Plus qu'un ''petit'' x3 et le roi du burger dépassera Ronald.
À quoi tient la notoriété d’une marque ? L’humour fait-il vendre ? Une communication au ton décalé peut-elle fédérer une cible élargie ? Alors que Burger King ouvre son 500ᵉ restaurant en même temps que la marque célèbre ses dix ans de présence en France, l’enseigne entend poursuivre sa croissance, poursuivre son chemin vers plus de durabilité et être plus que jamais tout, sauf une marque marketing. Pourtant, cette corde semble bien vissée à son arc et ses flèches font régulièrement mouche, imprimant la marque de fabrique du Roi du burger. Rarement une marque n’a été aussi liée créativement à son agence. Si bien qu’on se demande qui a influencé l’autre, que serait l’une sans l’autre.
Timothée Loizeau, directeur marketing de Burger King France, revient notamment sur le chemin parcouru en une décennie, les défis qui s’annoncent et la façon dont les campagnes marketing les plus mémorables de Burger King ont pu contribuer à renforcer la notoriété – et les parts de marché – de l’enseigne.
Quel est le principal défi de Burger King en tant que marque aujourd’hui ?
Timothée Loizeau : Burger King est une marque encore très jeune, cela fait dix ans que nous sommes présents en France et nous sommes très heureux et très fiers d’avoir ouvert le 500ᵉ restaurant cet été. Cela montre l’ancrage territorial de la marque, désormais présente quasiment partout, et l’engagement des franchisés. Ils sont 150 entrepreneurs français et indépendants à exploiter ces 500 restaurants et sont les premiers porte-drapeaux de la marque Burger King auprès des consommateurs.
Cette 500ᵉ ouverture est une étape, nous savons qu’il y a encore beaucoup de choses à accomplir. Nous projetons d’ouvrir entre 50 et 70 restaurants par an, se pose alors la question de l’accompagnement de cette croissance. Nous faisons face à trois enjeux :
— Responsabilité : un enjeu très important pour nous en tant qu’entreprise, pour les franchisés et nos consommateurs. Ces derniers ont de plus en plus besoin de donner du sens à leur consommation et d’entreprises qui s’engagent, avec une vraie responsabilité concernant leur impact sur la société. C’est une forte attente de leur part, nous devons donc renforcer la responsabilisation de Burger King ;
— Adaptation : nous devons continuellement nous adapter à nos clients. Burger King a su le faire sur ces dix premières années et continuera à le faire dans les prochaines. Dans un monde en perpétuel mouvement, nous avons besoin de nous adapter en permanence aux attentes et aux besoins de nos consommateurs. Nous l’avons beaucoup fait sur notre offre produits – nous avons élargi la gamme et créé de la variété (bœuf, protéine poulet, wrap, salades, veggie) – ainsi que l’expérience en restaurant et sur les services. Il est désormais possible de commander sur tous les canaux possibles ;
— Rester nous-même : on a une tonalité et une identité propres à Burger King. Nous devons les conserver malgré notre croissance et notre visibilité. Nous voulons rester proches des Français et conserver cette dimension humoristique et d’autodérision.
Burger King France célèbre bientôt l’ouverture de son 500ᵉ restaurant en France, 10 ans après son retour sur le marché français. Pouvez-vous nous parler de ce parcours et des facteurs clés qui ont contribué à ce succès ?
T.L. : La singularité de la marque Burger King, c’est son identité à la fois de marque américaine et d’entreprise française. C’est très important. La marque s’est installée en France il y a dix ans, avec des codes très américains : des produits très généreux, avec une offre originelle centrée sur la viande de bœuf, un goût unique issu de notre mode de production grillé à la flamme et des bénéfices de fraîcheur — les tomates et les oignons sont coupés tous les matins au restaurant.
À son arrivée en France, Burger King faisait la part belle à des produits iconiques à la dimension américaine, comme le Whopper ou le Steakhouse.
Les clés de succès de Burger King en France furent de prendre cette marque américaine et d’en faire une entreprise française. Une entreprise française, puisque notre actionnaire — Olivier Bertrand — est français, nos franchisés sont également des entrepreneurs indépendants avec un ancrage local très fort et notre offre alimentaire a été francisée dans le temps : 75 % de nos approvisionnements sont Français, notamment sur des ingrédients très symboliques chez nous, comme la pomme de terre, et le bœuf et le poulet sont majoritairement Français.
Ensuite, nous avons développé une tonalité propre à Burger King, c’est-à-dire ne jamais vraiment se prendre au sérieux, être toujours dans l’autodérision et l’humour. On vend des burgers, on essaie de le faire bien, avec des produits de qualité, une expérience sympathique en restaurant, mais si on peut le faire en se marrant, c’est un plus. On s’est rendu compte que les Français y étaient très attachés.
La durabilité est devenue un sujet de plus en plus important pour les entreprises. Comment Burger King intègre-t-il cet enjeu dans son modèle commercial en France ?
T.L. : Le sujet est central dans l’entreprise. Nous avons 500 restaurants et autant de responsabilités. Tous ensemble, nos 25 000 collaborateurs et 150 franchisés, nous nous fédérons autour de cette responsabilité. C’est un sujet de tous les jours, nous sommes conscients de notre impact sur la société et des attentes générées auprès des Français.
Nous nous apprêtons à prendre un engagement important de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre : – 50% d’émission par restaurant d’ici à 2030. C’est un objectif très ambitieux qu’on se sait capables d’atteindre :
– Nous favorisons des infrastructures adaptées aux mobilités. Nous encourageons les mobilités à bas-carbone sur l’ensemble de nos infrastructures : des parcs à vélos sont disponibles dans nos drives, des bornes de recharge sont installées sur les parkings de nos restaurants. Nous travaillons également sur le cahier des charges de nos bâtiments pour qu’ils aient un impact les plus faibles possibles sur l’environnement.
– Nous travaillons sur la sobriété énergétique en accompagnant quotidiennement nos restaurants dans le suivi et la gestion de leur consommation d’énergie pour les aider à instaurer une culture de sobriété auprès de leurs équipes. Nous avons pour ambition de réduire de 20 % nos consommations d’énergie d’ici à 2026. Aujourd’hui, nous les avons déjà réduites de 10 %.
– Nous avons réalisé une action importante sur la gestion des déchets, un élément essentiel pour les consommateurs et très visible : tous nos déchets sont triés pour être collectés et orientés vers les bonnes filières de valorisation. Depuis le début de l’année, nous avons mis en place la vaisselle réutilisable dans l’ensemble de nos restaurants, ce qui est, très honnêtement, une révolution dans notre modèle et nous permet d’économiser jusqu’à 1,9 tonne de déchets par an et par restaurant.
Nos engagements marquent la responsabilité de l’entreprise.
Burger King a lancé son burger végétal en 2021 et propose désormais d’autres burgers/produits veggie (ce qui a donné lieu à la campagne très remarquée Even More Confusing Times) : à quoi cela correspond en termes de clientèle/ventes ?
T.L. : Nous sommes très contents de proposer une gamme de produits veggie, nous sommes certainement l’enseigne leader sur ce créneau en France. Le point de départ a été, encore une fois, de s’adapter aux tendances de consommation. Nous avions des signaux assez forts sur le fait qu’une partie de nos consommateurs, pour des questions de responsabilité notamment, avaient envie de baisser leur consommation de viande de bœuf et n’avaient pas forcément de réponse chez Burger King ou auprès d’autres enseignes.
Nous avons voulu faire du veggie à la BK : c’est-à-dire gourmand, bon, généreux et qui génère du plaisir. En 2021, on s’est donc attaqué au produit certainement le plus symbolique de Burger King, le Whopper. Nous avons eu un écho très favorable et très enthousiaste de la part des consommateurs, si bien que nous avons élargi la gamme sur d’autres produits au bœuf, puis cette année, nous avons lancé une déclinaison au poulet pour tous ceux désirant consommer moins de viande.
Nous ne ciblons pas des typologies de gens en particulier. Si vous voulez consommer moins de viande, quelles que soient vos motivations, vous avez une alternative veggie chez Burger King. Et ça cartonne ! Notre gamme de produits alternatifs à la protéine animale représente aujourd’hui 20 % de nos ventes, soit un produit sur cinq. Et ça continue d’augmenter mois après mois, c’était donc une vraie attente de la part des consommateurs.
Burger King est connu pour le ton décalé de ses campagnes (pensées par son agence Buzzman). Pouvez-vous partager certaines des stratégies marketing les plus mémorables de Burger King en France et comment elles ont contribué à renforcer la notoriété de la marque ?
T.L. : Le trait d’union de toutes les campagnes Burger King est qu’elles sont basées sur plusieurs valeurs essentielles pour nous, comme l’audace et l’authenticité. Nous ne voulons pas être une marque qui parle à des clients, mais à des gens. On essaie de se mettre à leur place, d’en être les “copains” plutôt qu’un simple livreur de messages.
Certaines campagnes, dans l’histoire récente de BK, m’ont marqué, soit parce qu’elles m’ont fait rire, soit parce qu’elles tournaient autour d’insights très justes par rapport à l’époque ou à l’actualité. Si je dois en citer quelques-unes :
– La première campagne de Burger King lorsque l’enseigne est arrivée en France, “Le Whopper Black Out”, en 2013. C’est une vidéo de 7 minutes qui retrace la façon dont les Français ont vécu l’absence de Burger King pendant 20 ans. C’est à mourir de rire. Les références sur la pop culture et sa justesse en fond une très bonne campagne ;
– Ce n’est pas tant une campagne qu’une séquence : celle du Covid 19. La pandémie a très fortement impacté l’ensemble de la restauration. Sur cette période peu réjouissante, Burger King a su s’emparer du sujet avec beaucoup de justesse, d’autodérision, d’empathie et d’humour.
Ces campagnes ont dépassé le spectre de la communauté des fans de Burger King, que ce soit le Whopper du confinement, le film sur les mesures sanitaires avec Fred Testot au moment de la réouverture des restaurants — un sujet assez anxiogène — ou encore la fameuse affiche “Commandez chez McDo”. Il n’y avait que Burger King pour communiquer de cette façon-là.
– Plus récemment, la campagne sur le Whopper qui met en scène une discussion entre amis pour déterminer quel est le meilleur burger : le Big Mac de McDo, le Kentucky du KFC, les burgers de Big Fernand, etc. La marque a l’audace de citer et de parler en bien de tous ses concurrents et des produits de ses concurrents pour mettre tout le monde d’accord derrière le Whopper.
Par exemple, les campagnes US sont parfaites pour gagner des prix, moins pour des parts de marché. Il se dit que Fer Machado, aka le meilleur directeur marketing du monde selon les publicitaires, s’est fait pousser vers la sortie à cause de ça.
T.L. : En France, nous avons la chance d’être une entreprise française avec un actionnaire français et d’avoir une marge de manœuvre et une autonomie très forte sur ce marché. On développe nos propres campagnes, notre propre stratégie et nous n’avons donc pas de comptes à rendre à l’international, ce qui nous laisse de nombreuses possibilités. C’est l’une des clés du succès de Burger King en France.
Nous ne prenons pas énormément de campagnes internationales sur le marché français parce qu’on ne les juge pas forcément légitimes et que nous avons créé une relation très forte avec nos consommateurs et les fans de Burger King en France. Aujourd’hui, on sait comment communiquer avec eux et les messages que nous devons leur adresser.
Encore une fois, on ne travaille pas pour des prix, mais pour des consommateurs et développer notre business. Ce qui fait de la part de marché, c’est trois choses :
— l’offre délivrée aux clients : notre enjeu est d’avoir une offre proposant les meilleurs burgers et des goûts qui soient inimitables et uniquement disponibles chez Burger King ;
— l’expérience : nous devons être en mesure de proposer une expérience unique aux consommateurs, quel que soit le canal de service, dans un restaurant, en livraison ou au drive ;
— La communication : c’est la façon dont on nourrit notre relation avec nos consommateurs et les Français.
En travaillant bien ces trois leviers, les consommateurs viennent chez vous, aiment vos produits et les moments qu’ils passent chez vous.
Comment Burger King adapte-t-il ses stratégies marketing pour toucher un large public tout en maintenant son caractère unique et décalé ?
T.L. : C’est justement ce dont on vient de parler : notre capacité à s’adapter aux — différents — besoins, notamment pour toucher un public large. Développer une expérience et des services différenciant. Vous pouvez commander Burger King sur quasiment tous les canaux disponibles, que ce soit sur place, à emporter, en click and collect, en livraison, dans un restaurant, ou sur une appli. Quel que soit le canal, l’expérience doit être la plus fluide et la plus satisfaisante possible.
Nous travaillons beaucoup sur les services, désormais le service à table est disponible, ce qui change beaucoup la perception de la restauration. Ensuite, la communication est la face émergée de l’iceberg, nous devons structurer notre offre de service et la satisfaction de nos clients en profondeur.
Enfin, notre tonalité nous différencie. Nous devons rester humbles, même si elle est basée sur l’humour, l’autodérision et l’audace. Nous devons faire en sorte d’être là où l’on ne nous attend pas.
Est-ce que vous avez une ou plusieurs cibles ou ciblez-vous tout le monde désormais ?
T.L. : Aujourd’hui, nous ciblons tous les fans de burgers désireux de manger un bon burger, généreux, avec du goût et quelle que soit la protéine, animale ou végétale. Lorsque vous vous rendez dans un restaurant Burger King, vous allez croiser des gens très différents, dans l’âge – des jeunes adultes, lycéens ou étudiants – des actifs d’une trentaine ou d’une quarantaine d’années, des familles, des personnes plus âgées, etc.
La concurrence dans le secteur de la restauration rapide est féroce. Comment Burger King France se différencie-t-il de ses concurrents pour rester en tête ? La stratégie du challenger est-elle la position idéale pour se différencier et conserver cette liberté de ton dans vos prises de parole ?
T.L. : La concurrence est stimulante, elle permet d’avancer et de se dépasser. Nous sommes donc très heureux d’être sur un marché concurrentiel en ce qu’il nous aide à développer les bons produits et services.
Nous ne cherchons pas à être un challenger. Aujourd’hui, nous avons la légitimité pour être une alternative. Et notre alternative est basée sur trois valeurs indispensables chez Burger King :
— Le plaisir, sur lequel nous sommes très exigeants. Que ce soit avec nos produits ou nos campagnes ;
— L’authenticité. Nous ne voulons pas être une marque marketing, mais parler à des gens en étant le plus vrai et humble possible.
Il y a dix ans, le paysage concurrentiel était déjà très développé et le seul média auquel Burger King avait accès c’étaient les réseaux sociaux. La culture de la communication et l’ADN de Burger King sont nés avec les réseaux sociaux. Burger King a conservé cette culture où, si vous voulez émerger, vous devez être plus authentique, direct et proche des consommateurs. La marque a su adapter les codes du social aux médias plus traditionnels comme la télé ou l’affichage. Cette culture du social est très ancrée en nous et sur l’authenticité que nous donnons à nos communications.
— L’audace : une marque a plus de singularité lorsqu’elle sait être audacieuse, prendre des risques, ou être là où on ne l’attend pas.
Nous sommes assez fiers du chemin parcouru pour nous différencier en communication.
Quelle est l’étape d’après pour Burger King ? À quoi ressemblera la marque dans 10 ans ?
T.L. : C’est compliqué de répondre à cette question. Nos 500 restaurants sont une première étape, nous espérons bien sûr aller plus loin avec 50 à 70 ouvertures par an.
On ne sait pas où cela s’arrêtera, on ne se donne pas de limite. J’espère qu’au-delà du nombre de restaurants Burger King, dans dix ans, nous serons restés tels que nous sommes aujourd’hui. Une marque qui ne se prend pas au sérieux, proche de ses consommateurs et capable d’avoir un dialogue axé sur l’audace, l’authenticité et le plaisir avec ses consommateurs.
Et pour finir, la question traditionnelle de la rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation agence-annonceur réussie ?
T.L. : La relation entre Burger King et Buzzman est une relation réussie. C’est une relation qui s’inscrit dans le temps, l’agence est présente aux côtés de Burger King depuis le premier jour. On est un peu nés ensemble et on a grandi ensemble. Burger King ne serait pas là où la marque en est aujourd’hui sans Buzzman et inversement. Nous sommes deux adolescents qui ont l’envie de faire un bout de chemin ensemble. La longévité de la relation est fondamentale parce qu’on se connaît par cœur et que ça fonctionne.
Ensuite, nous partageons des valeurs communes sur la publicité : la publicité est intrusive. Je connais peu de personnes dans mon entourage qui diront “Chouette, ce soir, en allumant la télévision, j’espère tomber sur des publicités”. En tant que consommateur, nous ne choisissons pas de regarder de la publicité, nous faisons donc en sorte de leur faire passer un bon moment avec du contenu divertissant. Avec Buzzman, nous avons trouvé la bonne équipe et le bon partenaire pour le faire, l’agence nous amène à avoir une exigence sur la création et la publicité pour que cela ne passe pas comme quelque chose d’imposé.
Ensuite, la confiance est clé dans la relation au quotidien. Nous leur faisons confiance et réciproquement. Ils peuvent nous proposer des idées très audacieuses, car nous sommes capables de les acheter. Même l’idée la plus barrée, si elle est viable, on va tout faire pour la sortir et on va la sortir. Je pense qu’il y a une fierté de la part des équipes de Buzzman d’avoir un client capable d’acheter des créations et des idées qui ne seraient certainement pas achetables dans notre société. Et il y a beaucoup de fierté de la part des équipes de Burger King de travailler avec Buzzman.