Le banger de 2025 ? Des vidéos tournées dans les bureaux des marques

Par Élodie C. le 06/02/2025

Temps de lecture : 12 min

Le futur des réseaux : moins de planification, plus d’expérimentation ?

Cette interview fait partie du numéro spécial social media de notre newsletter.

Fragmentation des médias et des audiences, codes sociaux et algorithmes changeants, innovation en roue libre… Dans un contexte effervescent, les marques doivent sans cesse s’adapter pour capter l’attention des publics et composer avec l’essor du format video-first, l’impact de l’IA sur la création de contenu et la nécessité de développer des stratégies toujours plus agiles pour émerger sur des plateformes ultra-saturées.

Dans le cadre de notre newsletter spéciale social media, nous avons échangé avec Fabien Gagnot, CEO et fondateur de chez The Source. L’agence, déjà aux manettes des comptes TikTok et YouTube de Netflix, s’est vu confier l’ensemble des plateformes sociales de la marque. L’occasion de revenir sur cette évolution, sur les tendances du social media en 2025 et sur la montée en puissance de l’IA.

Quel sera le banger de 2025 ? Spoiler : l’authenticité et l’instantanéité sont plus que jamais au cœur du jeu.

Vous avez remporté la gestion de l’ensemble des réseaux sociaux de Netflix, félicitations ! Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence dans votre approche pour remporter la gestion des réseaux sociaux de Netflix ?

Fabien Gagnot : Nous collaborons avec Netflix depuis plus de trois ans, d’abord sur TikTok où nous gérons leur plus gros compte français, puis sur YouTube. Cet été, Netflix nous a confié l’ensemble de ses réseaux sociaux, prenant le relais de l’agence Monks qui avait fait un excellent travail pendant près de dix ans. Ce choix s’appuie sur notre expertise ‘vidéo first’, essentielle aujourd’hui sur les réseaux sociaux, mais aussi sur notre capacité à produire des contenus authentiques avec agilité. Un autre atout déterminant a été la stabilité de nos équipes : la plupart des talents qui ont démarré sur le compte Netflix il y a trois ans sont toujours là, avec une expertise renforcée.

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♬ son original – NetflixFR – NetflixFR

L’approche que nous avons proposée a su répondre aux attentes de Netflix, notamment en matière de structure et d’organisation. Ce qui est intéressant, c’est que dans le cycle habituel des agences, après trois ou quatre ans, un annonceur a plutôt tendance à changer de partenaire. Netflix a, au contraire, choisi d’étendre notre collaboration, ce qui est une belle preuve de la qualité du travail accompli.

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Netflix fait figure d’exception en étendant sa collaboration avec vous. Les annonceurs sont-ils de moins en moins fidèles ?

F.G. : C’est un fait : la majorité des marques ne sont pas aussi stables dans leurs collaborations. Les changements de postes chez les annonceurs entraînent souvent des changements d’agences. De nouvelles expertises émergent sans cesse, poussant les marques à tester d’autres acteurs du marché.

Il y a aussi une guerre des prix : changer d’agence permet généralement de renégocier les budgets à la baisse. Netflix, de son côté, valorise notre approche « video first » et notre capacité à produire du contenu engageant, authentique et agile. Ce sont ces éléments qui ont pesé en notre faveur.

Le social media devient de plus en plus un moteur de l’identité des marques. Comment accompagnez-vous vos clients dans cette transition ?

F.G. : Le social media est aujourd’hui un levier incontournable pour les marques, mais il impose des exigences élevées, notamment en matière de volume de production. Que ce soit en organique ou en paid, la logique reste la même : les plateformes fonctionnent selon des algorithmes qui favorisent la quantité et la régularité. Mais générer du volume ne garantit pas le succès. Chaque contenu doit être pensé pour capter l’attention et percer individuellement, ce qui constitue un véritable changement de paradigme.

Ce paradoxe – produire en masse tout en maintenant un haut niveau de qualité – pousse les marques à revoir leurs stratégies. L’IA peut aider à accélérer et optimiser la production, mais elle ne suffit pas. L’authenticité reste une attente forte des audiences, ce qui oblige les annonceurs à tester, expérimenter et accepter que certaines vidéos fonctionnent tandis que d’autres feront un flop.

Dans ce contexte, la planification rigide perd en pertinence. Les marques doivent accepter de ne pas tout maîtriser, d’adopter une approche plus flexible et d’augmenter les budgets alloués à la production vidéo. Qu’il s’agisse d’IA, de créateurs ou de productions agiles, la vidéo coûtera toujours plus cher qu’un simple post statique, mais c’est aujourd’hui un investissement indispensable.

Aujourd’hui, la concurrence entre marques est féroce sur les plateformes sociales. Comment une marque peut-elle émerger dans un flux d’informations ultra-saturé ?

F.G. : Il faut sortir de la logique du calendrier éditorial figé. L’émergence passe par la réactivité et l’écoute des communautés. Aujourd’hui, les marques qui marquent les esprits sont celles qui ont un vrai parti pris et qui ne cherchent pas à simplement suivre les tendances. Il faut choisir ses batailles, et donc ses plateformes. Les briefs que nous recevons vont dans ce sens : on nous demande de définir une stratégie forte sur certaines plateformes clés, puis d’assurer un simple maintien de la présence sur les autres. Dans cet écosystème, YouTube occupe souvent la troisième place, tandis que Facebook et Twitter passent progressivement au second plan.

L’expérimentation et la flexibilité sont devenues clés, tout comme la capacité à produire du contenu rapidement et différemment. Nous avons par exemple travaillé avec Meta et des marques automobiles pour démontrer qu’il est possible de produire des contenus engageants en trois semaines, alors que les cycles traditionnels dans ce secteur prennent souvent huit mois.

Chez The Source, nous travaillons avec des focus groups en temps réel sur Whatsapp, comme pour Yop avec Gangstères, où une vingtaine de lycéens valident les contenus avant publication. Cela permet de s’assurer que l’on reste pertinent auprès des jeunes audiences.

Nous voyons aussi un retour du community management : pendant un temps, certaines marques l’avaient délaissé, mais l’engagement est un levier essentiel. Les gens veulent interagir avec les marques qui ont une vraie personnalité sur les réseaux. Mais cela ne signifie pas céder à toutes les tendances, il est essentiel de construire une identité propre et reconnaissable. Netflix, Ryanair, Duolingo ou encore E.Leclerc Pont-l’Abbé en sont de bons exemples : ils ont chacun un ton unique qui leur permet de capter et d’engager leur communauté de façon durable.

On observe une montée en puissance des contenus ultra-personnalisés et du community-driven content. Les marques doivent-elles lâcher du lest et laisser plus de place aux communautés ? 

F.G. : Les marques doivent vraiment écouter leurs communautés. Quand un commentaire suggère une idée, il faut la tester. L’interaction est essentielle. On observe un retour des commentaires et des échanges sur TikTok, ce qui montre que les audiences veulent plus qu’un simple like. Mais attention, quand un contenu est raté, les internautes ne se privent pas pour le dire. Il faut savoir encaisser, c’est le jeu.

Ensuite, l’engagement ne se limite pas aux réseaux sociaux organiques, il doit aussi être intégré dans le paid. Aujourd’hui, on analyse des milliers de commentaires pour identifier les véritables attentes des consommateurs et créer des publicités ultra-personnalisées. L’algorithme récompense le contenu pertinent, pas le simple volume. 

On réfléchit aussi aux nouvelles plateformes comme BeReal. Mais il faut les aborder avec authenticité. Sur ces espaces, une marque ne peut pas juste appliquer ses codes classiques, il faut accepter de jouer avec les règles des utilisateurs, quitte à leur laisser plus de place.

TikTok est devenue une plateforme incontournable, mais quels autres réseaux sont en train de monter en puissance selon vous ?

F.G. : Aujourd’hui, la majorité des briefs qu’on reçoit des marques tournent autour d’un réflexe : penser ‘TikTok first’. L’idée, c’est que si ça marche sur TikTok, ça marchera aussi sur Instagram Reels et YouTube Shorts, qui sont des copies du format. Et souvent, on constate même que les contenus adaptés à ces plateformes performent mieux sur Instagram et Shorts que sur TikTok lui-même.

Twitter (X), en revanche, est un vrai point d’interrogation. Avec son évolution récente, on sent que certaines marques hésitent à continuer, voire envisagent de l’abandonner complètement. BeReal, en revanche, suit une logique cyclique qu’on a déjà observée : les jeunes délaissent Instagram parce que leurs parents s’y sont installés, se tournent vers TikTok, puis cherchent un espace encore plus exclusif et authentique. BeReal répond à ce besoin avec son concept de photos instantanées non filtrées. Pour les marques, c’est une opportunité intéressante à condition de jouer vraiment le jeu de la spontanéité.

Prenez Netflix : on pourrait imaginer un BeReal capturant « accidentellement » un écran en arrière-plan qui dévoilerait une nouvelle saison en préparation. Ce genre de storytelling, qui joue sur l’instantané et les coulisses, pourrait parfaitement fonctionner sur cette plateforme

Avec l’essor de l’IA générative, comment équilibre-t-on la créativité humaine et l’optimisation algorithmique ?

F.G. : Nous avons un parti pris clair : ce qui se passe à l’image doit rester le plus authentique possible. En revanche, nous utilisons l’IA pour accélérer certains processus : en amont pour générer des idées, et en aval pour optimiser et dupliquer les contenus. L’optimisation, c’est ce qu’on utilise en paid : on teste, on ajuste en temps réel, on change les trois premières secondes si elles ne captent pas l’attention, on adapte le contenu pour améliorer la conversion. C’est un travail hyper agile.

Côté génération, on est dans un paradoxe : on attend des marques qu’elles soient ultra-authentiques, mais en même temps, l’IA promet de produire du contenu plus facilement et plus vite. Notre approche, c’est de garder ce qui est visible à l’écran le plus authentique possible, et d’utiliser l’IA pour accélérer les process, optimiser la production ou ajouter des éléments ponctuels.

Par exemple, nous avons utilisé l’IA sur une campagne Toyota : la vidéo commence dans un garage filmé de manière très réaliste, puis bascule brièvement dans un univers généré en IA avant de revenir au réel. Cela crée des surprises et de l’impact.

Une des tendances qu’on pousse, c’est de récupérer bien plus que de simples vidéos des créateurs avec qui on collabore. Au lieu de leur commander un seul contenu, on leur demande des rushs bruts, qu’on va ensuite monter différemment grâce à l’IA. Ça nous permet de multiplier les formats, de tester plusieurs versions et d’exploiter à fond le travail de création tout en restant authentique.

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’authenticité. Comment éviter l’écueil d’un contenu trop formaté par l’IA ?

F.G. : Pour l’instant, notre parti pris est de laisser la création pure aux talents humains. Vu l’évolution rapide des technologies, il est probable que demain, on puisse générer des contenus qui ressemblent à de l’authentique. Quand ce sera le cas, on saura s’adapter.

Aujourd’hui, utiliser l’IA pour générer du contenu visuel, c’est encore perçu comme un effet waouh, un coup ponctuel qu’on fait une fois dans l’année. Mais ce n’est pas encore une approche viable au quotidien. Il y a aussi des secteurs qui posent des limites strictes. Dans la banque, par exemple, certains acteurs interdisent totalement l’usage de l’IA, et c’est inscrit noir sur blanc dans leurs cahiers des charges. Probablement une question de données et de conformité réglementaire. 

Entre les évolutions des algorithmes et la baisse du reach organique, comment les marques peuvent-elles encore émerger sans exploser leurs budgets publicitaires ?

F.G. : Aujourd’hui, le reach organique ne baisse pas, il a quasiment disparu. L’algorithme met tout le monde sur un pied d’égalité, qu’on soit une petite marque ou un géant. La seule chose qui compte, c’est la qualité du contenu et son engagement. Sans ça, impossible d’émerger. Même en paid, diffuser un contenu moyen coûte cher. À l’inverse, un contenu engageant, qui capte naturellement l’attention, coûtera moins cher à médiatiser. Donc, la logique est la même : il faut miser sur la qualité.

On voit des marques qui achètent massivement de la visibilité, avec des vidéos à 600 000 vues sur TikTok, mais avec seulement trois commentaires et quatre likes. Ça n’a aucun impact réel. À l’inverse, les marques qui performent ont un mix de contenus qui font 5 000 vues, d’autres qui explosent à 1 ou 2 millions, signe qu’elles ont osé des choses et trouvé des formats qui fonctionnent.

Finalement, on revient à l’essentiel : investir dans du contenu qui plaît. Mais ça demande aussi des moyens. Il faut investir, non pas dans des grosses prods, mais dans l’expérimentation et l’agilité.

L’engagement est-il encore la métrique reine ou faut-il repenser les KPIs du social media en 2025 ?

F.G. : L’engagement et les vues fonctionnent aujourd’hui en tandem comme indicateurs de performance. Dans un contexte où le reach organique a quasiment disparu, un bon engagement devient le levier qui permet de générer des vues significatives via l’algorithme. Les marques peuvent toujours acheter de la visibilité, mais sans engagement naturel, ces vues n’ont que peu de valeur. Le vrai succès se mesure quand un contenu combine un volume de vues important avec un fort taux d’engagement, prouvant qu’il a non seulement atteint son public mais a aussi suscité des interactions spontanées, particulièrement avec les formats actuels en plein écran qui facilitent les interactions comme les likes.

Si vous deviez donner un seul conseil aux marques pour réussir sur les réseaux sociaux en 2025, quel serait-il ?

F.G. : Mon conseil aux marques ? Ne pas tout planifier sur un an. Mieux vaut raisonner par cycles courts, avec des plans sur trois mois plutôt qu’annuels. L’idée n’est pas de changer d’agence tout le temps, mais plutôt d’arrêter les stratégies figées sur douze mois avec un bilan en décembre. Il faut remettre en question ses choix régulièrement, ajuster sa stratégie chaque trimestre et surtout se laisser la possibilité de tester en permanence. Aujourd’hui, la flexibilité et l’adaptabilité sont bien plus précieuses qu’un plan trop rigide.

Un pari : quelle tendance aujourd’hui émergente sera incontournable d’ici un an ?

F.G. : À mon avis, on va voir de plus en plus de vidéos tournées directement dans les bureaux des marques. Pas seulement par les agences, mais aussi en interne, pour aller encore plus loin dans l’authenticité. C’est un peu l’esprit BeReal appliqué aux entreprises : montrer les coulisses, capturer des moments spontanés, dévoiler ce qu’il se passe vraiment derrière les campagnes. 

On l’a déjà expérimenté avec Netflix, notamment avec Alban Lenoir qui s’amusait dans leurs bureaux – et ça a cartonné ! Pourtant, peu de marques exploitent encore ce format alors qu’il y a un vrai potentiel, que ce soit pour humaniser leur communication ou créer du contenu engageant. 
Bien sûr, l’IA restera incontournable cette année, mais à l’opposé, on voit aussi un besoin grandissant de contenus ultra-authentiques, qui donnent un accès direct aux coulisses des marques. Est-ce que ça sera LE banger majeur de 2024 ? Je ne sais pas, mais on risque d’en voir beaucoup plus.

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