Comment expliquer le succès de Nicolas Hulot avec Golden Moustache ?

Par Xuoan D. le 29/10/2015

Temps de lecture : 8 min

Fin septembre, seul 13% des 15-30 ans savaient à quoi correspond la COP21. Ce qui avait de quoi décourager Nicolas Hulot, convaincu que les décisions prises à la COP21 auront un impact décisif sur la vie des jeunes.

Comment toucher ce public jugé inatteignable ? En s’adressant aux bonnes personnes pour remédier à ce « choc des générations » ! Tentons de décrypter comment Golden Moustache et Nicolas Hulot ont littéralement « cassé Internet ».

Le brief

La COP21 est un moment clé pour Nicolas Hulot de par ses engagements, sa fondation ou sa mission « d’envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète ». L’écolo le plus célèbre de France cherchait un moyen d’impliquer les jeunes, et en particulier les digital natives, parfois perçus comme désinvestis politiquement. Or ni Nicolas Hulot ni son équipe ne se sentaient capables d’intéresser ce public à la cause environnementale. “Je ne suis pas le plus marrant ni le plus apte à parler aux jeunes” aurait confié l’ancien animateur d’Ushuaïa.

La fondation Nicolas Hulot s’est alors tournée vers son agence, [tag]Havas Worldwide Paris[/tag], qui a naturellement pensé au collectif de Youtubeurs Golden Moustache par l’entremise de Charlotte Dollot, directrice associée de l’agence.

La réponse apportée par Golden Moustache

Golden Moustache ne s’est pas fait prier pour accepter de prendre en charge ce projet bénévolement, car comme le résume Adrien Labastire, fondateur et directeur général adjoint de Golden Moustache, “les membres de l’équipe étaient sensibles à cette cause plus généralement aux questions environnementales”.

Comme entrée en matière, une rencontre a été organisée entre Nicolas Hulot, Golden Moustache et des invités tels que des journalistes, des responsables de réseaux sociaux (Twitter notamment) ou de marques à l’aura social média certaine comme Michel et Augustin. Nicolas Hulot a présenté les enjeux de la COP21 à tout ce public référent quant il s’agit de toucher les jeunes via les médias sociaux.

Golden Moustache a proposé de réaliser une vidéo, car comme le reconnaît Adrien Labastire “c’est ce que l’on sait faire de mieux”. Le sujet du climat devait y être abordé sur un ton humoristique encore rarement vu sur Internet. L’idée de casser l’image d’expert rigide de Nicolas Hulot “a été trouvée en 10 minutes”. À l’instar de ce que les politiques américains s’autorisent à faire, Nicolas Hulot allait se tourner en dérision pour se rendre plus accessible. Nicolas Hulot a-t-il été difficile à convaincre ? Pas du tout selon Adrien Labastire : “Il nous a courageusement dit qu’il nous faisait confiance”. A la lecture du scénario, Nicolas Hulot aurait même avoué : “je n’y comprends rien, mais si vous trouvez cela marrant, on fonce”.

Le tournage a eu lieu pendant l’été. Si l’idée créative a été facile à trouver, les disponibilités des différents intervenants, nettement moins ! La post-production a été très simple, car Nicolas Hulot a maintenu sa confiance jusqu’au bout. Pas d’aller-retours incessants, “Nicolas Hulot n’ayant comme unique remarque un détail lié à la bande son”. À noter que Golden Moustache a exceptionnellement cédé l’intégralité des droits de la vidéo à la Fondation Nicolas Hulot, en se plaçant comme simple producteur exécutif.

La suite ? Des millions de vues, un demi million de signatures et un véritable “cassage” d’internet.

Les résultats

Au 29/10 :
– 1 662 063 vues sur Youtube
– 7 363 191 vues sur Facebook
– Sans compter les multiples reprises sur Dailymotion, Wat, Yahoo et les blogs
– 526 209 signatures de la pétition
– Des centaines de parutions presse et média, dont des passages aux JT de M6 et de TF1… dans les 24h suivant la parution de la vidéo
– Un plantage du site de la pétition de la Fondation Nicolas Hulot. “Le serveur a dû fonctionner 12h sur les 4 premiers jours de diffusion, n’arrivant pas à tenir la charge de plus 4500 connexions par seconde” selon Adrien Labastire. Quel aurait été le nombre de signatures en cas de disponibilité du site ?

Les clés de succès

Les soutiens

Aussi talentueux soient les auteurs de Golden Moustache, la vidéo “Break the internet – Nicolas Hulot” a bénéficié de soutiens clés, dès sa conception. L’équipe de l’excellent magazine féminin Madmoizelle a accompagné le projet, en servant “de garde fou des contenus et du discours” selon Adrien Labastire. On retrouve notamment créditée dans les auteurs de la vidéo, Clémence Bodoc, journaliste actu-politique du magazine.

Pour la bonne cause, Golden Moustache a également su fédérer les talents de Studio Bagel, son “concurrent” direct appartenant à CANAL+, alors que Golden Moustache dépend du groupe M6. Avec à la clé la présence de Bapt & Gaël, Jérôme Niel, Kemar ou Marion Séclin.

L’équipe de Justine Ryst, directrice des partenariats média chez Twitter France, a également contribué au projet. Twitter a proposé à Golden Moustache et à la Fondation Nicolas Hulot d’utiliser le procédé “Flock to unlock” qui affiche un contenu exclusif au bout d’un certain nombre de retweets. De quoi susciter un important teasing tout en assurant la diffusion des contenus.

Golden Moustache a mis à profit sa chaîne Youtube pour diffuser la vidéo. Une véritable rampe de lancement pour Adrien Labastire : “avec plus de 2 millions d’abonnés, nous sommes assurés de générer entre 300 000 et 400 000 vues dès les 12 premières heures”. Pour un total de 1,6 million à date. Sur Facebook, la vidéo a été hébergée sur la page de la Fondation Nicolas Hulot, avec à la clé encore plus de vues : 7 millions à date. Adrien Labastire explique cette différence par “la façon dont Facebook compte les vues et aussi le fait que Facebook via sa viralité naturelle permet de dépasser la cible initiale des 15 ans”.

Au-delà du social média, la grande maîtrise des relations média de Nicolas Hulot a permis d’obtenir de nombreuses parutions, et cela dans les 24H suivant la mise en ligne de la vidéo.

Savoir cibler les 15-30 ans

Les 15-30 ans ont la réputation d’être difficilement atteignable pour les marques via des plans de communication traditionnels : ils lisent peu la presse, ne sont pas accros au direct TV, et ils consomment plus généralement les médias de façon délinéarisée.

Ce qui n’effraie pas Adrien Labastire et son équipe, bien au contraire : “Nous avons expliqué à Nicolas Hulot que toucher les jeunes, fait partie de notre quotidien et de notre métier. Pour qu’un contenu fonctionne sur Internet, il se doit d’être spectaculaire, marrant ou émotionnel.”

Comment appliquer ce principe à la cause environnementale ? “Le discours ne doit pas être trop culpabilisant ni alarmiste” sinon le public a tendance à devenir sceptique et attentiste. Ce qui représente un challenge tant “une fois que l’on a dit qu’il faut sauver la planète, le discours devient trop technique” selon Adrien Labastire. Golden Moustache a donc mis à profit son savoir-faire : l’humour. Un humour qui fait place à un ton plus sérieux lors du twist au milieu de la vidéo. Ce qui ne fait qu’accentuer le poids du message, tant le (jeune) public n’est pas habitué à voir ces Youtubeurs aborder de tels sujets. Adrien Labastire s’en amuse : “C’est bien la 1ère fois que je voyais Bapt & Gaël dire de telles choses”.

Des objectifs raisonnables

Golden Moustache et Nicolas Hulot s’attendaient-ils à un tel succès ? “Il y avait pas d’objectif chiffré” selon Adrien Labastire “Nous aurions été satisfaits que la vidéo fasse 1 million de vues. Cela aurait suffi pour que Nicolas Hulot apporte la preuve aux gouvernement que les jeunes sont concernés par ce sujet. Ce qui est capital, car les politiques n’agissent pour de telles causes que s’ils sont soutenus ou mis sous pression par les citoyens.”

L’expérience de Golden Moustache avec les marques

Golden Moustache rejoint les nouveaux entrants du marché de la communication qui prennent une place dans les budgets des annonceurs, comme le font les cabinets de conseil, les GAFAS, les structures de native advertising des médias (dont Golden Moustache fait partie ?) ou les agences internes… Adrien Labastire se défend néanmoins d’être en concurrence avec les agences de communication : “Notre travail ne se substitue pas à celui des agences. Si les marques nous sollicitent parfois en direct, nous sommes en contacts réguliers avec des agences média ou de publicité, que ce soit pour des budgets d’activation ou de production”. Golden Moustache n’a pas vocation à travailler pour toutes les marques, mais uniquement à celles qui visent “un certain segment de population, c’est à dire les 15-30 ans qui consultent notre média et en partagent les contenus sur les médias sociaux. (60% d’hommes et 40% de femmes, sur une thématique plutôt geek)”. Adrien Labastire précise : “Certains annonceurs créent leurs propres médias, à l’image de Red Bull, et ont besoin d’un contenu ‘always-on’ auquel nous pouvons contribuer”

Golden Moustache est structurée autour de 3 pôles : les auteurs, la production et le marketing. Cette dernière équipe n’est pas dédiée à la stratégie (façon planning en agence) mais à l’optimisation de la diffusion de nos contenus. “Notre équipe marketing analyse de façon obsessionnelle les algorithmes des plateformes” selon Adrien Labastire. “Dans le cas de Youtube, c’est une sorte de SEO appliquée à la vidéo. Nous observons également de près la performance de nos contenus sur Facebook et Twitter. Il y a une telle concurrence sur les contenus… On ne peut pas se priver d’observer les datas concernant la diffusion de nos vidéos.” En revanche, ces datas ne servent pas à nourrir la créativité des auteurs. “Le choix des sujets se fait de façon intuitive, grâce à la proximité générationnelle de nos auteurs avec leur public” selon Adrien Labastire.

Si Golden Moustache a déjà travaillé sur le branded content de nombreuses marques (à lire : le cas Vivelle Dop), la filiale de M6 se lance également dans le placement produit en partenariat avec Hill Valley. Adrien Labastire nous dévoile au passage un scoop : “Golden Moustache lancera le 24 novembre une vidéo de 80 minutes, diffusée sur le web et financée à 80% par le placement produit”. Ndlr : il s’agit probablement du film Les Dissociés, par Suricate.

Perspectives

Une suite de la collaboration entre la Fondation Nicolas Hulot et Golden Moustache n’est pas prévue pour le moment. Cependant, Adrien Labastire avoue que le projet a quelque peu changé le regard de Golden Moustache sur les questions sociétales : « cela nous a fait réfléchir sur le fait qu’en dehors des blagues que l’on fait, nous avons un regard sur notre génération. Nous n’excluons pas de prendre davantage parti sur des causes, en ayant un discours responsable, sans que cela soit trop moralisateur ni trop sérieux. Nous réfléchissons par exemple à la problématique du bizutage digital. »

Gageons que ce cas d’école inspire d’autres campagnes et contribue à de nouvelles formes d’engagements des citoyens.

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