ChatGPT plus fort que Salesforce ?
Ah le mois de décembre ! La dinde du Black Friday est à peine digérée que nous enchaînons avec la préparation de Noël. Pour l’industrie du marketing et des martech, c’est un double stress test. Or, pour prendre un peu de hauteur par rapport aux tumultes du quotidien, nous avons le plaisir de partager avec vous les tendances martech de 2025, basées comme l’année dernière sur l’épais rapport (108 pages) de Scott Brinker et Frans Riemersma, aka Chiefmartec et MartechTribe.
Afin de nous assurer de relier ces tendances globales au quotidien des marketers français, Jérémy Lacoste, Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux, apporte son éclairage en compagnie de Xuoan Duquesne, rédacteur en chef de la Réclame .mark&tech.
1. Ne pas surestimer ni sous-estimer le poids de l’IA
La loi d’Amara est connue : nous avons tendance à surestimer l’impact d’une technologie à court terme et à sous-estimer son impact à long terme. C’est exactement le cas avec l’IA.
Pour Jéremy Lacoste, « L’IA est évidemment présente dans toutes les roadmaps des organisations marketing. Seulement, il convient de ne pas surestimer son impact à court terme. D’après la dernière étude du MIT menée par Daron Acemoglu, sur 10 ans, l’IA permettrait un gain de productivité de… 0,5% par an. Pas de quoi changer la donne sur la croissance mondiale, même s’il faut l’apprécier comme un changement de paradigme majeur.
Tout l’enjeu sur les prochains mois va être d’identifier les cas d’usages à valeur vs les ripolinages visant à surfer sur le trend du moment ; mais aussi de s’assurer d’un taux d’adoption massif en interne. Reste que l’IA n’est pas magique et que la règle d’airain sur la qualité des données (‘garbage in – garbage out’) est toujours aussi vraie. »
Comme le remarque Ethan Mollick, professeur à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie, « Si le développement de l’IA s’arrêtait complètement, nous aurions encore 5 à 10 ans de changements rapides pour absorber les capacités des modèles actuels et les intégrer dans les organisations et les systèmes sociaux. » Mais il n’y a aucune raison que l’IA s’arrête en si bon chemin.
2. Les nouveaux entrants IA native peuvent-ils bousculer les techs installées ?
L’impact de l’IA sur le marché des martech va justement être intéressant à observer dans les mois et années à venir. Les règles du jeu sont connues, et c’est Alex Rampell (VC chez Andreessen Horowitz) qui les résume le mieux « La bataille de chaque startup et de chaque acteur établi se résume à savoir si la startup saura développer sa commercialisation avant que l’acteur établi n’intègre son innovation. »
Jérémy Lacoste détaille : « En creux, c’est évidemment le risque d’ubérisation qui couve pour les acteurs martechs. Quand on voit le taux de pénétration de certaines boîtes IA natives et leur capacité à lever des fonds, forcément, cela interroge. Seulement, on voit que les géants de la tech ont rapidement pris la mesure de la révolution que représente la mise en disposition des LLM au grand public et se sont mis en ordre de marche. Les Salesforce, Microsoft, Google investissent aujourd’hui des centaines de milliards pour rivaliser avec ces nouveaux entrants et s’équiper en GPU. Mon pari est que la hiérarchie changera à la marge et que nous risquons plutôt de voir des phénomènes d’absorption ou de prises de participation. »
3. Best of speed ou Best of breed, le nouveau dilemme ?
« Historiquement, les directions IT & marketing devaient choisir entre bâtir une stack technologique 100% intégrée ou forger un écosystème de briques composables. De plus en plus, se pose la problématique du passage à l’échelle et vite ! Pour capitaliser sur des effets de réseaux, mais aussi pour capter 100 % du marché. Dans ces conditions, de plus en plus d’architectures techniques répondent à l’impératif de permettre aux métiers de délivrer rapidement grâce à des applicatifs déployables facilement », observe Jérémy Lacoste.
4. Les agents intelligents, la nouvelle révolution ?
Nous l’évoquions avec Salesforce / Tableau : l’arrivée des agents autonomes grâce à l’IA. Jérémy Lacoste, également présent à l’événement parisien de novembre, observe : « Salesforce ambitionne de déployer 1 milliard d’agents autonomes ces prochains mois. »
Ces IA n’ont plus besoin d’un prompt pour réaliser des actions. La promesse est belle, mais c’est l’expérience utilisateur qui aura une fois de plus le dernier mot. Ces agents seront-ils au niveau pour enrichir une relation client ou faire gagner des points de productivité ? Réponse dans les mois à venir.
5. No-code et IA : et si la disruption venait des apps sur-mesure ?
Coup de tonnerre dans l’univers feutré des martech en septembre dernier. Klarna, solution de paiement en plusieurs fois devenu comparateur de prix et app de cashback, a annoncé se séparer de Salesforce et Workday pour développer ses propres solutions CRM et RH en interne grâce à l’IA et au cloud.
« C’est la traduction de l’ère de ce que l’on appelle les custom softwares en opposition au commercial software, à savoir des applicatifs créés par ou pour les organisations. Des modèles 100% personnalisés pour répondre à des cas d’usages circonstanciés en utilisant les données propriétaires », analyse Jérémy Lacoste.
Pour l’industrie, le danger est immense. Si chaque entreprise développe ses propres solutions sur-mesure grâce à l’IA, sans équipe technique pléthorique, que restera-t-il aux grands éditeurs ? La profession s’est cependant révélée sceptique suite à l’annonce de Klarna. Salesforce et Workday sont des solutions complexes, utilisées par des millions d’utilisateurs, et imaginer qu’il serait possible d’arriver à un tel niveau de sophistication grâce à quelques prompts d’une IA probabiliste qui ne fait qu’assembler des tokens qui, statistiquement, vont bien ensemble, peut sembler erroné. Mais le rythme actuel d’innovation des IA générative est plus que soutenu, et Klarna parie certainement sur une amélioration du code produit à l’avenir. Rappelons que 25 % du code produit par Google est déjà généré par des IA, avant d’être relu et validé par des ingénieurs.
5. Des solutions facturées à la performance ?
Traditionnellement, les solutions SaaS (software-as-a-service) étaient facturées au nombre d’utilisateurs et/ou en fonction d’un pack de fonctionnalités utilisées. Puis l’ère du cloud est arrivée, et la facturation dépend davantage de l’usage. On parle alors de « compute » ou de requêtes. Or, une 3ᵉ phase est en route comme le montre ce rapport annuel de Scott Brinker et de Frans Riemersma : celle du « service-as-a-software » (que l’on pourra toujours appeler SaaS !) avec une facturation en fonction d’objectifs. Bref, des solutions martech à la performance, comme on peut en connaitre dans la publicité en ligne. Cette approche intégrée pourrait être facilité par le déploiement d’agents IA, qui feront, en autonomie, tout ce qui sera nécessaire pour atteindre les objectifs définis.
6. Redonner la priorité au contenu
« C’est historiquement le parent pauvre des organisations IT & marketing, ou en tout cas celui qui est le moins processé / industrialisé », témoigne Jérémy Lacoste. « Avec la démocratisation de l’IA générative, la production de contenu ne semble en tout cas plus vue sous le seul prisme créatif et devient progressivement un « asset scalable ». D’abord sur sa génération en multi-formats, mais également sur sa diffusion sur différents inventaires. Tout l’enjeu pour les organisations va être de construire cette usine à contenu à grandes échelles, tout en s’assurant que le territoire de marque soit respecté. »
7. Les data warehouses, une opportunité pour les directions marketing
Le rapport met en lumière une tendance qui nous parait particulièrement intéressante pour les directions marketing, toujours en quête de données qualifiées, structurées, unifiées… Les data warehouses (ou entrepôt de données – EDD – en bon français), et les data lakes, ont un intérêt stratégique pour les directions marketing. En y synchronisant leurs données, les équipes marketing les mêlent à celles du commerce, du service client, de la finance, des opérations, etc. Et si ces données remontent alors dans « la stack martech », les campagnes marketing n’en seront que meilleures, avec des données encore plus granulaires. Sans oublier le potentiel de ces données enrichies pour l’IA. Le dicton est connu : « Pas de stratégie IA sans stratégie data. »
Il est maintenant l’heure de conclure ce dossier consacré aux tendances martech 2025. Le plus frappant ? Qu’aucune tendance (ou presque) annoncée en 2024 par la même équipe n’émerge réellement dans le rapport 2025. Si les sujets de 2024 restent pour la plupart d’actualité, ils sont simplement éclipsés cette année par la vague de tendances liées à l’intelligence artificielle.
Pour aller plus loin, téléchargez gratuitement le rapport Martech for 2025 de Scott Brinker et Frans Riemersma.