Comment rendre les métiers de la communication plus attractifs ?

Par Thibault D. et Xuoan D. le 23/10/2017

Temps de lecture : 8 min

Les agences se doivent de séduire - à nouveau - les jeunes talents.

Alors que les agences perçoivent leur modèle comme menacé, le renouvellement de leur « capital humain » est une affaire de survie.

Lors de son élection à la présidence de l’AACC, Laurent Habib a fait de l’attractivité du secteur un sujet prioritaire. Ce dossier a d’ailleurs été confié au tout nouveau Bureau des Juniors pour y apporter de la fraîcheur. Coline Déchelette, la présidente du « bureau » et consultante new biz chez McCANN France, nous dévoile aujourd’hui quelques clés pour donner envie aux meilleurs profils de rejoindre une agence.
 

Vous venez d’être nommée présidente du nouveau Bureau des Juniors de l’AACC. La 1ère mission du bureau est de travailler sur l’attractivité du métier chez les jeunes. Pourquoi est-ce clé ?

Coline Déchelette : C’est effectivement décisif aujourd’hui car nous subissons une très forte concurrence des autres secteurs. Face à l’auto-entrepreneuriat, les startups, les GAFA, ou même les cabinets de conseil qui deviennent plus créatifs, il y a bien d’autres opportunités pour les jeunes talents.

L’enjeu est donc de rendre notre secteur plus attractif. Comme a pu le dire Laurent Habib, notre secteur connaît une crise de légitimité et de confiance. Il est clé de re-démontrer ce que les agences apportent aux marques et aux annonceurs. De montrer que nous sommes à la fois des partenaires créatifs, mais aussi de vrais partenaires business.

Nous sommes tout de même dans une industrie qui repose sur les talents. Si celle-ci n’est plus capable de les attirer, son avenir est menacé.
 

Il se dit que les diplômé·e·s des grandes écoles ne sont plus attiré·e·s par les agences. Ce n’est pas votre cas. Qu’est-ce qui vous a convaincue de travailler dans la publicité ?

CD : J’y suis arrivée un peu par hasard. J’ai fait une prépa et une école de commerce, l’EMLYON. J’ai eu une opportunité de stage en agence, via mon réseau et les conseils que j’ai pu avoir. J’ai tout de suite été captivée par la créativité, l’énergie et la variété des problématiques traitées en agence. J’ai finalement complété ma formation par un master au CELSA.

Le problème est que les agences de communication sont un peu sous le radar des grandes écoles de commerce. Une carrière en agence n’y est jamais proposée. On nous forme davantage à la finance, au marketing (côté annonceur) ou à l’entrepreneuriat.

Aujourd’hui nous tentons de remédier à ce problème avec le Bureau des Juniors. Nous allons nous adresser à ces écoles pour permettre à leurs étudiants d’avoir plus d’informations sur notre secteur.
 

Que compte justement faire le Bureau des Juniors pour rendre le métier plus attractif ?

CD : Nous venons tout juste d’entamer nos travaux. Nous avons décidé d’avancer en sous-groupes sur différents chantiers. Il y a notamment la réflexion sur la Journée Agences Ouvertes 2018. La JAO est organisée par l’AACC depuis quelques années. Notre objectif est d’y apporter quelques nouveautés en 2018, pour “ratisser” un peu plus large auprès des étudiants et des personnes s’intéressant au secteur.

Pour 2019 ou plus tard, nous souhaitons rénover le concept de la JAO. Notamment pour séduire plus largement d’autres formations, les étudiants d’école d’ingénieur, de commerce, de FAC, car il y a un vrai sujet de diversité des profils en agences de nos jours.

D’autres idées émergeront probablement des groupes de travail dans l’année à venir.
 

Au-delà de l’attractivité du métier, n’y a-t-il pas un problème de synchronisation entre les besoins des agences et les formations des écoles ? Nombre de jeunes diplômé·e·s n’accèdent pas à un premier emploi dans la communication, pendant que des agences ne trouvent pas les profils recherchés.

CD : Je ne pense pas que ce soit un problème de synchronisation avec la formation et les bases académiques. Dans les agences il n’y a pas de parcours ou de formation type car nous avons besoin d’une très grande diversité de profils.

Je pense plutôt qu’il y a un défaut de pédagogie qui fait que les étudiants ne sont pas assez conscients des différents postes en agence et des attentes qui en découlent. Les agences proposent une multitude de métiers, ce qui n’est pas toujours perçu par les étudiants. Nous recevons trop souvent des candidatures généralistes, qui manquent d’angle et de spécialisation. C’est davantage une question de “match” avec la candidature en elle-même que la formation du ou de la candidat·e. La Journée Agences Ouvertes doit permettre d’y remédier, en insistant sur la pluralité des métiers en agence et des profils recherchés.
 

La dernière étude de l’AACC montre que les juniors en agence sont beaucoup plus enthousiastes concernant leur métier que leurs aînés. Comment expliquez-vous ce phénomène ? N’est-ce pas inquiétant ?

CD : Je ne trouve pas cela inquiétant. Les jeunes sont de plus en plus exigeants aujourd’hui, donc s’ils sont heureux de travailler en agence c’est hyper encourageant pour nous. 88% recommanderaient à quiconque de les rejoindre en agence ! C’est un chiffre fort.

Nous offrons un cadre de travail agréable, de vraies relations humaines, une très grande diversité de problématiques, de la créativité à tous les niveaux… Ce sont des choses que l’on doit mettre en avant pour améliorer notre attractivité.

Pour les seniors, je suppose qu’il y a une forme de routine qui s’installe à un moment et qui affecte principalement les profils middle management. Mais à mon sens, les jeunes sont les meilleurs ambassadeurs de nos valeurs. À terme ils pourraient bien améliorer l’enthousiasme global, y compris chez les plus seniors.
 

Percevez-vous un choc générationnel en agence entre la génération Y et les précédentes générations ?

CD : Non je ne pense pas qu’il y ait de choc générationnel puisque nous ne sommes pas dans une relation de confrontation. Il y a effectivement des différences : des réflexes qui ne sont pas les mêmes, pas la même compréhension des nouvelles technologies et des nouveaux usages… Mais ces différences sont une opportunité de profiter du meilleur de chaque génération, que l’une apprenne de l’autre, et inversement. Les “seniors” ont pour eux l’expérience du secteur, et les jeunes la fraîcheur de leur regard.
 

Le modèle des agences doit-il s’adapter à cette nouvelle génération ? Que se passera-t-il le jour où tous les juniors actuels seront « aux commandes » des agences ?

CD : Il est difficile de prédire l’avenir dans un monde en pleine mutation, et un milieu où les modèles évoluent très vite.

Aujourd’hui, les jeunes ont des profils plus intégrés, polyvalents, et connectés que par le passé. Cela devrait avoir un impact non négligeable sur la structure des agences quand cette génération sera aux commandes. D’ailleurs, le marché va vers une plus grande intégration des métiers, comme nous avons pu l’observer lors de récents rapprochements d’agences d’un même groupe. [ndlr : citons comme exemples récents TBWA\Groupe, Ogilvy Paris ou Publicis et son “power of one”]
 

Au fond, à quoi aspire un·e junior en agence aujourd’hui ?

CD : Un junior recherche avant tout de l’expérience, de la variété dans les projets traités et une certaine effervescence au niveau du cadre professionnel.

Mais au-delà de l’expérience, nous sommes une génération qui aspire à être très vite reconnue et mieux considérée pour son travail. L’objectif est d’être acteur dès le début de sa carrière, et de disposer de perspectives d’évolution rapides. Je pense qu’il y a des progrès à faire de ce point de vue, pour mieux valoriser les jeunes en agence.

Je ne suis d’ailleurs pas très à l’aise avec le terme « junior » que je trouve un peu péjoratif. Il pourrait être remplacé par « jeune talent » pour rappeler que les nouveaux venus, bien que moins expérimentés, peuvent avoir de la valeur en agence : ceux-ci gagnent et gèrent des budgets, apportent de nouvelles idées… Il est de l’intérêt des agences de rester “jeunes” puisque leur capital est avant tout humain.
 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait travailler en agence ?

CD : Une qualité essentielle à avoir est la curiosité. Il faut absolument rester ouvert, aux gens et à l’univers professionnel qui l’entoure. Comprendre comment le monde et la société évoluent permet d’anticiper les évolutions de nos cibles et du métier. La curiosité intellectuelle permet de rester dans l’air du temps.

L’autre conseil que je donnerais, c’est de croire en son potentiel, et à ce que l’on peut apporter à une agence. Ce n’est pas parce que l’on a seulement deux ans d’expérience ou moins que l’on ne peut pas être une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise. Nous sommes dans une industrie des idées, et tout le monde peut en avoir.
 

Quels sont les autres sujets dont le Bureau des Juniors va se saisir ?

CD : L’idée de départ du Bureau des Jeunes est qu’il soit une sorte de think tank activable à la demande de l’AACC. Nous serons donc amenés à participer à d’autres projets de l’association, et à réfléchir ensemble aux sujets dont nous aimerions nous saisir.

Enfin le dernier sujet qu’il me paraît important d’aborder est la féminisation des postes de management. Il est intéressant de remarquer que nous sommes dans un secteur à 60% féminin, et que pourtant 70% des dirigeants sont des hommes ! Comment réduire cet écart ? C’est à nous, la jeune génération, de rééquilibrer le sujet de la parité. La société va dans ce sens, et les agences se doivent d’en être le reflet… voire d’être en avance.

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