Comment l’Olympique de Marseille renforce sa marque avec le rap

Par Élodie C. le 10/12/2020

Temps de lecture : 8 min

À jamais les premiers ?

Oui ma gâtée, en bande organisée, c’est pas la capitale (non), c’est Marseille, bébé ! Depuis la victoire de l’Olympique de Marseille sur le PSG en septembre dernier, on pourrait croire que ce morceau de Jul et sept autres rappeurs marseillais est devenu l’hymne du club phocéen. Ce dernier n’a pas manqué de relayer sur ses propres réseaux sociaux détournement et punchlines y faisant référence, à l’instar des joueurs de l’équipe, Dimitri Payet en tête sur Instagram, et ses supporters.

Le lancement récent du label OM Records officialise l’histoire d’amour, longue de trois décennies, entre Marseille, ses rappeurs et son club de foot étoilé. D’IAM, la Fonky Family, Psy4 de la rime à Jul, Soso Maness et AM La Scampia, la communication du club a souvent été rythmée par le flow de ses rappeurs locaux, plus encore aujourd’hui que ce soit avec les OM Sessions, la présentation des maillots officiels du club ou l’arrivée de nouveaux joueurs.

Comment expliquer les liens étroits qui unissent l’OM et la culture rap ? Comment est née l’aventure OM Records, première mondiale dans l’univers du foot ?

Hervé Philippe, Chief Marketing & Media Officer de l’Olympique de Marseille, répond à nos questions dans cette nouvelle interview Parole d’annonceur.

L’Olympique de Marseille n’est pas seulement un club de football, mais une véritable marque, qui s’exporte, s’exprime, crée. Quel est le principal défi de la marque OM et son ambition dans les années à venir ?

Hervé Philippe : L’Olympique de Marseille est une institution de 120 ans, avec une résonance très forte en France et à l’étranger et qui a développé au fil des décennies un lien étroit avec sa ville, Marseille. Son authenticité, son histoire et la passion qui entoure ce club en font effectivement une entité unique. Si le développement du club passe par la diversification de son activité — afin de créer un cercle vertueux de création de valeur pour servir sa mission sportive —, elle devra toujours se faire en respectant son ADN, en magnifiant Marseille, ville cosmopolite et urbaine, et sa culture populaire.

À l’occasion du retour de l’Olympique de Marseille en Ligue des Champions, le club et Uber Eats ont lancé la campagne « Faim d’Europe ». Pour l’occasion, les rappeurs Alonzo et L’Algérino ont interprété un mini titre éponyme. Comment a été pensée cette campagne ? Est-ce votre partenaire maillot qui en est à l’origine ?

H.P. : Si le partenaire gère bien évidemment ses fenêtres de communication et ses différentes campagnes, il essaye toujours de se greffer à notre plateforme de marque pour être le plus cohérent possible. À l’OM, nous avons la chance d’avoir des partenaires avec des axes de développements similaires. Ce sont souvent de belles occasions pour collaborer ensemble tout en respectant les ambitions et fenêtres de communication de chacun. Une saison sportive offre d’ailleurs beaucoup d’opportunités et de créneaux différents.

L’intégration du rap dans la communication du club n’est pas une première. On peut même dire que la culture rap infuse à l’Olympique de Marseille depuis plusieurs décennies (d’IAM, à Psy4 puis Soprano en passant par Jul et l’Algerino). Même si plus généralement le rap et le foot sont très liés, pourquoi les liens entre la musique urbaine et l’Olympique de Marseille sont-ils plus forts que nulle part ailleurs en Ligue 1 ? (D’autres villes ont une scène rap et un club de foot, mais les deux ne sont pas aussi fortement liés)

H.P. : Difficile de répondre pourquoi, je pense que rien n’a été construit artificiellement et c’est ce qui fait que ce lien est authentique et fort. Marseille a une scène vibrante et l’OM est un acteur incontournable de cette ville, la rencontre entre les deux univers devait se faire et elle s’est faite depuis 30 ans maintenant. Cela fait donc un moment que l’OM a créé des liens avec les artistes marseillais, pour la plupart fans de foot et donc de l’OM.

Depuis, la musique urbaine est devenue le genre musical le plus écouté en France ! La création de OM Sessions, format « freestyle » pour découvrir les jeunes talents marseillais ou la création de notre label OM Records est un aboutissement qui vient symboliser notre volonté de promouvoir les talents de la région en France et à l’international.

La musique urbaine est présente dans de nombreuses communications du club, de la présentation des nouveaux joueurs en passant par la présentation du maillot de Ligue des champions dans le clip de Dibson, L’Étoile. Sat de la Fonky Family est également le nouveau speaker de l’OM depuis février dernier et la bande-son de l’Orange Vélodrome est majoritairement rap, comment se décident et se conçoivent ces productions ?

H.P. : Nous essayons toujours de trouver des artistes, fans de l’OM qui seraient prêts à avancer avec nous sur ces différents projets. Bien sûr, quand il s’agit d’une présentation d’un nouveau joueur, nous sommes très libres sur notre ligne éditoriale et le choix de l’artiste.

Quand cela se fait autour d’un lancement de maillot, comme nous avons pu le faire avec Puma, nous échangeons bien évidemment avec notre partenaire… Ayant un ADN et des ambitions très proches, les conversations avec notre équipementier sont extrêmement fluides et nous avançons main dans la main dans ce type de projet.

Concernant notre co-speaker Sat ou la bande-son à l’Orange Vélodrome, nous avons un département dédié à l’expérience des spectateurs les jours de match qui gère l’ensemble de ces sujets et qui met régulièrement à jour notre playlist et les différentes animations. Pas étonnant de retrouver à Marseille une tonalité très rap puisqu’il est devenu le genre musical numéro 1 en France et que de nombreux artistes marseillais trustent les premières places des meilleures ventes.

Depuis novembre 2019, vous avez lancé les OM Sessions, dont votre équipementier Puma, pour mettre à l’honneur des rappeurs marseillais au cours d’un freestyle dont l’unique contrainte est cinq mots imposés appartenant au champ lexical de l’OM et du football. D’où vient l’idée d’un tel projet, une première mondiale pour un club de foot ?

H.P. : Depuis 2019, nous avons en effet décidé de créer « OM Sessions » pour mettre en avant les jeunes talents de la ville lors de « freestyles » imaginés spécifiquement pour le format, produits par l’OM et diffusés sur nos plateformes sociales et nos 14 millions de fans à travers le monde. Avant le lancement de notre propre label, c’était effectivement une première approche dans le monde du rap pour lier ces deux univers de manière concrète. En parallèle de OM Records, nous allons d’ailleurs continuer ce format qui a rencontré un vrai succès et qui continue chaque mois de promouvoir un nouvel artiste de la scène marseillaise auprès de notre très large communauté sur les réseaux sociaux.

Le fait de récupérer, fin 2018, la gestion du stade Orange Vélodrome, auparavant aux mains de la ville, a-t-il accéléré ou tout simplement permis les initiatives précédemment évoquées ? Qu’est-ce que cela a changé dans la communication du club ?

H.P. : L’Orange Vélodrome est un des emblèmes de notre club, un des plus grands stades de France, situé au cœur de notre ville et non en périphérie comme nous pouvons le voir dans d’autres villes.

Avec la possibilité d’organiser des tournages, des shootings photo plus régulièrement et plus facilement, nous utilisons bien sûr le stade comme un décor naturel de nos différentes campagnes.

Mais cela va aussi bien au-delà de ça, puisque pendant les confinements liés au COVID, l’Orange Vélodrome a même été mis à disposition de diverses associations pour différentes opérations caritatives. Il fait partie du patrimoine de la ville…

Le 24 septembre dernier, vous avez lancé le label OM Records avec BMG, comme une suite logique, et finalement officielle, de la relation entre la culture rap et Marseille, dont le club est intrinsèquement lié. Quel est son objectif ?

H.P. : Sur ce projet, je crois qu’il y a avant tout une envie très forte de la part du club et de notre propriétaire Frank McCourt de magnifier Marseille et ses talents. Que nos actions aient un réel impact, que nous puissions ouvrir des portes aux talents marseillais. Le fait de s’associer à une major du monde de la musique, qui va jusqu’à « s’installer » à Marseille, est un message fort envoyé à la ville et à ses artistes. Nous travaillons opérationnellement sur ce projet depuis de nombreux mois, et Frank McCourt depuis plusieurs années maintenant avec le groupe Bertelsmann. Tous ces échanges se sont intensifiés en 2019 pour aboutir à notre annonce en septembre.

Qu’est-il attendu en termes de ROI, des vues sur YouTube, des ventes d’albums, trouver LA pépite rap, nouer un lien encore plus fort avec ses supporters, exporter Marseille à l’international, tout cela à la fois ?

H.P. : BMG va nous apporter sa connaissance de ce secteur spécifique et de la légitimité, nous n’aurions pas pu nous lancer seuls dans cette aventure tant le monde de la musique nécessite des experts à tous les étages (détection de talents, créativité, négociation, distribution, etc.). Pour la première fois une major va s’installer en dehors de Paris et nous espérons installer OM Records sur le long terme. Nous savons que cette industrie nécessite patience et humilité pour en faire un vrai succès à tous les niveaux.

Très peu de femmes sont représentées dans cet univers rap marseillais, Lanksy Namek (S01) et Soumeya (S02) dans OM Sessions, elles semblent pourtant présentes en nombre, en freestyle ou à l’Orange Vélodrome, comme le remix 100% rappeuses marseillaises de Bande organisée l’a montré. Comment l’expliquez-vous ?

H.P. : Vous donnez deux excellents exemples effectivement et je pense que nous essayons également de faire le maximum pour mettre également les femmes en avant. Keny Arkana a peut-être ouvert une voie il y a quelques années et nous espérons que plusieurs rappeuses reprendront le flambeau à l’avenir !

Habituellement, nous concluons nos interviews Parole d’annonceur avec une question sur la relation annonceur-agence. Nous allons aujourd’hui l’adapter : quel est le secret d’une relation réussie entre un club de foot et un rappeur (qui plus est supporter) ?

H.P. : La recette ? La passion ! Celui de l’artiste, celui du club, autour d’un projet commun. Nous restons sur des projets artistiques, créatifs, avec un ressenti qui sera toujours très subjectif. L’essentiel est de bien cadrer en amont le projet et donner un vrai sens à la collaboration, il est ensuite plus simple de corriger, rectifier pour remplir les objectifs initiaux.

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