Avec en prime un tout-récent Grand Prix au One Show 2021.
C’est l’histoire d’un créatif coincé dans un bouchon. Le storytelling derrière la conception de cette innovation pourrait s’arrêter là, mais l’Emergency Bike est le résultat d’un tout autre alignement des planètes. Celle de la relation particulière entre une marque de vélo électrique, Ecox, et son agence et d’une grève inédite par son ampleur. De là est né un projet si vital et pertinent qu’il n’a pas eu besoin de campagne publicitaire pour rencontrer le succès et les récompenses.
Paul-Émile Raymond et Adrien Mancel, directeurs de créations de l’agence Wunderman Thompson, reviennent sur la création de ce vélo électrique prêt à révolutionner le monde médical, et à sauver des vies dans ce nouveau bilan de campagne.
Le contexte
La circulation à Paris est un sujet devenu sensible qui se confronte à bien d’autres problématiques. La capitale est l’une des plus denses au monde, devant New Delhi et New York, mais derrière Manille, Katmandou ou Bagdad, et la 4e plus embouteillée d’Europe. Chaque jour, elle est paralysée par plus de 200 km d’embouteillages. Le moindre grain de sable supplémentaire fait bondir les kilomètres de bouchons. Lors de la grande grève de la SNCF 2019-2020, « la plus longue de l’histoire de la SNCF », on recensait jusqu’à 700 km de bouchons paralysant Paris. « Un jour, un créatif bloqué dans un bouchon voit une ambulance bloquée avec lui, dans le trafic. Les connexions se font », expliquent Paul-Émile Raymond et Adrien Mancel, la team créative de l’agence Wunderman Thompson Paris.
En effet, l’agence compte parmi ses clients, Ecox, un réseau de magasins et ateliers spécialistes des vélos électriques. Et comme le précise le duo, au-delà de cette offre, « c’est un réseau de passionnés de mobilité urbaine, l’un des acteurs français de la transition vers une mobilité urbaine plus douce, plus écologique basée sur 2 plutôt que 4 roues. » « Et généralement, les passionnés veulent faire changer les choses. Cette transition dont on parle se déroule en ce moment, quoi qu’on en pense, et Ecox veut en être l’un des moteurs. »
Le brief était donc on ne peut plus clair : aider la marque à se positionner au-delà du simple vendeur de vélos électriques et montrer qu’elle imagine aussi des solutions adaptées de mobilité pour demain. « Le fameux “bien plus que”, mais entièrement justifié par leur raison d’être profonde. » Nous sommes fin 2019, les grèves et ses conséquences vont servir de starter. « Dans ces bouchons, il y a aussi des médecins urgentistes qui se rendent sur des lieux d’intervention chaque jour. Or, on estime qu’en cas de malaise cardiaque, chaque minute perdue équivaut à 10 % de chances de survie en moins. Dans ces conditions, le temps de réaction des médecins en ville est crucial. » C’est donc en plein trafic congestionné que l’Emergency Bike est née.
Quid de sa conception ?
« Ça a été un long et sinueux chemin, mais on peut dire que c’est la collaboration entre l’agence et la marque qui nous a fait franchir chaque étape, se souvient Thomas Derouault, directeur de la création de l’agence. Nous étions loin d’une relation “classique” entre une agence qui présente des PowerPoints à un client opérant des feedbacks, etc. » De l’aveu même de Wunderman Thompson Paris, ce projet a été plus organique : « Un projet où tout le monde met la main à la patte ; on relève les manches et on se motive les uns les autres à chaque étape : trouver un service d’urgence intéressé, collaborer avec ses médecins, réaliser et suivre un cahier des charges précis, designer et créer un prototype, trouver des solutions techniques, le tester, l’optimiser… un long chemin. »
Pour le service « test » à l’œuvre dans sa conception ce sera les Urgences Médicales de Paris qui utilisent aujourd’hui l’Emergency Bike dans les rues de la capitale.
Le case study
Les résultats
– 6 récompenses, dont un Grand Prix lors du One Show dans la catégorie In-House ;
– plus de 150 articles (presse spécialisée ou généraliste) et reportages TV, avec une grande couverture à l’international : comme ici dans L’Équipe, LBB online, Designboom ou Metro Belgique ;
– 50 vélos sont actuellement en circulation dans Paris ;
– Ecox fait face à une pénurie suite à une “énorme” demande ;
– de nombreux projets en cours et autant de prises de contact.
« Plus concrètement pour Ecox, il y a eu des centaines de prises de contact pour développer le projet de manière plus large. Beaucoup de gens les ont contactés : des gouvernements comme l’Inde ou Israël, des villes comme Los Angeles ou Moscou qui veulent développer leurs propres versions d’Emergency Bikes. Et bien sûr beaucoup de services d’urgences : des infirmières, des ambulanciers, des docteurs, des pompiers, et même l’armée suédoise », confient les directeurs de création de Wunderman Thompson Paris.
L’enthousiasme autour de l’Emergency Bike ne s’arrête pas là puisqu’en parallèle des marques de vélos et tech ont contacté Ecox pour proposer leur aide dans la conception des futurs Emergency Bikes (« work in progress »), ou parce qu’elles étaient intéressées de travailler avec l’entreprise dans le futur, « ce qui était l’un de nos objectifs à la base », se réjouissent Paul-Émile Raymond et Adrien Mancel. « Aujourd’hui la collaboration est toujours en marche. C’est un projet qui est destiné à durer sur le long terme et qui pour le moment, en est toujours à ses premiers tours de roue. »
– une V2 en développement avec d’importants partenaires, dont Bosch pour l’électronique.
« Après le confinement consécutif à la pandémie, les Parisiens n’utiliseront plus autant les transports publics. Ils seront nombreux à utiliser leur voiture, ce qui créera encore plus d’embouteillages, explique alors Mathieu Froger, PDG d’Ecox. Demain plus que jamais, les médecins auront besoin de vélos d’urgence. C’est l’occasion pour nous de changer la façon dont les services d’urgence sont fournis, et nous n’aurions pas pu le faire sans le soutien, le leadership et la mobilisation de l’équipe de Wunderman Thompson. »
Les clés de succès
– Sa simplicité
En une image, ou en une phrase, le concept de l’Emergency Bike se comprend.
– Une même vision agence-annonceur
« Partager une même vision avec son client, ça fait aller plus loin qu’on n’aurait pu l’imaginer, estime le duo créatif. Ici, nous n’avons pas réalisé une campagne pour un client pour vendre son produit ou son service, nous avons collaboré avec lui pour le pousser à faire ce qu’il savait le mieux faire et pour exprimer ce qu’il voulait exprimer. On a démontré leur savoir-faire de personnalisation en tirant à l’extrême un concept. Et sans jamais le médiatiser. Le produit était lui-même le média, et son image a fait le tour du monde. Ça a généré une émotion, une dynamique positive où tout s’est focalisé en un seul point, aussi simple que puissant : l’Emergency Bike. »
L’agence y voit une « douce ironie » puisque les médecins utilisaient déjà des vélos à la fin du XIXe. Logiquement puisqu’il n’existait pas encore de voiture, le vélo étant le moyen le plus rapide à l’époque. Puis les voitures sont arrivées, se sont multipliées, « jusqu’à ce que les villes grossissent et que les voitures se retrouvent pare-chocs contre pare-chocs pendant les ¾ de la journée sur les périphériques et autres rues aux quatre coins du monde… Et là, comme un retour aux sources, mais avec les moyens et technologies que nous offre l’époque, il y a un Emergency Bike qui passe devant une file de voitures bloquées dans un bouchon. C’est une image qu’on apprécie. »
– Son potentiel
« Au-delà de son côté publicitaire, des festivals, des RP, etc., il y a une histoire forte qui est en train de se créer autour de ce projet et d’Ecox, relèvent Paul-Émile Raymond et Adrien Mancel. Cette histoire a commencé avec les Urgences Médicales de Paris, mais elle peut être répliquée, améliorée, adaptée dans toutes les grandes villes de France et du monde. C’est ce qu’on commence à voir en ce moment et c’est l’une des choses qui comptent le plus. »