La Ligue 1, future love brand ? Le pari fou de la LFP

Par Élodie C. le 02/10/2024

Temps de lecture : 12 min

Avec fierté, panache et un brin d’arrogance.

Comment remettre le football au centre du village français et la Ligue 1 dans le top 3 des ligues européennes ? Pour la Ligue de Football Professionnel (LFP), cela repose sur une stratégie en trois piliers : image, expérience et culture. L’objectif est clair : en faire un objet culturel à part entière dans le quotidien des Français et la repositionner comme un produit d’excellence, à l’instar de secteurs emblématiques tels que la gastronomie, le luxe ou le cinéma. 

Jérôme Dumois, directeur senior Transformation & Innovation de la LFP (Ligue de Football Professionnel), nous détaille comment la campagne « We Will Show You » signée BIG Productions (avec Sid Lee Paris) incarne cette vision et redéfinit le football à la française.

Quels sont les enjeux de la LFP (ligue 1 et ligue 2) en tant que marque aujourd’hui ?

Jérôme Dumois : En France, le football est très important et la majorité des supporters apprécie la Ligue 1, malgré certaines critiques. Cependant, nous souffrons encore de déficits importants en termes de notoriété et de désirabilité. Nous avons constaté que, contrairement à d’autres secteurs français comme la gastronomie, le cinéma, l’hôtellerie de luxe ou le Tour de France, le football n’est pas considéré comme une industrie d’excellence. Malgré les succès en Coupe du Monde, ce sport ne bénéficie pas d’une place équivalente dans l’imaginaire national. Il y a eu une évolution, notamment après la victoire de 1998, et l’équipe de France a contribué à améliorer cette image, particulièrement en 2018 avec sa nouvelle génération de joueurs. 

De plus, le football s’est démocratisé, avec la montée en puissance des équipes amateurs, l’augmentation des licences et le développement du football féminin. Cependant, quand on parle d’excellence, on pense surtout à la formation française, pas forcément à la Ligue 1. Celle-ci est davantage perçue comme un tremplin pour les jeunes talents, qui s’épanouissent ensuite à l’étranger. De même, elle devient une valeur refuge pour les anciens joueurs qui reviennent en France en fin de carrière. La Ligue 1 n’est donc pas encore perçue comme faisant partie de l’excellence française, et c’est ce déficit d’image que nous voulons combler. Notre plan d’élévation vise à repositionner le football professionnel français au cœur des industries d’excellence, en en faisant un véritable produit culturel.

Pouvez-vous nous parler de l’origine de la campagne « We Will Show You«  ? Quels ont été les principaux défis lors de sa conception ?

J.D. : Nous avons réalisé une analyse approfondie de notre situation par rapport aux autres ligues, en identifiant nos forces et nos faiblesses, afin de construire une stratégie visant à placer la Ligue 1 dans le top 3 des ligues européennes, alors qu’elle est actuellement plutôt à la 5ème place. 

La campagne « We Will Show You » est née de cette réflexion. Nous avons estimé qu’il était essentiel de repositionner le football professionnel français au cœur des industries d’excellence, en le transformant en un véritable produit culturel. Le film que nous avons réalisé traduit cette ambition en mettant en avant le génie français et l’excellence que nous connaissons tous. 

L’un des objectifs était de créer un contenu qui ne se contente pas de montrer des images de football déjà vues, mais d’incarner ce nouveau positionnement de marque. Le processus a été complexe, avec de nombreux ajustements sur l’esthétique, le jeu des acteurs, les tenues, le scénario et les références. C’était un véritable défi, mais il fallait que le résultat soit accessible et compréhensible pour tous, pas seulement pour les fans inconditionnels, mais aussi pour des familles, afin que chacun puisse s’y retrouver, des passionnés jusqu’aux parents qui inscrivent leurs enfants au foot le week-end.

Comment la nouvelle vision de la Ligue 1 se traduit-elle à travers le film « We Will Show You » ?

J.D. : Tout est là-dedans. Il y a ce nouveau positionnement, marqué par un ton audacieux, avec une touche d’humour et un clin d’œil à nos voisins anglais. On se réfère souvent à la Premier League, non pas pour se comparer directement, mais pour casser ce cliché de la « farmers league » française. L’un des objectifs était de ne pas simplement reproduire des images de football déjà vues, mais d’adopter un comportement de marque renouvelé.

Cela passe par l’audace et une certaine « French arrogance » pour susciter la fierté. Et pour créer cette fierté, nous avons voulu mettre en avant ce qui fait la force du football français : son vivier de talents. Par exemple, cette image d’un jeune joueur qui fait un retourné spectaculaire à 30 mètres de hauteur, en plein cœur du Stade Di Giovanni à Marseille, sous le regard de la Bonne Mère, est visuellement frappante. 

On retrouve aussi des clins d’œil humoristiques, comme nos emblèmes qu’on traduit à la Snatch (le film Snatch : Tu braques ou tu raques, sorti en 2000, NDLR) avec les dogs lillois qui coursent le supporter anglais, ou des références à des tenues vintage, qui reviennent aujourd’hui à la mode. L’outfit, les nouveaux maillots, les typographies, jusqu’à des références cinématographiques à la Guy Ritchie et la musique, tout contribue à créer cette ambiance unique. En jouant en France, que ce soit sur la French Riviera ou à Paris, on capte la beauté des paysages, la richesse des talents et la diversité culturelle, avec nos tifos et notre manière de vivre le football.

Enfin, le petit clin d’œil avec Thierry Henry prend tout son sens : Légende d’Arsenal et joueur de l’AS Monaco quand il est devenu champion du monde, donc la Ligue 1, il la connaît bien. 

Comment cette vision va-t-elle se refléter dans l’expérience des fans de football, à la fois en ligne et hors ligne ?

J.D. : Nous avons mis en place de nouvelles plateformes digitales pour dynamiser l’expérience des fans et leur permettre de vivre pleinement la Ligue 1. Nous avons également acquis Mon Petit Gazon et développé plusieurs plateformes de fantasy football, ce qui nous positionne au carrefour de ces différentes audiences. 

À l’international, nous avons aussi fait des progrès importants, avec des droits très bien vendus et une excellente exposition. Il existe déjà un grand nombre de fans de Ligue 1 à l’étranger, et nous devons continuer à les attirer tout en consolidant notre base de supporters fidèles, notamment en France. L’objectif est d’élargir encore notre audience, avec une attention particulière pour attirer davantage le public féminin et de jeunes, notamment les enfants. Nous voulons séduire toutes les catégories de supporters. C’est pourquoi l’amélioration du produit est essentielle. Toutefois, notre plus grand défi et l’opportunité de faire une véritable différence réside dans l’ancrage culturel de la Ligue 1. Nous voulons faire entrer la Ligue 1 dans la pop culture.

Vous avez mentionné vouloir faire entrer la Ligue 1 dans la culture. Quelles initiatives concrètes sont prévues pour renforcer cet aspect lifestyle de la Ligue 1 ? 

J.D. : L’objectif est de créer des collaborations durables et significatives, notamment avec les clubs et les talents locaux. Cela permet de raconter des histoires autour des derbys, de les mettre en lumière de manière différente. Un derby peut être abordé sous l’angle sportif, mais aussi culturel. Par exemple, à Marseille ou à Paris, il y a une multitude d’histoires à raconter au-delà du simple match, ce qui permet de sortir du cadre purement sportif. Les clubs eux-mêmes ont des récits fascinants à partager. Cela peut se matérialiser par des éléments simples comme des t-shirts, mais aussi par des projets plus ambitieux, comme des documentaires. L’idée est de collaborer avec des créateurs, des influenceurs, et des talents qui nous inspirent, et qui, en retour, inspirent le monde entier.

Nous avons l’ambition de construire la Ligue 1 de demain en collaborant avec la jeunesse et les talents, en France et ailleurs, qui souhaitent s’impliquer dans cette aventure. Plutôt que d’imposer une vision descendante, nous cherchons à co-construire cette identité avec eux. Nous voyons dans nos jeunes joueurs une force similaire à celle des stars de la NBA des années 80, qui ont transformé la société et attiré de nouveaux sponsors dans le domaine du divertissement. 

Aujourd’hui, notre youth culture est extrêmement inspirante, et nos footballeurs le sont aussi par leur créativité et leur liberté. Ils sont encouragés à se faire un nom très jeune, ce qui n’est pas donné à tout le monde. En mélangeant tout cela, nous créons une véritable entrée dans la culture, avec des collaborations authentiques, et nous visons à transformer le calendrier de la Ligue 1 pour qu’elle s’intègre dans le quotidien des Français, au-delà des matchs du week-end.

Par exemple grâce à son intégration dans des domaines comme la mode, la musique, et même la gastronomie. Nous avons déjà cette volonté de connecter la Ligue 1 aux autres industries d’excellence françaises. Nous avons de nombreuses idées pour faire de la Ligue 1 un véritable acteur culturel.

Quels sont les objectifs que vous souhaitez atteindre avec ce film ?

J.D. : L’objectif principal est de renforcer à la fois la notoriété et l’engagement autour de la Ligue 1. Nous voulons que les spectateurs ressentent de la fierté en regardant ce film, qu’ils s’identifient à la Ligue 1 et se disent : « C’est génial, c’est ça la Ligue 1. » 

L’accueil du film est un indicateur clé de succès. La Ligue 1 a été critiquée ces derniers temps, et il était crucial, dans ce contexte, de sortir un film de marque audacieux. On peut dire que c’était un pari risqué, mais il s’est révélé payant, car 99 % des retours ont été extrêmement positifs. Que ce soit pour la réalisation ou l’audace, la Ligue 1 n’avait jamais été présentée de cette façon. Même à l’international, des fans nous ont exprimé leur soutien en déclarant qu’ils allaient désormais suivre et encourager la Ligue 1. Ces retours qualitatifs sont des indicateurs de performance essentiels pour nous.

En quoi cette campagne s’inscrit-elle dans une stratégie de transformation plus large pour la Ligue 1 ? 

J.D. : Nous avions besoin d’un élément fort, un point de repère symbolique, pour marquer cette transformation. C’est ce que représente ce projet. Il nous fallait un signe visible pour montrer que la révolution, ou plutôt la transformation, est en cours. Nous avons lancé deux nouveaux logos, un nouvel habillage télé, un générique inédit, une nouvelle identité sonore et un nouveau trophée sera dévoilé ce mois-ci créé par « un designer français de renom« . En attendant, la Ligue sort un film avec le slogan « Football à la française », ainsi qu’une plateforme de marque. 

Ce sont déjà de nombreux nouveaux éléments qui viennent enrichir l’identité de la Ligue 1. Que ce soit avec le top scoreur ou le top passeur, on constate déjà un changement de visuel. L’un des piliers essentiels de cette transformation, c’est l’image : nous devons reprendre le contrôle de la manière dont nous voulons être perçus. Il est crucial que nous définissions nous-mêmes comment la Ligue 1 doit être vue, percue, plutôt que de laisser uniquement d’autres, comme les diffuseurs ou partenaires, proposer leur propre vision. Par exemple, la façon dont les précédents acteurs ont présenté la Ligue 1 n’était pas mauvaise, mais correspondait à leurs objectifs, là où nous avons besoin de projeter d’autres vecteurs, complémentaire et parfois différents.

Quels sont les premiers retours sur cette nouvelle campagne ?

J.D. : Les retours sont très positifs, que ce soit dans les médias, la presse sportive, ou même la presse généraliste. On a eu des fans qui nous ont dit qu’ils étaient fiers de la Ligue 1. Même les haters n’ont pas vraiment réussi à trouver quelque chose de négatif à dire. On a eu des retours comme : ‘C’est la Ligue 1 qu’on a envie de voir.’ Ça a suscité beaucoup de discussions sur ce qui va se passer après, quels seront les prochains contenus, quelles seront les innovations. Ce qui est très important pour nous, c’est que les gens se retrouvent dans ce film. C’est un vrai marqueur, quelque chose de très impactant.

  • Presse Spécialisée (Sport) – L’Équipe, Sacha Nokovitch – 19.09.2024

« Football à la française », un spot pour tenter de changer l’image de « farmers league » de la Ligue 1

  • Agence – AFP – 19.09.2024

Valoriser « le football à la française », la nouvelle campagne de la LFP 

  • Presse Généraliste – Le Parisien, Lionel Chami – 19.09.2024

Découvrez le clip de la LFP « Football à la française », qui vise à revaloriser la marque Ligue 1

  • Radio – RTL, Mohamed Bouhafsi – 22.09.2024 (20’41”)

Nouveau clip : l’identité de la Ligue 1, le football à la française

Quels indicateurs de performance allez-vous suivre pour évaluer le succès de cette campagne ?

J.D. : Les indicateurs de performance sont bien définis : ils reposent sur notre capacité à attirer de nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux et à augmenter notre nombre de souscripteurs. Sur TikTok, nous sommes d’ailleurs la première ligue à obtenir de tels résultats, ce qui nous permet de toucher une jeune génération, particulièrement intéressée par nos jeunes joueurs. C’est un point essentiel. 

En termes de stratégie, il est important de noter qu’en France, moins de personnes sont prêtes à payer pour regarder du football qu’en Italie, en Angleterre ou en Espagne, bien que le coût du football à la télévision soit bien plus élevé dans ces pays. Cela montre que le problème n’est pas le prix, mais plutôt le positionnement. C’est pourquoi nous souhaitons repositionner la Ligue 1 comme un produit culturel, pour l’intégrer pleinement dans le quotidien et la société.

Pensez-vous que le déficit d’image du football en France est en partie dû aux affaires médiatiques qui prennent souvent le dessus sur les récits positifs ? Comment comptez-vous surmonter ces perceptions pour valoriser la Ligue 1 et la Ligue 2 ? 

J.D. : L’idée n’est pas de survendre le football, mais de raconter son histoire d’une manière différente, plus ouverte. Le football doit s’ouvrir à de nouvelles perspectives. En tant que Ligue, nous avons un rôle à jouer et une influence sur de nombreux aspects, mais nous ne pouvons pas imposer à un propriétaire de club d’investir plus s’il ne le souhaite pas. Notre responsabilité est donc de créer un cadre attractif qui donne envie aux investisseurs de s’engager. Il s’agit de mettre en place des leviers qui ne dépendent pas des choix individuels des propriétaires de clubs, mais qui incitent naturellement à investir.

Pensez-vous que ce positionnement de marque est un élément clé pour attirer de nouveaux partenaires ou investisseurs ? 

J.D. : Pour attirer des investissements dans le football, il est essentiel d’élargir la base de fans et l’audience. Nous nous réjouissons lorsque de nouveaux investisseurs s’intéressent au football, mais pour cela, il est crucial d’augmenter le nombre de souscripteurs et de consommateurs de la Ligue 1, qu’ils achètent des produits dérivés ou suivent la ligue de manière générale. C’est en s’associant aux industries d’excellence françaises que nous pourrons séduire de nouveaux partenaires et investisseurs.

Quel est le secret d’une relation agence annonceur réussie ? 

J.D. : Le secret réside dans une grande quantité d’échanges et de partage, ainsi que dans la passion. Dans notre cas, c’est un peu particulier, car le football attire naturellement des gens passionnés. Mais l’implication est essentielle. C’est l’implication et la passion qui sont au cœur de la réussite des collaborations. 

À chaque fois que j’ai travaillé avec des agences, le projet sur lequel elles travaillaient s’inscrivait dans une stratégie globale, ce qui parfois les amenait à prolonger la collaboration sur d’autres projets ou sujets. C’est un investissement en termes de temps, de relationnel, de transparence, mais l’implication et la passion restent les piliers. 

En tant qu’annonceur, il est important que l’agence ait ce niveau d’engagement, qu’elle veuille apporter des nouvelles idées, et ne se contente pas simplement de vendre un concept au client. Quand quelqu’un se satisfait simplement de présenter une idée sans chercher à l’améliorer, c’est là que ça devient problématique.

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