7 pistes d’innovation pour les régies plurimédia

Par Élodie C. et Xuoan D. le 11/10/2018

Temps de lecture : 9 min

La transformation digitale des régies média est plus surprenante qu'attendu.

Les menaces ne manquent pas pour les régies plurimédia : celles-ci ont déjà connu la digitalisation des audiences, voyant le duopole Google-Facebook capter l’essentiel de la valeur des investissements sur les supports numériques. Désormais, les groupes média font face à la montée en puissance des écosystèmes SVoD sans publicité comme ceux de Netflix et d’Amazon Prime, captant chaque mois de plus en plus d’attention.

Mais les régies peuvent aussi se réjouir d’une évolution très dynamique du contexte. D’abord, les groupes français savent désormais s’allier pour mutualiser leurs data, process et technologies face au GAFA. La publicité TV pourrait enfin être personnalisée grâce à la data. L’automatisation est de mise, tout comme le travail en bonne intelligence avec les influenceurs. Et ce n’est pas tout : nous vous proposons de découvrir 7 pistes d’innovation qui devraient contribuer au rayonnement des régies dans les moins à venir.

Les alliances entre concurrents

Inenvisageables hier, les alliances entre concurrents historiques sont désormais régulières comme l’évoquait Stéphane Bodier (ACPM) dans son interview minute, il y a deux ans déjà. “Nous entrons dans une ère de recomposition des modèles”, estime Corinne Mrejen, présidente de Team Media. Avec “l’omniprésence du numérique, l’essor des plateformes… il n’y aura pas de retour en arrière possible. Dans ces conditions, deux approches sont possibles : soit on baisse les bras, soit on considère que c’est une formidable opportunité d’apporter une nouvelle proposition de valeur à nos partenaires”. Ainsi, “plutôt que de se combattre, créons des alliances pour investir et changer de dimension” : Gravity, MediaSquare et Mediasbook sont quelques exemples récents de ce que ce type de partenariats peut donner, que ce soit autour des données, des places de marchés ou du programmatique.

Le directeur général de Prisma Media Solutions, et Chief Transformation Officer de Prisma Media, Philipp Schmidt confirme d’ailleurs la tendance : “Nous nous sommes alliés avec Mondadori et Lagardère, deux concurrents historiques, autour de ‘Food Brand Trust’. Nous avons aligné les actifs des trois grands groupes sur le print, le digital, la data et les testeurs de produits pour effectuer de grands lancements sur le marché de l’alimentation.” Une alliance déjà concluante : “Andros a par exemple lancé une gamme de desserts végétaux sans publicité TV. Avec Food Brand Trust, en quelques mois, nous avons atteint une croissance de +20% de chiffre d’affaires et une part de marché de 0 à 8% pendant le lancement”, se félicite-t-il. “Tous les collaborateurs ont intégré que le changement est une opportunité plus qu’une menace, c’est notre grand succès. C’est plus facile pour trouver des idées, nous ne sommes pas obsédés par la survie (rires).”

Les régies publicitaires des groupes TF1, France TV et M6 ont également mis leurs ressources en commun avec SYGMA – DATA VIDEO ACCESS, un accès standardisé et sécurisé à la data logguée en programmatique pour les agences et annonceurs. Données issues de leur service replay respectif MYTF1, France.tv, 6PLAY. Les régies ne proposeront toutefois pas d’offres et de négociations communes.

TF1 Publicité s’est par ailleurs allié avec France Télévisions Publicité autour d’un GRP Data (Gross Rating Point c’est-à-dire le coût d’un spot publicitaire de 30 secondes rapporté à l’audience moyenne d’une chaîne), basé sur les données comportementales ou liées aux centres d’intérêt du téléspectateur, à destination des moyens et gros acheteurs de marques. Avec pour résultat jusqu’à +2,1 % de chiffre d’affaires incrémental par rapport au ciblage sociodémographique.

La symbiose avec les influenceurs

Les influenceurs ont pu être vus comme une source de désintermédiation pour les médias. D’abord avec les audiences, qui ont potentiellement trouvé chez les influenceurs des producteurs de contenus qui leur ressemblent et les comprennent davantage que les journalistes. Ensuite, avec les annonceurs, tout heureux de nouer des partenariats avec des influenceurs aux audiences massives et engagées.

Or cette époque d’adversité est révolue, comme nous l’explique Philipp Schmidt (Prisma Media Solutions) : « Nombre d’annonceurs aimeraient mieux combiner médias et influenceurs ». La régie française de Prisma a donc importé Influsion, une « plateforme d’influence marketing adossée à un média » développée par la maison-mère de Prisma.

La mission d’Influsion est de mettre en relation des influenceurs « sélectionnés selon des critères précis d’engagement et de qualité, avec des annonceurs ». Les équipes de Philipp Schmidt activent ensuite la campagne, « avec des performances suivies en temps réel », et décident ensuite s’il est nécessaire de l’amplifier grâce aux médias du groupe. Influsion trouvant naturellement sa place avec des influenceurs à l’audience moyenne ou micro, car « les annonceurs préfèrent aujourd’hui opter pour des influenceurs avec des communauté engagées, même si leur reach est moyen, et se servir de la puissance des marques médias pour faire caisse de résonance ensuite » comme s’en enthousiasme Philipp Schmidt.

L’automatisation de la réservation d’espace

De plus en plus plébiscitées, les plateformes facilitant l’accès, la réservation et/ou l’achat d’espace publicitaire aux agences et annonceurs s’installent dans le paysage français.

France Télévisions Publicité se veut “précurseur en mettant à disposition des agences médias et des annonceurs en direct, ADspace, une plateforme d’achat qui permet de gagner du temps et d’optimiser les campagnes”, explique ainsi Marianne Siproudhis, directrice générale de FranceTV Publicité.

Cependant, l’automatisation n’est pas nécessairement évidente au regard des deux années de balbutiements avant le lancement officiel de Mediasbooks, aujourd’hui repris à 95% par Adwanted, signifiant du même coup la sortie des 6 régies fondatrices. Lancée en 2016 à l’initiative des régies Team Media, groupe Altice Média, Lagardère Publicité, MPublicité-RégieObs, GMC Media et Mondadori Publicité, Mediasbook avait pour ambition de permettre à ces acteurs « de gérer de l’audience planning grâce aux technologies du programmatique garanti, tout en garantissant une transparence totale », expliquait sa présidente d’alors Corinne Mrejen.

En programmatique, de nombreux acteurs se sont lancés à leur tour, comme Amaury Médias (L’Équipe, Adrénaline, L’Équipe Coaching, Sport&Style, France Football) en janvier 2018 avec sa plateforme Xchange, et bien évidemment FranceTV Publicité, M6 Publicité et TF1 Publicité avec le lancement commun d’un standard technologique baptisé « Sygma-Data Video Access » le mois dernier.

La publicité TV segmentée grâce à la data

La publicité TV segmentée ou adressée grâce à la data est la piste la plus attendue par le marché des régies plurimédia. Celle-ci permettrait d’allier une approche très personnalisée héritée du digital à la capacité de la télévision à fédérer des audiences massives autour de programmes devenus eux-mêmes des marques. Nous parlons au conditionnel, puisque la publicité TV segmentée n’est pas encore autorisée en France.

Ainsi les groupes télévisuels et leurs régies ne peuvent pour le moment expérimenter essentiellement qu’avec la diffusion de la TV linéaire sur leurs supports digitaux. Ce fut par exemple le cas lors de l’Euro 2016 sur TF1 où les spots du flux linéaire TV étaient remplacés par des publicités interactives et clicables pour des spectateurs consultant les matchs depuis le site MYTF1. Au delà de l’interactivité de ce « décrochage », la publicité TV segmentée est l’occasion pour les groupes d’inclure une data liée à l’audience, jusqu’alors inaccessible aux publicités TV en amont de leur diffusion.

L’opportunité sera conséquente pour les régies plurimédia si la législation évolue. En attendant, les groupes réalisent différents tests grâce au web, au mobile et à la tablette, mais aussi grâce à l’IPTV. D’autres marchés, comme par exemple aux États-Unis, ont pris un peu d’avance et laissent augurer un retour à la croissance économique particulièrement fort pour la télévision.

Autant de sujets qui ont été évoqués par le Campus TF1 – Data Multiscreen 2018 – dont voici une sélection :

Pour plus de vidéos, rendez-vous sur le site de TF1 Publicité.

L’évaluation des programmes

Quality Rating Point. Sous ce nom barbare, le nouvel indicateur de mesure de la qualité du contexte en TV de France Télévisions, lancé en juin dernier. En effet, à l’heure du brand safety, le contexte de diffusion d’une publicité, son environnement, est devenu un enjeu essentiel pour les agences et annonceurs. Comme le souligne Marianne Siproudhis : « FranceTV Publicité est une régie TV et digitale. Pour impliquer le téléspectateur et l’internaute, il convient de penser la publicité au bon endroit, au bon moment. Ce graal est au cœur de notre stratégie d’innovation continue. En 2019, nous innovons avec le Quality Rating Point, qui offre une mesure simple de la qualité des contextes programmes dans le but d’optimiser les investissements publicitaires de nos clients« .  

La vente directe aux annonceurs

Le marché de la publicité est rempli d’intermédiaires. Si la vente directe aux annonceurs représentait la norme dans les premiers instants de la publicité, la tendance s’est peu à peu estompée avec l’apparition des agences média, relais entre les annonceurs et les régies. “Le coeur de nos activités ne dépend pas de la capacité des agences média à acheter nos supports en fonction de leur audience. Notre démarche est donc très one to one vis-à-vis des annonceurs”, annonce ainsi Vincent Buffin, président de Ketil Media. “Notre innovation n’est pas une innovation, elle est due à ce qu’on est, à notre ADN. Nous développons et affinons le digital selling pour promouvoir nos supports.” Une particularité qui s’explique par le caractère atypique de ces supports : les radios d’autoroutes et certains titres de presse “détenus” par la régie ne sont pas, ou à peine, mesurés par Médiamétrie, exception faite de Marianne et de Télé Zqui ont une activité proche des régies classiques”.

À supports atypiques, annonceurs “affinitaires” : “Ils ont des tickets d’entrée plus faibles que les annonceurs nationaux, tout en étant plus nombreux. La couverture commerciale ne peut se faire que par le digital selling, c’est notre piste d’innovation” pour 2019, poursuit Vincent Buffin. “Nous compensons plus que favorablement la baisse du poids des agences média dans notre chiffre d’affaires, par l’arrivée d’annonceurs en direct qui n’ont pas ce type d’agence. Le digital selling est un commercial virtuel qui va nous permettre d’avoir une couverture et un discours pertinent sur un marché pas facile à aborder”.

Pour le président de Ketil Media, cette tendance, encore limitée, pourrait rapidement se répandre : “De par notre taille, modeste par rapport à d’autres régies, nous sommes les premiers confrontés à cette problématique du marché. Toutefois, celle-ci va devenir générale pour de nombreux acteurs, même si les plus gros n’en sentiront pas les effets immédiatement. L’ensemble des régies vont être confrontées à ce problème, surtout celles qui n’ont pas de relais digitaux et ne vont donc pas pouvoir compenser la baisse des investissements sur les médias classiques engendrée par le duopole Google / Facebook qui capte plus de 80% du marché de la pub en ligne”.

La collaboration avec les startups

Terminons ce dossier innovation qui n’en serait pas un sans startup…

Depuis 3 ans, le Groupe TF1 a mis en place un programme « d’open innovation avec l’écysostème startup ». À ce titre, la 2e saison du programmation d’accélération MediaLab TF1 vient d’être dévoilé à Station F, révélant 6 nouvelles startups. Daily d’initiés fournit par exemple aux chaines un outil d’analyse des audiences multisupports, en croisant différentes sources de données. FACIL’iti rend accessible les sites internet aux individus souffrant de troubles visuels, moteurs ou cognitifs. Newsbridge de son côté apporte du machine learning à la classification de vidéos. Sently facilite la création de chatbots, notamment pour les marques. Moins orientés audience et publicité, Le Drenche (un journal prônant une nouvelle forme de débats) et Little Globe-Trotter (guides touristiques et culturels pour les enfants) complète cette sélection.

Quel est l’intérêt pour le Groupe TF1 de s’impliquer dans une telle démarche ? Christine Bellin, directrice stratégie, développement et transformation détaille : « Le Groupe TF1 a la responsabilité de déployer au sein de son environnement des solutions et des services toujours plus innovants, qui répondent à nos enjeux stratégiques, que ce soit dans le domaine de l’amélioration de l’expérience client, de l’intelligence artificielle […]. Notre programme MediaLabTF1 à Station F nous permet d’accélérer ce processus d’innovation et de co-construire, de manière très concrète, avec l’écosystème startup, le futur de nos métiers. »

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