Quelles tendances pour les martech en 2024 ?

Par Xuoan D. le 12/12/2023

Temps de lecture : 8 min

IA, consolidation et agrégation sont les mots clés de ce secteur en croissance.

Le marché des martech, ces solutions technologiques renforçant le marketing, est pris entre deux tendances contradictoires. D’un côté, le nombre de solutions martech a explosé en 2023 sous l’impulsion de l’IA. Si bien que la fameuse MartechMap, la carte de ce marché, a connu autant de nouveaux entrants en 6 mois qu’entre 2011 et 2015. Mais comme la vie des affaires est pleine de contradictions, le contexte macro-économique appelle les décideurs marketing à la prudence, d’autant que leur nombre d’abonnements SaaS (software as a service) n’a jamais été aussi élevé, et l’utilisation des solutions au plus bas, à 33 %. 

Le marché martech fonce-t-il à 300 km/h dans le mur, ou est-il au contraire lancé sur l’autobahn du succès ? Pour y voir plus clair, les experts Scott Brinker (Chiefmartec / HubSpot) et Frans Riemersma (MartechTribe) viennent de dévoiler leur tout nouveau rapport de 89 pages sur les tendances martech de 2024. En voici un résumé qui devrait vous aider à piloter au mieux vos investissements tech.

Entre consolidation et valorisation

Dans le domaine des martech, les contradictions sont flagrantes. D’une part, dans le contexte économique actuel, les directions marketing sont soumis à une pression énorme pour réduire les coûts et démontrer la valeur de leurs investissements technologiques, qui s’avèrent très nombreux à l’échelle d’une organisation. 

Un rapport récent de Gartner a montré que les entreprises n’utilisent que 33 % des capacités de leur martech. De quoi pousser les CMO, DSI et directions financières à vouloir éliminer les services superflus de leur “stack” (ou pile en français) pour optimiser leur ROI.

Il ne s’agit pas seulement de réduire les logiciels existants, mais aussi de freiner les nouveaux achats. Le rapport 2023 de Vendr, dont vous parlions déjà dans la Réclame .mark&tech, montre que les nouveaux contrats logiciels en 2023 ont diminué par rapport aux renouvellements, les entreprises devenant plus prudentes quant à l’ajout de nouveaux outils à leur pile. 

Rationaliser est une bonne chose. Cependant, les auteurs de ce rapport nous mettent en garde : la valeur des outils ne peut pas toujours être mesurée par la fréquence ou la profondeur de leur utilisation. La valeur commerciale générée par ces outils est plus importante que leur nombre ou leur fréquence d’utilisation. Pensez à l’extincteur présent dans votre cuisine : il ne sert jamais jusqu’au jour où sa valeur devient décisive.

La Loi de Martec

La Loi de Martec, soulignant la divergence entre l’évolution exponentielle de la technologie et le changement logarithmique des organisations, est présentée comme le principal défi de gestion du 21ᵉ siècle. Cette dynamique, particulièrement tangible dans le domaine du martech, est exacerbée par l’intelligence artificielle. Toutefois, chaque entreprise est confrontée à ce défi, sans solution miracle. 

Deux stratégies clés sont recommandées pour y faire face. Premièrement, l’adoption de changements doit être stratégique et réfléchie, en se concentrant sur des cas d’utilisation concrets alignés sur une stratégie commerciale claire, sans disperser les investissements. Deuxièmement, il faut adopter une gestion plus agile, en développant les capacités et les expériences client de manière itérative et incrémentale, en privilégiant une plateforme ouverte et une culture d’expérimentation continue. La méthode hack-pack-stack est suggérée pour le développement itératif des capacités martech, en commençant par un concept initial (hack), en le standardisant (pack), puis en l’intégrant de manière évolutive et automatisée dans la pile technologique (stack).

L’inflation galopante des solutions martech

Cette année, le secteur du martech a connu une croissance exponentielle, avec l’arrivée massive de nouvelles solutions, portant le total à 13 080 sur la MartechMap, soit une hausse de 18,5 % en six mois. 

La majorité de cette croissance est due à l’intelligence artificielle générative, principalement via de nouvelles startups dans la longue traîne. Ces outils d’IA se concentrent dans des domaines déjà saturés, tels que le content marketing, l’automatisation des ventes, l’intelligence commerciale et la science des données, et dans une moindre mesure, d’autres catégories comme les chatbots et l’expérience client. 

Malgré une augmentation continue du nombre d’applications martech et plus de 40 acquisitions par trimestre ces dernières années, la consolidation du marché, souvent associée à une diminution du nombre de solutions due à des fusions, acquisitions ou faillites, reste incertaine. Bien que 639 entreprises aient disparu du paysage entre mai 2022 et 2023, le flux constant de nouvelles startups et la découverte de solutions de niche compensent les pertes. La consolidation, si mesurée en termes de revenus ou de base d’installation, montre une distribution en longue traîne, avec de grandes entreprises absorbant davantage de parts de marché, mais sans réduction significative des produits de longue traîne dans les stacks technologiques.

L’IA générative, facteur de simplification des interfaces

Les chatbots d’IA générative, tels que ChatGPT, incarnent la tendance en offrant une interface en langage naturel pour accéder à de vastes quantités de données et de contenus. Ces outils d’IA, intégrant des capacités supérieures à celles des moteurs de recherche traditionnels, sont en train de transformer radicalement l’accès et l’utilisation des solutions martech au sein de l’entreprise. S’il suffit d’exprimer en langage naturel ce que l’on souhaite faire, les barrières techniques n’existent plus. Et une solution martech peut être utilisé au delà de ce pour quoi l’utilisateur a été formé. C’est déjà le cas au sein de solutions bien connues comme Zapier, Mailchimp, mais aussi la gamme Microsoft Office où n’importe quelle fonction Excel est désormais à portée de tous grâce à l’IA.

Pour les marketeurs, c’est une libération. Auparavant, pour répondre à leurs questions basées sur les données, ils devaient souvent solliciter l’aide d’analystes ou de spécialistes, entraînant des délais et des coûts élevés. Avec l’IA, une requête de data science ne nécessite plus toujours de déranger un data scientist. Et la tendance du no-code permet aussi de créer des supports digitaux, de relier des services entre eux, avec une expertise technique nulle ou limitée.

Vers un paysage martech composable

Dans le secteur du martech, une évolution s’opère : les piles technologiques sont de plus en plus envisagées non comme de simples ensembles de solutions SaaS, mais plutôt comme des collections de fonctionnalités adaptées à des cas d’utilisation spécifiques. Cette approche, centrée sur la fonctionnalité, est cruciale pour le succès des projets. L’industrie assiste à l’émergence des architectures « composables », où les automatisations, applications, flux de travail, et expériences client sont créées en combinant données et services de divers produits. Les marketeurs choisissent ainsi les meilleures fonctionnalités pour chaque cas d’utilisation, sans se limiter aux produits qui les offrent. Cette tendance vers la composabilité, déjà présente dans les pratiques actuelles telles que l’usage des API ou des outils sans code, se reflète dans l’adoption croissante de CDP (Customer Data Platform) composables et de DXP (plateforme de gestion de l’expérience client) composables. Avec cette évolution, les entreprises peuvent exploiter des plateformes ouvertes et des solutions de niche pour développer leurs opérations numériques et expériences client, au-delà des produits logiciels individuels. Cette tendance vers une architecture composable, bien qu’encore à ses débuts, promet une longue et productive traîne dans le martech pour les années à venir. 

À condition que tous les acteurs jouent le jeu, et que l’on n’assiste pas à de nouveaux jardins fermés de la part des leaders du marché, comme c’est le cas dans l’adtech.

Agrégation : le nouveau modèle unificateur

L’agrégation émerge comme un modèle puissant dans les stacks technologiques des entreprises, allant au-delà de la simple réduction du nombre d’éléments de la consolidation pour faciliter la consommation d’un large éventail d’éléments. Inspirée de la Théorie de l’Agrégation de Ben Thompson, cette approche est déjà en œuvre chez des agrégateurs Internet comme Airbnb, Google ou Facebook, qui rassemblent contenus ou services de nombreux fournisseurs pour les rendre accessibles à un large public via une interface unique. En interne, les entreprises adoptent des plateformes logicielles qui agrègent données et services à travers leur pile technologique, visant non pas à réduire la diversité, mais à rendre les données et services distribués plus accessibles et utilisables de manière cohérente. L’agrégation se décline en deux modèles : verticale, à travers des suites d’entreprise centrées sur des départements spécifiques, et horizontale, autour de couches spécifiques de la pile technologique, couvrant potentiellement tous les départements d’une entreprise. Ce modèle favorise une intégration plus facile et à moindre coût de nouvelles applications ou services dans la pile technologique, transformant ainsi la manière dont les entreprises accèdent et utilisent la technologie.

L’agrégation des données via les Cloud Data Warehouses

Dans le paysage actuel du martech, l’agrégation de données à travers les Cloud Data Warehouses (littéralement, entrepôts de données clou) se distingue comme un facteur clé. Pendant des décennies, chaque application dans les tech stacks disposait de sa propre base de données, avec des intégrations martech se limitant à des échanges de données restreints. Les plateformes CDP, bien qu’initialement conçues pour centraliser les échanges et stocker les données marketing, étaient ralenties par la nécessité de maintenir des intégrations API avec chaque application. En parallèle, l’adoption d’entrepôts de données cloud comme Snowflake, Databricks, Amazon Redshift et Google BigQuery s’est accélérée, poussée principalement par les équipes IT et d’analyse de données. Ces entrepôts ont encouragé les applications à y pousser leurs données, facilitant leur combinaison et manipulation. Avec l’émergence des outils de reverse ETL, comme Census et Hightouch, ces entrepôts de données sont devenus une couche de données unifiée, bidirectionnelle et opérationnelle pour l’ensemble de l’organisation. Les CDP se sont adaptés à ce nouvel environnement, permettant de travailler directement avec les données des data warehouses, souvent sans les ingérer dans leur propre base de données, une approche désignée comme CDP « composables ». Cette évolution marque un tournant, permettant l’utilisation flexible des données organisationnelles pour des cas d’utilisation en marketing, et ce, dans un contexte où la dépréciation des cookies tiers et d’autres changements réglementaires incitent les entreprises à mieux exploiter les données de première partie. On s’attend à une explosion de créativité dans l’utilisation de ces données par les marketeurs.

Pour aller plus loin

Le rapport complet de 89 pages est à télécharger sur le site de Chiefmartec. Un webinar riche en enseignements a également accompagné sa sortie (en anglais) en compagnie des auteurs. En voici le replay :

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