Si vous avez déjà recherché "bonnes pratiques TikTok" sur Google, cet article est pour vous.
Créer de l’engagement, capter l’attention dès les premières secondes, concevoir une vidéo dans les codes de la plateforme à même de faire ami-ami avec son mystérieux algorithme… Toute marque désireuse de se lancer sur TikTok rêve de connaître la clé qui ouvrira la porte aux millions de vues. Sur TikTok, un bon contenu peut être synonyme de viralité foudroyante et de rupture de stock assurée.
Si vous avez déjà tapé « Best practices TikTok » sur Google, cette interview est faite pour vous. Marie Payet, directrice générale de Creative Lift, une intelligence artificielle qui « aide les marques à identifier les bons éléments créatifs pour maximiser l’excellence créative de leurs campagnes », et Fabien Gagnot, président de The Source, partenaire créatif officiel de TikTok (mais aussi de Facebook, Instagram, Snapchat, Google et Pinterest) lèvent le voile sur leurs secrets de production.
Vous êtes creative partner de TikTok, en quoi consiste ce rôle ?
Fabien Gagnot : The Source a été le premier partenaire créatif français de TikTok sur un total de 10 à travers le monde. La plateforme a besoin de recommander à ses clients des partenaires de confiance pour concevoir de bonnes créations sur la plateforme. Après avoir scanné le marché, ils nous ont testé et ont étudié les performances de nos campagnes avant de nous désigner creative partner. Pour le devenir, il faut déjà avoir produit un certain volume de contenus en plus d’avoir fait la démonstration de son expertise.
Ensuite, pour le partenariat en tant que tel : TikTok a tout intérêt à ce que l’annonceur dépense de l’argent, mais surtout qu’il le fasse sur de bonnes créations pour que les performances soient au rendez-vous. La plateforme développe des programmes pour mettre ses partenaires en relation avec des annonceurs et une équipe dédiée nous informe des dernières nouveautés.
De son côté, Creative Lift est, par capillarité, en relation étroite avec TikTok puisque la société est née de The Source. L’ambition de Creative Lift – connaître ce qui fonctionne sur une vidéo – intéresse évidemment TikTok pour obtenir des feedbacks.
Marie Payet : TikTok fait également appel à nous pour élaborer des études d’insights spécifiques sur de nombreux domaines, notamment par industrie. Actuellement, nous travaillons sur une étude concernant les best practices du secteur de la beauté fédérant les grands annonceurs de l’industrie. En partageant leurs TikTok produits jusque-là, nous nous nourrissons de cet historique multi-marques pour comprendre ce qui fonctionne ou pas.
Quels conseils donneriez-vous à une marque/annonceur qui se lance sur la plateforme ?
F.G. : Le point de départ est évidemment de respecter les codes. C’est une plateforme encore plus sensible que les autres à l’interruption publicitaire. D’un autre côté, elle reste assez bienveillante lorsqu’on joue bien le jeu. Il n’est pas rare d’avoir des commentaires disant “elle est trop cool cette pub”, ce qu’on ne retrouve pas sur d’autres réseaux plus matures.
Ensuite, qui dit respecter les codes dit – et il suffit de taper “Best practices TikTok” dans Google pour tomber sur les 5 mêmes réponses dans les premiers résultats – tout le monde fait pareil. TikTok est sur le chemin de la maturité, les annonceurs ont un an à un an et demi d’historique dessus, l’objectif aujourd’hui est de se différencier. Comment faire autrement et ne pas reproduire continuellement les fameux UGC (face caméra avec le produit) ? Au-delà des best practices bêtes et méchantes que tout le monde a, il s’agit justement de varier, de tester énormément de nouvelles choses et de se démarquer en s’appuyant sur les recettes de base.
M.P. : Nous devons produire de façon plus responsable avec une assise plus forte. L’IA, dont Creative Lift, permet d’aller plus loin que les quelques règles basiques connues de tous et donc de produire mieux, avec un bon ROI. Les best practices sont spécifiques par secteur, nous obtenons des learnings spécifiques par marque, par catégorie de produit et par industrie. Cela permet de construire des briefs “augmentés” aux équipes de production.
F.G. : Les apprentissages déjà obtenus sur TikTok ajustent également les best practices données/utilisées par tout le monde. Il ne suffit pas de se poser face caméra avec un produit : comment on le montre ? Le logo sur le produit suffit-il pour faire le branding ? Combien de fois doit-on citer la marque ? Ces learnings vont différer en fonction de la marque et de son objectif.
En 2022, nous avons produit environ 5 000 vidéos pour TikTok, cela donne du recul et permet de constater que si beaucoup de choses fonctionnent, cela n’a rien de linéaire. En organique ou en native, même si ce sont plus ou moins les mêmes logiques, une vidéo peut faire 50 vues un jour et une autre un million le lendemain. Auparavant, on parvenait à anticiper un peu mieux son reach moyen et son engagement, il est désormais très dur de prédire quoi que ce soit sur TikTok.
Les marques doivent-elles se comporter comme les utilisateurs ?
F.G. : Elles doivent faire comme les utilisateurs, mais en mieux du fait de leur statut de marque. Pour Peugeot par exemple, nous avons récemment réalisé un shoot avec un iPhone dans les codes de la plateforme, mais poussé extrêmement loin. Publier son making of fait partie des best practices puisque ce type de contenu marche parfois mieux que la production finale elle-même.
M.P. : L’une des premières questions que les marques doivent se poser concerne la place du logo et la façon de le brander : évidemment, sa tolérance sur la plateforme n’est pas évidente lorsqu’il est affiché de manière trop ostentatoire. Lors d’une précédente étude beauté, nous nous sommes rendus compte que la meilleure façon de jouer la marque était de faire un product focus, montrer et zoomer sur le produit. C’est une best practice qui provient des utilisateurs eux-mêmes.
Sur TikTok, il n’est pas nécessaire, voire même conseillé, de “bien” produire ses contenus pour correspondre aux codes de la plateforme. Évangélisez-vous les marques à ce propos ?
F.G. : Oui, les marques ont bien conscience de ça. Le travail d’évangélisation a été fait, notamment par TikTok : mettre leur publicité télé bien produite en verticale est proscrit. Le sujet est plutôt : à quel point les marques/annonceurs lâchent la bride et parviennent à se mettre dans les clous. Cela demande un peu de pratique, et comme ils ne savent pas faire, ils font confiance aux creative partners. Peu de clients nous disent quel contenu mettre sur TikTok et dans quelle direction aller.
M.P. : Les marques ont une meilleure prise de conscience du fait qu’elles ne sont pas censées être là et qu’il faut donc réinventer leur façon de s’exprimer.
F.G. : Les plus matures sur TikTok vont se demander comment rendre cela cohérent avec leur stratégie de marque. La question n’est plus de se demander s’il est pertinent d’y aller, puisqu’elles savent que c’est un vrai enjeu business – inclus dans un plan média conséquent. À ce stade, on affine beaucoup plus afin de se différencier d’autres marques du même secteur.
Comment bien/mieux produire sur TikTok ?
M.P. : En comprenant ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Je reviens sur l’intérêt de l’intelligence artificielle pour ça. Pour produire mieux et plus responsable, nous avons besoin de la donnée et donc de l’IA. Les best practices évoquées précédemment ne suffisent pas à se différencier des autres, il faut donc déterminer ce qui est spécifique à sa marque et va tirer la performance.
Dans l’étude beauté/make-up précédemment évoquée, on constate que montrer le produit face caméra est une best practice énorme. Pour une application mobile en revanche, il faut dissocier le traitement par rapport à Meta (Facebook) et avoir une approche créative totalement différente. C’est très intéressant de pouvoir comparer les deux plateformes et les learnings.
F.G. : Pour l’application mobile sur laquelle nous avons travaillé conjointement avec Creative Lift, nous avons appris qu’il n’était pas nécessaire d’enchaîner les plans. Pour inciter au téléchargement, il valait mieux inclure deux trois plans maximum sans imposer un rythme effréné, contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Ensuite, comment bien produire ? Il faut penser comme un créateur de contenu – ce qu’il ferait – et être très flexible sur les moyens de production. Même si la plateforme tolère peu le motion design, on peut tenter deux trois choses. Les contenus que nous gérons pour Netflix sur TikTok par exemple, sont conçus avec du motion à partir d’images de leurs propres séries. Le compte cartonne. Ensuite, il faut aussi s’allier avec des créateurs, les “augmenter” un peu avec des ressources pour élever le niveau, etc.
Toutes les possibilités de production doivent être mises sur la table car le défi de volume est énorme. Le budget des marques n’a pas évolué, mais il faut produire pour TikTok, Reels puis Shorts, avec le même budget.
S’il y avait une seule chose à éviter, qu’est-ce que ce serait ?
F.G. : Plaquer sa superproduction évidemment. Sinon faire du petit test et se forger une conviction dessus. Au départ, il faut produire beaucoup pour tester différentes approches. Les certitudes, le one shot test, c’est au petit bonheur la chance.
Il faut se lancer avec au moins 20 vidéos et plein d’approches différentes pour pouvoir en tirer des conclusions. Ensuite, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut éviter de dupliquer son contenu sur toutes les plateformes, mais je nuancerais légèrement. Évidemment, une vidéo feed Facebook ne va pas sur TikTok, les plateformes le disent elle-même : il faut faire du contenu spécifique (first) pour chaque plateforme. Toutefois, ce que l’on voit c’est qu’un bon TikTok fait un bon Reels et un bon Short. Trend spécifique à TikTok exclue évidemment.
Avec une création bien pensée, les mécaniques d’engagement sont similaires sur les trois plateformes. Il y a des efforts à mutualiser lorsque l’on est dans les mêmes formats, les mêmes façons de scroller et le même tunnel de navigation. Prenez les trois plateformes les unes à côté des autres, cachez le logo et tentez de les différencier !
Vous n’êtes pas dans le secret des Dieux de leur algorithme ?
F.G. : (Rires). Non, on sait ce qui est public. Le nouveau KPI que nous n’avions pas avant, c’est leX repeat rate : si un utilisateur regarde trois une même vidéo, cela va beaucoup influencer l’algorithme. Nous n’avions pas cela sur les autres plateformes. En étant creative partner, nous nous demandons comment travailler ce repeat rate : créativement, comment inciter les utilisateurs à revoir la vidéo ?
En quoi l’intelligence artificielle de Creative Lift représente un atout ?
M.P. : L’IA nous fournit des learning spécifiques à la marque et son industrie. Pour reprendre l’exemple sur la beauté, l’IA de Creative Lift peut déterminer la meilleure façon de jouer la marque sur cette plateforme avec ses propres codes. Pour cette étude, le créateur devait prononcer le nom de la marque une à deux fois dans les premières secondes pour travailler l’engagement du contenu. L’IA apporte du concret, un cadre, et ne se substitue pas à une small idea et des concepts TikTok first. La partie créative est assez libre une fois cela intégré.
F.G. : L’IA de Creative Lift permet d’aller au-delà des 5 best practices trouvées sur Google. Avec une étude réalisée par Creative Lift, c’est plutôt 20-25 points d’attention spécifiques à la marque qui nous sont délivrés. Une autre nous spécifait qu’il valait mieux shooter en indoor qu’en outdoor. Mises bout à bout, toutes ces données nous donnent des briefs augmentés. Charge à nous de trouver la bonne idée et la bonne manière de produire.
M.P. : On a aussi des learnings sur le style de musique à utiliser : plutôt rapide, lente, électronique, douce, etc. Est-ce qu’il faut mettre une voix off ou non en fonction de la problématique de la marque.
Creative Lift aide les marques à identifier les bons éléments créatifs pour maximiser l’efficacité de leurs campagnes. Y a-t-il des éléments communs à toutes les productions ?
M.P. : Certains éléments sont communs, notamment sur la place de la marque : typiquement jouer plein pot le logo ne marche pas. Après, on a rapidement besoin d’aller dans le détail selon la marque et son secteur.
L’étude beauté était un gros défi puisque nous faisions face à une multitude de typologies de marques : skincare, make-up, parfum. Nous étions obligés de sous segmenter, car ce qui est valable pour l’un, ne l’est pas pour l’autre.
F.G. : Pour l’aspect créatif, ce qui fait partie des choses communes c’est le fameux hook pour retenir l’attention de l’utilisateur dès les premières secondes. En revanche, nous sommes en train de réaliser un document sur le sujet et la meilleure façon de faire un hook : si on suit les conseils de Google, cela consistera à écrire une phrase, alors que chez The Source, on peut vous en proposer une cinquantaine.
L’IA entre-t-elle en concurrence avec les créatifs ?
F.G. : Pour l’instant ce n’est pas ce que l’on observe. Dans le cas Peugeot, le créatif qui a shooté avec l’iPhone a lui-même utilisé une IA – NeRF de Nvidia – pour supercharger sa créa. À partir de quelques photos, cela recrée la scène en 3D. L’IA a permis de faire une introduction très impactante.
Beaucoup de créatifs nous disent vouloir l’utiliser comme un outil, c’est plus un danger pour les designers graphiques selon moi. Pour les créatifs, c’est un outil pour aller plus loin, de la même manière que les créatifs utilisent After Effect pour monter une vidéo.
Quel est le mix créatif de demain ?
F.G. : Être bien informé. On a été au-delà des KPI’s des autres plateformes sur ce qui fait convertir dans les vidéos.
Le mix créatif de demain va changer tout le temps puisqu’il change déjà tous les deux mois. Ce n’est pas tant coller aux fameuses trends qu’aux tendances en général, celles qui plaisent aux utilisateurs. Le mix créatif ultime c’est se réinventer en permanence.