Les marques doivent-elles se lancer sur Discord de toute urgence ?

Par Isadora L. le 10/10/2022

Temps de lecture : 7 min

Et le social media devient à nouveau communautaire.

Il y a quelques semaines, la plateforme de messagerie instantanée et de conversations audio Discord – qui comptabilisait 150 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde en 2021 – dévoilait sa première campagne de marque en France « Go Discord ». Une campagne visant à mettre en avant le succès croissant de la plateforme dans le pays – tant chez les gamers (la communauté principale) que les personnes aux centres d’intérêts divers, dont notamment le web3 où Discord est omniprésent avec Twitter.

Témoins de son succès grandissant et du potentiel de cet outil, les fondateurs de la metaverse creative agency Swipe Back ont eu l’idée de créer une offre Discord pour les marques – leur permettant d’échanger plus facilement avec leurs clients et créer des communautés solides. Pour ce Focus web3, l’un des fondateurs de Swipe Back, Max Vedel, nous explique comment cette plateforme symbolise un potentiel retour à un social media véritablement « social media », où les communautés priment et non les algorithmes.

Qu’est-ce que Discord a de particulier en tant que plateforme ?

Max Vedel : L’avantage de la plateforme, c’est qu’elle permet d’échanger et de créer des communautés. À l’inverse de la consommation que l’on peut avoir des réseaux sociaux – grandement basée sur les algorithmes et les news feeds – cet outil rappelle l’expérience des forums – qui s’est un peu perdue avec l’usage des réseaux sociaux justement. Discord met en valeur la communauté et permet aux utilisateurs d’avoir un certain contrôle sur ce qu’ils en font – par exemple, une API ouverte [une interface documentée qui permet d’interagir avec les données de la plateforme selon des règles prédéfinies, ndlr] permet de créer des bots. En bref, Discord c’est un mélange de messagerie instantanée et de forum, le tout est organisé par des channels.

L’usage du social prend un réel tournant en ce moment. Nous avons pu constater que toutes les plateformes ont adopté des positionnements en faveur des communautés (ex : Facebook s’est mis à gérer des groupes, Twitter a lancé des tweets par « Communautés », etc). Nous sentons que les utilisateurs ont besoin d’interagir en communauté, peut-être parce qu’ils sont lassés de l’amas de contenus dans lequel ils sont noyés, et qu’ils préfèrent se regrouper par centres d’intérêts.  

Quelle peut être la présence des marques sur Discord ? Est-ce réservé aux marques œuvrant sur le web3 ou dans le gaming ?

M.V. : Il y a une réelle opportunité pour les marques (pas uniquement axées sur le gaming et le web3) dans leur manière de communiquer, de recréer une communauté et de renouer du lien avec leurs clients. Bien sûr, les annonceurs œuvrant dans le web3 ont des passerelles évidentes, voire des facilités, en connectant des NFT à l’accès à des canaux, par exemple.

Selon moi, Discord reste une plateforme « web2 », dans le sens où nous avons tous les outils qu’il faut pour créer une communauté, et n’avons pas besoin de rajouter un NFT ou quoi que ce soit au bout du fil, cela permet de faire du contenu éditorial traditionnel. Cela revient à faire le même travail qu’organiser un planning éditorial sur Instagram et prévoir en amont les posts, sauf qu’ici, il y a un peu plus d’interaction.

Sur Discord, nous pouvons être plus ouverts et créer des thématiques, et cela les gens commencent à s’en rendre compte – les annonceurs surtout. C’est une plateforme qui va merveilleusement bien complémenter l’écosystème social aujourd’hui, même sans initiatives dans le web3.

Il y a un autre intérêt pour les marques : la concurrence n’y est pas hyper rude, cela pourra évoluer avec le temps, mais c’est un bon moment pour se lancer en tout cas.

Pouvez-vous citer des exemples de marques qui ont réussi leur présence sur Discord ?

M.V. : Je peux vous citer trois marques. Par exemple, Gucci se sert de Discord comme d’un outil de proximité avec leur communauté – tout ce qu’ils font là-bas est de la co-construction avec la communauté. Récemment, la marque de luxe s’est également offert une parcelle de terrain virtuel dans le métavers sur The Sandbox. Gucci est vraiment à l’écoute des internautes.

Ensuite, Adidas a lancé un projet avec les Bored Apes. Initiative intéressante, puisqu’ils n’ont pas créé leur propre Discord, sinon un channel sur trois Discord de projets NFT « channel adidas« . Cette manière innovante d’exploiter la plateforme leur a permis de générer énormément de conversations.

Enfin, Kenzo est un exemple intéressant, puisque la marque a des channels assez larges (sur la mode dans divers pays, sur la fashion week, etc). Ce sont des thématiques comme des prompts, où l’on va demander à des utilisateurs de donner leur avis pendant des semaines. Cela crée une communauté à taille humaine, instaure des conversations où les gens se sentent bien, tout en créant des ambassadeurs et membres forts de la communauté.

Avez-vous des statistiques démographiques sur les utilisateurs Discord ?

M.V. : C’est compliqué, cela change un peu tout le temps. Les chiffres ne sont pas encore communiqués régulièrement. 150 millions d’utilisateurs actifs mensuels en 2021, plus de 500 millions de téléchargement dépassés en 2022. À l’échelle du social cela paraît encore petit. Nous sommes vraiment au tout début donc c’est un virage à opérer.

La force des marques aujourd’hui, c’est qu’elles ont des comptes sociaux puissants leur permettant de recruter sur Discord. Se lancer sur cette plateforme, c’est devoir adopter de nouveaux usages et créer une audience, mais si nous créons des communautés et des serveurs où les gens se sentent bien, cela va créer une nouvelle audience qui ne demande qu’à exister selon moi.

Est-ce la vocation des marques d’animer des conversations 24/7 sur ce qui pourrait s’apparenter à un Teams ou un Slack de gamers ?

M.V. : Les marques ne sont pas obligées d’assurer le serveur 24/7 (ni de parler 24h/24 aux utilisateurs) puisqu’il appartient également à la communauté. L’idée, c’est surtout d’installer un espace, lancer des thématiques, donner des choses à faire aux utilisateurs et ensuite, ils s’approprient la plateforme. 

Je trouve que Teams et Slack ne sont pas des plateformes très friendly pour les communautés, elles sont généralement utilisées dans des environnements professionnels clos. Et puis, Slack coûte rapidement très cher.

Comment avez-vous structuré votre offre Discord au sein de l’agence ? Quel type de compétences est-ce que cela nécessite ?

M.V. : Nous sommes ancrés dans le social et faisons beaucoup d’opérations dans le gaming et le web3, donc c’est très naturellement que cette transition s’opère en interne. 99 % des gens chez Swipe Back utilisent déjà Discord, nous nous rendons compte qu’amener un client sur un réseau comme celui-ci est très similaire à des propositions de stratégie que nous pouvons proposer sur Instagram. Les compétences sont plus ou moins les mêmes, la seule différence est que nous avons un pool de modérateurs (ce qui n’était pas forcément le cas avant) aussi formé sur la sécurité – les best practices de sécurité sont un vrai sujet sur Discord, et sur le web3 en général.

Sinon, nous faisons des plannings mensuels, discutons avec les clients des temps forts, faisons de la production de contenus, avons des community managers qui entretiennent les discussions, et sollicitent les membres de la communauté pour intégrer leurs remarques. Nous nous lançons dans ce projet car cela nous paraît évident de proposer cet outil aux marques, au regard de l’écosystème actuel. Je suis intimement convaincu que dans 5 ans quasiment tous les grands annonceurs auront une présence sur Discord.

Comment voyez-vous Discord évoluer dans les mois et années à venir ?
Et la participation des marques sur ces plateformes ?

M.V. : Discord est un outil en pleine croissance, ils ont déjà atteint le maximum d’utilisateurs qu’ils pouvaient avoir dans le gaming, leur levier de croissance initial. Ce que l’on peut attendre d’eux, c’est peut-être d’être plus à l’écoute des demandes que les utilisateurs vont avoir, comme la manière dont ils vont mettre en avant les serveurs, par exemple. Discord a encore beaucoup à faire pour s’assurer que les meilleurs serveurs soient découverts par les utilisateurs.

Cependant, ils ont un problème à résoudre – mais qui est aussi le problème de toutes les plateformes qui regorgent d’utilisateurs – c’est le flux incessant de messages engendrés par la quantité de serveurs suivis. C’est vite le bordel. J’en suis une centaine et c’est infâme (rires).

L’autre grand sujet, ça va être d’attirer des communautés au fur et à mesure que des utilisateurs vont rejoindre la plateforme. C’est la raison pour laquelle se lancer dès le début peut aider à créer des communautés parmi les plus fortes.

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