C'est vraiment lui tu crois ?
Le deepfake est encore un outil technologique autour duquel les débats éthiques sont chaque fois remis sur la table. Utilisé à mauvais escient, il peut permettre de propager de nombreuses infox, mais utilisé de manière « récréative » sur Twitter, Instagram, et surtout sur TikTok, il semble plus amuser et divertir qu’autre chose.
À l’instar de Warner Bros qui vous intègre dans son trailer avec Hugh Jackman, le deepfake s’immisce aujourd’hui doucement dans le secteur publicitaire. Capable de modifier numériquement des images et des vidéos, il semble pouvoir offrir au secteur des possibilités qu’il n’avait pas jusqu’ici : « Nous avons réalisé que nous pouvions fournir un contenu de haute qualité sans devenir les otages de restrictions pandémiques sur les déplacements dans le monde. L’utilisation de la technologie permet de tourner des contenus plus rapidement et à moindre coût qu’en attirant des célébrités sur le plateau », a déclaré Vasily Bolshakov, directeur de la marque et de la communication marketing chez MegaFon – l’opérateur de services à l’origine de cette idée.
En effet, il semble que Bruce Willis soit devenu le premier acteur de renommée mondiale à avoir cédé ses droits l’image deepfake à des fins publicitaires. Figurant dans une nouvelle publicité pour des services de téléphonie mobile, l’acteur semble parler un russe irréprochable. Or, il s’avère qu’il ne parle pas un mot de russe et qu’il n’a jamais physiquement figuré dans ladite publicité.
Il y aurait-il tromperie sur la marchandise ? Eh bien oui, et non : en utilisant la « technologie de génération de visages » qui exploite les algorithmes de réseaux neuronaux pour analyser « 34 000 unités de contenu », le système deepfake a pu créer un double de l’acteur – identique à quelques détails près – pour « jouer » aux côtés du comédien russe Azamat Musagaliev.
Le deepfake semble permettre un retour sur investissement efficace pour les acteurs, autant que pour les productions. Il permet aux acteurs de jouer à plusieurs endroits du monde sans y être physiquement, et d’être rémunérés pour des projets très peu chronophages : « Cela pourrait être l’avenir du cinéma grand public du monde d’après : des superproductions locales avec des copies numériques de stars hollywoodiennes licenciées à, disons, 1/10 de leur salaire corporel », avait expliqué le scénariste et réalisateur Michael Idov, Selon Input.
Outre cette zone grise éthique pour les célébrités, les créateurs de contenus, et les créatifs à l’origine de la campagne qui déclarent « être ouverts sur la technologie que nous avons utilisée et qui n’induit personne en erreur » c’est l’essence même du cinéma qui est redéfinie : le lien réel entres les acteurs lors du jeu, et la vérité d’un corps et d’une parole dans un espace temps bien défini. Ce projet était visiblement une manière de sauver le secteur durant la pandémie, mais ne va-t-il pas paradoxalement le tuer en le perpétuant même après ?