Snap vend des ''lenses'' de marques, les influenceurs aussi.
Sur les conseils de l’agence anglaise Fanbytes, Deezer a su faire porter une campagne qui aurait dû être purement publicitaire par des influenceurs Snapchat, et cela sans rien reverser à la plateforme sociale. À la clé : une viralité inédite, pour un coût bien inférieur à ce que le trublion du social media aurait exigé de la part de l’annonceur pour une campagne de « Snap Ads » classique. Tentons de décrypter ce tour de passe-passe.
Le contexte
Pour Deezer, recruter de nouveaux utilisateurs issus de la génération Z est décisif. Or, Snapchat est la plateforme sociale la plus référente sur cette tranche d’âge. Il était donc naturel pour le service de streaming musical initialement conçu en France d’annoncer sur Snapchat.
Cependant, Snapchat est un média social qui a tout de suite été ferme avec les marques. Si celles-ci voulaient atteindre les audiences de l’app, il fallait passer par des publicités Snap facturées à des tarifs très premium. La startup de Venice, Los Angeles, n’a jamais promis aux marques de développer leur audience organique, voire virale, comme ont pu le faire Twitter et Facebook. Que ce soit via une « lense » (une fonctionnalité d’ajout d’objets 3D ou de masque en réalité augmentée), un « filtre » (des cadres ou objets 2D à superposer à une photo ou vidéo), ou via des « Snap Ads » (des interstitiels entre les stories Snap). Une « lense » se monnayant plusieurs dizaines de milliers d’euros…
La campagne
Pour contourner en quelque sorte le ticket d’entrée imposé par Snapchat, Deezer s’est rapproché de Fanbytes, une structure anglaise à mi-chemin entre l’agence et la solution technologique, spécialiste autoproclamé de Snapchat, et donc l’équipe aurait « 21 ans d’âge moyen ». Comprendre = l’âge auquel on comprend encore intimement les subtilités de Snap.
Fanbytes s’est notamment constitué un réseau d’influenceurs Snapchat, à qui cette structure hybride propose de relayer des campagnes de marques. Pas du placement produit ou de la co-création comme on peut actuellement en voir dans la sphère du « marketing d’influence ». Non, il est ici question de véritables formats avec pre-roll, post-roll, contenu de marque, ou bien des « lenses » ou filtres Snapchat créés par les influenceurs au bénéfice des marques…
L’idylle entre Fanbytes et Deezer a commencé avec quelques essais concluants en mode « test and learn » pour des « artistes de renommée très variée, pour des playlists ou des albums afin de bien juger le potentiel de cette offre » comme l’explique Bianca Spada, Global Head of Social Media de Deezer.
Une relation de confiance s’étant installée avec l’annonceur, Fanbytes a ensuite pu mandater un influenceur américain de 16 ans pour créer et diffuser une « lense » sous forme de boombox (un poste de radio portable, aussi bruyant que représentatif des années 80), portant le branding de Deezer, réagissant au son ambiant. L’influenceur aux 150 000 abonnés – qui restera ici anonyme – a alors incité sa communauté à publier leurs propres utilisations de la lens Deezer. Les meilleures contributions étaient ensuite rediffusées. Fanbytes a ensuite poussé la boombox auprès de son réseau d’influenceurs pour d’autres relais. Le tout pour un coût ne représentant qu’une petite partie de celui d’une « lense » de marque payée auprès de Snap, Inc. À la clé : des résultats inédits selon Bianca Spada qui s’étonne encore d’un taux de complétion à près de 98%, « du jamais vu, quelle que soit la plateforme, pour Deezer ! »
Les résultats
– 1,01 million de vues
– 48 075 utilisations de la lense
– 11 582 partages
– Près de 98% de taux de complétion –
Les clés de succès
– Un brief très ouvert
Selon Bianca Spada, sur une plateforme aux codes hyper spécifiques comme Snapchat, il est clé de « donner une grande latitude créative à des experts comme Fanbytes », et ne de pas imposer coûte que coûte le message actuel de la marque. Ce qui fut le cas ici, puisqu’il s’agit avant tout d’une campagne de branding, même si « le recrutement de nouveaux utilisateurs depuis Snap vers Deezer » fut excellent selon Bianca Spada, sans pour autant donner ici de résultats chiffrés corroborant cette affirmation.
– Un format moins intrusif ?
Pour Bianca Spada, une telle approche apporte moins de ruptures à l’expérience utilisateur qu’une publicité, comme expliqué dans la vidéo qui suit.
On remarquera néanmoins que l’intrusivité est tout de même de mise, puisque le mix organique / sponsorisé est ici bien réel, sans que cela soit forcément très bien déclaré. Cela ne plairait pas l’ARPP si la campagne était française !
– Un pari risqué… mais payant
Une telle campagne joue avec les limites de l’influencer marketing : nous ne sommes pas là dans une véritable co-création mais dans la diffusion de formats publicitaires, non validés par la plateforme. Fanbytes communicant abondamment sur de tels cas, il est probable que Snapchat régule la pratique à terme. En attendant, les résultats sont là ! Après tout, un « hack » n’a pas vocation à perdurer dans le temps…