Young Lions : comment l’emporter à Cannes ?

Par Xuoan D. et Thomas B. le 25/06/2018

Temps de lecture : 6 min

Quand l'audace est récompensée d'un Silver.

Nous vous l’annoncions en mars dernier : dans le cadre du concours Meilleurs Espoirs RP organisé par le Syntec Conseil en Relations Publics, Raphaële Brachet et Jean Paoli (agence Weber Shandwick) ont été choisis pour représenter la France aux Young Lions PR des Cannes Lions. Et figurez-vous qu’ils repartent de la croisette avec un Silver ! Et ils ne sont pas passés loin d’un Gold, selon nos informations…

Ce succès est une première pour les relations publics françaises, dont les jeunes talents étaient jusqu’alors revenus de Cannes les mains vides. Comment s’est construit ce succès ? Comment ces « espoirs RP » se sont-ils préparés ? En quoi consiste la compétition des Young Lions PR ? Raphaële Brachet et Jean Paoli vous dévoilent les coulisses de leur succès cannois, où il est question d’Amnesty International, de racisme… et de sperme. (Vous avez bien lu !)
 

Comment s’est déroulée la compétition Young Lions PR à Cannes cette année ? Quel était le brief ?

Jean Paoli : Nous avons été briefés le lundi à 14 heures pour un rendu mardi à 19 heures.

Le brief portait sur une campagne contre le racisme pour Amnesty International. Le défi résidait dans le fait qu’Amnesty International est connue pour ses campagnes « one shot ». Nous devions au contraire ici trouver une idée qui s’inscrirait dans le temps.
 

Qu’avez-vous proposé  ?

JP : Les mentalités sont très difficiles à changer, d’autant plus auprès des personnes racistes. Un tweet xénophobe est publié toutes les 9 secondes par exemple. Il fallait donc trouver une solution concrète, pour attaquer le problème à la racine : comment peut-on en finir avec le racisme ?

Notre premier constat a été hyper logique : s’il n’y avait plus de « races » identifiables dans la société, il n’y aurait plus de racisme. Il faudrait donc parvenir à mélanger toutes les populations. Nous avons donc imaginé pour Amnesty la 1ère banque du sperme de la diversité. Il s’agit d’une banque du sperme dans laquelle il n’était possible de recevoir que des semences de personnes d’ethnies différentes.

Le gap est énorme entre l’association et une banque du sperme. Il s’agit de créer un monde sans racisme, sans race mais aussi un sujet de conversation. On crée ici une tension : est-ce que je peux accepter que mes enfants aient une couleur différente de la mienne ? Si je ne le peux pas, suis-je raciste ? Si je le peux, suis-je ouvert ?

L’idée était-elle trop osée ?

JP : Nous nous sommes dit qu’avec une trentaine d’équipes en compétition, il fallait quelque chose de surprenant pour sortir du lot. Il était évident que les autres équipes allaient proposer des idées avec de l’IA, des stunts avec Tinder, ou globalement l’intention de transformer la haine en amour. Nous avons supprimé toutes les idées qui nous venaient de ce type.

Raphaële Brachet : C’est une approche assez tactique de la compétition. On a re-challengés toutes nos idées en les testant sur les directeurs de création que l’on rencontrait. Après plus d’une journée de brainstorming, nous avons finalement eu l’idée mardi à 16h, pour un rendu à 19h. Mais nous savions que c’était LA bonne idée.

JP : Il y a une salle dans le palais des festivals pour que les participants aux Young Lions puissent « crafter ». On ne peut rien y apporter de l’extérieur, pas même une clé USB ! La plupart des équipes devaient y être depuis lundi. Nous y sommes arrivés à 18h pour un rendu à 19h, confiants que tout se jouerait sur la force de l’idée, et non sa réalisation.
 

Qu’est-ce qui a convaincu le jury de vous remettre un Silver ?

RB : Le jury dirigé par Ann Maes, Head of Influence chez Ogilvy Amsterdam et directrice générale d’Ogilvy PR, a pris le temps de bien de nous débriefer, ce qui était très appréciable. Ils ont salué le courage de notre proposition car cela pourrait être très controversé. Le jury a également noté que nous étions extrêmement bien préparés. Si on devait retenir trois mots-clés : courage, audace, préparation.

JP : C’est une pure campagne d’earned média. Elle va créer naturellement un débat mondial car le sujet est en tension. Un membre du jury nous a même dit : « You should have enormous balls if you want to make it real. »
 

Selon vous, qu’est-ce qui vous a manqué pour remporter un Gold ?

JP : L’équipe chinoise a gagné avec une idée d’IA. Ils avaient surtout un « craft » de fou, notamment sur le « one pager » de présentation de leur campagne. Leur idée était plus sage et reposait sur le principe d’une IA tolérante, n’apprenant qu’à partir d’un corpus de contenus bienveillants. C’est une réponse au problème actuel des intelligence artificielles qui peuvent devenir racistes en se reposant sur des données biaisées, comme ce fut le cas avec celle de Microsoft.

RB : Lors du brief, Amnesty nous a dit qu’ils étaient présents partout dans le monde sauf aux Émirats arabes unis et en Chine. C’est probablement un signe fort que de récompenser un pays où l’association n’est pas présente, avec des candidats qui ne connaissaient pas Amnesty.

JP : Leur campagne rebondit sur deux sujets d’actualité à la fois, pour tenter de renverser le racisme. C’est au final une idée très contextuelle.
 

Qu’est-ce que cette compétition vous a appris ?

JP : Cela a renforcé notre capacité à travailler ensemble. Quand on a que 24h, il faut se mettre d’accord très vite. Et au delà de la compétition Young Lions, tout ce que l’on peut voir en termes de créativité aux Cannes Lions challenge énormément nos propres idées et ce que l’on souhaite faire.

Ce Silver obtenu nous a montré que les idées subversives sont parfois payantes.

Aujourd’hui, tous les pays participants ont des concours de sélection similaires aux Meilleurs Espoirs RP organisés par la présidente du jury Isabelle Wolf pour le Syntec Conseil en Relations Publics. C’est la première étape, avec un concours se déroulant dans les mêmes conditions qu’aux Youngs PR Lions de Cannes mais sur 6h au lieu de 24h. Dans l’intervalle entre notre victoire au concours et Cannes, nous avons bénéficié de trois mois de coachings avec des dirigeants d’agences parisiennes ou encore des coachs pour les conférenciers TEDx.

RB : Nous avons été entraînés sur de nombreux sujets : le craft, la prise de parole en public, ou encore « l’elevator pitch » car nous n’avions que 5 minutes pour présenter notre idée et convaincre. C’est cette grande diversité que je retiens.
 

Qu’allez-vous rapporter à Paris ?

JP : Les Cannes Lions donnent envie d’imaginer des campagnes de qualité, avec des idées ultra-créatives. Nous pensons qu’il y a une bascule qui s’opère dans les RP. Nous sommes en train de passer de métiers traditionnels et très techniques à de la création. L’important aujourd’hui n’est pas connaître tous les journalistes, il vaut mieux avoir une idée qui les étonne et les fait parler d’une marque, même s’ils ne nous connaissent pas. Le but est de remettre les idées au cœur des RP. C’est un switch que l’on peut voir au niveau de la catégorie PR à Cannes. C’est aussi une ambition de notre agence, Weber Shandwick.
 

Quelle est la tendance RP sur laquelle vous auriez envie de parier ?

JP : Nous avons vu ces dernières années, beaucoup de campagnes « wake-up call » qui mettent en avant un problème de société. Citons par exemple Fearless girl ou Like a girl d’Always. Nous pensons que les très bonnes campagnes de demain iront plus loin, en passant du « wake-up call » au « call to action », en ayant un impact plus direct sur le sujet qu’elles dénoncent.

RB : La tendance revient aux prises de parole qui invitent réellement le public, qui l’engagent et le poussent à participer. Si cela n’est pas le cas, le public se sent distant, sensibilisé certes, mais pas acteur du sujet mis en avant.

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