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Les biais cognitifs en UX Design : comment adapter les interfaces aux capacités humaines ?

Les biais cognitifs sont partout, présents dans notre vie de tous les jours. Et si nous apprenions à les percevoir et à les comprendre pour améliorer nos comportements… Et nos interfaces !

Illustration biais cognitifs

Dans les années 70, Amos Tversky et Daniel Kahneman, deux psychologues et économistes, introduisent le concept de « biais cognitif » dans leurs travaux de recherche sur la théorie des perspectives, fondatrice dans l’économie comportementale. Ils désignent alors le biais cognitif comme une altération dans le traitement cognitif d’une information chez l’humain. Depuis, les biais cognitifs font l’objet de nombreuses recherches en sciences cognitives et en psychologie. Environ 250 biais cognitifs sont recensés dans tous types de domaines : perception, logique, causalité, relations sociales…

Mais d’où vient exactement cette distorsion dans le traitement de l’information ?

Deux vitesses de la pensée

Lorsque nous devons prendre une décision, qu’elle soit plutôt ordinaire comme répondre au fameux « Salut, ça va ? » ou plus importante quand il s’agit, par exemple, d’acheter un article coûteux, le cerveau humain peut traiter cette information en deux étapes :  

En première étape, la pensée rapide et intuitive : « Ça va et toi ? ».

Ce système de décision est très économe en énergie car il demande peu de concentration et s’active dans nos décisions de tous les jours comme mettre un pied devant l’autre pour marcher.

En seconde étape, la pensée lente et raisonnée : « est-ce que, vraiment, j’ai besoin de m’acheter cet article qui coûte cher ? ». Celle-ci demande plus d'effort au cerveau qui dépense alors beaucoup d'énergie supplémentaire. Cette pensée secondaire intervient donc quand on juge le contexte suffisamment important, comme, par exemple, répondre à la dernière question de "Qui veut gagner des millions" ou plus sobrement lorsqu'il faut faire une restitution client à un meeting. C’est ce que nous enseigne le fameux proverbe : tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

Les biais cognitifs arrivent principalement quand le premier système de pensée prend la décision seul ou bien lorsque le second système de pensée ne va pas suffisamment la vérifier. Et cela arrive bien plus souvent qu’on ne le croit ! En effet, notre cerveau est très gourmand en ressources et pour économiser notre système tout entier, il évite les raisonnements coûteux qui demandent trop d’effort. Vous l’aurez compris, on raisonne donc principalement avec notre premier système de pensée : 95% des décisions sont prises avec notre pensée rapide et intuitive. Ce qui donne lieu à beaucoup de biais cognitifs !

Ces biais cognitifs sont partout dans notre vie de tous les jours et ont un impact sur notre façon de penser et d’agir, nos prises de décision, nos ressentis, etc. Les biais cognitifs sont d’autant plus puissants que nous ignorons bien souvent leur existence et leur impact.

  1 - « (…) bien qu’il (le cerveau) ne représente que 2% du poids humain, il consomme 20% des calories disponibles », VISONNEAU Antoine, Stratégies de Design UX, accélérer l’innovation et réduire l’incertitude, Ed. Eyrolles, p.148.

Les biais cognitifs sont parfois utiles

Il existe environ 250 biais cognitifs connus, liés à des raccourcis que notre cerveau utilise fréquemment pour éviter de dépenser trop d’énergie. Si ces raccourcis mentaux inconscients peuvent être à l’origine d’erreurs d’interprétation, de raisonnement ou de comportements inadaptés, ils sont néanmoins utiles voir même indispensables dans l’évolution de l’espèce humaine, comme le montre la typologie de l’écrivain Buster Benson qui met en évidence les grandes problématiques que les biais cognitifs nous aident à résoudre au quotidien.

 

Problème 1 : trop d’information

Les biais cognitifs évitent la surcharge d’information.

Pour filtrer en masse toute l’information qui nous entoure, le cerveau conserve en premier lieu les éléments en rapport avec ce qui a été récemment mémorisé ou ceux qui soutiennent nos idées préétablies. Nous privilégions ainsi les informations qui confirment nos propres croyances et ignorons plus facilement celles qui les contredisent. Le cerveau a tendance également à retenir et amplifier les informations surprenantes et inhabituelles. Ainsi, nous remarquons plus facilement les éléments textuels ou visuels qui se détachent des autres car ils captent davantage notre attention. 

 

Problème 2 : le manque de sens

Les biais cognitifs évitent la confusion en remplissant les vides. 

Pour faire face à l’inconnu, le cerveau humain a tendance à réorganiser son environnement avec les données qui l’entourent, faire appel à des stéréotypes et à des généralités, imaginer que les éléments familiers sont plus pertinents que ceux qui nous sont inconnus. Nous simplifions également souvent les nombres et les probabilités pour les appréhender plus facilement, estimons que tout le monde pense comme nous, projetons notre état d’esprit et nos croyances à un instant T sur le passé comme sur le futur. 

 

Problème 3 : le besoin d’agir vite

Les biais cognitifs permettent d’agir vite pour ne pas rater son tour.

Notre cerveau a tendance à prioriser ce qui est immédiat et plus flagrant. Nous favorisons les actions simples ou connues par rapport aux actions complexes et nouvelles. Nous sommes aussi davantage motivés à finir une tâche où nous nous sommes déjà investis. Nous minimisons également nos erreurs et si nous avons le choix, nous priorisons la solution la moins risquée.

 2 - John Manoogian III et Buster Benson ont  définit tous les biais cognitifs dans un infographie pour comprendre en détail leur fonctionnement : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_cognitif#/media/Fichier:The_Cognitive_Bias_Codex_(French)_-_John_Manoogian_III_(jm3).svg

Problème 4 : de quoi devons-nous nous rappeler ?

Les biais cognitifs aident à mémoriser le plus important.

Notre mémoire étant limitée, notre cerveau fait des choix sur les informations à retenir. Ainsi, il privilégiera les généralités en écartant les éléments spécifiques. Il réduira aussi les éléments pour n’en retenir que quelques-uns qui permettront de représenter la totalité. Le cerveau stocke également les souvenirs différemment selon la façon dont on a vécu l’expérience et aura tendance à les modifier ou à les renforcer. 

Les biais cognitifs en ergonomie

 Si les biais cognitifs nous permettent au quotidien d’économiser des ressources en prenant des raccourcis pour s’alléger de certaines informations ou situations, ils affectent néanmoins la perception de l’environnement. C’est notamment le cas lorsque nous utilisons un produit ou un service. 

En effet, nous ne voyons pas tout alors que certaines informations que nous filtrons sont malgré tout utiles voire importantes. Ainsi, pour réaliser des interfaces intuitives qui facilitent le travail du système perceptif, les UX Designers utilisent des principes issus de la recherche cognitive et notamment ceux de la Gestalt (une approche qui est à la fois thérapeutique, un corpus de concepts et un ensemble de pratiques visant un changement personnel, psychosocial et organisationnel) sur la proximité et la similarité. En jouant sur les espacements et la hiérarchie de contenus, l’UX Designer va créer des ensembles qui suggèrent une proximité fonctionnelle, sémantique ou visuelle entre plusieurs éléments d’une interface. Une bonne représentation facilitera alors la prise de décision. 

Les décisions rapides ne sont pas toujours les meilleures et parfois même contre-productives. Ainsi, par exemple, avant toute sortie définitive d’un tunnel d’achat, il est important d’afficher une pop-up de confirmation pour s’assurer que l’utilisateur souhaite bien quitter l’action entreprise. Autre cas, l’effet Ikea identifié par une étude américaine « When Labor Leads to Love » selon laquelle « les gens accordent une valeur disproportionnée aux produits qu’ils ont partiellement créés ». Les utilisateurs les plus investis ont beaucoup plus de mal à quitter un service que ceux moins engagés. L’UX Designer s’en sert comme levier de rétention pour fidéliser les utilisateurs, en leur permettant, par exemple, d’accéder à une démo pour tester un produit, afin qu’ils renforcent les liens qui les unissent à la marque.

Notre mémoire accroît les erreurs et rend biaisée nos processus de pensée. Il est alors utile de rappeler les informations importantes pour rassurer l’utilisateur et s’assurer qu'il les a bien retenues. 

Il ne faut pas oublier également, que la première impression est toujours la plus importante. Aussi appelé l’effet de halo, cela signifie que les premiers écrans que voit l’utilisateur sont déterminants dans son expérience car ils influencent plus que les autres la perception globale du service. L’esthétique des interfaces joue ainsi un rôle déterminant dans l’effet de halo, comme le montre une étude anglaise “Trust and Mistrust of Online Health Sites” menée sur quinze personnes confrontées à de graves problèmes de santé cherchant des informations et des conseils sur internet. Les sites jugés visuellement séduisants étaient considérés par les participantes comme plus dignes de confiance que les autres. Et si vous personnalisez votre contenu en mettant, par exemple, des images de personnes souriantes, cela suscitera davantage l’empathie et la confiance de l’utilisateur envers votre produit ou service.

 3 - The “IKEA Effect”: When Labor Leads to Love, étude réalisée en 2012 par Michael I. Norton, Daniel Mochon et Dan Ariely : https://www.hbs.edu/ris/Publication%20Files/11-091.pdf

 

Conclusion

 

Ce rapide aperçu des biais cognitifs importants à connaître dans le design web montre l’étendu de ces raccourcis cognitifs, très nombreux dans les outils et services digitaux. L’UX Design permet de créer une expérience utilisateur optimale qui repose essentiellement sur le premier système de pensée : c’est-à-dire lorsque l’utilisateur n’a pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour faire les bons choix. 

Interface adaptée aux capacités humaines

 

Car si les biais cognitifs ont à la fois un impact sur les utilisateurs d’un site ou d’une application, les conversions, le branding et le CA indirectement, ils ont également un impact sur VOUS et votre capacité à optimiser votre interface et votre stratégie marketing dans sa globalité. Faire appel à un UX Designer, c’est assuré d’avoir une expérience utilisateur réussie qui prend en compte les mécanismes et les modèles cognitifs.

 4 - Étude réalisée en 2004 par Elizabeth Sillence, Pam Briggs, Lesley Fishwick et Peter Harris : https://www.researchgate.net/publication/221516871_Trust_and_mistrust_of_online_health_sites


Sources : 

BOUTANG Jérôme et DE LARA Michel, Les Biais de l’esprit : comment l’évolution a forgé notre psychologie, 2019, Ed. Odile Jacob, Paris.

VISONNEAU Antoine, Stratégies de Design UX, accélérer l’innovation et réduire l’incertitude, 2017, Ed. Eyrolles, Paris.

WALTER Aarron, Design émotionnel, 2011, Ed. Eyrolles, Paris.

 

https://www.lunaweb.fr/blog/biais-cognitifs/

https://associationslibres.wordpress.com/2016/10/14/petit-guide-exhaustif-des-biais-cognitifs/

Modèle Algorithmique : John Manoogian III (jm3) – Modèle Organisationnel: Buster Benson : la cartographie « Codex » des biais cognitifs.