Dès demain, les agences et annonceurs français se rueront à Austin (Texas) pour l’ouverture du SXSW 2015. Ce festival non publicitaire attire chaque année davantage d’acteurs du monde de la communication, en quête de frissons au contact des startups. Est-ce une simple tendance ou au contraire les prémisces d’un changement plus profond pour le marché ?
Pour tenter d’y répondre nous avons aujourd’hui rendez-vous avec différentes agences, dans ce format inédit d’interview collaborative !
Comment les agences collaborent avec des startups pour proposer les dernières innovations aux annonceurs ?
Vincent Roux, directeur et co-fondateur d’Intuiti
Il est évident que nous serions idiots de ne pas faire la part belle aux startups en proposant leurs services à nos clients. Quoiqu’il arrive elles finiraient par y arriver sans nous. Néanmoins, il ne faut pas se le cacher, leurs produits phagocytent une part de notre marge brute et automatisent certaines tâches que nous facturions auparavant en y consacrant du temps homme.
Guillaume Ruckebusch, Partner / General Manager de DPS & co
Nous nous sommes rapprochés de certaines pépinières à Paris et en région avant 2010 (Euratechnologies, la plaine de l’image…) et avons collaboré avec des PMD Facebook. Cette mission est gérée en direct par les associés, le planning strat puis globalement par toutes les forces vives de l’agence. Chacun entretien des liens privilégiés avec des startups et une fois par mois un échange a lieu entre les startups et les directions conseil de l’agence. Ce hub est vecteur d’échanges, de présentation des offres et de partage de faisabilité. Ce mois- ci, par exemple, nous recevions Stimshop et addictiz.
Luc Wise, Directeur Général en charge des stratégies et Stephan Schwarz, Directeur du digital, [tag]Herezie[/tag]
Il faut tout d’abord connaître ces startups en ayant une bonne connaissance de leur écosystème : les incubateurs des grandes boites technologiques, comme Spark, l’initiative de Microsoft, les incubateurs de la région île de France, de la Mairie de Paris, ou encore les initiatives privées, comme récemment le Partech Shaker ou « the family » sans oublier bien sûr le silicon sentier, pépinière de talents.
Olivier Sebag, directeur général de [tag]Marcel[/tag]
Le sourcing, la sélection et la mise en relation sont des processus très chronophages et pour lesquels il n’existe pas réellement de modèle économique pour les agences.
Elisabeth Billiemaz, DG et Guillaume Cartigny, Creative Technologist de [tag]Les Gaulois[/tag]
Le principal enjeu pour nous est d’identifier les startups. S’il existe pléthore d’évènements autour des startups (concours, festivals, …) beaucoup d’entre elles, la plupart, passent sous le radar ou apparaissent trop tard pour que la création de valeur soit pertinente pour nos clients. Pour proposer de réelles innovations aux annonceurs, il faut tout le temps sortir des sentiers battus. Si on se contente de « screener » les startups de l’automobile ou de l’énergie, pour Citroën, par exemple, nous ne sortirons probablement rien d’intéressant pour eux comme pour nous. Il faut s’ouvrir à tous les secteurs d’activité, tordre parfois une l’idée de base d’une startup, avec elle, pour créer de la valeur pour notre client annonceur.
Il y a également un vrai travail d’apprivoisement à faire. Contrairement à ce qu’on peut imaginer de prime abord, toutes les startups ne sont pas baignées de culture digitale. Il n’y a pas que des objets connectés et des apps. Nous sommes souvent confrontés à des entrepreneurs qui ont eu une idée bien précise de leur produit, abouti après des années de recherche, et à qui on va proposer parfois des mutations, avec une vision de communiquant, quand souvent, nos interlocuteurs sont des chercheurs ou des ingénieurs. Tout passe donc par la discussion, beaucoup d’échange, de tricotage et de détricotage. Et surtout, beaucoup de confiance. Les startups nous font confiance en nous laissant jouer avec leur bébé et nous leur faisons confiance sur leur engagement et leur capacité à accoucher d’un vrai produit, fonctionnel.
Vincent Roux, directeur et co-fondateur d’Intuiti
Le milieu des agences, « les éoliennes » comme ils nous appellent (parce que nous brassons du vent selon eux) est souvent mal considéré par ces entreprises très technologiques, agiles et basées avant tout sur un produit. Elles se montrent souvent méfiantes de nos démarches.
Du côté agence, proposer une solution out-sourcée à nos clients implique de nous assurer de la qualité de ce qui est délivré, de l’éthique du traitement des données du produit technologique serviciel, de la fiabilité financière de la startup, de l’engagement que suppose l’adhésion au produit (modèle économique le plus répandu) et aussi du niveau de dépendance au produit…. c’est pour le coup notre rôle de conseil. Cette évaluation se fait par l’expérience et la connaissance d’un certain nombres de critères propres à de nombreuses startups.
Julien Terraz, Head of Creative Tehnologist du LAB DigitasLbi
Nous faisons partie de Cap digital, de l’AACC Startup Project donc cela nous permet d’avoir accès à toutes les startups. Accompagnés de ces startups, nous sommes à même de proposer des concepts innovants à nos clients. Un des points clés dans le travail avec les startup est la gestion du temps et le respect de leur roadmap. Les temps agence et startups sont très différents, il est donc important de bien s’intégrer dans leurs process.
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
Des études montrent qu’en moyenne un projet prend chez un annonceur un minimum de 8 mois entre sa conception et sa finalisation. En 9 mois, une startup peut avoir changer de business model, être partie se développer à l’étranger, avoir fait une levée de fond… Un startup par définition manque de temps et de ressources. L’enjeu est de synchroniser le temps long de l’annonceur et l’urgence de la start up.
Jean Patrick Chiquiar, président, et Sacha Lacroix, DGA de [tag]Rosapark[/tag]
Toutes ces nouvelles startups ont le potentiel pour phagocyter le business des marques leaders pour lesquelles on travaille. Alors comme disait notre ami Shakespeare, ce qui ne peut être évité, il faut l’embrasser. Il faut que les agences et les marques travaillent étroitement avec les startups, au service de l’innovation. On a tous mutuellement bcp à y gagner. Il faut qu’en tant qu’agence on s’efforce de rapprocher ces deux mondes. Mettre les startups au service des marques quand il y a des opportunités. Ou bien aider les startups a devenir de vraies marques quand elles en ont le potentiel. En fait, on est le lien entre les deux !
Gilles Reeb, co-fondateur et directeur des stratégies de Uzful
Contrairement à ce qu’on peut lire ou entendre, les startups ne sont pas des structures sans foi ni loi, qui attendent le bon moment pour mettre l’ancienne économie à terre. Ce sont des structures agiles, passionnées, qui comprennent mieux que d’autres les enjeux de la société d’aujourd’hui. Il est donc important de s’adapter à leur mode de fonctionnement car elles représentent l’évolution de l’entreprise à tous les niveaux : organisationnel, managerial, culturel mais aussi en terme de business model.
Pour parvenir à collaborer avec les startups, les marques et les agences doivent faire preuve d’empathie mais aussi d’une solide crédibilité qui leur permet de gagner la confiance de l’entrepreneur. Étape fondamentale car les acteurs de la nouvelle économie accordent davantage d’importance aux valeurs et à la vision d’un partenaire qu’à son portefeuille. Il est donc primordial que les agences, tout comme les marques, intègrent cette nouvelle approche au plus haut niveau décisionnel et ne la cantonne pas au “coin des geeks” comme c’est encore trop souvent le cas pour le digital.
Fred & Farid – CEO Co-Funder Fred & Farid Group – Business Angels Fondateur du FFDIF
La relation de proximité entretenue avec les annonceurs nous a permis de mesurer la difficulté à produire de l’innovation au sein de grands groupes. L’inertie est un obstacle à la constitution d’un terreau favorable à l’innovation. A l’inverse, les startups disposent de l’agilité indispensable à l’émergence de produits ou de services disruptifs. Pour rapprocher ces deux mondes, nous avons créer au sein de l’agence un fonds d’investissement digital, passerelle entre un portefeuille de startups et un portefeuille de marques. Nous investissons dans des technologies et des services susceptibles d’accompagner la transformation digitale de nos clients.
Matthieu de Lesseux, co-président de [tag]DDB Paris[/tag]
Nous sommes là, au cœur d’une idée fausse mais qui se veut être « cool ».
C’est « cool » aujourd’hui d’être une agence ou une marque qui laisse penser qu’elle travaille avec des startups. Cela génère une image de modernité, d’ouverture et d’innovation. Mais la réalité est toute autre.
Qu’est-ce qu’une startup ? C’est une très jeune entreprise ayant procédé (ou non) à une seule levée de fond et étant au départ de son aventure entrepreneuriale. Elle est donc très fragile, obnubilée par sa survie et l’aboutissement de son business plan. Une startup n’est donc pas totalement adaptée pour entrer dans les moyens de production d’une agence. Néanmoins, est apparue il y 3 ans une nouvelle méthode de travail qui permet aux agences de collaborer avec des startups via le hackathon. Il s’agit de réunir une communauté de startupers autour d’un brief très précis et de leur laisser deux jours (délais très courts) pour proposer des idées de services digitaux, prototypés et réalisables pour la Marque. Cela permet de mieux appréhender de nouvelles façons de travailler, d’apporter une forme d’innovation. L’agence et la marque en bénéficient, et les startups gagnantes acquièrent un supplément de notoriété pouvant faciliter les prochaines levées de fonds. Toutefois, les problèmes de propriété et de droits d’auteurs restent entiers. Qui de la marque ou de la startup possède la paternité du service ?
Enfin et pour ma part, je crois que l’innovation doit venir de l’interne, de la culture de la Marque. Ce doit être au centre de ses préoccupations et de son organisation marketing. Elle ne doit pas la déléguer mais simplement se nourrir de l’extérieur pour la développer.
Yann Dacquay, président d’Evolve
Digitaliser, pour une organisation installée c’est une magnifique occasion de se réinventer sans renier son esprit, sa culture, son histoire et sa maitrise technique. C’est avant tout savoir s’adapter à un individu média, consommateur citoyen, multi-facettes. A l’instar des start-ups que nous accompagnons et comme le dit David Butler (VP innovation chez Coca-Cola), nous cherchons à participer à l’éclosion progressive de scale-ups, c’est-à-dire accompagner des marques, des entreprises et des institutions qui se servent du digital pour faire évoluer profitablement leur modèle économique et marketing.
Qu’est-ce que la culture startup a apporté aux agences ?
Laurence Gabriel, fondatrice de Gen-G
Dès 1998, l’esprit startup a influencé l’organisation et les méthodes des agences.
Le temps et l’efficacité des actions menées sont devenus des paramètres centraux. Le mode de collaboration inter-équipes/expertise a eu un impact sur le management et l’organisation même de l’entreprise. Les politiques RH ont évolué et l’intégration de profils hétérogènes s’est développée.
Julien Fernandez, digital strategist / social media manager chez Babaorum
Avant de répondre à cette question, qu’est-ce que la culture startup ? Si je peux en donner ma définition, l’agilité est le maitre mot de cette culture et cela change considérablement les règles du jeu.
Avant, la « bataille de l’attention » se livrait en les gros et les petits annonceurs. Cette même bataille se livre maintenant entre les rapides et les lents, et c’est là que cela devient intéressant.
Un petit annonceur peut tout à fait faire vaciller un « gros » grâce à son agilité, à sa capacité à itérer de manière très rapide et de part sa maitrise du digitale dans un environnement de plus en plus changeant.
Geoffroy Rosset, directeur du FFDIF
Le FFDIF nous a permis d’enclencher une mécanique vertueuse. Les start-ups bénéficient d’un soutien unique (financement, hébergement, mentoring, ressources). En retour elles nous permettent d’infuser la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat au sein de notre entreprise et de relayer les technologies de demain auprès de nos clients. Quant à la création de startups au sein de l’agence, nous nous inscrivons dans une dynamique légèrement différente en favorisant plutôt des logiques de co-construction associant startups, annonceurs et agence.
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
La première chose c’est l’instinct de survie. 3 startups sur 4 s’éteignent au bout d’un an. Avoir les crocs, croire en ses idées, et ne pas vouloir refaire ce qui a déjà été fait, c’est une hygiène de vie que nous devons tous adopter.
Vincent Roux, directeur et co-fondateur d’Intuiti
Fréquenter les startups est tellement salvateur pour une agence. Leur culture, leur mode de pensée et d’actions vous bousculent et vous inspirent. Cela vous oblige à vous regarder un tout petit peu le nombril et à vous demander si vous avez choisi le bon modèle. Modèle économique d’une part : leur scalabilité démontre que l’industrialisation du service est possible si tant est qu’il soit basé sur une technologie. Modèle managériale ensuite en mettant la fierté d’appartenance à une entreprise qui bouscule son marché, à un mode d’entreprise nouveau qui met le bonheur au travail en tête des préoccupations, mais aussi un modèle hiérarchique plat qui permet de libérer les énergies et les initiatives, ou encore dans le modèle d’agilité de l’organisation et des méthodes employées. Lorsque vous côtoyez ces talents, ces entreprises d’un nouveau genre, lorsque vous avez la chance d’en incuber quelques unes, tout cela infuse nécessairement dans votre entreprise. Intuiti embarque depuis 3 ans maintenant des méthodes de travail inspirées du lean, du design thinking, et s’applique chaque jour à se remettre en question.
Gilles Reeb, co-fondateur et directeur des stratégies de Uzful
Enfin, le besoin d’innover sans cesse pour les marques, de faire des choses qui n’avaient jamais été faites pour émerger, nous a définitivement ancré dans la culture startup. Pour réussir ces challenges, nous avons développé des process créatifs ouverts et courts pour valider une idée en seulement quelques jours, et nous nous sommes créé un écosystème qualifié, hybride, innovant, dans lequel nous avons particulièrement confiance.
Olivier Vigneaux, président de [tag]BETC Digital[/tag]
Il est toujours très fructueux pour les agences, et en particulier les agences digitales de regarder de près le monde des start-ups ; non seulement pour le renouveau économique qu’elles incarnent, mais aussi parce qu’elles sont en train d’inventer de nouveaux services, de nouveaux usages qui placent généralement le digital au centre.
D’abord, la culture du prototypage, ‘ship first, fix later’, autrement dit, la culture du lancement rapide de projets et du test & learn qui permet de sans-cesse optimiser et rectifier le tir. C’est une révolution culturelle pour ceux de nos clients qui doivent respecter de longs processus internes avant de lancer quoi que ce soit. La culture des start-ups doit nous aider à les faire évoluer.
En mettant les outils digitaux au cœur de leur réponse, pour donner plus d’ampleur à la proposition. Ça, c’est moins classique. Cette observation nous a inspiré une méthodologie de travail nouvelle chez BETC digital : ‘invent yourself the start-up that will kill you’. Nous faisons avec nos clients des workshops pluridisciplinaires pour les mettre en condition de travailler comme une start-up le ferait ; en se demandant simplement comment changer les règles du jeu, comment apporter de nouvelles réponses à leurs clients. C’est très rafraichissant.
Olivier Sebag, directeur général de [tag]Marcel[/tag]
La culture startup inspire chaque jour un peu plus le process de travail en agence : la recherche d’agilité et de réactivité, l’approche itérative sur les idées, le prototype ou le pretotypage, le test and learn.
A l’heure où le modèle de l’agence est largement questionné, les principes de la culture startup sont une source d’inspiration constante pour remettre de la valeur dans ce que nous offrons à nos clients. Chez moi, nous avons mis en place les comités innovation chez certains de nos clients qui permettent de tester à petite échelle des concepts de service qui sont ensuite améliorés puis généralisés lorsque cela est pertinent. Mais cette culture influence aussi les annonceurs dans leur façon de travailler. Par exemple, le groupe Mondelez a testé l’année dernière une approche inspirée de la culture startup sur le marché du chewing gum : le groupe a briefé 4 agences simultanément dans 4 coins du globe qui ont produit simultanément 4 campagnes très rapidement et sans pré-test pour un marché test. Les résultats sont immédiatement quantifiés en termes d’efficacité sur les ventes et sur l’image de marque. La campagne la plus efficace est celle qui est alors retenue comme campagne globale. Cette approche encourage aussi la prise de risque avec l’espoir d’un ROI plus important.
Matthieu de Lesseux, co-président de [tag]DDB Paris[/tag]
Les agences ont fondamentalement besoin de s’ouvrir au monde, aux technologies émergentes et aux nouvelles façons de travailler. Elles ne peuvent pas intégrer tous les savoir-faires et toutes les ressources pour délivrer leurs idées. Aussi, il est essentiel pour les agences d’observer finement les startups afin d’identifier celles qui réussiront pour s’en rapprocher, le moment venu. C’est le rôle des « creative technologist ».
Les agences ont-elles intérêt à créer leurs propres startups en interne, à les incuber ou les financer ?
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
Cela reste assez éloigné d’une culture courtermiste qui prévaut dans les agences mais bien fait cela peut s’avérer très riche. Le groupe Publicis, via le fond IRIS capital, finance des jeunes pousses et cela marche très bien !
Matthieu de Lesseux, co-président de [tag]DDB Paris[/tag]
Ce n’est ni leur rôle, ni leur mission ni leur business model. Les agences ne sont pas structurées pour incuber, financer et développer des startups. Nous faisons un métier de service, sous forte pression de nos clients et actionnaires qui ne nous autorisent pas à incuber ou à financer. Nous ne sommes pas structurés comme un fond d’investissement, qui est un autre métier. Nous devons faire preuve d’humilité sur notre savoir-faire.
Charlotte Bernigaud, responsable conseil & new business et Prescillia Leroy, directrice fondatrice de PPM
Pour une agence comme PPM, il n’est pas question de créer nos propres startups en interne, ou de prendre des parts et/ou un success fee généré par les campagnes mises en œuvre pour eux, puisqu’ils représentent 100% de notre clientèle. Par conséquent, ce modèle ne serait pas viable.
Pour un grand groupe de communication, la question doit en revanche se poser dans un cadre précis et ne doit pas simplement dépendre de l’effet de mode et de l’engouement du moment pour les startups.
C’est surement la meilleure solution pour répondre à la quête d’innovation actuelle, mais à terme, quelles seront les connexions avec le core business ? Les collaborateurs actuels ne sont-ils pas aussi une ressource créative ? Quelle place pour ces innovations au sein de l’agence dans 5 ans ? Quels risques pour l’image de l’agence et de ses annonceurs en cas d’échec ?
Julien Fernandez, digital strategist / social media manager chez Babaorum
Incuber une startup qui apporte une forte valeur ajouté sur un marché peut-être très bénéfique pour l’agence et la startup. La startup apporte sa technologie à l’agence, et l’agence transmet son savoir et son réseau à la startup. C’est par exemple ce qu’a voulu créer l‘AACC avec le Startup Project. Concernant la création de startups ex-nihilo, ce n’est pas pour moi le rôle d’une agence. Néanmoins, j’encourage les équipes à travailler et créer des projets qui sortent de leur travail de tous les jours. Cela est source de créativité, de cohésion et tout simplement d’amusement. Pourquoi ne pas s’associer à un projet GitHub ou Makesense par exemple ?
Guillaume Ruckebusch, Partner / General Manager de DPS & co
Je pense que l’agence a intérêt à incuber certaines startups dans un laboratoire sans oublier d’accompagner ses propres collaborateurs ayant des projets de création. DPS&Co a pris le parti d’être incubateur dans la dimension « conseil » et « partenariat ». En ce sens, nous ne finançons pas de startup mais les accompagnons dans leur développement et parfois leur ouvrons même un « portefeuille » de clients avec une logique win-win.
Laurent Habib, président-fondateur de Babel
Babel a développé au sein de la Communauté Babel une politique de partenariats avec des entreprises innovantes, dont l’activité est connexe aux métiers de la communication (champ du consulting, de la création artistique et de la production 3D…). Ce système de communauté permet d’acquérir des startups en leur apportant un environnement favorable – humain et commercial – et en prenant 20% des part. Pour les startups, ce système permet de préserver la flexibilité et la liberté des petites structures tout en leur offrant une véritable opportunité dans leur dynamique de développement. Pour Babel, cette démarche partenariale très active permet de s’entourer des meilleurs experts venus de tous horizons. Elle lui permet de repousser les frontières de ses métiers, étendre ses capacités professionnelles, développer des offres inédites sur le marché et créer de la valeur pour ses clients.
Jean Patrick Chiquiar, président, et Sacha Lacroix, DGA de [tag]Rosapark[/tag]
Quand on observe le marché de startups, on se rend très vite compte que bon nombre des fondateurs viennent de la communication. Il est indéniable qu’en agence, il y a tous les ingrédients pour monter en interne des startups : les idées, les talents, la motivation..
Créer une startup dans l’agence, c’est un peu comme si on bordait un projet qui, par essence doit être « out of the box ». Une startup dans l’agence, ça devient un projet d’agence, plus une startup. En tant qu’agence, on doit par contre stimuler les idées et la créativité.
Effectivement, cela peut passer par l’incubation et le financement. Mais surtout, on peut pousser nos talents à cultiver leurs idées et à monter leur projets en parallèle. On est toujours fiers de voir quelqu’un qui quitte le nid pour voler de ses propres ailes, et d’avoir contribué à son épanouissement. D’ailleurs, on en a un exemple à l’agence. Paul-Henri Masson, un ancien AD chez nous, a tout quitté pour monter son enseigne de chocolat [ndlr : Le chocolat des Français). Sa recette : du chocolat de qualité, pour les touristes, qui donne un autre regard sur Paris, distribué chez Colette. Son idée, c’est un bon produit lié à un concept de communication. C’est vraiment plaisant de voir que tout ce qu’il a appris chez Rosapark lui a permis de nourrir son propre projet.
Olivier Sebag, directeur général de [tag]Marcel[/tag]
Wieden+Kennedy a lancé il y a 4 ans le projet PIE : Portland Incubator Experiment dont l’objectif est d’héberger des start ups sélectionnées avec certains clients clés de l’agence (Target, Nike, Coke…) en fonction de ce que ces clients considèrent pertinents par rapport à leurs enjeux. Ces clients détachent des mentors qui accompagnent ces startups pendants quelques mois et cela peut se solder par une prise de participation, un contrat etc…
Publicis a créé à Londres le « Drugstore », en partenariat avec The Trampery, un espace de rencontre entre les startups et les clients du groupe.
Sébastien Fernandes, CEO de l’agence BAGS
Il faut en revanche disposer d’effectifs, d’espace et d’un vrai service de suivi pour que les start-up soient bien conseillées et dans de bonnes conditions pour évoluer
Nous avons fait le choix de travailler avec des incubateurs comme La Gaité Lyrique / Créatis, Paris-Dauphine / D-Incubator…
Luc Wise, Directeur Général en charge des stratégies et Stephan Schwarz, Directeur du digital, [tag]Herezie[/tag]
Chez Herezie, nous sommes très sensibles à la question du financement des startups. Nous avons, en lieu et place des traditionnels vœux d’agences, crée un dispositif digital qui permettra le financement d’une startup innovante dans le secteur de la communication. Les twittos, par le biais de leurs tweets ont permis à la cagnotte, financée par Herezie, d’atteindre plus de 22 000€.
Mathieu Ferel, directeur associé d'[tag]ESV Digital[/tag]
La tendance est à la consolidation, donc c’est aussi un moyen intelligent de faire de la croissance externe sans payer forcément un prix trop important.
Depuis 2 éditions, SXSW semble être le festival international le plus couru par les agences françaises. Y avez-vous déjà participé ? Qu’en avez-vous retenu ? Les festivals publicitaires classiques doivent-ils s’en inspirer ?
Luc Wise, Directeur Général en charge des stratégies et Stephan Schwarz, Directeur du digital, [tag]Herezie[/tag]
C’est un festival unique, qui mélange musique, film et innovation. Depuis quelques années, on parle beaucoup de l’innovation, mais c’est ce côté très organique du festival qui en fait son charme. C’est aussi typique de la vision américaine de la startup : au cœur de la société, au cœur de l’entertainment.
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
Le plus frappant est la façon dont la culture digitale est devenue une culture en tant que telle, avec ses codes, ses stars, ses référents. L’un des avantages de SXSW est de ne pas être dans l’auto-célébration. Pas de remise de prix, pas de formalisme. On y retrouve une forme de désinvolture hippie assez marrante. Mais cela bouillonne et on apprend beaucoup en y participant.
Jean Patrick Chiquiar, président, et Sacha Lacroix, DGA de [tag]Rosapark[/tag]
Dans les faits, les agences qui maitrisent la culture digitale n’ont pas grand chose à y apprendre. Les conférences sont plutôt faites pour appréhender cette culture et pour ouvrir l’esprit de ceux qui n’ont pas encore opéré leur transformation digitale. En revanche, il est clair que le SXSW est « the place to be » pour réseauter, tisser de nouveaux liens et créer du business. Ce qui est assez dingue avec le SXSW, c’est aussi la mixité des genres et des cultures qu’embrasse le festival. Il n’y a pas un festival, il y en a des dizaines. D’aucuns y viennent pour apprendre, d’autres, on se le disait, pour réseauter ou se montrer. Il y a un vrai esprit, semblable à touts ces manifestations cultes grand public comme le Burning Man ou consors. Seul le SXSW parvient à faire dépasser le cercle professionnel, et à résonner autant sur le grand public. En cela, il mériterait d’inspirer nos festivals publicitaires classiques.
Olivier Vigneaux, président de [tag]BETC Digital[/tag]
L’année dernière, où les ‘big datas’ étaient au cœur de nombreuses interventions, j’ai été frappé par un paradoxe intéressant : le monde entier s’inquiète de l’usage qui peut être fait de nos informations personnelles, et les activistes attirent l’attention sur la nécessité de la protection des données des individus, la cause est entendue. Et pourtant, dès lors que l’on regarde de près les incroyables bénéfices que chacun peut tirer du partage de ses données personnelles (en particulier celles qui concernent la santé), on comprend que les gens soient, au fond, beaucoup plus prêts qu’on ne l’imagine à partager beaucoup d’informations, en dépit de toutes les mises en garde. Voilà le type de paradoxes, questions que SXSW soulève. Cela fait du bien.
Matthieu de Lesseux, co-président de [tag]DDB Paris[/tag]
Notre filiale, la Digital University, y participe depuis maintenant 2 ans. Sa mission est d’accompagner ses clients, au travers d’un « learning trip », pour leur faire découvrir le meilleur du SXSW et les faire travailler sur les enseignements à en tirer pour leur business.
Tiphaine du Plessis, Directeur associée chez [tag]BETC Paris[/tag], responsable du BETC Start up Lab
Nous avons réalisé toute la communication autour de la présence française à SXSW l’an dernier. Nous organisons sur le French Tech Pavillon des premières sessions de mentoring pour toutes les start ups qui le souhaitent au travers de ce que nous avons appelé les « Speed Branding Session ». Nous participons aussi à la sélection des start-ups françaises qui sont présentées à SXSW et leur proposons un accompagnement pour les aider à clarifier le pitch qu’elles feront sur place.
Au travers des centaines de conférences qu’il propose et des speakers de haute qualité qu’il réunit, nous sommes bousculés, challengés, nourris et nous repartons à chaque fois avec beaucoup de questions à creuser et des pépites d’inspiration précieuses pour faire progresser notre réflexion avec nos clients, start-ups comme annonceurs établis.
Elisabeth Billiemaz, DG et Guillaume Cartigny, Creative Technologist de [tag]Les Gaulois[/tag]
Un peu plus éloigné des Startups, sur le papier, il y’a aussi Resonate que nous affectionnons particulièrement. Ce festival est plus orienté sur les artistes et le design, mais toujours autour de la techno. Et surtout, c’est comme SXSW un festival de DOers.
Les festivals publicitaires classiques sont sur un autre modèle. On est là pour célébrer, festoyer, moins s’inspirer. Et si l’innovation commence à pointer le bout de son nez, ça reste marginal, et la parole reste donnée, la plupart du temps au mastodonte de l’industrie digitale.
Vous arrive-t-il d’avoir des startups comme clients ?
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
Oui, c’est même une nécessité ! Déjà, quel plaisir d’avoir un accès immédiat au CEO, d’être connecté à la stratégie sans formalisme.
Elisabeth Billiemaz, DG et Guillaume Cartigny, Creative Technologist de [tag]Les Gaulois[/tag]
Quand on travaille avec des startups, on doit pouvoir lancer un produit fonctionnel, mais dont le périmètre n’est pas forcément complet. Pour tester un principe, pour tester son marché, … Et in fine le faire évoluer. Ce n’est pas si facile pour une agence d’admettre qu’on lance un objet de communication, mais que celui-ci n’est pas définitif et va évoluer, au fil du temps, quitte à devenir très différent de ce qu’il était au début. Et surtout, d’accepter que ce cycle de vie va se dérouler au vu et su du public.
En terme de relation client, la culture startup nous amène aussi à remonter sur des sujets qui touchent plus le business model de nos clients.
Parfois, un projet de communication innovant mène à un projet plus global qui touche le cœur de métier de nos clients, ce qui nous amène à travailler directement avec des CEO et plus uniquement avec des directions de la communication.
Sébastien Fernandes, CEO de l’agence BAGS
Il faut avoir cette culture entrepreunariale comme ADN, sinon la proximité et la confiance entre les entités ne prend pas.
Une start-up est une entité fragile – tant humainement que financièrement – qui tient une partie de sa réussite à la participation des agences non pas comme prestataires, mais comme partenaires, voir même quasi membres du projet.
Laurence Gabriel, fondatrice de Gen-G
Notre rôle leur est souvent crucial car nous les aidons à se valoriser en les aidant à clarifier leur positionnement, définir leur ADN, leur identité de marque et élaborer un plan de communication adapté à leurs besoins.
Charlotte Bernigaud, responsable conseil & new business et Prescillia Leroy, directrice fondatrice de PPM
Nous collaborons avec eux pour créer leur image, installer leur présence médiatique, bâtir leurs stratégies de communication et d’influence et leur donner une légitimité et une attractivité sur leur marché auprès des annonceurs.
La culture startup remet l’agilité et la créativité au cœur des agences. « Tout est possible » pour ces créateurs, il n’y a pas de limités imposées. «Aller conquérir le monde » donne au quotidien une liberté d’action qui pousse les acteurs et collaborateurs de l’agence à se décomplexer et à reprendre des risques en terme de communication et de business.
Julien Fernandez, digital strategist / social media manager chez Babaorum
De quels types de startups parlons-nous ? Celles qui ont déjà fait une levée de fond ou pas encore ? Pour celle qui n’ont pas encore fait de levée, c’est assez compliqué de travailler avec elles, tout simplement car elles n’ont pas de budget. Cela va également contre la pensée lean startup, soit dépensé peu de temps et d’argent en phase de création.
Vincent Roux, directeur et co-fondateur d’Intuiti
Le mode lean startup ne convient pas aux agences habituées à délivrer du mode projet avec un début et une fin de prestation.
Jean Patrick Chiquiar, président, et Sacha Lacroix, DGA de [tag]Rosapark[/tag]
Tout l’enjeu, c’est de trouver un deal qui conviennent aux deux parties, qui soit « win-win ». Par exemple, en rentabilisant le temps passé si la startup cartonne, avec un incentive proportionnel à sa réussite.
Fred & Farid – CEO Co-Funder Fred & Farid Group – Business Angels Fondateur du FFDIF
Au delà de la relation investisseur que nous pouvons avoir avec les startups de notre portefeuille, nous avons été amenés à travailler avec certaines d’entre elles en convertissant des prestations d’agence de créativité digitale contre du capital dans la société, selon des modalités d' »advertising for equity ». C’est le cas récemment pour des sociétés comme Wezzoo, GOV ou Markelys.
Par ailleurs, la compréhension plus fine des enjeux de communication d’une startup a permis à Kids Love Jetlag (agence du groupe Fred & Farid) de construire une offre dédiée aux startups. Une offre « packagée » sur un temps court qui s’adresse aux startups ayant la nécéssité de mettre en ordre leur plateforme de marque et leurs outils de communication pour « scaler » leur modèle.
Denis Gancel, président fondateur de W
Oui, à condition d’avoir une offre adaptée, qui réponde à une question précise. Chez W, nous sommes en pleine préparation d’une offre centrée sur la marque et la valorisation du capital immatériel à destination des startups, afin qu’elles puissent bénéficier du capital expérience des équipes W dans un cadre informel et adapté.
Sébastien Fernandes, CEO de l’agence BAGS
Les budgets sur la communication sont repartis différemment par rapport des grands comptes, mais ces budgets évoluent au fur et à mesure des tests, et de la preuve du ROI. Il ne faut pas oublier qu’une start-up, à ses débuts, dispose de fonds limités et que la réussite des actions permet de présenter des matrices Roiste dans les business plan qui nourrissent les levées de fonds
Nous avons fait le choix de créer BAGS-UP, une offre dédiée aux start-up ou les prix sont “packagés”. Cela permet deux choses :
– Donner une vraie visibilité et une transparence aux start-up : comme elles le sont avec nous en nous parlant de leurs projets
– Et leurs permettre d’avoir une notion de coût pour leurs business plan. Le marché étant un peu opaque sur cette notion, ce qui fait que des fois les business plan sont un peu déséquilibré. Nous avons voulu résoudre cela.
Tiphaine du Plessis, Directeur associée chez [tag]BETC Paris[/tag], responsable du BETC Start up Lab
Chaque jeudi nous proposons avec le BETC Start up lab des sessions de mentoring aux start-ups qui le souhaitent
Nous avons travaillé ainsi au repositionnement d’Open Classroom (ex site du zéro) ou au lancement de HelloMerci la seconde plate-forme de KissKissBankBank et nous travaillons en ce moment avec Gemmyo (un jeune joaillier) , Le Petit Ballon (un service d’abonnement qui vous permet de découvrir les vins que vous aimez), Polabox (un service mobile pour donner vie à toutes ses photos), Overade (un ingénieux casque de vélo pliable qui se fait tout petit ) ou encore Dayuse (location de chambres d’hôtel en journée).
Gilles Reeb, co-fondateur et directeur des stratégies de Uzful
Accompagner des startups en tant qu’agence habituée à travailler avec de grandes marques n’est pas simple. Les startups ont des contraintes de taille : un rythme en quasi temps réel, des moyens financiers beaucoup moins importants et un manque de disponibilité des ressources internes qui sont souvent au four et au moulin. En revanche, elles ont également des avantages de taille : des circuits de décision courts, une connaissance du digital et des expertises très pointues et une capacité à prendre des risques impressionnante.
Mathieu Ferel, directeur associé d'[tag]ESV Digital[/tag]
Une agence recherche souvent des grands comptes. Une startup est donc pour une agence un pari sur l’avenir, car les moyens marketing d’une startup Française sont parfois limités
Le problème se pose moins aux U.S., car les levées de fond sont énormes et les moyens marketing mis en place sont colossaux.
Julien Terraz, Head of Creative Tehnologist du LAB DigitasLbi
Pour notre part nous avons développé un modèle un peu diffèrent : nous travaillons avec les startups sur un partenariat où elles nous apportent innovations et technologies et en retour, nous leur apportons une aide sur leur communication.
Luc Wise, Directeur Général en charge des stratégies et Stephan Schwarz, Directeur du digital, [tag]Herezie[/tag]
Il y a 10 ans les startups avaient une certaine défiance culturelle envers la publicité traditionnelle. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui : de nombreux pure-players, acteurs digitaux ont recours à tous les leviers de la communication. Après c’est une question d’objectifs et de taille d’origine. Une startup comme Blablacar qui lève 73 millions d’euros devient une entité qui doit se faire connaître. Faire appel à une agence de communication prend alors tout son sens.
Les startups communiquent peu via des campagnes, mais se focalisent le plus souvent sur l’expérience utilisateur et l’innovation, génératrices de croissance et de viralité. À terme, les agences de communication vont-elles davantage orienter leurs conseils sur l’innovation, et potentiellement produire moins de campagnes ?
Elisabeth Billiemaz, DG et Guillaume Cartigny, Creative Technologist de [tag]Les Gaulois[/tag]
Oui, nous allons clairement orienter nos propositions sur l’innovation, nous le faisons déjà, mais uniquement quand cela peut apporter de la valeur à nos clients. Le marché n’est pas loin d’arriver à saturation en terme d’innovation à tout va. Il va falloir se recentrer sur de l’innovation utile, de la création de valeur et pas uniquement de l’innovation pour de l’innovation. Cela ne devrait pas avoir d’impact sur les campagnes, il y en aura toujours, et l’innovation doit apporter autre chose.
Olivier Sebag, directeur général de [tag]Marcel[/tag]
Toutes les agences se rêvent conseil en innovation auprès de leurs clients. Mais le modèle classique n’a pas construit cette légitimité. Une communication plus innovante est une nécessité. Mais parler de conseil en innovation paraît présomptueux. L’approche « brand utility » rapproche les agences d’une démarche d’innovation par le service. Mais force est de constater que les vrais succès dans ce domaine sont rares.
Fred & Farid – CEO Co-Funder Fred & Farid Group – Business Angels Fondateur du FFDIF
Il est dans l’ordre des choses d’évoluer vers des modèles de créativité servicielle reposant sur plus d’innovation.
Dimitri Granger, Directeur Général PR & Social Media de Publicis Consultants
Je ne suis pas certain que le growth-hacking soit l’avenir de la communication corporate (à moins que, finalement), le modèle des « campagnes one-shot » est challengé et est de moins en moins dominant. Nous faisons du conseil en innovation, car la communication et l’influence sont facteurs de transformation pour les entreprises. Et l’innovation est partout.
Jean Patrick Chiquiar, président, et Sacha Lacroix, DGA de [tag]Rosapark[/tag]
Les startups naissent le plus souvent d’un insight reposant sur l’expérience utilisateur. Et quand une raison d’exister est tirée directement de la vie des gens, elle a toutes les chances de réussir.
Par contre, Expérience Utilisateur et campagnes ne sont pas à opposer. Elles sont mêmes indissociables. La preuve : si les startups ne communiquent pas à leur début, ce n’est pas par choix, c’est par contrainte. Quand elles lèvent des fonds, alors, elles communiquent. Alors oui, il est primordial de se focaliser sur le produit, de faire valoir l’innovation, d’intégrer l’expérience utilisateur dans notre réflexion et d’infuser cette réflexion auprès de nos clients mais n’oublions pas que sans communication, un produit ne rencontre pas son public.
Mathieu Ferel, directeur associé d'[tag]ESV Digital[/tag]
La réalité est entre les 2. L’innovation ne peut plus se passer complètement de médiatisation. De plus ce qui était viral il y a 3 ans l’est beaucoup moins aujourd’hui.
La viralité qu’on arrivait à fabriquer avant est beaucoup plus difficile aujourd’hui. Facebook par exemple fait tout pour diminuer le reach. Le earned média a tendance diminué progressivement et les inventaires comme youtube, Facebook ou Twitter veulent tout monétiser.
Il faut donc penser à la fois à des opérations marketing innovantes, créatives mais les soutenir avec du média bien pensé et bien structuré, drivé par des objectifs de performance.
Olivier Vigneaux, président de [tag]BETC Digital[/tag]
D’abord, je ne crois pas que l’on aura besoin, demain, de moins de campagnes qu’avant ; ce n’est pas parce que la technologie se fait plus présente dans nos vies que le besoin de campagnes pour faire connaître un produit, un service, quoi que ce soit, sera moindre. C’est le métier de la publicité, et il n’est pas prêt de disparaître, dans un monde où l’attention est un bien de plus en plus précieux.
En revanche, le digital nous conduit aussi à nous poser de nouvelles questions passionnantes liées à « l’expérience utilisateur ». Les interfaces digitales deviennent des points de contact importants pour créer de la valeur, et surtout pour dire quelque chose d’une marque. De nouvelles questions se posent : on doit se demander comment traduire l’univers d’une marque, sa vision, sa singularité, à travers chaque petit moment des expériences qu’elle délivre. C’est de ‘l’experience design’ comme le disent nos collègues américains.
C’est d’ailleurs ce que les marques digitales ont bien compris depuis bien longtemps : la qualité, la beauté, l’évidence de leurs interfaces est leur meilleure carte de visite et exprime leur identité. Tinder est Tinder à cause du fameux ‘swipe’, Instagram ne serait pas Instagram sans le ‘double tap’ pour liker facilement les photos qu’on aime, et tout le monde a toujours loué l’évidente simplicité du site d’Airbnb à la fois pour rassurer et donner envie des lieux proposés.
L’expérience que nous avons menée récemment avec le formulaire d’inscription en ligne de Canal plus en est aussi un bel exemple : d’un moment par définition peu excitant comme celui de donner ses coordonnées avant de s’abonner à la chaine, nous avons fait une séquence de divertissement avec les fameuses Catherine et Liliane. Notre démarche était simple : remettre, au cœur d’un moment purement fonctionnel les valeurs de divertissement qui sont le propre de Canal.
Gilles Reeb, co-fondateur et directeur des stratégies de Uzful
Les agences vont définitivement “produire” moins de campagnes. Si l’on admet que la production pure sera de plus en plus intégrée chez l’annonceur, les agences devront revenir aux basiques du métier : les idées. La multiplicité des points de contact et les capacités de ciblage de plus en plus poussées qu’offre le digital vont également multiplier les expériences à produire, et donc les besoins en idées. Aux agences de revoir leurs modèles pour revenir à plus de créativité, plus de valeur ajoutée et finalement plus d’utilité.
Je ne pense pas que le conseil en innovation écrase la création de campagnes car l’innovation sera tirée par de très nombreux moteurs externes à l’agence, mais il est certain que les campagnes soient davantage conçues sous forme d’expériences, et que ces expériences nécessitent d’innover.
En tout cas, c’est clairement le cas chez Uzful où la majorité des dispositifs d’envergure (comme RemoteCTRL) ont demandé une part importante de R&D !
Denis Gancel, président fondateur de W
Pour reprendre Thierry Marx, l’autorité est de plus en plus fondée sur l’exemplarité, et les startups sont des adeptes du « et voilà » management* (la traduction française des Makers). C’est donc aux agences de s’adapter et de proposer des dispositifs de communication qui magnifient et valorisent ces formidables bouquets d’expérience que seules les startups savent assembler.
Quelles perspectives ?
Olivier Vigneaux, président de [tag]BETC Digital[/tag]
Le terrain de jeu s’est considérablement agrandi, il y a une infinité de nouveaux moyens de créer de la valeur pour une marque, et aucun moment de l’expérience ne devrait être laissé de côté. Ce d’autant plus que les datas nous éclairent de plus en plus sur les utilisateurs et nous permettent de proposer des expériences qui s’adaptent de plus en plus au contexte d’utilisation de chacun. Beau terrain de développement pour nous, non ?
Gilles Reeb, co-fondateur et directeur des stratégies de Uzful
En résumé, l’agence d’aujourd’hui (et surtout de demain) doit fonctionner en écosystème ouvert et évolutif, afin de multiplier les opportunités créatrices de valeur et développer de vraies spécificités. Elle ne peut pas s’endormir sur ses acquis car ils seront obsolètes dans moins de 2 ans.
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Crédit photo de groupe cc Nan Palmero