rémunération ? Pour y répondre, nous passons le micro à l’inénarrable Gregory Ferembach, un créatif senior actuellement en freelance, après avoir aiguisé ses crayons chez BETC, leg. et Y&R Paris.
 

Qu’est-ce qu’un créatif en freelance ?

Gregory Ferembach : Quelqu’un qui choisit son mode de vie ?

Quelqu’un que cela ne dérange pas de ne pas savoir s’il va gagner de l’argent le mois prochain. Quelqu’un qui peut travailler avec tout le monde et donc accumuler les « best practices » (Xuoan m’a dit de mettre du Franglais, on est lu par tous les dircoms de Paris). Quelqu’un qui peut prendre un bain à 14h ou aller au cinéma le matin si l’envie lui prend. Quelqu’un de polyvalent et d’#agile (Xuoan a insisté, faut des mots-clés).

C’est Basile qui a délaissé les petits apparts parisiens pour une maison avec potager afin de prouver à ses enfants que les tomates ne poussaient pas en supermarché.
Cécile, qui veut voir Londres, Amsterdam, New York sans remplir de timesheet. Eric, qui a décidé de changer un peu les choses pour voir grandir ses enfants. Julien, qui s’est fait virer, et qui fait cela en attendant de retrouver un poste. Julie, qui n’en peut plus de sa hiérarchie qui ne la considère pas. Chloé, qui bosse de la plage de Deauville ou d’un café de Belleville. Bastien, qui veut être musicien, et en parallèle doit payer son loyer, etc.
 

Sur quels types de projets intervient un créatif en freelance ? Et à quel moment ?

GF : Souvent on l’appelle quand on ne trouve pas de solution en interne. Et souvent c’est au dernier moment.

Soit parce que les créas agences se sont épuisés avec les retours clients et il faut du sang neuf sur un sujet, soit parce que le profil précis n’est pas disponible (luxe, corporate, lifestyle, humour, etc.) et l’agence n’a pas besoin d’un salarié car ce n’est pas une demande régulière, soit parce que l’agence est sur une compétition et manque de staff.

Il y a autant de profils de créatifs que de sujets, donc ils peuvent intervenir partout (film, print, activation, brand content, social, etc.), mais rares sont les freelances à suivre des tournages par exemple.

Pour ma part en 2018, j’ai travaillé sur beaucoup d’activations, de scripts de films et un peu d’évents / print.

Je suis DA de formation, mais plus largement, c’est la conception qui m’intéresse, la rédaction aussi (ma première annonce NPNS est d’ailleurs une de mes accroches), je donne des cours dans une école de pub, fais des sites web pour des copains, des posters pour un concept store, je gère le site « C’est qui les créas ? », la newsletter « le lien du lundi », et encore plein de projets pas finis qui arrivent en 2019…

Les freelances développent beaucoup de skills une fois sortis d’agence, il faut être un peu polyvalent car les personnes qui vous contactent ont parfois des besoins plus larges.

Ce n’est pas évident, en free, de ne pas être identifiable, étiquetable, du coup je suis un DA. Mais j’essaie de faire comprendre que je suis un concepteur avant tout et que je peux écrire des films. En team, je bosse souvent avec Paul Delmas, un rédac’ qui aime bien dessiner (comme quoi ça se complète). #OnEstSympas
 

Comment devient-on créatif freelance ?

GF : En le voulant, pour changer de vie, en démissionnant, en se faisant virer, en n’arrivant pas à se faire embaucher… Le métier de créa/pub permet de se mettre facilement à son compte. Que ce soit pour quelques semaines ou plus. Pour moi c’est une aventure à vivre, pas forcément un plan de carrière.

Vaut mieux connaître un peu de monde avant de se lancer, avoir le soutien des anciens collègues qui te rencardent sur des missions. Ça me semble plus compliqué de se lancer quand on a peu, voire pas d’expériences en agence, mais en vrai des agences qui ont besoin de créas, il y en a mille de toutes tailles. Il faut arriver à être en contact avec les bonnes personnes, au bon moment. #serendipity (Xuoan me paie 5 euros par hashtag).
 

Un conseil pour être un bon créa en freelance ?

GF : Être sympa.

Il y a plus d’un demi-siècle, DDB New York disait dans une annonce de recrutement : « We had two requisites for people working at Doyle Dane Bernbach. Number one, they had to be nice people. And number two, they had to have a lot of talent. I’m sorry for the nice guy who doesn’t have talent, but that’s bad for my business. And I don’t give a damn how much talent the son of a bitch has, I don’t want him. Life’s too short. »

Ne pas être anxieux, car ne pas savoir sur quel sujet tu bosseras (et si tu bosseras) la semaine prochaine peut rendre dingue. Tu cours toujours un peu après l’argent par peur du lendemain qui déchante. Perso cela ne me pose pas de problème, mais cela n’est pas évident. Par exemple, en janvier 2019, j’ai facturé 600€ et en mars 2019 12 000€ sans autres raisons que le hasard.

Cultiver un réseau est un plus, car le bouche-à-oreille a son importance. Comme connaître tous les outils en ligne (pour les confcall, les présentations, etc.), faire parler de soi en sortant des trucs, être polyvalent, ne jamais oublier de prendre du temps pour avancer sur des projets perso.

Il y a un truc hyper intéressant en free, c’est que tu te poses un peu plus sérieusement cette question : sur quoi je vais dépenser mon temps et est-ce que cela vaut le coup ?
 

Quels sont les enjeux et difficultés de ce statut ?

GF : Les freelances ne sont rappelés ou recommandés que quand tout se passe bien. Donc il n’y a pas trop de droit à l’erreur ou au ‘rendu moyen’ dans une mission.

Savoir économiser pour les mois sans travail ou les vacances, anticiper.

Trouver le bon niveau de rémunération et se battre pour le conserver : les interlocuteurs vont souvent négocier le tarif car vous êtes une personne seule. Donc ils se le permettent (ce qu’on ne ferait pas dans une boulangerie). Après, il faut aussi savoir être ‘souple’ et abandonner l’idée de faire des films à 1 million d’euros ou des campagnes internationales pour de prestigieux annonceurs : il est rarissime d’être sollicité sur des sujets sur lesquels tous les créas salariés d’une agence veulent travailler.
 

Quels sont les revenus d’un créatif en freelance ?

GF : Disons que par rapport à votre salaire actuel, se mettre en free et bosser très régulièrement revient à doubler ses revenus. Mais tout tient dans le « bosser très régulièrement », très peu de free y arrivent ou le souhaitent.

En France, en moyenne, un junior facturera dans les 300€/jour, un middle 450 et un senior dans les +600€/jour. Selon la durée de la mission, le tarif journalier est souvent revu à la baisse, mais c’est ce que j’entends par-ci, par là, il y a des exceptions bien sûr. Si le job est pour un annonceur en direct (qui économise la marge agence), le tarif peut augmenter.

On dit que les freelances facturent seulement la moitié de l’année. Le reste c’est de la prospection de missions, de l’administratif, des vacances… Et sur leur chiffre d’affaires, il faut enlever un bon 40% de taxes et charges divers et variées (selon le statut) pour aboutir au revenu net. Ensuite, il y a les impôts, comme tout le monde. Par exemple, pour 2018, je dois tourner à 4500€ net/mois avec quelques mois de vacances. À mon âge (34 ans), certains créas en agence gagnent mieux leur vie, d’autres moins. Ma génération commence à devenir directeur de création aussi, c’est un autre niveau. Toutefois, l’argent n’est plus un élément qui définit mes choix, contrairement au temps et à la liberté.

Ah, et vous pouvez oublier de louer ou acheter un appartement facilement, sans 3 ans d’exercices convaincants, aucune banque ne vous prêtera le moindre euro. Donc mieux vaut le faire avant de se lancer.

On m’a parfois demandé si un CDI m’intéressait, mais le free est une aventure que j’ai envie de vivre un peu plus longtemps pour l’instant. Ça va faire un an à peine, j’ai un milliard de projets personnels à développer et j’ai deux enfants que je veux voir grandir. Ils aiment bien ne pas dormir, quand on a déjà dit bonne nuit cinq fois avec 2 histoires et 3 câlins, ON NE SE RELÈVE PAS P*****. #agile #360 #nefaitespasdenfants
 

Vers quoi ce métier peut-il évoluer ?

GF : En France, depuis 3 ans, il y a une explosion du travail à distance (#remote), des espaces de coworking et notamment en freelance. Sans oublier la question de l’évolution de la précarité des indépendants vs le CDI, les entreprises trouvent cela de plus en plus normal de travailler avec les frees. Et il y a de plus en plus de postes autour des créas, comme des planneurs, producteurs ou commerciaux qui se mettent aussi en free.

Pour conclure :
Quand je suis content, je continue.

Les –
Au quotidien, on est un peu seul ;
Il faut rappeler les agences pour se faire payer ;
On est plus facilement oublié.

Les +
On rencontre plein de gens différents ;
On gagne mieux sa vie (à temps passé équivalant) ;
On peut répondre à une interview de la Réclame depuis son bain ;
Vous allez découvrir plein de trucs sympas là.
 

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