SXSW 2024 : face à l’IA, les entreprises en pleine gueule de bois

Par la Réclame le 18/03/2024

Temps de lecture : 10 min

Commencez là où vous êtes, mais surtout : COMMENCEZ.

Après huit jours d’un intense festival, l’heure est à la restitution pour notre quatuor de choc à South by South West : le FrenchCrew. Marion Breuleux, Emmanuel Fraysse, Arnaud Winther et Ronny Turiaf n’ont pas démérité en arpentant Austin (Texas), ses nombreuses conférences et événements simultanés, pour relever les principaux insights à l’intersection du numérique, des entreprises et de la société.

Il y était question cette année d’IA, d’IA, d’IA… mais aussi de spatial computing (Apple), et de fin des médias sociaux, rien que ça !

Bref, si vous n’avez pas eu la chance d’être à Austin en ce début mars 2024, la lecture de cet article vous est fortement recommandée.

Shift

Un mot pourrait suffire à résumer cette édition 2024 de SXSW : SHIFT.

Mais si nous devions développer, nous pourrions reprendre les mots de Ian Beacraft qui a fait un talk très remarqué dans le célèbre “Ballroom D” : 

“L’IA ne sera pas un avantage compétitif mais
un changement complet de paradigme”.

Ou bien les interpellations de Sandy Carter : “Arrêtez de résister et commencez à vous former” ; et encore l’interrogation de John Maeda : “Do you speak machine?” Car oui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, où pour la première fois, il est impossible d’entrevoir la suite tant le développement exponentiel de l’IA ouvre des perspectives démesurées.

Peu étonnant donc que cette édition de SXSW ait été beaucoup moins futuriste que d’habitude. 2024 restera dans les mémoires comme une édition ancrée dans le présent tant l’avènement de l’IA générative appelle à une mise en œuvre immédiate plus qu’à la rêverie. La clé semble être : commencez. Commencez là où vous êtes, mais surtout commencez ! 

Après la tête dans les étoiles des précédentes éditions, nous voilà les pieds dans la glaise. 

Êtes-vous prêts ? 

Pour cette édition, nous avons ressenti un balancement entre excitation et peur de toutes les industries vis-à-vis de l’IA et quant à la vitesse de changement en cours et à venir. 

Peter Deng, Head of ChatGPT & VP Customer d’OpenAI, vante les bienfaits des IA génératives pour l’humanité comme un moyen de se libérer. Il y voit même un outil d’égalisation s’appuyant sur une expérience publiée par la Harvard Business Review qui tendrait à démontrer que les équipes moyennes peuvent voir leur productivité augmenter de 43 % vs 17 % seulement pour les équipes les plus performantes. Il affirme même qu’il choisirait d’avoir une IA dans son équipe d’avocats pour être mieux défendu s’il avait commis un crime ! 

Sandy Carter, CEO d’Unstoppable Domains, avait beau blaguer, parée dans une veste rose, son alerte était sérieuse : “It’s exponential, Baby!” Et parce que notre cerveau d’humain est incapable de visualer l’exponentialité, il faut bien quelques chiffres : 

– En 2050, en une journée normale, nous serons en mesure d’observer l’équivalent de 100 jours d’innovation. 
– En 2030, chaque humain aura l’équivalent de + 600 iPhones (128GB) à sa disposition en termes de data.

Et pourtant, les signaux d’inquiétude si on peut les qualifier de faibles étaient bien palpables face à la vague massive de l’IA. À l’image du discours de clôture d’Hugh Forrest, CEO et bhef de la programmation du SXSW depuis 30 ans : 

“Nous ne pouvons nous offrir la même erreur avec l’IA qu’avec les réseaux sociaux. Il faut réguler et s’assurer que l’IA augmente notre créativité et que nous ne perdrons pas ce qui fait que nous sommes humains.”

Ian Beacraft, dans sa keynote annonçant l’émergence des “2 billion dollar team” ne mâchait pas ses mots et rappelait que 45 % des CEO ne croient plus en la viabilité de leur entreprise si la technologie continue d’évoluer au même rythme. 

L’heure est grave donc. La dernière conférence de Amy Webb, clôturant son cycle de masterclass, était un cri d’alarme. Nous avons mieux compris a posteriori, pourquoi avec son équipe, elle avait investi pour former un maximum de personnes à sa méthodologie et aider les entreprises à se transformer rapidement.

Sandy Carter, toujours la Dame en rose, a rappelé que les managers doivent travailler sur 3 compétences : 

1. Change management 
2. Empathie
3. Tech

En espérant que cela permette d’intégrer “la nouvelle ère du travail (qui) dépendra de la manière dont nous considérons le travail”. Grâce à l’IA générative une petite équipe pourra créer de la valeur pour 2 milliards de dollars en étendant ses capacités et son champ de compétences. À condition de ne pas voir dans l’IA qu’un gadget et de revoir ses processus. 

Ce n’est pas qu’une histoire de prompt, c’est une affaire de processus 

Loin d’être une mode, les IA génératives ne représentent pas qu’une technologie pour faire du text-to-image, mais des outils pour repenser ses processus, ses modes de fonctionnement.

Les quelques DRH présents implorent tout le monde à tester et développer ses compétences en IA générative. Le prompt n’étant que la marche 0 de l’escalier.

Le BCG explique que 70 % des jobs vont être disruptés par l’IA générative. Dans l’immédiat, la seule solution à court terme réside dans la capacité des entreprises à fournir des “bac à sable” à leurs employés pour tester et expérimenter. 

Même son de cloche du côté de Mike Bechtel de Deloitte qui a rappelé l’importance du storytelling auprès des équipes pour les aider à se projeter : “Le futur sera l’humain élevé à la puissance des outils” (IA générative…)

Pour les entreprises, les enjeux sont énormes. Ian Beacraft, prophétise la mort des “job-based-organizations” qui, trop rigides, ne parviendront pas à intégrer l’IA au cœur de leur processus et à transformer leur vision du travail dans un monde où le knowledge management associé à l’IA permettra à chaque collaborateur d’encoder son savoir et de s’appuyer sur un second cerveau. Annonçant ainsi la fin des métiers. Rien de moins. 

Et ce n’est pas Sandy Carter qui le démentira puisqu’elle comptait comme 4e tendance celle-ci : “Digital twin-ization of everything ».

À de rares exceptions, les grandes entreprises ont encore la gueule de bois depuis la sortie de ChatGPT

Beaucoup de grandes entreprises présentes nous ont fait des présentations qui auraient pu dater d’il y a 2 ans… Ce qui est un comble au SXSW où l’on se targue d’avoir au moins 5 ans d’avance !

Ces entreprises mélangent même l’IA au sens large et l’IA générative ! C’est-à-dire, pour être plus clair, ce que l’on pouvait faire avant sans ChatGPT et ce que l’on peut faire maintenant avec ChatGPT.

Il y avait comme un sentiment de “gueule de bois” de ces grandes entreprises de la tech qui n’ont pas encore eu le temps de s’adapter à l’IA générative mais qui voulaient parler d’IA malgré tout pour faire croire qu’elles sont “dans le coup”.

En face, il y a ceux qui ont bien pris le virage… au premier rang desquels : Microsoft.

Tout d’abord, John Maeda, VP Design & Artificial Intelligence chez Microsoft a expliqué que l’IA générative redonnait le pouvoir à ceux qui pensaient par rapport à ceux qui faisaient (thinkers vs. doers), aux entrepreneurs qui avaient des idées plutôt qu’aux ingénieurs et développeurs grâce à la puissance de l’IA générative. En d’autres termes, plus besoin de savoir coder, le “Creative-generalist” pourra créer à lui tout seul un maximum de valeur. On retrouve ici l’enthousiasme des personnes des pro-IA. Sam Altman n’avait-il pas promit que grâce à ChatGPT, un solopreneur allait pouvoir créer une “1 billion dollar company” ?! Et John Maeda d’insister, la prime reviendra aux “talkers”, ceux qui pensent certes mais qui savent surtout parler aux machines !

Puis Simi Olabisi, Directrice, AI Specialist (Global Black Belt Team) chez Microsoft a fait la démonstration de la puissance de Microsoft Azure AI et de Copilot. Expliquant que les cas d’usage se multiplient : “l’IA générative est un Game Changer, maintenant le sujet c’est son implémentation”.

Les 10 premières applications observées par Microsoft chez leurs clients sont aujourd’hui :

1. Générer des contenus et design
2. Traduire en instantané 
3. Accélérer l’automatisation des processus
4. Détecter les fraudes 
5. Personnaliser son marketing
6. Prédire ses analyses et prévisions commerciales
7. Créer des chatbots et assistants virtuels
8. Générer des contenus créatifs 
9. Faciliter l’innovation de produits et services
10. Améliorer la recherche et les diagnostics médicaux

Les devices à suivre : Apple Vision Pro & le Rabbit R1

En marge du SouthBy, nous avons suivi les conseils d’Amy Webb et sommes allés tester les Apple Vision Pro. 

Bien que loin d’être convaincus par nos précédentes expériences de réalité virtuelle, augmentée et mixte… nous avons été bluffés par la fluidité et la simplicité de prise en main de ce casque.

Certes encore très cher et trop lourd pour un usage prolongé, la question de remplacer tous les devices par un casque ou des lunettes se pose réellement pour la première fois ! En tout cas, nous avons régulièrement croisé des festivaliers qui déambulaient et assistaient aux conférences avec leur Vision Pro .

Autre device à suivre que nous avons retrouvé dans beaucoup de présentations : le Rabbit R1 découvert au CES.

Un assistant personnel d’IA générative d’actions pour 199$ sans abonnement (en prévente actuellement). Capable de vous générer des propositions et de passer commande pour vous : comme une agence de voyage, il peut vous proposer un itinéraire en fonction de vos centres d’intérêt et préférences, vous faire des propositions alternatives avec des offres de prix et valider vos choix…

Côté marketing & communication : rendez-vous l’année prochaine !

Zuzanna, cofondatrice d’une entreprise de marketing d’influence en Pologne l’a souligné “Mais où sont les plateformes ?!” Il est vrai que les Instagram, Youtube, TikTok et même Discord ont brillé par leur absence. Même chose du côté des médias où seuls CNN et la BBC ont fait des conférences remarquées.

“J’ai l’impression que la communauté marketing & communication est pétrifiée face aux bouleversements qui s’annoncent. Dans une certaine mesure, ce que nous vivons me rappelle la détresse des communicants au milieu des années 2010 quand ils ont réalisé que la vague des médias sociaux ne serait pas qu’une mode et questionnaient profondément la pérennité de leur socle de compétences. Mais en plus intense et potentiellement beaucoup plus terrifiant. Car tout ce sur quoi la communauté a réussi à bâtir sa solidité est en train de vaciller” observe Marion Breuleux, co-fondatrice du FrenchCrewSouthBy. Avis partagé par Rafaela, créatrice d’une agence brésilienne spécialisée dans l’accompagnement des créateurs rencontrée pendant la conférence de la fondatrice de Linktree. 

On a beau être allés voir les keynotes et tables rondes des fondateurs de Canva, des équipes de Hubspot, de Porsche, d’UnderArmor et des influenceurs – appelez-les désormais créateurs – pas évident de trouver quelque chose de consistant tant les uses cases sont encore balbutiants. La seule marque que tous citaient comme un exemple avec admiration : Duolingo et sa mascotte sur TikTok. Nous avons même entendu parler de “Mascott-driven brand”. C’est vous dire si tout le monde est largué !

Marketing Is Dead ?

À l’image de la conférence de clôture du Festival, cette édition semblait annoncer la mort d’un monde connu : celui des médias sociaux, du funnel de vente, du storytelling de marque, du content marketing et des followers.

Imaginez, la conférence “Social media is dead” était remplie à 90 % par des professionnels d’agence chez qui on sentait poindre une once de panique. 

Jack Conte, CEO de Patreon, avec son look jogging-banane-casquette, a officialisé la mort du follower et avec lui, un monde où les marques avaient gagné la maîtrise de ses outils pour y toucher leurs cibles. 

La déferlante TikTok avec ses vidéos et ses remix non scriptés, la création de “video at scale” et le ranking infernal des plateformes annonce une difficile période d’adaptation pour les marques qui vont devoir désapprendre et s’approprier de nouveaux codes.

On sent poindre de nouvelles méthodes soufflées par les Chief Content Officers ou Chief Marketing Officers parlant de “marques fragmentées” qui vont devoir lâcher prise et s’appuyer sur les créateurs (ie. influenceurs) pour communiquer et vendre. On assiste presque à une nouvelle intermédiation entre les marques et leurs cibles à travers la population des créateurs (on parle même de “creator-led brand”). Les marques vont devoir créer un nouveau socle de compétences pour s’adapter et intégrer les codes de ce nouveau monde. Résumé en deux mots par le CEO de l’agence NoGood : Educate or Entertain! 

Quelques use cases et méthodologies ont été partagés pendant le festival néanmoins autour des bonnes pratiques sur TikTok, sur la création de communautés, la création de contenus viraux, la création d’une marque, etc. Suivez les cas d’usages marketing & communication découverts à SXSW dans un prochain article !

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