Décryptage de la campagne française la plus virale de 2018.
La période des fêtes de fin d’année charrie son lot de publicités de Noël. Certaines sont devenues des rendez-vous incontournables, comme la campagne du grand magasin britannique John Lewis, quand d’autres créent la surprise. C’est ce qui s’est produit cette année avec le Noël inoubliable de Bouygues Telecom produite en collaboration avec BETC. Une histoire familiale et universelle, une musique entraînante et… les planètes s’alignent : elle émeut, fait sourire, se partage, est parodiée, bref, le public se l’approprie. Une recette qui paraît simple, mais que peu réussissent à recréer. Si les succès ne s’oublient pas, les ratés n’en sont pas moins mémorables.
Quels sont les ingrédients d’une publicité de Noël réussie ? Comment s’assure-t-on de parler au plus grand monde ? Mathieu Laugier, directeur associé chez BETC et Anne-Laure Dreano, Responsable pôle Publicité et Media chez Bouygues Telecom reviennent sur ce Noël inoubliable dans ce nouveau bilan de campagne.
Le contexte
Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas, c’est un temps fort pour les marques avec des enjeux commerciaux importants. Chez Bouygues Telecom, on est tiraillé entre la nécessité de valoriser les offres commerciales et celle de mettre la marque en avant nous explique Anne-Laure Dreano de Bouygues Telecom. Depuis 2015 et la campagne We Love Technology, Bouygues Telecom a axé sa prise de parole pendant les fêtes sur les cadeaux de Noel. Pourtant, au-delà des cadeaux, Noel est un moment de partage en famille. “L’intention derrière le cadeau plus important que le cadeau lui-même”.
L’opérateur se veut ainsi une “marque humaine et proche de ses clients” et à vocation à s’adresser à tout le monde à Noël, précise encore Anne-Laure Dreano. C’est là que BETC entre en scène, avec pour objectif de “frapper encore plus fort que les années précédentes en se lançant dans l’épopée de Noël, avec de grands films”, explique Mathieu Laugier. Le directeur associé de BETC le concède lui même, si l’idée est séduisante, “c’est un peu casse-gueule, car il y a d’énormes réussites sur d’autres marchés… et des pschitt sur d’autres”. Mais Bouygues Telecom a été “touché et séduit” par le script présenté par BETC et pensé par le duo créatif Rémi Campet et Rayhaan Khodabux à qui l’on doit la campagne très remarquée Louise Delage. “La technologie prend beaucoup de place dans notre quotidien, explique Anne-Laure Dreano. On vend des technologies, mais aussi des outils pour rapprocher les gens”.
La campagne
À rebours des années passées, après avoir privilégié les offres commerciales au son de The Keys de Talisco, Bouygues Télécom a pris le virage de la simplicité et du format long pour donner toute sa chance au scénario du film et faire ainsi mieux passer l’émotion. Pour BETC, la question était : “comment créer notre propre histoire ?”. En tenant compte des enseignements des précédentes années, l’idée des deux directeurs de création, David Soussan et Marie-Eve Schoettl, était de mettre l’émotion au centre des discussions. Si les deux parties se sont rapidement mises d’accord sur le script, des difficultés sont néanmoins apparues concernant la musique ou le casting. En grand habitué de ces épopées de Noël, le réalisateur du film, Martin Wermer, a joué pour beaucoup dans la résolution de ces questions.
Pour la musique de la publicité, plusieurs morceaux étaient en concurrence en départ. La musique a été choisie très en amont, avant même le choix du réalisateur, car elle joue pour moitié dans la réussite du film. Le morceau de Redbone des années 70 a été un véritable “coup de coeur” pour Bouygues Telecom. Les fameux pas de danse du papa ont été créés sur le tournage avec le chorégraphe. La musique a été primordiale et l’avenir leur a donné raison puisque le titre qui apparaît dans l’introduction du film Les Gardiens de la Galaxy (premier opus) a été le plus shazamé en France sur les mois de novembre et décembre dernier, a intégré deux fois le Top iTunes en décembre et a également été numéro un sur Spotify. Le choix de la musique a été fait par General Pop (filiale musique de BETC). “Pour nous, la musique devait être exaltante, datée, mais pas trop connue pour ne pas marquer l’histoire que nous souhaitions raconter”, précise Anne-Laure Dreano. Et Mathieu Laugier d’ajouter : “En grands fans de Marvel, le clin d’œil à l’intro et aux pas de danse des Gardiens de la Galaxie nous amusait”.
Pour la diffusion de la campagne à proprement parler, un pari a été fait entre Bouygues Telecom et l’agence média Performics de mettre en oeuvre un plan média qui fait la part belle à ce format long. Le film a été diffusé en TV et en digital avec un soutien sur les réseaux sociaux accompagné d’un dispositif influence avec Christophe Beaugrand et des familles interviewées notamment. Un plan assez classique sur le choix des médias, avec toutefois cette particularité de laisser la place au format long. Pour le social media, en plus de la diffusion du film, quelques “petits objets très appréciés du public” ont été diffusés (des petits moments de danse), précise Bouygues Telecom. En parallèle, l’opérateur a communiqué sur ses offres sur d’autres médias – affichage, radio, digital – et des habillages boutiques ont été réalisés.
Enfin, face au succès populaire non anticipé de la publicité sur les réseaux sociaux, BETC ont travaillé en “réactif” avec l’équipe CM de Bouygues Telecom pour animer la communauté. Le hashtag #LaPubDuPapaQuiDanse et la tendance sponsorisée ont été déclenchés après l’engouement autour de la campagne. D’ailleurs, le hashtag a été plus ou moins créé et utilisé naturellement. Sur Twitter, les internautes se demandaient par exemple : quelle était la musique de la publicité où le papa danse ou utilisaient ces mots pour qualifier la campagne. Le hashtag s’est donc créé spontanément en réponse à ces réactions.
Les résultats
Bouygues Telecom n’a pas encore fait le bilan complet et n’a pas les résultats commerciaux de fin d’année. Toutefois, dès le lancement de la campagne, le film a intégré le top tendance YouTube et a généré plus de 9 millions de vues sur la plateforme (toutes versions confondues). Mais c’est sur Facebook que l’engouement a été “le plus fou et le plus notable”, remarque Anne-Laure Dreano, avec 20 millions de vues au compteur. Un engouement tel qu’il a dépassé les frontières de la France : la campagne a engrangé des millions de vues organiques à l’international. Une première pour Bouygues Telecom. Par exemple, au Mexique ou encore au Texas, en Georgie ou en Russie, le film a fait plus de 20 millions de vues et a été partagé avec le même enthousiasme. Des gens ont même écrit de l’étranger au service presse de Bouygues Telecom.
Je lance un défi ! Qui danse dessus !????@bouygues #bouyguestelecom #Parodie
Publiée par Quentin Truchot sur Mercredi 12 décembre 2018
@bouyguestelecom votre pub fonctionne véritablement sur tout le monde … vous faite des forfaits canins ? pic.twitter.com/owwnzjUibG
— Lucas ⚡️ (@lucaspgnr) December 3, 2018
Quand t'es en vacances à la fin de la journée, que c'est Noël dans 4 jours et que t'es un peu trop fan de la dernière pub de Bouygues Telecom ??
Publiée par Esupcom sur Jeudi 20 décembre 2018
Au total, le film a généré :
• 146 millions de vues à travers le monde
• 3,5 millions de partages, dont 95% d’organiques
• 130 millions de vues sur Facebook (dont 120 millions d’organiques) : environ 20 millions de vues en France ou la “magie de l’algorithme Facebook quand tout est favorable”, relève Mathieu Laugier. Avec tout de même un peu de paid sur les pages Bouygues Telecom.
Le comptage reste compliqué sur Facebook, car certaines vidéos reprises sont logotées, remixées, etc. donc échappent au suivi des agences et marques.
• 9 millions de vues sur YouTube, dont + de 50% sont organiques.
???? merci @bouyguestelecom
Ca va faire ma journée!
Et on se reambiance sur le morceau ce matin comptez sur nous. https://t.co/tSfKJD9PkK— Camille Combal (@CamilleCombal) December 18, 2018
Les clés du succès
• La musique et le casting
Entraînante, la musique donne immédiatement envie de danser et d’imiter ce papa en chaussettes et caleçon qui se lance dans une chorégraphie maladroite, mais toute personnelle pour son petit garçon. La figure du père, un “mec normal”, a d’ailleurs suscité de nombreux commentaires, nous confie Bouygues Telecom. L’acteur a lui-même reçu de nombreux messages sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter où il a gagné de nombreux followers.
• La simplicité du message
Cette année, Bouygues Telecom n’a pas axé son message sur les offres commerciales du groupe : “Les gens sont abreuvés de messages. Les marques parlent beaucoup d’elles, alors on s’est recentré sur ce à quoi on sert”, relier les gens, explique la responsable pôle Publicité et Media chez Bouygues Telecom. Un pari qui a pu être fait grâce à la complémentarité des médias qui ont servi à diffuser des discours plus commerciaux. En abandonnant l’aspect commercial du message – et donc la visibilité de la marque- pour se recentrer sur un message plus universel, l’attribution de marque aurait pu être plus compliqué. le succès aidant, la question ne se pose plus.
Le film retrace ainsi une histoire familiale racontée à travers les âges, un message simple, juste et universel, cette simplicité a touché un grand nombre de personnes. “En opposition au contexte politique et social, les gens avaient besoin de feel good et de bienveillance à cette période là de l’année, estime Mathieu Laugier de BETC. C’était un insight très important qui faisait écho à ce que les gens ont déjà vécu et qu’ils vivent encore.” Il raconte également qu’un journaliste de Forbes a comparé la campagne à la campagne John Lewis : “On se dit qu’il s’est un peu emballé, mais on apprécie quand même”.
En outre, ce film a suscité énormément de bienveillance et a généré “beaucoup de positif en interne”, précise Anne-Laure Dreano de Bouygues Telecom.
• Le format long
Si la tendance semble être au format court et autres snackable content, cette publicité en est le parfait contre-exemple. “Cela faisait un moment que l’on réfléchissait à tester un format très long en TV, ce qui n’était pas la recommandation des agences médias”, concède le directeur associé de BETC.
À cette période de l’année, l’émotion prime et elle a besoin d’un format long pour s’exprimer, à l’instar de la publicité John Lewis avec Elton John. Un pari qui pouvait sembler risqué, mais qui s’avère brillamment relevé. “Cela prouve qu’on est prêt à passer du temps sur le web – voire même un temps anormalement long – sur des contenus publicitaires s’ils le méritent”, conclut Anne-Laure Dreano.