Destination finale : le chaos climatique.
Brandalism, contraction de Brand (marque en anglais) et Vandalism, tel est le nom du collectif de militants antipub et écologistes à l’origine d’une opération de guérilla activisme — subvertising — outre-Manche mettant en scène des marques comme BMW, Ford, Lamborghini ou encore Volkswagen.
Le groupe, réunissant notamment des artistes, britanniques, américains, français ou italiens, a installé plus de 100 affiches de publicités automobiles parodiques sur des panneaux d’affichage et des arrêts de bus à travers l’Angleterre et le Pays de Galles, et ce pour protester contre les publicités mensongères de l’industrie automobile avec le hashtag #AdBrake.
D’après eux, ces publicités augmentent fortement la demande de véhicules polluants et leurs utilisations privées, entraînant logiquement une augmentation des émissions de carbone du transport routier tout en aggravant la pollution atmosphérique et les embouteillages urbains.
Les visuels reprennent les codes graphiques de chaque constructeur automobile pour faciliter la reconnaissance du spectateur et s’attaquer frontalement à leur message publicitaire. Le célèbre « Das Auto » est désormais suivi d’un tranchant « Kaputt » et la petite coccinelle boit la tasse. Ford est également singer en Fart (pet en VF) et voit son slogan détourné en « Go Further into Climate Crisis », soit « Aller plus loin dans la crise climatique ». Tous les messages convergent ainsi vers la fin prochaine (et inéluctable ?) de la voiture.
« Les publicités automobiles promeuvent la possession d’une voiture le symbole d’un statut social. Les thèmes de pouvoir, de succès et de statut social sont mélangés avec des lieux exotiques et des routes vides pour promouvoir un mythe de la liberté et de la mobilité, explique Peter Marcuse, l’un des co-fondateurs de Brandalism. Les problèmes d’embouteillages, de pollution de l’air et de dégradation du climat qui en résultent sont exclus de ces publicités. »
Les panneaux publicitaires extérieurs servent à promouvoir de nouvelles voitures auprès d’automobilistes bloqués dans la circulation. C’est absurde.
« Nos villes et villages sont devenus tellement dominés par les véhicules particuliers que nous nous efforçons de mettre en place des alternatives durables alors que les coûts sociaux et de santé augmentent. La promotion active de véhicules polluants par le biais de campagnes publicitaires n’aide pas la situation. Nous avons besoin d’un changement culturel pour nous éloigner de la voiture », poursuit-il.
Une trentaine d’artistes internationaux — Paul Insect, Jimmy Cauty, le street artiste Dr.D, Fokawolf, le satiriste Darren Cullen, Matt Bonner ou encore Michelle Tylicki — ont mis leur créativité au service de cette action de subvertising, concevant 45 oeuvres différentes. Aux côtés des artistes, des militants pour un air sain et des groupes « Adblock » ont également prêté main forte sur l’opération de guérilla.
Cette opération intervient dans un contexte de crise sanitaire où les particuliers semblent privilégier la voiture pour se déplacer, comme cet été sur la route des vacances. L’action de Brandalism fait notamment écho aux demandes d’encadrement de la communication de la part de différentes associations sous le prisme des enjeux climatiques. De Big Corpo des Amis de la Terre et Résistance à l’Agression Publicitaire, à la Loi Evin Climat de Greenpeace en passant par l’instauration d’un bonus-malus écologique dans la publicité.
« L’idée de sortir et de détourner les panneaux d’affichage est presque aussi ancienne que les panneaux d’affichage eux-mêmes, explique Peter Marcuse à The Drum. Banksy le fait depuis des années, mais qu’il s’agisse simplement d’ajouter un mot avec une bombe aérosol ou d’imprimer vos propres mots et de les coller, il existe une longue tradition de désobéissance civile dans l’art créatif. » Dont voici le dernier acte.
Reste à savoir si une telle prise de parole sera suffisante pour diminuer l’attractivité des SUV auprès du public, alors que le street factor (le fait de voir régulièrement un modèle automobile donné dans la rue) reste le premier levier d’achat de cette industrie.